30 mars 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
20/02958
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 30 MARS 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/02958 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OUGL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 28 mai 2020 – tribunal judiciaire de Béziers
N° RG 17/02793
APPELANTS :
Madame [M] [H]
née le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentée par Me Marie-Hélène BES, avocat au barreau de BEZIERS et par Me Jean POLLARD, avocat au barreau de VALENCE
Monsieur [P] [H]
né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représenté par Me Marie-Hélène BES, avocat au barreau de BEZIERS et par Me Jean POLLARD, avocat au barreau de VALENCE
INTIMES :
Madame [B] [U] épouse [Z]
née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Lola JULIE substituant Me Julien SICOT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant
Monsieur [V] [Z]
né le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 9] (Espagne)
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Lola JULIE substituant Me Julien SICOT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 JANVIER 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Frédéric DENJEAN, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
M. Frédéric DENJEAN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour prévu le 16 mars 2023, délibéré prorogé au 30 mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS ET PROCEDURE
Le 22 août 2007, un chèque n°0839235 du montant de 20.000 euros a été émis par M. ou Mme [P] [H] sur leur compte Crédit agricole Sud Rhône-Alpes, à l’ordre de M. ou Mme [V] [Z].
Ce chèque a été débité le 29 août 2007.
Le 6 août 2010, un chèque 3958186 du montant de 10.000 euros a été crédité sur le compte de M. ou Mme [P] [H].
Un chèque n°8112846 de 10.000 euros, daté du 26 octobre 2010, a été établi par M. [V] [Z] ou Mme [B] [Z] sur leur compte Bnp Paribas, à l’ordre de M. et Mme [P] [H].
En date du 31 juillet 2017, une mise en demeure de payer la somme de 10.000 euros a été adressée par l’avocat de M. et Mme [P] [H] à Mme [B] [Z] en lettre-recommandée avec avis de réception, retournée avec la mention « Pli avisé et non réclamé ».
Par un acte d’huissier de justice en date du 3 novembre 2017, M. [P] [H] et Mme [M] [H] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Béziers M. [V] [Z] et Mme [B] [Z], afin de les voir condamner à payer la somme de 10.000 euros au titre du solde de remboursement du prêt en date du 22 août 2007.
Par un jugement contradictoire du 28 mai 2020, le tribunal judiciaire de Béziers a statué comme suit :
– rejette la fin de non-recevoir présentée par M. [V] [Z] et Mme [B] [Z] tirée de la prescription de l’action en justice ;
– déboute M. [P] [H] et Mme [M] [H] de l’intégralité de leurs demandes ;
– condamne solidairement M. [P] [H] et Mme [M] [H] à payer M. [V] [Z] et Mme [B] [Z] une somme indivise de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamne solidairement M. [P] [H] et Mme [M] [H] à payer aux dépens de la présente instance avec possibilité de recouvrement direct par Me Julien Sicot des frais dont il a fait l’avance sans en avoir perçu provision en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu à prononcer l’exécution provisoire de la présente décision.
M. [P] [H] et Mme [M] [H] ont relevé appel de ce jugement par une déclaration en date du 20 juillet 2020.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par dernières prétentions remises par voie électronique le 8 juillet 2021, M. [P] [H] et Mme [M] [H] demandent à la cour, au visa des articles 1315, 1358, 1362, 1902 et 1904 du code civil, de :
– Infirmer le jugement, sauf en ce qu’il a rejeté la fin la fin de non-recevoir présentée par M. [V] [Z] et Mme [B] [Z] tirée de la prescription de l’action en justice,
– Débouter les époux [Z] de leur demande de rejet des témoignages produits par les époux [H] dans le cadre de la procédure d’appel,
Statuant à nouveau,
– Constater que les époux [H] rapportent la preuve de la matérialité de la remise d’un chèque d’un montant de 20.000 euros le 22 août 2007, établie au bénéfice des époux [Z],
– Constater l’encaissement de la remise d’un chèque d’un montant de 20.000 euros par les époux [Z] le 29 août 2007,
– Constater le remboursement partiel de la somme de 10.000 euros par les époux [Z] au profit des époux [H], venant en règlement du prêt consenti par les concluants, invertenu le 6 août 2010.
Au soutien de leurs prétentions, il font valoir que :
– le délai de prescription de cinq ans a commencé à courir non pas à compter de la date à laquelle a été consenti le prêt d’argent, mais à la date de la veille de la mise en demeure soit le 30 juillet 2017, de sorte que l’action est parfaitement recevable,
– la demande en paiement n’est pas intervenue en 2007 ni en 2010 mais le 31 juillet 2017, date à laquelle ils ont pris connaissance du refus des époux [Z] de remplir leur obligation en paiement,
– ils ont établi un chèque d’un montant de 20.000 euros à titre de prêt au profit des époux [Z] qui ont procédé à un premier remboursement de leur dette par un chèque de 10.000 euros,
– il ne peut s’agir d’une donation car il ont encaissé ce chèque, mais d’un prêt,
– la matérialité de la remise d’un chèque de 20.000 euros ne saurait être contestée, et aucune reconnaissance de dette n’a été établie du fait de la remise des fonds intervenue dans un contexte de confiance, du fait de leur lien de parenté de cousins,
– ils signalent dans leur correspondance du 6 septembre 2016 la qualité de prêt de l’argent remis,
– les époux [Z] ont commencé à rembourser une partie du prêt d’argent, ce qui établit un commencement d’exécution à leur obligation à remboursement.
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 17 octobre 2022, M. [V] [Z] et Mme [B] [Z] demandent à la cour, de :
A titre principal, infirmer le jugement et déclarer prescrite l’action engagée par les époux [H] ;
A titre subsidiaire,
– Ecarter des débats les attestations produites par les époux [H] ;
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;
Par conséquent,
– Constater l’absence d’obligation contractuelle et de démonstration d’une créance ;
– Débouter M. et Mme [H] de toutes leurs demandes ;
– Condamner solidairement M. et Mme [H] à payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens, avec recouvrement direct au profit de Me Julien Sicot conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, ils indiquent que :
– le premier acte d’interruption de prescription est l’assignation du 3 novembre 2017 soit plus de dix ans après le prétendu prêt,
– l’action engagée est prescrite conformément à l’article 2224 du code civil car en l’absence de terme suspensif la somme devait être immédiatement acquittée, et la mise en demeure du 31 juillet 2017 n’est pas constitutive d’un acte interruptif de prescription,
– la somme de 20.000 euros constitue une donation et non un prêt inventé de toute pièce, ce qui explique que les époux [H] n’aient rien exigé,
– les époux [H] demandeurs à l’action ne produisent aucun contrat de prêt,
– le numéro du chèque 3958186 de 10.000 euros n’est pas le même que celui encaissé, et n’a pu être encaissé avant d’être établi,
– le chèque de 10.000 euros dont se prévalent les requérants ne provient pas des comptes des époux [Z],
– la preuve de remise des fonds fait défaut, comme la démonstration de l’obligation de restitution de la somme versée,
– les attestations produites qui proviennent d’amis intimes ou de membres de la famille et ne prouvent rien sont à écarter des débats,
– M. et Mme [H] ne disposent d’aucun contrat, n’apportent pas la preuve d’une obligation de remboursement, n’apportent pas la preuve des règlements effectifs des sommes.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture en date 2 janvier 2023.
MOTIFS
L’article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Aux termes de l’article 1353 (ancien 1315) du même code celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Il est constant que :
– les demandeurs à l’action produisent la copie d’un chèque de 20.000 euros émis le 22 août 2007 par M. ou Mme [P] [H] à l’ordre de M. ou Mme [V] [Z], débité de leur compte comme il ressort de l’extrait de compte produit en pièce 7 par les appelants,
– le 6 août 2010, un chèque 3958186 de 10.000 euros a été crédité sur le compte de M. ou Mme [P] [H], mais sans que la mention de l’identité du payeur ne soit mentionnée sur l’extrait de compte produit,
– un chèque n°8112846 de 10.000 euros, daté du 26 octobre 2010, a été établi par M. [V] [Z] ou Mme [B] [Z] sur leur compte Bnp Paribas, à l’ordre de M. et Mme [P] [H], donc à une date postérieure au chèque encaissé le 6 août 2010.
– aucune demande de remboursement certaine n’est rapportée, autre que la mise en demeure adressée en date du 31 juillet 2017 à la seule Mme [B] [Z].
Il apparaît que les demandeurs à l’action ne justifient pas de la cause certaine de la remise des fonds de 20.000 euros puisqu’ils n’établissent pas qu’il peut s’agir moins d’une donation que d’un prêt, alors même qu’aucun document lié à leur versement n’a été établi à l’époque du versement, pas plus qu’ils ne rapportent l’existence d’un remboursement de 10.000 euros en rapport avec le versement de 20.000 euros.
En effet, comme l’a rappelé le premier juge, il est impossible matériellement d’encaisser un chèque daté du 26 octobre 2010 le 6 août 2010 soit avant même qu’il n’ait été établi, les références des chèques n’étant pas concordantes.
Ainsi aucun début de remboursement n’est établi, pas plus que l’existence d’un terme concernant le remboursement de la somme remise par les appelants, lesquels ne peuvent donc prétendre que le délai de prescription n’a pu courir à compter de la remise des fonds mais postérieurement, à une date qu’ils fixent à la veille de la mise en demeure soit le 30 juillet 2017, en tout état non interruptive de prescription.
Car cette mise en demeure, qui n’a pas été distribuée, n’a nullement pu constituer un acte interruptif de prescription, laquelle a donc nécessairement commencé à courir à compter de la remise des fonds de 20.000 euros, sans qu’aucun terme à leur prétendue restitution ne soit fixé.
Cette remise ayant eu lieu en date du 22 août 2007, l’assignation en date du 3 novembre 2017 est largement postérieure au 19 juin 2013, date d’expiration du nouveau délai de prescription déterminé en application des dispositions de la loi du 17 juin 2008.
Le premier juge a rejeté à tort la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Par conséquent, le jugement sera partiellement réformé.
Les appelants seront condamnés aux entiers dépens d’appel conformément à l’article 696 du code de procédure civile, avec distraction au profit de Me Julien Sicot conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire, mis à dispos
Réforme partiellement le jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en justice,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevable comme prescrite l’action en paiement de M. [P] [H] et Mme [M] [H],
Confirme le jugement en ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [P] [H] et Mme [M] [H] aux entiers dépens d’appel avec recouvrement direct au profit de Me Julien Sicot.
Condamne in solidum M. [P] [H] et Mme [M] [H] à payer en appel la sommes de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT