Prêt entre particuliers : 30 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/02785

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Prêt entre particuliers : 30 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/02785
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30 mai 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
20/02785

30/05/2023

ARRÊT N°23/328

N° RG 20/02785 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NYLX

MA – MCC

Décision déférée du 04 Septembre 2020 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MONTAUBAN – 17/01127

A-S. DÉRENS

[I] [W]

C/

[G] [X]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [I] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandre DELORD, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

INTIMÉ

Monsieur [G] [X],

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Thierry EGEA de la SELARL LEVI – EGEA – LEVI, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 14 Mars 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. DUCHAC, présidente

V. MICK, conseiller

M.C. CALVET, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. CENAC

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par C. DUCHAC, présidente, et par C. CENAC, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant jugement du 27 novembre 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Montauban a prononcé le divorce des époux [I] [W] et [G] [X] sur le fondement de l’article 233 du code civil et a ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux, renvoyant les parties à faire procéder aux opérations de liquidation et de partage de leurs intérêts patrimoniaux.

Par acte d’huissier du 25 septembre 2017, Mme [W] a assigné en partage judiciaire devant le tribunal de grande instance de Montauban.

Par jugement contradictoire du 4 septembre 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judicaire de Montauban a :

– dit que l’indivision post-communautaire est débitrice envers Mme [W] d’une indemnité correspondant au montant des mensualités des deux prêts communs payés par elle de janvier à avril 2014 pour un montant total de 3.343 euros ;

– dit que Mme [W] est débitrice envers l’indivision post communautaire d’une indemnité d’occupation de 640 euros par mois à compter de décembre 2013 à avril 2014 soit 3.200 euros ;

– dit que M. [X] est débiteur envers l’indivision post communautaire d’une indemnité d’occupation de 640 euros par mois, soit 3.200 euros d’août 2012 à décembre 2012 ;

– dit que l’indivision post-communautaire doit à Mme [W] la somme totale de 237,90 euros au titre des factures qu’elle a réglées pour le compte de l’indivision ;

– débouté Mme [W] de sa demande de remboursement de la somme de 30.000 euros ;

– renvoyé les parties devant Maître [N], notaire à [Localité 4] (Tarn-et-Garonne), [Adresse 1], pour l’établissement de l’acte de partage

– ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

Par déclaration électronique du 15 octobre 2020, Mme [I] [W] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :

– débouté Mme [W] de sa demande de condamnation de M. [X] à rembourser à Mme [W] la somme de 30 000 euros reçue en donation de ses parents ;

– dit que Mme [W] est débitrice envers l’indivision post-communautaire d’une indemnité d’occupation de 640 euros par mois, soit 3 200 euros de décembre 2013 à avril 2014.

Dans ses dernières conclusions d’appelant déposées le 14 janvier 2021, Mme [I] [W] demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– débouté Mme [I] [W] de sa demande de remboursement par M. [G] [X] de la somme de 30.000 euros ;

– dit que Mme [I] [W] était débitrice envers l’indivision post-communautaire d’une indemnité d’occupation de 640 euros par mois, soit 3200 euros entre décembre 2013 et avril 2014 ;

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

– condamner M. [X] à rembourser à Mme [W] la somme de 30.000 euros qu’elle avait reçue en donation de son beau-père avant le mariage ;

– dire que Mme [I] [W] n’est pas débitrice envers l’indivision post-communautaire d’une indemnité d’occupation, et rejeter toute demande de M. [G] [X] de ce chef ;

– condamner M. [G] [X] à verser à Mme [I] [W] une somme de 2.000 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance ;

– confirmer ledit jugement pour le surplus.

L’intimé M. [G] [X] a constitué avocat mais n’a pas déposé de conclusions.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 27 février 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 14 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, lorsqu’une partie ne conclut pas en appel, elle est réputée s’approprier les motifs des premiers juges en ce qu’ils ont fait droit à sa demande.

Sur la créance d’un montant de 30.000 euros :

Mme [W] soutient par voie d’infirmation qu’elle est créancière à l’encontre de M. [X] d’une somme de 30.000 euros qu’elle lui a prêtée, provenant d’une donation consentie le 15 août 2010 par son beau-père, M. [M] [L], soit avant le mariage.

Elle expose que postérieurement au mariage qui a eu lieu le 3 septembre 2010, à savoir à la date du 28 septembre 2010, elle a fait un chèque d’un montant de 30.000 euros au bénéfice de M. [X] qui avait souscrit quatre emprunts auprès de la société Caisse d’Epargne avant leur union, et ce afin qu’il procède au remboursement anticipé de ces crédits pour permettre l’obtention d’un crédit immobilier du Crédit immobilier de France qui ne pouvait être accordé aux époux qu’après apurement des crédits personnels contractés par l’époux.

L’appelante produit :

– la copie du chèque d’un montant de 30.000 euros émis le 15 août 2010 par M. [M] [L] à son profit et du justificatif du dépôt de cette somme sur son compte bancaire,

– la copie du chèque qu’elle a tiré le 28 septembre 2010 sur son compte bancaire détenu à la société Le Crédit Lyonnais au profit de M. [X] d’un montant de 30.000 euros.

En première instance, il ressort des motifs du jugement attaqué que M. [X] n’a pas contesté avoir reçu cette somme mais a fait valoir qu’il s’agissait d’une donation consentie par son épouse.

De plus, l’appelante établit qu’une demande a été faite le 24 septembre 2010 par le Crédit immobilier de France de produire le justificatif du remboursement des crédits souscrits auprès de la Caisse d’Epargne pour compléter l’acceptation par les époux [W] [X] de l’offre de crédit immobilier ainsi qu’une attestation de la Caisse d’Epargne mentionnant que M. [X] a intégralement soldé le 29 septembre 2010 les quatre crédits qu’il avait souscrits.

Il en résulte que la preuve de la remise des fonds par Mme [W] à M. [X] en vue de solder les emprunts personnels que ce dernier avait contractés avant le mariage auprès de la Caisse d’Epargne, et ce afin de permettre aux époux d’obtenir un crédit immobilier du Crédit immobilier de France est rapportée.

La preuve de la remise des fonds à une personne ne suffit pas pour jusitifier l’obligation de celle-ci à les restituer, alors que M. [X] a soutenu en première instance avoir bénéficié d’une libéralité de la part de son conjoint.

Il incombe à Mme [W], qui invoque l’existence d’un prêt, d’en rapporter la preuve conformément aux règles qui régissent la preuve des actes juridiques en application de l’article 1315 ancien du code civil devenu l’article 1353.

Aux termes de l’article 1341 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable à la cause, il doit être passé acte devant notaire ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, soit la somme de 1.500 euros.

Mme [W] admet l’absence d’un écrit entre les parties ou d’une reconnaissance de dette de la part de M. [X] et se prévaut de l’impossibilité morale de se procurer une preuve littérale de l’acte juridique au sens de l’article 1348 ancien du code civil en raison des liens du mariage.

C’est à tort que le premier juge a considéré que Mme [W] ne justifiait pas s’être trouvée moralement dans l’impossibilité de demander à son mari le remboursement de la somme de 30.000 euros alors que le texte précité fait obligation pour la partie qui se prévaut de l’exception à la règle posée par l’article 1341 ancien du code civil d’établir soit qu’elle n’a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l’acte juridique, soit qu’elle a perdu le titre qui servait de preuve littérale par suite d’un cas fortuit ou d’une force majeure.

L’appelante démontre qu’elle se trouvait dans l’impossibilité morale d’exiger de son époux un écrit quelques jours seulement après la célébration du mariage le 3 septembre 2010 au vu des solides liens affectifs existant entre eux à cette période et de leurs intérêts communs puisqu’ils avaient le projet de souscrire un crédit immobilier en vue de financer l’acquisition de leur futur domicile conjugal.

Dans l’impossibilité morale d’avoir pu se procurer un écrit, l’appelante doit recourir au commencement de preuve par écrit selon l’article 1347 ancien du code civil qui s’entend de tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée et qui rend vraisemblable le fait allégué.

En l’espèce, Mme [W] produit un SMS qui lui a été envoyé le 1er octobre 2010 par M.[G] [X], soit après la remise du chèque de 30.000 euros, dont la teneur n’a pas été contestée devant le premier juge, ainsi libellé ‘Tu merite d’avoir le bonheur tu vas trouver 1 homme a ta hauteur rassure toi je v de rendre l argents je ne suis pas 1 profiteur pardon pr tout’.

Contrairement à ce qu’a retenu le premier juge en estimant que les termes de ce message étaient imprécis et généraux, il convient de considérer que par des termes clairs et non équivoques M. [X] se reconnaît dans ce message redevable d’une somme d’argent envers son épouse et lui promet de la lui restituer.

De plus l’appelante produit deux attestations de M. [M] [L] et deux attestations de Mme [H] [J], sa mère, dont il ressort que M. [M] [L] a établi un chèque d’un montant de 30.000 euros au profit de Mme [I] [W], que cette somme a été utilisée pour solder les emprunts souscrits par M. [X] avant son mariage et ainsi permettre aux époux d’obtenir un crédit immobilier pour acheter leur maison et que M. [X] a promis de rembourser cette somme d’argent qu’il a reçue.

Il importe peu que les auteurs de ces attestations aient affirmé dans leur première attestation que M. [X] devait restituer la somme reçue à M. [M] [L], puis qu’elles aient rectifié leur déclaration initiale dans leur seconde attestation en précisant que ladite somme donnée par M. [L] à Mme [W] devait être restituée à cette dernière par M. [X] dès lors qu’il est établi que c’est bien elle qui avait été bénéficiaire d’une donation de la part de M. [L] d’une somme d’argent de 30.000 euros remise par chèque dûment encaissé.

Le commencement de preuve constitué par le SMS envoyé par M. [X] rend vraisemblable le fait allégué et est suffisamment corroboré par ces témoignages, de sorte que la preuve du prêt d’argent à hauteur de 30.000 euros par Mme [W] à M. [X] et l’obligation de remboursement de ce dernier sont rapportées.

En outre, il est démontré par les pièces probantes ci-dessus analysées que la somme d’argent prêtée a été utilisée pour solder les crédits souscrits par M. [X] avant le mariage et constituant des dettes personnelles contractées par l’époux, de sorte que l’épouse détient une créance sur l’époux d’un montant de 30.000 euros.

Dans ces conditions, le jugement attaqué sera infirmé en ce qu’il a débouté Mme [W] de sa demande de remboursement de la somme de 30.000 euros. Statuant à nouveau, il convient de condamner M. [X] à payer à Mme [W] la somme de 30.000 euros correspondant à une créance entre époux au titre de la somme d’argent prêtée à l’époux par l’épouse et que celle-ci avait reçue en donation antérieurement au mariage.

Sur l’indemnité d’occupation :

Aux termes de l’article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. L’indivisaire qui use et jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.

Mme [W] soutient par voie d’infirmation qu’elle n’est pas redevable d’une indemnité d’occupation. Elle expose que l’ordonnance de non-conciliation est intervenue le 17 novembre 2014, de sorte que l’indivision post-communautaire a débuté au jour de cette ordonnance en application de l’article 262-1 du code civil.

Pour fixer l’indemnité d’occupation due par Mme [W] pour l’occupation de l’immeuble commun sis à [Localité 5] constituant l’ancien domicile conjugal à la somme de 640 euros du mois de décembre 2013 au mois d’avril 2014, le premier juge a considéré que l’intéressée, qui s’en rapportait à justice sur la demande de condamnation formée par M. [X] à hauteur de 800 euros par mois pour cette période, ne contestait pas la valeur locative de 800 euros par mois hors charges ressortant de l’avis de l’agence ABI du 9 novembre 2017 produit par ce dernier et appliqué l’abattement de 20 % pour occupation précaire qu’elle sollicitait.

L’article 262-1 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause dispose qu’à la demande de l’un des époux dans le cadre de l’action en divorce, le juge peut fixer les effets du jugement à la demande à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer ; que la jouissance du domicile conjugal par un seul des époux conserve un caractère graduit jusqu’à l’ordonnance de non-conciliation sauf décision contraire du juge.

Il ressort du jugement de divorce prononcé par le tribunal de grande instance de Montauban le 27 novembre 2015 passé en force de chose jugée que la date des effet du divorce dans les rapports entre les époux en ce qui concerne leurs biens a été fixée au 4 janvier 2012. Il y est indiqué que les époux se sont entendus sur cette date du 4 janvier 2012. C’est donc conformément à l’accord des époux que le juge a fixé la date des effets du divorce antérieurement à l’ordonnance de non-conciliation selon la faculté ouverte par l’article 262-1 du code civil précité.

Mme [W] ne conteste pas avoir occupé l’ancien domicile conjugal pendant la période litigieuse. Elle ne fournit aucun avis de valeur locative émanant d’un professionnel venant contredire l’avis de valeur qui avait été produit par M. [X] devant le premier juge.

Dans ces conditions, le jugement attaqué sera confirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles d’appel et les dépens :

Mme [W] succombant partiellement en son appel, il convient de dire que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel.

En considération de l’équité, il convient de dire n’y avoir lieu à paiement d’une somme au titre des frais irrépétibles exposés en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Mme [W] sera en conséquence déboutée de sa demande présentée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans la limite de sa saisine,

Infirme le jugement attaqué en ce qu’il a débouté Mme [I] [W] de sa demande de remboursement de la somme de 30.000 euros ;

Statuant à nouveau de ce chef infirmé,

Condamne M. [G] [X] à payer à Mme [I] [W] la somme de 30.000 euros correspondant à une créance entre époux au titre de la somme d’argent prêtée à l’époux par l’épouse et que celle-ci avait reçue en donation antérieurement au mariage ;

Confirme le jugement attaqué pour le surplus ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

Dit n’y avoir lieu à paiement d’une somme au titre des frais irrépétibles exposés en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute en conséquence Mme [I] [W] de sa demande présentée à ce titre ;

Dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

C. CENAC C. DUCHAC

.

 


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