30 janvier 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
22/01318
MINUTE N° 23/100
Copie exécutoire à :
– Me Marion BORGHI
–
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 30 Janvier 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/01318 – N° Portalis DBVW-V-B7G-HZYL
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 octobre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de MULHOUSE
APPELANTE :
S.A. BNP PARIBAS
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Marion BORGHI, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉ :
Monsieur [U] [K]
[Adresse 2]
[Localité 3]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme MARTINO, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme MARTINO, Présidente de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
Madame DAYRE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRET :
– réputé contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Selon convention du 5 avril 2014 et avenant du 16 mars 2019, Monsieur [U] [K] a ouvert un compte courant dans les livres de la Sa BNP Paribas.
Selon offre préalable du 8 février 2019, la société BNP Paribas a consenti à Monsieur [U] [K] un prêt de regroupement de crédit d’un montant de 10 015 €, remboursable en 57 mensualités de 205,85 € assurance comprises, avec un taux d’intérêt débiteur de 5,37 %.
Selon offre préalable du 26 février 2019, la société BNP Paribas a consenti à Monsieur [U] [K] un crédit renouvelable d’un montant maximum de 2 000 €.
Faisant valoir que le solde du compte courant est demeuré en position débitrice depuis le 10 mai 2019, malgré mise en demeure et que des échéances des contrats de crédit sont restées impayées à compter de juillet 2019, ce qui a entraîné la déchéance du terme, la société BNP Paribas a assigné Monsieur [U] [K] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse par acte du 5 mai 2021, aux fins de le voir condamner à lui payer la somme de 4 180,49 € avec intérêts au taux contractuel de 18,40 % l’an à compter du 25 novembre 2019 au titre du solde du compte bancaire, de voir prononcer à titre subsidiaire, la résolution judiciaire de la convention d’ouverture de compte et de voir condamner le débiteur au paiement des mêmes sommes ; de le voir condamner à lui payer la somme de 10 273,32 € avec intérêts au taux contractuel de 5,37 % à compter du 12 avril 2021 au titre du prêt personnel, outre la somme de 750,27 € majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 novembre 2019 au titre de l’indemnité de résiliation de 8 % ; de le voir condamner à payer la somme de 2 665,03 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 15,30 % à partir du 12 avril 2021 au titre du solde du crédit renouvelable, ainsi que la somme de 167,79 € majorée des intérêts
au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 novembre 2019 au titre de l’indemnité de résiliation de 8 % et aux fins de le voir condamner aux entiers dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
À l’audience du 17 septembre 2021, le premier juge a soulevé d’office les moyens relatifs à la forclusion et aux causes de déchéance du droit aux intérêts.
L’appelante a fait valoir qu’elle n’encourait pas la forclusion et s’en est rapportée quant à la déchéance du droit aux intérêts.
Monsieur [U] [K] n’a pas comparu.
Par jugement du 29 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :
-rejeté les demandes formées par la Sa BNP Paribas au titre du solde débiteur du compte courant n° 24548213 de Monsieur [U] [K],
-rejeté les demandes formées par la Sa BNP Paribas au titre du prêt personnel conclu le 8 février 2019,
-rejeté les demandes de la Sa BNP Paribas au titre du crédit renouvelable Provisio conclu le 26 février 2019,
-condamné la Sa BNP Paribas aux entiers dépens,
-débouté la Sa BNP Paribas de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-rappelé que l’exécution provisoire du jugement est de droit.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu qu’en l’absence d’historique complet du compte courant, le tribunal n’était pas en mesure de déterminer la date exacte du dépassement du découvert autorisé ; qu’il n’appartient pas au tribunal de reprendre l’intégralité des relevés de compte pour déterminer le dépassement du découvert autorisé et recenser tous les frais et intérêts appelés depuis ; que la banque n’établit ni l’absence de forclusion ni le montant de sa créance ; que la date du premier incident de paiement non régularisé quant au crédit de regroupement ne peut être vérifiée en l’absence d’historique complet du compte ; que les documents produits ne permettent pas de déterminer le montant de la créance après déchéance du droit aux intérêts ; qu’il en est de même pour le crédit renouvelable Provisio.
La Sa BNP Paribas a interjeté appel de cette décision le 31 mars 2022.
Par écritures notifiées le 11 avril 2022, elle conclut à l’infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et demande à la cour de :
Au titre du compte bancaire :
-condamner Monsieur [U] [K] à payer à la société BNP Paribas la somme de 4 180,49 € majorée des intérêts au taux contractuel de 18,40 % l’an à compter de la mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception du 25 novembre 2019 jusqu’au parfait paiement,
A titre subsidiaire, pour le cas où la cour estimerait que la clôture juridique du compte n’est pas valablement intervenue à défaut de mise en demeure préalable,
vu l’article 1224 à 1230 nouveaux du code civil,
-prononcer la résolution judiciaire de la convention d’ouverture de compte consentie par la société BNP Paribas à Monsieur [U] [K] le 5 avril 2014 à ses torts exclusifs,
En conséquence,
-condamner Monsieur [U] [K] à payer à la société BNP Paribas la somme de 4 180,49 € majorée des intérêts au taux contractuel de 18,40 % l’an à compter de la mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception du 25 novembre 2019 jusqu’au parfait paiement,
Au titre du prêt personnel du 8 février 2019 :
-condamner Monsieur [U] [K] à payer à la société BNP Paribas la somme de 10 273,32 € majorée des intérêts au taux contractuel de 5,37 % l’an à compter du 12 avril 2021 jusqu’au parfait paiement,
-condamner Monsieur [U] [K] à payer à la société BNP Paribas, au titre de l’indemnité de résiliation de 8 %, la somme de 750,27 € majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 novembre 2019 jusqu’à parfait paiement,
Au titre du contrat Provisio du 26 février 2019 :
-condamner Monsieur [U] [K] à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 665,03 € majorée des intérêts au taux contractuel de 15,30 % l’an à compter du 12 avril 2021 jusqu’à parfait paiement,
-condamner Monsieur [U] [K] à payer à la société BNP Paribas, au titre de l’indemnité de résiliation de 8 %, la somme de 167,79 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 novembre 2019 jusqu’à parfait paiement,
En tout état de cause,
-condamner Monsieur [U] [K] aux entiers dépens de l’instance,
-condamner Monsieur [U] [K] au paiement d’une somme de 2 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que le compte courant a fonctionné en position débitrice à compter du 10 mai 2019 malgré mise en demeure, ce qui a entraîné la clôture du compte par lettre recommandée du 25 novembre 2019 ; qu’elle n’encourt aucune forclusion de sa créance ; que concernant le prêt de regroupement de crédit, elle s’est conformée à ses obligations contractuelles et précontractuelles ; que Monsieur [U] [K] n’a pas régularisé les échéances impayées malgré mise en demeure du 23 septembre 2019, de sorte qu’elle s’est prévalue de la déchéance du terme ; qu’elle n’encourt de même aucune forclusion, le premier incident de paiement non régularisé datant du 4 juillet 2019 ; qu’elle s’est de même acquittée de ses obligations dans le cadre du crédit renouvelable dont la première échéance échue non régularisée date du 7 juillet 2019 ; qu’elle avait versé aux débats en première instance l’intégralité des duplicata des relevés de compte permettant d’écarter la forclusion et de calculer sa créance.
Monsieur [U] [K], à qui la déclaration d’appel et les conclusions d’appel ont été signifiées par acte d’huissier du 19 avril 2022 remis à sa personne, n’a pas constitué avocat.
MOTIFS
En vertu des dispositions de l’article R 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à la suite de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion. Cet événement est la date du premier incident de paiement non régularisé.
En présence d’une autorisation de découvert, le délai de forclusion court à compter du dépassement du découvert autorisé, non régularisé à l’issue du délai de trois mois prévus à l’article L 312-93 du même code.
Sur le solde débiteur du compte courant n° 24548213 :
La société BNP Paribas verse aux débats l’intégralité du relevé du compte courant depuis son ouverture, permettant d’établir que ce compte, doté d’une autorisation de découvert de 300 €, a présenté un solde débiteur excédant le découvert autorisé le 8 avril 2019 ; que ce solde débiteur s’est maintenu au 8 mai 2019, puis s’est accru au 8 juin 2019 pour passer à 5 551,74 €, puis à 6 820,05 € au 8 juillet 2019 et à 6 069,72 € au 8 août 2019.
Il en résulte que le délai de forclusion a commencé à courir à l’issue d’un délai de trois mois à compter du 8 avril 2019, soit le 9 juillet 2019. L’assignation, délivrée le 5 mai 2021, soit moins de deux ans après cette date, n’est donc pas tardive.
En revanche, il incombait à la banque de se conformer aux dispositions de l’article L 312-93 du code de la consommation et de proposer à l’emprunteur un autre type d’opération de crédit au sens du 4° de l’article L. 311-1.
La carence de l’appelante entraîne la déchéance du droit aux intérêts et aux frais.
Les pièces versées aux débats montrent que le compte, clôturé effectivement à défaut de régularisation de l’impayé malgré mise en demeure préalable, qui permettait à la banque de se prévaloir de la résiliation de la convention, présentait un solde débiteur de 6 095,49 €, dont a été déduit une somme de 1 915 € versée ultérieurement en plusieurs acomptes par Monsieur [U] [K]. Du solde de 4 180,49 € déterminé in fine par la banque, il convient de retrancher une somme totale de 340 € au titre de frais et intérêts, au titre de la déchéance du droit aux intérêts.
Monsieur [U] [K] sera en conséquence condamné à payer à l’appelante la somme de 3 840,49 €.
Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du présent arrêt, la déchéance du droit aux intérêts conventionnels étant suffisamment effective au regard du taux d’intérêt contractuel de 18,40 %.
Sur le prêt personnel :
L’appelante justifie avoir rempli ses obligations contractuelles et précontractuelles au titre du prêt personnel destiné à regrouper des crédits consentis le 8 février 2019.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 23 septembre 2019, la société BNP Paribas a mis Monsieur [U] [K] en demeure de régler des échéances impayées à compter du 4 juillet
2019 pour la somme de 411,72 € dans un délai de 15 jours, sous peine d’exigibilité anticipée des sommes dues au titre du crédit.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 25 novembre 2019, la banque s’est prévalue de la déchéance du terme, à défaut de régularisation de la situation.
L’examen du relevé de compte de l’emprunteur montre que les échéances de remboursement du prêt ont été acquittées jusqu’au mois de juin 2019 ; que l’échéance de juillet 2019 constitue le premier incident de paiement non régularisé, dans la mesure où les échéances suivantes n’ont de même pas été acquittées.
Compte tenu de la délivrance de l’assignation le 5 mai 2021, il convient de constater que la société BNP Paribas n’est pas forclose en son action.
Selon décompte produit, l’appelante est en droit d’obtenir paiement d’une somme de 9 378,38 € au titre du capital restant dû à la date de déchéance du terme et de la somme de 894,94 € au titre des intérêts courus à compter de la date du premier impayé jusqu’au 12 avril 2021, soit 10 273,32 € portant intérêt au taux contractuel de 5,37 % l’an à compter du 13 avril 2021 sur la somme de 9 378,38 €.
Il lui sera de même alloué la somme de 750,27 € au titre de l’indemnité de résiliation de 8 % du capital dû, portant intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur le crédit renouvelable :
Il sera constaté que l’appelante s’est acquittée de ses obligations contractuelles et précontractuelles lors de la conclusion du contrat de prêt renouvelable Provisio.
Elle verse aux débats le détail des opérations mensuelles permettant de retracer les différentes utilisations du compte, ainsi que le justificatif du paiement des échéances, dont il résulte qu’elles ont été acquittées jusqu’à celle du mois de juin 2019 inclus.
Le premier incident de paiement non régularisé se situant au mois de juillet 2019, la demande est recevable, étant relevé que Monsieur [U] [K] a été régulièrement mis en demeure de s’acquitter des arriérés sous peine de déchéance du terme et que la banque a pu se prévaloir de cette résiliation anticipée du contrat à défaut de régularisation dans les délais impartis.
Selon décompte, l’appelante est en droit d’obtenir paiement d’une somme de 2 097,41 € au titre du solde débiteur du compte, outre la somme de 567,62 € au titre des intérêts courus au taux
contractuel à compter du premier impayé jusqu’au 12 avril 2021, soit la somme de 2 665,03 € portant intérêt au taux contractuel de 15,30 % l’an à compter du 13 avril 2021 sur la somme de 2 097,41 €, ainsi que de la somme de 167,79 € au titre de l’indemnité de 8 % du capital dû, portant intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront infirmées.
Partie perdante, Monsieur [U] [K] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à l’appelante la somme de 700 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
INFIRME le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
DECLARE recevables les demandes formées par la Sa BNP Paribas,
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de la Sa BNP Paribas au titre du solde débiteur du compte courant,
CONDAMNE Monsieur [U] [K] à payer à la Sa BNP Paribas la somme de 3 840,49 € au titre débiteur du solde du compte courant, portant intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,
CONDAMNE Monsieur [U] [K] à payer à la Sa BNP Paribas la somme de 10 273,32 € portant intérêt au taux contractuel de 5,37 % l’an à compter du 13 avril 2021 sur la somme de 9 378,38 €, au titre du prêt personnel,
CONDAMNE Monsieur [U] [K] à payer à la Sa BNP Paribas la somme de 750,27 € au titre de l’indemnité de résiliation de 8 % du capital dû, portant intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,
CONDAMNE Monsieur [U] [K] à payer à la Sa BNP Paribas la somme de 2 665,03 € portant intérêt au taux contractuel de 15,30 % l’an à compter du 13 avril 2021 sur la somme de 2 097,41 € au titre du crédit renouvelable Provisio,
CONDAMNE Monsieur [U] [K] à payer à la Sa BNP Paribas la somme de167,79 € au titre de l’indemnité de 8 % du capital dû, portant intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,
CONDAMNE Monsieur [U] [K] à payer à la Sa BNP Paribas la somme de 700 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [U] [K] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La Greffière La Présidente