3 mai 2023
Cour d’appel d’Agen
RG n°
21/00995
ARRÊT DU
03 Mai 2023
JYS / NC
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N° RG 21/00995
N° Portalis DBVO-V-B7F -C6FI
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CRCAM PYRÉNÉES GASCOGNE
C/
[T] [F]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 206-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL PYRÉNÉES GASCOGNE pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS TARBES 776 983 546
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Anne-Laure PRIM, SELARL PGTA, avocate au barreau du GERS
APPELANTE d’un jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’AUCH en date du 27 septembre 2021, RG 20/00435
D’une part,
ET :
Monsieur [T] [F]
né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 7]
de nationalité française
domicilié : [Adresse 8]
[Localité 2]
représenté par Me Guy NARRAN, membre de la SELARL GUY NARRAN, avocat au barreau d’AGEN
INTIMÉ
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 12 octobre 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller
qui en a rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre lui-même de :
Claude GATÉ, présidente de chambre, et Dominique BENON, Conseiller
en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffière : Lors des débats : Charlotte ROSA , adjointe administrative faisant fonction
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
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FAITS
Par convention du 8 novembre 2013, [T] [F] a ouvert un compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX04] à l’agence de [Localité 6] (Gers) de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne avec carte bancaire et découvert autorisé de moins de trois mois au taux maximal de 15,07 %. Suivant acte de prêt notarié du 9 décembre 2013, la même Caisse a consenti à [P] [L] et [T] [F] un prêt immobilier de 310 000 euros. Cet immeuble à [Localité 6] (Gers) a été adjugé à l’audience du 2 mai 2021 sur la poursuite de la Caisse.
Suivant offre du 29 mai 2018, [T] [F], en qualité de consommateur au revenu déclaré de 3 120 euros de salaires mensuels de cuisiniste, a obtenu une faculté de découvert en compte de 2 500 euros remboursable dans un délai entre 1 mois et 3 mois pour ses besoins ; il était en train de créer son entreprise, la SASU ‘Deco In’ dont il a été le gérant salarié, immatriculée en novembre 2018.
Le 1er août 2019, la Caisse a mis en demeure [T]. [F] de régler son découvert en compte personnel de 35 161,86 euros sous quinzaine, à défaut de clôture du compte courant.
Suivant acte d’huissier délivré le 5 mars 2020, la Caisse a fait assigner [T] [F] devant le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Auch pour être condamné sur le fondement des articles 1103, 1193, 1154, 1342-2 et suivants du code civil et L311-1 et suivants du code de la consommation, en principal, à payer 35 161,86 euros au titre du compte courant n° [XXXXXXXXXX04] outre les intérêts contractuels capitalisés par année entière.
Reconventionnellement, [T]. [F] a mis en cause la responsabilité de la Caisse dans la clôture de son compte personnel pour avoir abusé dans la rupture des découverts et lignes de crédit par cartes bancaires et il réclamé à titre de dommages et intérêts la somme de 36 000 euros en compensation de sa dette sur le fondement du dommage de la saisie immobilière de la maison du couple.
Par jugement contradictoire en premier ressort, le tribunal a :
– débouté les parties de l’intégralité de leurs prétentions,
– condamné la Caisse aux entiers dépens de l’instance,
– rappelé que la présente décision est de plein droit, assortie de l’exécution provisoire.
Pour débouter la Caisse, le tribunal a jugé que la régularité de la procédure de clôture de compte n’est pas justifiée, de par sa carence à produire l’intégralité des relevés de compte des trois mois précédant le 1er août 2019, à l’appui de la mise en demeure de régulariser le découvert en compte.
Pour débouter [T]. [F], le tribunal a jugé que le mal fondé de son inscription au fichier des incidents de remboursements des crédits aux particuliers n’est pas justifié en l’état des relevés successifs de compte débiteurs jusqu’à 2 002,84 euros au 28 juin 2019.
PROCÉDURE
Suivant déclaration au greffe de la cour, la Caisse a fait appel des chefs, sauf le débouté de la partie adverse de l’intégralité de ses prétentions, de dispositif dudit jugement, le 29 octobre 2021 ; elle a intimé [T]. [F].
Selon conclusions visées au greffe le 27 janvier 2022, la Caisse demande, en infirmant le jugement et jugeant à nouveau, de :
– condamner [T]. [F] à lui payer 35 161,86 euros au titre du compte courant [XXXXXXXXXX04] outre intérêts contractuels,
– dire que les intérêts échus produiront intérêts dès lors qu’ils sont dus pour au moins une année entière,
– condamner [T]. [F] à payer 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’appelante explique qu’une erreur aurait été commise en ne justifiant pas du seul relevé de compte de juillet 2019 (à la pièce 4 ‘relevés de comptes’ de son dossier) mais que cette lacune est comblée.
Elle expose qu’au moyen de ses deux cartes bancaires le 26 juillet 2019, [T]. [F] a débité son compte personnel de 7 963,85 euros + 5 231,96 euros + 4 532,69 euros = 17 815,01 euros et de 8 965,30 euros + 5 835,20 euros, soit 32 615,51 euros à une société OXXEO et elle fait valoir que le compte ne fonctionnait pas normalement avec ces paiements. Elle ajoute que [T]. [F] se versait des sommes exorbitantes, comme de 28 850 euros le 30 avril, 23 700 euros le 31 mai et 38 000 euros le 26 juin 2019 de virements de l’entreprise dont il est le gérant.
Selon conclusions visées au greffe le 21 avril 2022, [T]. [F] demande de :
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– condamner la Caisse à lui payer 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la Caisse aux dépens d’appel.
L’intimé expose qu’il a demandé le 26 août 2019 au service du contentieux de la Caisse, les contrats dûment signés par lui précisant les conditions d’utilisation des encours de ses cartes bancaires vu que le conseiller financier l’avait autorisé verbalement à les dépasser dans l’attente de l’ouverture du compte de son entreprise tardivement en février 2019. Il fait valoir qu’aucun décompte de la somme de 35 161,86 euros ne lui permet de connaître son découvert bancaire, lequel s’est créé par des raisons professionnelles non abusives, pour connaître les montants des éléments de la dette au jour de la demande. La caisse n’a pas respecté le délai de soixante jours du code de la consommation pour clôturer le compte et les motifs de la rupture des crédits sont restés injustifiés.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
Le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure le 14 septembre 2022.
MOTIFS
1/ sur la clôture du compte :
L’article 5.10 ‘résiliation du contrat’ des conditions générales du crédit stipule que : » a) l’emprunteur peut résilier’ b) Le prêteur peut résilier le contrat à tout moment moyennant un préavis de deux mois’ c) en cas de clôture du compte, l’autorisation de découvert existant sur le compte est exigible au jour de la clôture du compte et ce, quelle qu’en soit la cause’ ».
Le compte personnel de dépôt de [T]. [F] a été débiteur de 1 570 euros le 30 avril 2019, de 301,04 euros le 31 mai 2019 et de 2 002,84 euros le 28 juin 2019. En l’absence d’offre acceptée de prêt personnel au-delà de trois mois du fonctionnement en découvert autorisé, [T]. [F] avait l’obligation de ramener le montant du compte à un solde positif avant les trois mois révolus de son fonctionnement débiteur.
La clôture du compte personnel de dépôt de [T]. [F] était justifiée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
2/ sur la responsabilité de la Caisse :
L’article 5.11 ‘déchéance du terme’ au même contrat de crédit stipule que » le prêteur a la possibilité de se prévaloir de l’exigibilité immédiate du présent contrat de crédit en capital, intérêts et accessoires sans qu’il soit besoin d’aucune autre formalité notamment judiciaire malgré une mise en demeure de régulariser adressée à l’emprunteur par tout moyen, de préférence lrar, restée sans effet dans les 15 jours dans les cas suivants : a) non-paiement des sommes exigibles en un ou plusieurs versements, total ou partiel, b) dépassement du montant du crédit attribué’ « .
La Caisse justifie que par lettre recommandée du 1er août 2019 avec accusé de réception signé le 6 suivant, elle a mis en demeure son client [T]. [F] de régulariser son découvert non autorisé à hauteur de 35 021,86 euros dans le délai de 15 jours. La réclamation de ce montant est justifiée à l’euro juste à la communication des relevés mensuels du 1er mai au 31 juillet 2019 de son compte personnel de dépôt et à l’état de son compte joint avec Mme [P] [L], débiteur de 1 506,40 euros ainsi qu’au compte personnel de cette dernière, débiteur de 35,12 euros. La correspondance de la caisse précise que la déchéance du terme est applicable sans autre préavis et que la clôture juridique des comptes courants entraînera l’exigibilité de la totalité du solde débiteur en principal, des intérêts et frais et des accessoires jusqu’au parfait paiement.
Le montant de 35 021,86 euros de la demande en remboursement est justifié.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
L’article L311-12 du code monétaire et financier dispose :
» Tout concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l’établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l’entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. L’établissement de crédit ou la société de financement ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d’autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.
L’établissement de crédit ou la société de financement n’est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise.
Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l’établissement de crédit ou de la société de financement « .
L’examen de la situation du compte de [T]. [F] démontre que sa solvabilité était irrémédiablement compromise par le niveau extrêmement bas du solde négatif atteint malgré le recours de son titulaire à des sommes provenant de la trésorerie de son entreprise à hauteur de 90 550 euros au second trimestre de 2019. La Caisse n’était manifestement plus tenue au délai de préavis de clôture du compte de soixante jours dans le contexte très litigieux des trois dernières remises de sommes exorbitantes du patrimoine de la SASU ‘Deco In’ au patrimoine de [T]. [F].
La preuve d’une faute contractuelle ou légale de la Caisse n’est pas rapportée. La demande en réparation financière n’est pas fondée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
3/ sur les dépens :
En application de l’article 696 du code de procédure civile, [T]. [F] qui succombe définitivement en toutes ses demandes en appel, les supportera intégralement.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Infirme le jugement, sauf le débouté de [T] [F] de l’intégralité de ses prétentions,
Statuant à nouveau sur les chefs non confirmés,
Condamne [T] [F] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne la somme de 35 161,86 euros au titre du compte courant [XXXXXXXXXX04] outre intérêts contractuels,
Dit que les intérêts échus produiront intérêts dès lors qu’ils sont dus pour au moins une année entière,
Condamne [T] [F] aux entiers dépens.
Condamne [T] [F] à payer 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu l’article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, conseiller ayant participé au délibéré en l’absence de Mme la présidente de chambre empêchée, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Conseiller,