Prêt entre particuliers : 3 juillet 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/01942

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Prêt entre particuliers : 3 juillet 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/01942

3 juillet 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG
22/01942

N° RG 22/01942 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LLYN

C3

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Marie-catherine CALDARA-BATTINI

Me Pascale HAYS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU LUNDI 03 JUILLET 2023

Appel d’une décision (N° RG 19/00872)

rendue par le Tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 11 avril 2022

suivant déclaration d’appel du 18 mai 2022

APPELANT :

M. [F] [I]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté et plaidant par Me Marie-Catherine CALDARA-BATTINI, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

La société BPCE LEASE, (anciennement dénommée NATIXIS LEASE) Société Anonyme au capital de 354 096 074 €, ayant son siège social, [Adresse 4], immatriculée au RCS de PARIS sous le n°379 155 369, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ;

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Pascale HAYS, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Dalila ALAOUCHICHE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 mai 2023, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport, assistée de Mme Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

En janvier 2016, M. [F] [I] et Mme [R] [M] ont constitué la SAS Les Halles de Saint Marcel qui a été immatriculée au RCS de Marseille le 22 janvier 2016.

Cette société a conclu le 18 février 2016 auprès de la société Natixis Lease (devenue par la suite BPCE Lease)’:

un contrat de crédit-bail n°925424 portant sur une chambre froide d’une valeur de 19.200€ TTC remboursable en 60 mensualités à compter du 9 mars 2016,

un contrat de crédit-bail n° 925460 portant sur une vitrine réfrigérée, un congélateur, et du matériel de labo, pour une valeur globale de 44.450,10€ TTC, remboursable en 60 mensualités à partir du 22 février 2016.

Par actes séparés du 18 février 2016, M. [I] et Mme [M] se sont chacun portés caution solidaire, avec renonciation aux bénéfices de discussion et de division, des engagements de la société Les Halles de Saint Marcel auprès du crédit-bailleur.

Le cautionnement accordé par M. [I], gérant de cette société, était limité à’:

19.200€ en principal, intérêts et le cas échéant pénalités ou intérêts de retard, pendant une durée de 72 mois au titre du contrat n°925424,

44.450,10€ en principal, intérêts et le cas échéant pénalités ou intérêts de retard, pendant une durée de 72 mois au titre du contrat n°925460.

Le matériel a été livré le 22 février 2016.

La société les Halles de Saint Marcel a cessé d’honorer le remboursement des loyers des deux contrats de crédit-bail.

En août 2016, M. [I] a cédé ses parts sociales à M. [U], sans solliciter la mainlevée de ses engagements de caution,et a démissionné de ses fonctions de président.

Le 26 septembre 2016, Natixis Lease a envoyé à la société Les Halles de Saint Marcel deux mises en demeure en recommandé avec AR d’avoir à s’acquitter des loyers impayés pour chacun des deux contrats de crédit-bail'(AR signés mais non datés) ; elle a également adressé le même jour, deux courriers recommandés avec AR à M. [I] le mettant en demeure de s’acquitter de ces loyers impayés en sa qualité de caution (courriers réceptionnés le 8 octobre 2016).

Par courriers recommandés avec AR du 28 novembre 2016, Natixis Lease a notifié à la société Les Halles de Saint Marcel ainsi qu’aux cautions la résiliation des deux contrats de crédit-bail pour non paiement des loyers et l’obligation de restitution des matériels financés, avec mise en demeure de payer les arriérés de loyers impayés.

La société Les Halles de Saint Marcel a repris le paiement des loyers à partir de décembre 2016.

Par jugement du 26 mars 2018, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé la liquidation judiciaire de cette société et a désigné la SCP J.P Louis & A.Lageat en qualité de liquidateur judiciaire.

Natixis Lease a déclaré sa créance au passif de cette procédure collective le 10 avril 2018 à hauteur de 30.409,61€ au titre du contrat n°925460 et 12.469,72€ au titre du contrat n°925424, et a notifié à M. [I] cette déclaration de créance avec mise en demeure d’exécuter ses engagements de caution suivant courrier recommandé avec AR du même jour.

Autorisée par le liquidateur judiciaire à récupérer ses matériels faisant l’objet des contrats de crédit-bail, Netixis Lease s’est vue répondre le 11 juin 2018 par le commissaire-priseur que M. [U], président de la société Les Halles de Saint Marcel, l’ayant informé que celle-ci ne possédait aucun actif, ces matériels n’avaient donc pas été inventoriés.

Après ultime mise en demeure adressée par courrier recommandé avec AR du 11 septembre 2018 à M. [I] d’avoir à payer, en sa qualité de caution solidaire, la somme de 42.879,33€ sous huitaine au titre des deux contrats de crédit-bail (courrier réceptionné le 18 septembre 2018), Natixis Lease a initié à son encontre une procédure d’injonction de payer.

Par ordonnance du 20 décembre 2018, le président du tribunal de grande instance de Grenoble a fait injonction à M. [I] de payer à Natixis Lease la somme de 42.879,33€ en principal avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2018.

Le tribunal judiciaire de Grenoble, statuant sur l’opposition formée le 7 mars 2019 par M. [I] à l’encontre de cette ordonnance qui lui avait été signifiée le 12 février 2019, par jugement contradictoire du 11 avril 2022, a’:

condamné M. [I] à payer à BPCE Lease, anciennement Natixis Lease, la somme de 31.973,24€ avec intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2017, ce en derniers ou quittance, qui devra tenir compte des versements de Mme [M], co-obligée,

débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur la responsabilité délictuelle de BPCE Lease, anciennement Natixis Lease,

débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,

condamné M. [I] à payer à BPCE Lease, anciennement Natixis Lease, la somme de 1.500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [I] aux entiers dépens de l’instance,

rappelé que l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration déposée le 18 mai 2022, M. [I] a relevé appel.

Dans ses dernières conclusions déposées le 31 mars 2023 sur le fondement des articles L.341.4 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, 1134 (dans sa version applicable au litige), 1231-1, 1240, 1343-5, 1347, 1347-1, 2037 du code civil, 462 du code de procédure civile, M. [I] demande à la cour de’:

infirmer le jugement entrepris en ce’:

il l’a condamné à payer à BPCE Lease, anciennement Natixis Lease, la somme de 31.973, 24€ avec intérêt au taux légal à compter du 13 septembre 2017, ce en deniers et quittance qui devra tenir compte des versements de Mme [M], coobligée, en retenant ses engagements de caution n’étaient pas manifestement disproportionnés et qu’il n’en était pas déchargé,

il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts fondée sur la responsabilité délictuelle de BPCE Lease, anciennement Natixis Lease,

il l’a condamné à payer à la BPCE Lease, anciennement Natixis Lease, la somme de 1.500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de l’instance,

statuant à nouveau,

à titre principal,

juger que les engagements de caution qu’il a consentis eu égard à ses engagements préexistants et à ses biens et revenus, étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus,

juger que BPCE Lease ne peut les lui opposer,

juger qu’en tout état de cause, qu’ eu égard à la renonciation par BPCE Lease au bénéfice de sa garantie, il se trouve déchargé de ses obligations au titre des engagements de caution qu’il a souscrit,

débouter BPCE Lease de ses demandes,

à titre subsidiaire, si par extraordinaire il était condamné en sa qualité de caution,

juger que BPCE Lease a commis une faute en ne tirant pas les conséquences de la résiliation en 2016 et en ne récupérant pas le matériel,

juger que cette faute lui a généré un préjudice pour consistant en sa condamnation en sa qualité de caution,

juger que son préjudice est du montant des sommes mises à sa charge,

en conséquence,

condamner BPCE Lease à lui payer la somme de 33.573,24€, outre indemnité au taux légal à compter du 13 septembre 2018, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé BPCE Lease,

ordonner la compensation entre les sommes le cas échéant mises à sa charge et celles mises à la charge de BPCE Lease,

à titre infiniment subsidiaire, rectifier l’erreur matérielle contenue dans le jugement de première instance qui n’a pas repris dans le dispositif les délais octroyés dans les motifs,

en tout état de cause,

juger bien fondée sa demande de délais,

lui octroyer les plus larges délais de paiement,

condamner BPCE Lease au paiement d’une somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Dans ses dernières conclusions déposées le 13 avril 2023 au visa des articles 1103, 1240 et 2288 du code civil, BPCE Lease demande à la cour de’:

confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

en tout état de cause,

débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

condamner le même à lui payer la somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 mai 2023.

MOTIFS

A titre liminaire, il est observé que M. [I] ne discute pas à hauteur d’appel la validité intrinsèque de ses engagements de caution, tant sur le fond que sur la forme, et qu’il ne discute pas davantage le montant de la créance de BPCE Lease au paiement duquel il a été condamné en sa qualité de caution.

Sur la disproportion des engagements de caution

L’article L.341-4 du code de la consommation (devenu article L. 332-1) dispose qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et à ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où elle a été appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient la caution qui prétend que son engagement était disproportionné au jour de la souscription, de le prouver.

La disproportion s’apprécie au jour de la conclusion de l’engagement au regard du montant de l’engagement, des biens et revenus et de l’endettement global. En cas d’engagements de caution multiples, cette disproportion s’apprécie à la date de chacun d’entre eux.

Si le créancier a recueilli ces éléments auprès de la caution, la disproportion s’apprécie au vu des déclarations de la caution dont le créancier, en l’absence d’anomalies apparentes, n’a pas vérifier l’exactitude’; en l’absence de vérification malgré une anomalie apparente, la caution peut prouver les éléments non vérifiés.

Le fait pour le créancier de ne pas s’être renseigné n’a pas pour effet de dispenser la caution de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle invoque mais lui permet de rapporter cette preuve par tous moyens, étant rappelé que l’établissement d’une fiche de renseignements préalablement à la régularisation d’un engagement de caution n’est pas une obligation légale.

Si l’engagement n’était pas disproportionné au jour de la souscription, le créancier peut s’en prévaloir sans condition de proportionnalité au jour où la caution est appelée.

Si l’engagement était disproportionné au jour de la souscription et que le créancier entend s’en prévaloir, il lui incombe de prouver que le patrimoine de la caution lui permet d’y faire face au moment o elle est appelée, soit au jour de l’assignation.

A l’égard d’une personne mariée sous le régime de communauté légale réduite aux acquêts, la disproportion manifeste de son engagement de caution s’apprécie tant au regard de ses biens propres et de ses revenus que des biens communs, en ce compris les revenus de son conjoint, quand bien même ce dernier n’aurait pas donné son consentement exprès conformément à l’article 1415 du code civil, ce consentement n’ayant d’effet que sur le gage des créanciers.

Il résulte de la fiche de renseignements situation personnelle remplie manuscritement et signée par M. [I] le 18 février 2016, que celui-ci a déclaré’:

être marié sous le régime de la communauté universelle,

exercer l’activité de président de la société La Halle de Saint Marcel,

percevoir un revenu professionnel annuel de 18.000€,

supporter des charges annuelles de 12.800€ (10.800€ / an au titre d’un prêt immobilier d’une durée restante de 22 ans souscrit auprès de la BPPC, 3.000€/ an au titre d’ un prêt personnel souscrit auprès de la même banque d’une durée restante de 1 an, et une autorisation de découvert de 2.000€),

être propriétaire d’un appartement d’une valeur estimée à 215.000€ pour lequel il restait devoir au titre du prêt immobilier une somme de 178.000€, précisant qu’il s’agissait d’un bien de communauté,

concernant son épouse, il a déclaré un salaire annuel de 21.400€ et au titre des charges, une autorisation de découvert de 500€.

Par ailleurs, M. [I] établit par son avis d’imposition 2016 au titre des revenus 2015 qu’il assumait la charge d’un enfant mineur.

Ainsi, l’actif net global s’établit à 63.100€ soit [18.000 +21.400 +215.000] – [12.800 +500+178.000].

M. [I] ayant souscrit simultanément à la même date du 18 février 2016 les deux actes de cautionnement litigieux, sans qu’il soit possible d’en déterminer le rang de souscription, et par là-même de retenir comme disproportionné le second engagement en tant que portant le cautionnement global à 63.650,10€, il doit être retenu que ces deux engagements de caution sur le fondement desquels il est poursuivi en paiement étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus à la date de leur souscription.

A l’époque où M. [I] a été appelé en paiement par ordonnance d’injonction de payer du 20 décembre 2018 pour un montant de 42.879,33€, il n’est pas démontré par BPCE Lease que la situation financière de celui-ci s’était améliorée’; en tout état de cause, le crédit-bailleur ne peut pas utilement se fonder sur l’avis d’imposition établi en 2020 au titre des revenus perçus en 2019 et il ne communique aucun élément permettant d’appréhender les ressources et charges de la caution au 20 décembre 2018′; de même, le tribunal ne pouvait pas utilement se référer dans sa motivation à l’avis d’imposition 2020.

Il résulte de ces constatations et considérations que BPCE Lease qui ne peut pas se prévaloir des engagements de caution manifestement disproportionnés au jour de leur souscription, ne peut pas davantage s’en prévaloir au jour où elle a appelé la caution dès lors qu’elle ne démontre pas qu’ à cette date, le patrimoine de M. [I] lui permettait de faire face à son obligation.

En conséquence, le jugement est infirmé sans qu’il y ait lieu de statuer plus avant sur les autres prétentions de la caution fondées sur l’article 2037 du code civil et celles présentées à titre subsidiaire.

Sur les mesures accessoires

Succombant dans ses prétentions , BPCE Lease est condamnée aux dépens de première instance et d’appel’et conserve la charge de ses frais irrépétibles exposés dans l’instance’; elle est condamnée à verser à M. [I] une indemnité de procédure.

Le jugement déféré est infirmé en conséquence.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit les engagements de caution solidaire par M. [F] [I] inopposables à la société BPCE Lease , anciennement Natixis Lease, comme étant manifestement disproportionnés à ses biens et revenus au 18 février 2016, n’étant pas démontré par ailleurs que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au jour où elle a été appelé,

Condamne la société BPCE Lease , anciennement Natixis Lease, à verser à M. [F] [I] une indemnité de procédure de 2.000€,

Déboute la société BPCE Lease, anciennement Natixis Lease, de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, y compris en appel,

Condamne la société BPCE Lease, anciennement Natixis Lease aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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