29 mars 2023
Cour d’appel de Pau
RG n°
22/02701
CF/CD
Numéro 23/01137
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 29/03/2023
Dossier : N° RG 22/02701 – N°��Portalis DBVV-V-B7G-IKWT
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés par des véhicules terrestres à moteur
Affaire :
[Y] [M]
C/
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 29 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 15 Février 2023, devant :
Madame FAURE, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l’appel des causes,
Madame [D], en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Madame REHM, Magistrate honoraire
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [Y] [M]
né le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté et assisté de Maître MOUTET FORTIS de la SCP MOUTET-LECLAIR, avocat au barreau de PAU
INTIME :
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES représenté par son Directeur Général sur délégation du conseil d’administration, dont le siège social est
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU
Assisté de Maître TUILLIER, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE
sur appel de la décision
en date du 22 SEPTEMBRE 2022
rendue par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU
RG numéro : 21/01273
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [Y] [M] a été l’auteur d’un accident de la circulation routière ayant entraîné la mort de son cousin Monsieur [E] [M].
Par jugement du tribunal correctionnel de Pau, Monsieur [Y] [M] a été déclaré coupable de diverses infractions dont l’homicide involontaire par conducteur sous l’empire d’un état alcoolique et conduite d’un véhicule sans permis.
Par jugement du 23 novembre 2004, le tribunal de grande instance de Pau a fixé le montant des préjudices subis par Madame [F] [T], concubine du défunt, à 26 303,39 euros et le montant des préjudices subis par l’enfant, [P] [M], à 18 293,66 euros.
Par attestation de paiement en date du 24 juin 2021, le Fonds de garantie des victimes a justifié avoir réglé la somme totale de 81 086,85 euros au bénéfice de Monsieur [P] [M] et Madame [I] [T].
Le fonds de garantie des victimes a adressé plusieurs mises en demeure à Monsieur [Y] [M] afin d’obtenir le remboursement des sommes réglées à titre de provision.
Monsieur [Y] [M] s’est engagé à des règlements mensuels. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 octobre 2013, le fonds de garantie des victimes lui a rappelé la somme restant due d’un montant de 73 172,63 euros.
Par acte d’huissier de justice en date du 19 juillet 2021, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages a fait assigner Monsieur [Y] [M] sur le fondement de l’article L.421-1 du code des assurances, devant le tribunal judiciaire de Pau, aux fins de voir condamner Monsieur [Y] [M] à lui verser la somme de 67 192,63 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2013, outre la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Par conclusions notifiées par RPVA le 24 mars 2022, Monsieur [Y] [M] a saisi le juge de la mise en état aux fins de voir déclarer irrecevable la demande du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.
Suivant ordonnance contradictoire en date du 22 septembre 2022 (RG n° 21/01273), le juge de la mise en état a :
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [Y] [M] aux fins de prescription de l’action,
– déclaré l’action du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages recevable,
– condamné M. [Y] [M] à verser au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Monsieur [Y] [M] aux dépens de l’incident,
– renvoyé l’affaire à la mise en état du 17 novembre 2022 pour conclusions au fond de Me Moutet Fortis.
Le juge de la mise en état a constaté :
– l’action du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommage est une action subrogatoire soumise au régime de l’article 2226 du code civil,
– le dommage a été constitué par le décès de Monsieur [E] [M] le 22 juillet 2001,
– la prescription a commencé à courir le 22 juillet 2001 jusqu’au 22 juillet 2011, toutefois Monsieur [Y] [M] règle sa dette mensuellement à hauteur de 65 euros depuis le 21 août 2008 et le dernier paiement est en date du 12 juin 2021,
– Monsieur [Y] [M] a reconnu être débiteur de la somme de 15 244,90 euros et ne peut prétendre ne pas être informé du montant total de sa dette dès lors que le jugement civil du 23 novembre 2004, contradictoire à son égard, établit le montant total. Il n’a jamais contesté le solde de sa dette alors qu’il a reçu plusieurs courriers de la part du Fonds de garantie, la prescription a été interrompue par les paiements de Monsieur [M].
Monsieur [Y] [M] a relevé appel par déclaration du 6 octobre 2022 (RG n° 22/02701), critiquant l’ordonnance dans l’ensemble de ses dispositions.
Suivant avis de fixation adressé par le greffe de la cour, l’affaire a été fixée selon les modalités prévues aux articles 905 et suivants du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 13 octobre 2022, Monsieur [Y] [M], appelant, statuant sur le fondement des articles 789 du code de procédure civile et 2224 du code civil, entend voir la cour :
– réformer l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Pau du 22 septembre 2022,
statuant à nouveau,
– déclarer irrecevables comme étant prescrites les demandes formées par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à l’encontre de Monsieur [Y] [M],
– condamner le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à payer à Monsieur [M] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages aux entiers dépens.
Monsieur [Y] [M] fait remarquer que les paiements intervenus se sont imputés sur la somme de 15 244,90 € qu’il a reconnu devoir et que, ainsi, la prescription du paiement de la somme de 73 172,63 € n’a pas été interrompue par ces règlements, d’autant que le paiement de cette somme était déjà prescrit lors de la mise en demeure du 17 octobre 2013.
Par conclusions déposées le 27 octobre 2022, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, entend voir la cour :
à titre principal,
– recevoir en la forme l’appel incident du Fonds de garantie et, au fond, y faisant droit, réformer l’ordonnance entreprise, et débouter M. [M] de sa contestation, la déclarer irrecevable par application de l’article R. 421-16 du code des assurances, faute pour lui d’avoir contesté judiciairement, dans les trois mois de la mise en demeure du 17 octobre 2013, le montant de la créance du Fonds de garantie et par voie de conséquence, de sa demande tendant à faire juger prescrite l’action récursoire de cet organisme,
très subsidiairement,
– débouter M. [M] de sa demande tendant à faire déclarer forclose l’action du Fonds de garantie, ses remboursements, effectués du 16 décembre 2002 jusqu’au 12 juin 2021, ayant interrompu le délai de prescription de l’article 2226, conformément aux dispositions de l’article 2240 du code civil, alors que Monsieur [M], qui avait connaissance du montant total de sa dette à l’égard du Fonds de garantie, ne l’a jamais contestée et ne peut prétendre qu’il remboursait le montant de la maigre réclamation initiale de cet organisme,
– débouter M. [M] de ses demandes présentées devant la cour et confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise,
en toutes hypothèses,
– condamner M. [M] à payer au Fonds de garantie une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Le Fonds de Garantie forme un appel incident pour soulever l’irrecevabilité de la demande de Monsieur [M] en application des articles L 421-3 et R 421-16 du code des assurances puisqu’il n’a formé aucune contestation dans les trois mois de la mise en demeure sur le montant de sa créance.
Subsidiairement, la prescription applicable est celle de l’article 2226 du code civil qui prévoit une durée de dix ans. Le Fonds de Garantie oppose que sa créance a un fondement unique soit le décès de Monsieur [E] [M] et que les versements échelonnés jusqu’au 12 juin 2021 ont interrompu à chaque reprise la prescription.
Vu l’ordonnance de clôture du 15 février 2023.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir :
L’article L 421-3 du code des assurances dans sa version applicable à l’espèce prévoit que le fonds de garantie est subrogé dans les droits que possède le créancier de l’indemnité contre la personne responsable de l’accident ou son assureur. Il a droit, en outre, à des intérêts calculés au taux légal en matière civile et à des frais de recouvrement. Lorsque le fonds de garantie transige avec la victime, cette transaction est opposable à l’auteur des dommages, sauf le droit pour celui-ci de contester devant le juge le montant des sommes qui lui sont réclamées du fait de cette transaction. Cette contestation ne peut avoir pour effet de remettre en cause le montant des indemnités allouées à la victime ou à ses ayants droit.
L’article R 421-16 du code des assurances invoqué par le Fonds de Garantie dispose que sans préjudice de l’exercice résultant de la subrogation légale du fonds de garantie dans les droits que possède le créancier de l’indemnité contre l’auteur de l’accident ou l’assureur, le fonds de garantie a le droit de réclamer également au débiteur de l’indemnité : d’une part, des intérêts qui sont calculés au taux légal depuis la date du paiement des indemnités lorsque celles-ci ont été fixées judiciairement, ou depuis la mise en demeure adressée par le fonds de garantie lorsque les indemnités ont été fixées par une transaction ; d’autre part, une allocation forfaitaire qui est destinée à couvrir les frais de recouvrement et dont le montant est fixé sur les bases que détermine un décret pris sur proposition du ministre du budget.
Le cas échéant, le fonds de garantie recouvre également sur le débiteur de l’indemnité la contribution mentionnée au 2° de l’article R. 421-27.
Lorsque l’auteur des dommages entend user du droit de contestation prévu par l’article L. 421-3, il doit porter son action devant le tribunal compétent dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure de remboursement adressée par le fonds de garantie.
La mise en demeure prévue aux alinéas ci-dessus résulte de l’envoi par le fonds d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Il est opposé par Monsieur [M] le non-respect du délai de trois mois prévu à l’article R 421-16 précité pour contester la créance du Fonds de Garantie. Toutefois, cette contestation n’est ouverte que si elle porte sur une transaction entre le Fonds de Garantie et la victime, opposable à l’auteur responsable de l’accident.
Or, en l’espèce, l’indemnité allouée à Madame [T], concubine de la victime décédée et à son fils [P] [M] ne résulte pas d’une transaction mais d’un jugement du tribunal de grande instance de Pau statuant sur intérêts civils du 23 novembre 2004 auquel Monsieur [Y] [M] était partie ainsi que le Fonds de Garantie.
Aussi, ce délai de trois mois n’est pas applicable en l’espèce d’autant que la contestation ne porte pas sur le montant alloué à la victime mais sur une fin de non-recevoir.
La fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [Y] [M] est donc recevable et l’ordonnance du juge de la mise en état qui n’a pas statué sur ce moyen sera complétée à cet effet.
Sur la prescription
C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription en appliquant les articles 2226 et 2240 du code civil en retenant une prescription décennale à compter du 22 juillet 2001, date du décès de Monsieur [E] [M] et des actes interruptifs de prescription jusqu’au 12 juin 2021, date du dernier paiement par Monsieur [M]. Le premier juge à juste titre a considéré que Monsieur [M] ne pouvait ignorer le montant total de sa dette, lequel lui avait été rappelé en outre par une mise en demeure du 17 octobre 2013 de la part du Fonds de Garantie.
Il convient de préciser que Monsieur [M] ne peut prétendre que sa dette est limitée à 15 244,90 € et que le surplus est prescrit alors que la dette totale a été fixée par un jugement du 23 novembre 2004 qui lui est opposable et que le fait qu’il établisse une reconnaissance de dette uniquement sur ce montant de 15 244,90 € ne portant que sur les modalités de paiement, n’a pas d’influence sur la prescription du recouvrement de la totalité de la somme, les actes interruptifs étant constitués par les versements effectués par Monsieur [M] à imputer sur l’ensemble de l’indemnité pour laquelle le Fonds de Garantie est subrogé dans les droits de la victime.
En conséquence, l’ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée en toutes ses dispositions.
L’équité ne commande pas l’allocation à Monsieur [M] d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme l’ordonnance en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant :
Déclare recevable la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [Y] [M],
Dit n’y avoir lieu à une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [Y] [M] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline FAURE