Prêt entre particuliers : 29 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/03896

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Prêt entre particuliers : 29 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/03896

29 juin 2023
Cour d’appel de Versailles
RG
21/03896

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58G

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2023

N° RG 21/03896

N° Portalis DBV3-V-B7F-USS2

AFFAIRE :

[J] [C] [X]

C/

S.A. CARDIF ASSURANCE VIE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Janvier 2021 par le TJ de PONTOISE

N° Chambre : 1

N° RG : 19/01143

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Yann MSIKA de la SCP J.F. GUILLEMIN ET Y.MSIKA

Me Franck LAFON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

prorogé du 15 juin 2023,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [J] [C] [X] divorcée [Z]

née le 13 Juillet 1969 à [Localité 6] (PORTUGAL)

de nationalité Portugaise

ci-devant [Adresse 3]

et actuellement [Adresse 2]

Monsieur [G] [Z]

né le 21 Juillet 1964 à [Localité 7] (ILE MAURICE)

de nationalité Mauricienne – [Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentant : Me Yann MSIKA de la SCP J.F. GUILLEMIN ET Y.MSIKA, Postulant et plaidant, avocat au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 107

APPELANTS

**************

S.A. CARDIF ASSURANCE VIE

N° SIRET : 732 028 154

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20210271

Représentant : Me Agnès GOLDMIC-TEISSIER de la SELAS Burguburu Blamoutier Charvet Gardel & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0276

Représentant : Me Margaux BERETTI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme FOULON

FAITS ET PROCEDURE

Pour financer l’acquisition d’une maison d’habitation située à [Localité 5], les époux [Z] ont souscrit un prêt immobilier en date du 24 août 2005 auprès de la société BNP Paribas d’un montant principal de 250 000 euros amortissable sur une durée de 300 mois.

Dans le cadre de cette opération, M. [Z] a adhéré pour une quotité de 70% à une assurance groupe décès, invalidité, incapacité n°4208 auprès de la société BNP Paribas.

Le 7 mars 2006, M. [Z] a souscrit auprès de la société BNP Paribas un deuxième crédit immobilier de 47 000 euros amortissable sur une durée de 240 mois et a adhéré à la même assurance groupe n° 4208 également pour une quotité de 70 %.

Le 22 septembre 2007, les époux [Z] ont souscrit auprès de la société BNP Paribas un prêt personnel de 30 000 euros et M. [Z] a adhéré à l’assurance groupe décès, invalidité, incapacité n°4216 pour une quotité de 70 %.

Le 25 mars 2008, les époux [Z] ont souscrit à un 2ème prêt de 40 000 euros en garantie duquel, M. [Z] a adhéré à l’assurance groupe n°4216 pour une quotité de 70%.

Victime d’un accident de travail ayant révélé une hernie discale, M. [Z] a, le 14 septembre 2012, déclaré son arrêt de travail auprès de la société BNP Paribas pour mettre en ‘uvre la garantie incapacité de travail.

Dans le même temps M. [Z] qui exerçait à son domicile familial l’activité de mécanique industrielle, a le 25 octobre 2012 déclaré la cessation de paiement de son entreprise, donnant lieu à l’ouverture par jugement du 30 octobre 2012 du tribunal de commerce de Pontoise d’une procédure de liquidation judiciaire, puis d’une clôture pour

insuffisance d’actifs par jugement du 29 novembre 2013.

Suivant arrêt en date du 2 mai 2017 la cour d’appel de Versailles a condamné Mme [C] [X] et M. [Z], entre-temps divorcés, au paiement des échéances restant dues sur les 2 derniers prêts personnels, outre les indemnités de résiliation.

Après négociation la société BNP Paribas a accepté de ramener la créance totale des emprunteurs à la somme de 350 000 euros, somme qui a été entièrement remboursée par prélèvement de ce montant sur le prix de vente du bien immobilier.

Mme [C] [X] et M. [Z] ont par ailleurs tenté de faire jouer la garantie incapacité totale de travail souscrite aux termes des différentes assurances, ce qui a été refusé par l’assureur Cardif du groupe BNP Paribas.

C’est en cet état qu’ils ont par acte d’huissier en date du 19 février 2019 assigné la société Cardif devant le tribunal judiciaire de Pontoise.

Par jugement du 5 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

– débouté M. [Z] et Mme [C] [X] de l’ensemble de leurs demandes,

– condamné in solidum M. [Z] et Mme [C] [X] à payer à la société Cardif Assurance Vie la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum M. [Z] et Mme [C] [X] aux dépens avec recouvrement direct selon l’article 699 du code de procédure civile.

Par acte du 18 juin 2021, Mme [C] [X] et M. [Z] ont interjeté appel.

Par ordonnance du 16 mai 2022, le conseiller de la mise en état a :

– dit n’y avoir lieu de déclarer irrecevables les demandes formées par la société Cardif Assurance Vie,

– rejeté les demandes formées par la société Cardif Assurance Vie,

– rejeté les demandes en dommages et intérêts formées par les consorts [C] [X]-[Z],

– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens de l’incident suivront le sort de ceux de l’instance au fond.

Par dernières écritures du 29 juillet 2021, M. [Z] et Mme [C] [X] prient la cour de :

– recevoir M. [Z] et Mme [C] [X] divorcée [Z] en leur action, en leur appel et les dire bien fondés,

– infirmer en toutes ces dispositions le jugement déféré,

– juger et rappeler que le fait générateur ouvrant le droit à garantie est la date de l’événement la justifiant, soit en l’occurrence le premier arrêt de travail du 10 mai 2011, puis celui du 15 mai 2012,

Statuant à nouveau,

– juger que M. [Z] et Mme [C] [X] disposaient d’une garantie vie, invalidité (perte totale et irréversible d’autonomie), et incapacité de travail, au titre de quatre crédits immobiliers souscrits auprès de la BNP Paribas le 19 octobre 2005 pour un montant de 250 000 euros, le 21 juin 2006 pour un crédit immobilier de 47 000 euros et le 2 mai 2008 pour des montants respectifs de 30 000 euros et 40 000 euros souscrits auprès de la société Cardif Assurance Vie (groupe BNP Paribas),

– juger que la société Cardif Assurance Vie ne peut se prévaloir d’aucune omission au sens de l’article L.113-8 du code des assurances pour défaut de déclaration ou omission de déclaration d’une pathologie antérieure à la souscription des contrats,

– voir constater, en effet, que M. [Z], assuré, souffrait d’une hernie discale qui s’est révélée au mois du mai 2011,

– juger qu’il a été dans l’incapacité de reprendre son activité professionnelle,

– juger, aussi, que la reconnaissance par l’assureur de la garantie vaut renonciation à toute exclusion ou exception de garantie,

– condamner, par conséquant, la société Cardif Assurance Vie à payer à M. [Z] et Mme [C] [X], sauf à parfaire, la somme de 350 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance des présentes :

* au titre du contrat de prêt immobilier du 19 octobre 2005 pour un montant emprunté de 250 000 euros auprès de la BNP Paribas (contrat n°0230000060075435),

*au titre du contrat de prêt immobilier pour un montant emprunté de 47 000 euros auprès de la BNP Paribas (contrat n°02300 00060082516),

* au titre du contrat de prêt immobilier pour un montant emprunté de 30 000 euros auprès de la BNP Paribas (contrat n°02300 000606137/391),

* au titre du contrat de prêt immobilier pour un montant emprunté de 30 000 euros auprès de la BNP Paribas (contrat n°02300 000606289/68),

A titre subsidiaire de cette demande,

– juger qu’en omettant de prendre en charge les mensualités des crédits mobiliers et immobiliers au titre de la garantie incapacité de travail et de la perte d’autonomie, la Société Cardif a empêché les ex-époux [Z] de pouvoir éviter les résiliations anticipées des crédits, de maintenir dans leur patrimoine leur bien immobilier et de devoir payer le total des capitaux anticipés des crédits de prêts ramené par la société BNP Paribas à hauteur de 350 000 euros,

– juger qu’est caractérisée la perte de chance par la privation d’une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable, et qu’elle constitue un préjudice indemnisable,

– condamner la société Cardif à payer aux consorts [Z]-[C] [X] la somme de 350000 euros au titre de la perte d’une chance au sens des articles 1231-1 et 1231-2 du code civil.

– dire que ces sommes porteront intérêts légaux à compter de la délivrance de la présente assignation,

– condamner la société Cardif Assurance Vie à payer à M. [Z] et Mme [C] [X] la somme chacun de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée au sens de l’article 32-1 du code de procédure civile et 1245 du code civil,

– débouter la société Cardif Assurance Vie de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– ordonner l’exécution provisoire totale nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie au sens de l’article 515 du code de procédure civile,

– condamner la société Cardif Assurance Vie à payer à M. [Z] et à Mme [C] [X] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Cardif Assurance Vie aux entiers dépens de l’instance avec recouvrement direct au sens de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières écritures du 20 octobre 2021, la société Cardif Assurance Vie prie la cour de :

– déclarer irrecevable et/ou infondée l’action de M. [Z] et Mme [C] [X],

– débouter M. [Z] et Mme [C] [X] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a mis hors de cause la société Cardif Assurance Vie et débouter purement et simplement M. [Z] et Mme [C] [X] de l’ensemble de leurs demandes,

Subsidiairement,

– juger que les sommes susceptibles d’être dues à M. [Z] par la société Cardif Assurance Vie s’élèvent pour la période du 16 août 2012 jusqu’au 23 novembre 2012 à :

* 1 079,57 euros pour le prêt de 30 000 euros,

* 1 286,62 euros pour le prêt de 40 000 euros,

* 3 304,80 euros pour le prêt de 250 000 euros,

– débouter en conséquence M. [Z] et Mme [C] [X] de toutes prétentions au-delà,

Encore plus subsidiairement,

– ordonner une mesure d’expertise médicale aux frais avancés de M. [Z] et dire que l’expert aura notamment pour mission de déterminer :

* si M. [Z] était en incapacité totale de travail au sens du contrat après le 23 novembre 2012,

* si son état est consolidé, et le cas échéant, fixer la date de consolidation,

* son taux d’incapacité professionnelle et fonctionnelle éventuel au sens du contrat

* si M. [Z] est dans l’incapacité absolue définitive d’exercer une quelconque profession,

– condamner M. [Z] et Mme [C] [X] au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens avec recouvrement direct, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Le tribunal a rejeté les demandes de M. [Z] et Mme [C] [X] au motif que :

– s’agissant des prêts immobiliers de 250 000 euros et 47 000 euros, la société Cardif a prononcé l’exigibilité anticipée des prêts mettant en demeure chacun des époux [Z] d’avoir à payer les soldes de prêt outre l’indemnité de résiliation, par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2012,

– s’agissant des prêts personnels de 30 000 euros et 40 000 euros, ils ont été condamnés au paiement des soldes des prêts par la cour d’appel de Versailles par arrêt du 2 mai 2017, la société BNP PARIBAS ayant prononcé la déchéance du terme de chaque prêt par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2012 et mis en demeure les débiteurs de régler le solde des prêts.

Le tribunal a constaté qu’antérieurement à la déclaration de sinistre du 14 septembre 2012, M. et Mme [Z] avaient cessé de régler les mensualités de leurs crédits comprenant les cotisations des assurances, et a estimé qu’à juste titre la société Cardif invoquait les dispositions de l’article IV de la notice d’information prévoyant que l’assurance prend fin en cas de non-paiement des cotisations.

Le tribunal a également constaté qu’à la date de l’assignation du 19 février 2019, les crédits ramenés à la somme de 350 000 euros avaient déjà été remboursés depuis le mois d’octobre 2017 par déduction sur le prix de vente de leur bien immobilier, soldant ainsi les 4 prêts.

Il a relevé que la date du fait générateur, qui est l’exigibilité anticipée des prêts pour non-paiement des échéances est intervenue antérieurement au 14 septembre 2012, date de la déclaration de sinistre. Il en a déduit que, la garantie prenant fin en cas de remboursement anticipé et en cas de non-paiement des cotisations, il convenait de débouter les demandeurs de leur demande principale.

S’agissant de la demande subsidiaire au titre de la perte de chance, le tribunal a considéré que M. et Mme [Z] ne démontraient pas l’existence d’une faute de la société d’assurance. Il a estimé qu’il n’était pas établi que les différents arrêts de travail établissaient une incapacité totale d’exercer une activité professionnelle et a fortiori une perte totale et irréversible d’autonomie, ce qui aurait entraîné la prise en charge des mensualités des prêts. Il a retenu qu’aucune démonstration n’était rapportée de ce que la société Cardif était à l’origine d’une perte pour eux de la chance de voir les mensualités prises en charge par l’assureur, et a rejeté leur demande subsidiaire.

M. [Z] et Mme [C] [X] soutiennent que plusieurs assurances avaient été souscrites pour les prêts immobiliers et personnels, que les notices d’assurance confirment les garanties souscrites, notamment la garantie incapacités. Ils affirment que leur demande de garantie est bien antérieure au remboursement des crédits immobiliers et mobiliers. Ils ajoutent que la décision de la cour d’appel de Versailles les ayant condamnés au paiement des soldes des crédits ne concernait que les deux prêts personnels, et non pas les crédits immobiliers. Ils estiment que le tribunal a omis que le fait générateur de la garantie incapacité de travail totale était la date du certificat initial d’arrêt de travail du 30 mai 2011, avec un arrêt depuis le 10 mai 2011, date du fait générateur. Selon eux, il importe peu que la déclaration de sinistre soit intervenue postérieurement à la date de résiliation des prêts, puisque la garantie assurance est déterminée par le fait générateur. Ils observent que la société Cardif n’a jamais contesté cette date de mai 2011 puis du 15 mai 2012, date de cessation de toute activité professionnelle par M. [Z].

Ils affirment que la carence répétée de la société Cardif a généré des difficultés financières ayant empêché le paiement des mensualités, et c’est le défaut de prise en charge par l’assureur des crédits qui a empêché la poursuite des remboursements.

Ils prétendent que la société Cardif a opposé des refus aberrants puis a effectué certains paiements de sorte qu’elle ne peut pas se prévaloir d’un refus de garantie, arguant que la reconnaissance par l’assureur de la garantie vaut renonciation à l’exclusion. Ils exposent que la Société Cardif ne peut pas se prévaloir de sa propre turpitude.

Ils soulignent ensuite que, si la garantie avait été mise en oeuvre, les mensualités garanties dépasseraient largement le montant finalement convenu avec la BNP PARIBAS et qu’ils ont remboursé, et ils auraient pu bénéficier, après le plafond de trois ans de garantie incapacité de travail, de la garantie perte d’autonomie. Ils disent solliciter la réparation d’une perte de chance, de sorte qu’ils n’avaient pas à établir la réalité de la perte d’autonomie irréversible, mais des éléments plaidant en la faveur de la perte d’une éventualité favorable; ils mentionnent que la vente de leur bien immobilier aurait pu être évitée ; c’est cette perte de chance qui peut être indemnisée et ils sollicitent en conséquence la somme de 350 000 euros.

Ils sollicitent réparation pour le préjudice causé par l’obstination persistante de la part de la société Cardif à ne pas accueillir leurs demandes de mise en oeuvre de la garantie.

En réponse, la Société Cardif oppose que les documents contractuels réclamés ont été remis à M. [Z] et Mme [C] [X], et qu’ils ont signé le bulletin d’adhésion sur lequel figure le fait qu’ils ont reconnu avoir conservé les notices, ce qui suffit à rapporter la preuve de la remise de ce document.

Elle expose que les contrats litigieux avaient pour vocation de garantir la durée des quatre prêts souscrits auprès de la BNP pour certains risques le temps de la durée desdits prêts. Elle affirme que les assurés oublient que les garanties cessent dans tous les cas à la date à laquelle le crédit est totalement remboursé quelle qu’en soit la cause. A supposer que les quatre prêts n’aient pas été soldés, elle affirme que la garantie incapacité temporaire totale de travail est encadrée selon des conditions précises et cesse à compter de la consolidation de l’état de santé de l’assuré, ou si au moins trois ans se sont écoulés depuis le début de l’arrêt ou bien si le taux contractuel de l’incapacité est inférieur à 66 %. Elle constate que si la date de début de l’arrêt est connue, rien d’autre n’est établi, ni la fin de cet arrêt ni l’état de santé actuel. Elle ajoute que les assurés n’ont pas considéré la quotité des sommes assurées, la durée de la garantie ni le remboursement anticipé des 4 prêts. Elle argue que M. [Z] a eu deux arrêts de travail distincts, du 10 mai au 20 août 2011, puis le second à compter du 15 mai 2012, mais n’a déclaré le sinistre qu’en septembre 2012. Or, selon la Société Cardif, à cette date, les difficultés financières étaient déjà avérées, puisqu’ils ne réglaient plus leurs échéances depuis le 2 février 2012, de sorte qu’ils ne peuvent se prévaloir de l’application de la garantie. Elle indique qu’ils sollicitent la garantie incapacité totale de travail.

Elle relève que l’assurance prend fin en cas de remboursement anticipé total et en cas de non paiement des cotisations, lesquelles ne le sont plus depuis que les emprunteurs ont cessé de payer les mensualités des prêts.

Elle réfute toute perte de chance, la déchéance des garanties étant intervenue avant le sinistre litigieux, puisque l’assuré a déclaré le sinistre alors que la déchéance du terme était déjà prononcée. Elle ajoute qu’il n’y aucune causalité entre les résiliations anticipées et le refus de prendre en charge le sinistre litigieux.

S’agissant des montants réclamés, elle prétend qu’aucune somme n’est due s’agissant du premier arrêt de travail du 10 mai 2011 au 29 août 2011, puisque la notice prévoit que pour les sinistres déclarés plus de 180 jours après leur survenance, ils seront considérés comme s’étant produits au jour de la déclaration, de sorte que la garantie ne peut être mise en oeuvre, compte tenu de la déclaration survenue en septembre 2012

Dans l’hypothèse où la cour estimerait que la garantie doit être retenue, elle conclut qu’il serait nécessaire d’organiser une mesure d’expertise, puisque M. [Z] n’établit pas être dans l’incapacité d’exercer une activité professionnelle.

Sur ce,

Au dispositif de leurs conclusions, à titre principal, M. [Z] et Mme [C] [X] sollicitent la condamnation de la société Cardif en paiement des sommes qu’ils estiment leur être dues au titre de la garantie incapacité de travail. A titre subsidiaire, ils agissent en réparation de la perte de chance qu’ils disent avoir subie du fait du refus de la Société Cardif de mobiliser la garantie incapacité de travail régulièrement souscrite, et dont les conditions de mise en oeuvre étaient réunies.

Dans le corps des écritures, les deux fondements sont mêlés. Que l’action soit fondée sur l’application de la garantie ou sur la recherche de la responsabilité de l’assureur pour un manquement qu’il aurait commis, il convient de rechercher si les conditions de la garantie étaient réunies.

M. [Z] et Mme [C] [X] se prévalent des conditions particulières de l’assurance incapacité totale temporaire de travail, dont ils sollicitent la mise en oeuvre.

M. [Z] a eu deux périodes d’arrêt de travail : un premier arrêt de travail est intervenu du 10 mai 2011 et du 29 août 2011 et le second a débuté le 15 mai 2012. Les quatre prêts litigieux étaient couverts par une assurance invalidité et incapacité de travail, et ce point n’est pas débattu.

L’article L311-8 du code des assurances n’est plus invoqué par la Société Cardif à hauteur d’appel, de sorte que la question de l’annulation de deux des contrats de prêts n’est pas soumise à la cour.

Selon la notice d’assurance, dont il n’est pas discuté qu’elle s’applique bien au litige, il est précisé que le contrat a pour objet de garantir un prêt, que l’assurance prend fin à la date d’expiration des engagements de l’emprunteur ou en cas de remboursement anticipé total.

Il est également stipulé que la garantie ne joue pas en cas de non-paiement des cotisations (article IV de la notice d’information).

Concernant plus spécifiquement la garantie incapacité de travail dont se prévaut M. [Z], il est stipulé : ‘après une période de franchise de 90 jours consécutifs d’incapacité de travail, par suite de maladie ou d’accident, les assureurs remboursent les mensualités venant à échéance pendant la durée de l’incapacité telle que prévue au plan de remboursement.’

Il est également énoncé qu »à compter de la consolidation de l’état de santé de l’assuré ou si au moins trois ans se sont écoulés depuis le début de l’arrêt de travail l’appréciation de l’état de santé de l’assuré s’effectue par la détermination du taux contractuel d’incapacité telle que définie ci-dessous…’

Ces conditions sont applicables aux deux types de prêts, les prêts immobiliers (notice n° 4208) et les prêts personnels (notice n° 4216).

Cette garantie ne peut s’appliquer qu’à hauteur de la quotité des sommes assurées, soit 70% pour le cas de M. [Z].

Il est établi que M. [Z] a été en arrêt de travail à deux reprises, d’abord du 15 mai 2011 au 29 août 2011puis à compter du 15 mai 2012.

Une déclaration de sinistre a été faite le 14 septembre 2012 pour un arrêt de travail survenu au mois de mai 2011, et pour un arrêt de travail à compter du 15 mai 2012.

Le sinistre trouve son origine dans le fait générateur et il convient de rechercher si à la date de survenance de celui-ci, c’est à dire la date du début d’arrêt de travail, la garantie était mobilisable. Ce n’est pas la date de la déclaration de sinistre qui est prise en compte pour apprécier si les conditions de la garantie sont réunies, mais bien la date à laquelle le sinistre est survenu, le sinistre étant dans le cas présent constitué à compter du début de l’arrêt de travail, compte tenu de l’objet de la garantie.

La Société Cardif rappelle la durée de la franchise de 90 jours jours, et soutient à raison que pour le premier arrêt de travail la garantie ne peut être mise en oeuvre : dans le cas où les sinistres sont déclarés plus de 180 jours après leur survenance, ils sont considérés comme s’étant produits au jour de leur déclaration. Or à la date de la déclaration de sinistre en septembre 2012, plus de 180 jours s’étaient écoulés depuis le premier jour de l’arrêt de travail (15 mai 2011), et à cette date, c’est à dire celle de la déclaration de sinistre en septembre 2012, l’exigibilité anticipée des prêts litigieux avait été prononcée par la banque, en raison des échéances impayées.

Il ressort en effet des pièces versées que la banque a prononcé l’exigibilité anticipée des contrats de prêt immobilier par lettre du 6 juillet 2012, au motif d’échéances impayées à compter de février 2012. Ainsi à la date du second arrêt de travail, survenu en mai 2012, les cotisations d’échéances payées en même temps que les échéances de prêt n’étaient plus régulièrement honorées.

La cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement du tribunal de Pontoise statuant sur la résiliation des deux prêts personnels, au motif d’impayés. Les deux prêts immobiliers, dont le premier avait été conclu par acte notarié, ont également fait l’objet d’une exigibilité anticipée dans les mêmes conditions. Les appelants ne prétendent pas avoir poursuivi le paiement des cotisations d’assurance en dépit de l’arrêt du paiement des échéances de prêt. Il n’est d’ailleurs pas en débat qu’un accord a été trouvé entre les parties pour le règlement de l’ensemble des sommes devenues exigibles à la suite de cette exigibilité anticipée, de sorte que les appelants ne peuvent sérieusement prétendre que les crédits immobiliers n’auraient pas été résiliés.

La société Cardif était en conséquence fondée à opposer le non-paiement des cotisations et à refuser la mise en oeuvre de la garantie.

Il sera observé par ailleurs, et pour répondre à l’argument soulevé par les appelants, que la société Cardif dit, par courrier adressé à M. [Z] le 5 mars 2015, avoir réglé diverses sommes en raison du second sinistre. Dans ce courrier, elle dit avoir fait ces règlements pour l’un des prêts seulement, alors qu’elle opposait dans le même temps une cause d’annulation du contrat au visa de l’article L311-8 du code des assurances pour deux des contrats pour non déclaration de risque et sollicitait diverses pièces complémentaires pour le 4ème prêt.

S’agissant de ce prêt pour lequel l’assureur dit avoir effectué des règlements, il mentionne y avoir procédé en considération des éléments médicaux reçus, en précisant que le règlement a été effectué au 13 août 2012, conformément à la franchise de 90 jours jusqu’au 11 avril 2013. Pour autant, il ne peut être prétendu que la société d’assurance aurait ainsi reconnu devoir sa garantie, alors qu’à la date des versements, aucun élément ne permet de déterminer que l’exigibilité des contrats était connue d’elle ou même constatée judiciairement. Le fait qu’elle ait réglé diverses sommes, selon ses propres affirmations, ne démontre pas une renonciation de sa part à se prévaloir d’un refus de garantie au motif du non paiement des cotisations, alors que rien ne permet de dire qu’elle a fait ce règlement en toute connaissance de cause.

Les appelants échouent à démontrer que les conditions de la garantie souscrite pour couvrir les situations d’incapacités temporaires totales de travail étaient réunies et le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté leur demande.

M. [Z] et Mme [C] [X] mêlent dans leurs écritures des demandes tendant à la prise en charge par la société Cardif des sommes dues au titre des prêts en application de la garantie qu’ils disent mobilisable, et des demandes tendant à la réparation de la perte de chance née de la faute qu’ils estiment commise du fait de la non prise en charge du sinistre.

En l’absence de possibilité de mobiliser les garanties souscrites, le risque s’étant réalisé à une date à laquelle les prêts avaient cessé d’être réglés de façon régulière, ainsi également les cotisations d’assurance, les assurés ne démontrant pas avoir persisté à régler lesdites cotisations, il ne peut pas non plus être prétendu que la société Cardif aurait commis une faute à l’origine d’une perte de chance. Elle n’était pas tenue de prendre en charge les prêts litigieux, les conditions de la mobilisation de l’assurance n’étant pas remplies, de sorte qu’aucun manquement ne peut lui être imputé. Les appelants n’expliquent pas pourquoi ils articulent une demande de réparation d’une perte de chance fondée sur le même fait que celui qui justifierait selon eux la mise en oeuvre de la garantie, c’est à dire un arrêt de travail à une date à laquelle la garantie est en cours.

Le jugement est confirmé également en ce qu’il a rejeté la demande fondée sur une perte de chance.

Le jugement est confirmé en ses dispositions statuant sur l’indemnité de procédure et les dépens.

M. [Z] et Mme [C] [X] sont condamnés à payer à la société Cardif une somme de 1 000 euros d’indemnité de procédure et sont condamnés aux dépens exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Condamne M. [Z] et Mme [C] [X] à payer une somme de 1 000 euros d’indemnité de procédure à la société Cardif,

Condamne M. [Z] et Mme [C] [X] aux dépens exposés en appel, qui seront recouvrés, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, par Me Franck Lafon, qui en a fait la demande.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

– signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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