Prêt entre particuliers : 29 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07250

·

·

Prêt entre particuliers : 29 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07250

29 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG
20/07250

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 29 JUIN 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07250 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCSL7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MEAUX – RG n° 16/00265

APPELANTE

S.A.S. EURODEP agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

INTIMES

Monsieur [N] [P]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222

Syndicat FO EURODEP agissant des poursuites et diligences de son secrétaire général, Monsieur [N] [P], domicilié audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre, rédacteur

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Nicolas TRUC, Président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sonia BERKANE

ARRET :

– Contradictoire

– mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Nicolas TRUC, Président de chambre et par Madame Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [N] [P] a été engagé par la société Eurodep suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet au 20 septembre 2011 en qualité de « responsable maintenance en travaux neufs », statut agent de maîtrise.

En septembre 2012, M. [P] a été désigné représentant de section syndicale par le syndicat Force Ouvrière (FO) puis, à compter de 2014, délégué syndical de ladite organisation. Il a exercé, depuis lors, les mandats de délégué du personnel, membre et secrétaire du comité d’entreprise, membre et secrétaire du CHSCT et du CSE.

Le 14 mars 2016, M [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Meaux de diverses demandes salariales et indemnitaires, notamment pour discrimination syndicale et harcèlement moral, le syndicat FO Eurodep étant intervenu à l’instance.

Suivant jugement du 29 septembre 2020, notifié le 2 octobre 2020, le conseil de prud’hommes a statué comme suit :

Condamne la SAS Eurodep à payer à M. [N] [P] les sommes suivantes :

* 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;

Déboute M. [N] [P] du surplus de ses demandes,

Condamne la SAS Eurodep à payer au syndicat FO Eurodep les sommes suivantes :

1 000 euros en application de l’article L2132-3 du code du travail,

200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

Dit n’y avoir pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire prévue à l’article 515 du code de procédure civile, la présente décision étant néanmoins exécutoire selon l’article R1454-28 du code du travail ;

Déboute la SAS Eurodep aux entiers dépens y compris aux éventuels frais d’exécution du présent jugement par voie d’huissier de justice.

La société Eurodep a interjeté appel de cette décision par déclaration de son conseil au greffe de la cour d’appel de Paris le 27 octobre 2020.

Selon ses dernières conclusions remises et notifiées le 9 mai 2023, la société Eurodep soutient les demandes suivantes ainsi exposées : :

– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Meaux du 29 septembre 2020 en ce qu’il a condamné la société Eurodep à verser à M. [P] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ainsi que la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal depuis le prononcé du jugement ;

– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Meaux du 29 septembre 2020 en ce qu’il a condamné la société Eurodep à verser au syndicat FO Eurodep la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 2132-3 du code du travail ainsi que la somme de 200 euros au de l’article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal depuis le prononcé du jugement ;

– Confirmer pour le surplus le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Meaux du 29 septembre 2020 dans l’ensemble de ses dispositions, notamment en ce qu’il a débouté

M. [P] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, d’attribution du coefficient 209.8 avec rappels de salaire, congés payés et primes afférents, d’attribution de congés payés du fait de sa parentalité et de dommages et intérêts afférents,

– Débouter M. [P] de l’ensemble de ses autres demandes, fins et prétentions

– Condamner M. [P] à verser à la société Eurodep la somme de 4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises et notifiées le 9 mai 2023,

M. [P] et le syndicat FO Eurodep soutiennent devant la cour les demandes suivantes ainsi exposées :

Prononcer la recevabilité et le bien-fondé de l’appel incident et de l’ensemble des demandes de M. [N] [P],

Débouter la société Eurodep de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Confirmer le jugement rendu le 29 septembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Meaux en ce qu’il a :

– Prononcé l’existence d’une discrimination syndicale au préjudice de M. [N] [P], sur le fondement de l’article L. 1132-1 du code du travail,

– Condamné la société Eurodep à verser à M. [P] des dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

– Condamné la société Eurodep à verser à M. [P] une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamné la société Eurodep à verser des dommages et intérêts au syndicat FO

Eurodep en application de l’article L. 2132-3 du code du travail,

– Condamné la société Eurodep à verser au syndicat FO Eurodep 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– L’infirmer pour le surplus, notamment en ce qu’il a limité les dommages et intérêts pour discrimination à hauteur de 25 000 euros, en qu’il a débouté M. [P] de ses demandes au titre du harcèlement moral, de violation des obligations de prévention et de sécurité et d’exécution de bonne foi du contrat de travail, en ce qu’il a débouté

M. [P] de ses demandes relatives à l’attribution du coefficient 290.8 à titre principal, et 290.5 à titre subsidiaire, avec les rappels de salaire afférents, en qu’il a débouté M. [P] de ses demandes relatives aux congés supplémentaires relatifs à la parentalité, en ce qu’il a limité les dommages et intérêts accordés au syndicat FO Eurodep à hauteur de 1 000 euros,

Statuer à nouveau

1. Confirmer que M. [N] [P] a subi des faits de discrimination, sur le fondement de l’article L. 1132-1 du code du travail,

En conséquence

Condamner la société Eurodep à verser à M. [P] des dommages et intérêts pour discrimination dont le montant sera porté à la somme de 110 392 euros nets (12mois), sur le fondement de l’article L. 1132-1

Condamner la société Eurodep à verser à M. [P] un rappel de prime exceptionnelle, pour 2019, 2020 et 2021, à hauteur de 2 400 euros bruts.

2. Prononcer l’existence d’agissements répétés constitutifs de faits de harcèlement moral, selon l’article L. 1152-1 du Code du travail, au préjudice de M. [N] [P],

Prononcer en tout état de cause l’existence d’une violation par la société Eurodep de son obligation générale de prévention et de sécurité, ainsi que de son obligation d’exécution loyale du contrat de travail,

En Conséquence

Condamner la société Eurodep à verser à M. [P] une somme de 110 392 euros nets

(12 mois) :

– sur le fondement des articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, compte tenu des faits de harcèlement moral dont M.[P] a fait l’objet, de leur régularité, et de leur constance,

– en tout état de cause sur le fondement des articles L. 4121-1 et suivant du code du travail, relatif à l’obligation de prévention et de sécurité de l’employeur,

– et sur le fondement de l’article L. 1222-1 du code du travail, ces agissements constituant une exécution déloyale du contrat de travail,

3. Prononcer l’illicéité des échelons créés par la société Eurodep au sein du coefficient 290, sans respecter les dispositions de l’article 9 de l’accord du 22 septembre 2008 relatif aux classifications,

En conséquence,

Condamner la société Eurodep à attribuer de manière rétroactive, depuis son embauche, à M.[P] l’échelon et le salaire correspondant à titre principal à l’échelon maximum du coefficient, 290.8, et à titre subsidiaire à l’échelon 290.5,

Condamner la société Eurodep à verser à M. [P] un rappel de salaire sur l’ensemble de la période d’emploi, depuis septembre 2011, évalué au 23 mai 2023 :

– A titre principal : sur la base du coefficient 290.8 à la somme de 215 426,30 euros ainsi que 21 542,63 euros de congés payés afférents, et 17 952,19 euros de prime semestrielle afférente.

– A titre subsidiaire : sur la base du coefficient 290.5 à la somme de 25 624,37 euros ainsi que 2 562,43 euros de congés payés afférents, et 2 135,36 euros de prime semestrielle afférente.

Fixer le salaire de référence de M. [P] :

– A titre principal : sur la base d’un coefficient 290.8, à 9 199,30 euros bruts mensuels

– A titre subsidiaire : sur la base d’un coefficient 290.5, à 7 332,98 euros bruts mensuels

 

4. Prononcer la violation par la société Eurodep de ses obligations à l’égard de

M. [N] [P] en termes de paiement des congés payés qui lui étaient dus, du fait de sa parentalité, en application de l’article L. 3141-9 du Code du travail,

En conséquence,

Condamner la société Eurodep à verser à M. [P] une somme de 1 003,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, sur la période juin 2012 à mai 2013,

Condamner la société Eurodep à verser à M. [P] une somme de 9 199,30 euros nets (1 mois) à titre de dommages et intérêts spécifiques sur le fondement des articles L.3141-9 et L. 1222-1 du Code du travail

 

5. Prononcer la violation par la société Eurodep de son obligation de suivi de

M. [P] que ce soit en termes de formation, d’adaptation, ou d’entretien professionnel,

 

En conséquence

Condamner la société Eurodep à verser à M. [P] :

– 18 399 euros nets (2 mois) à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation et d’adaptation, sur le fondement de l’article L. 6321-1 du code du travail,

– 9 199,30 euros nets (1 mois) à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles

L. 1222-1 et L. 6315-1 du Code du travail,

6. Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [P] aux torts de la société Eurodep, laquelle produira les effets à titre principal d’un licenciement nul, sur le fondement des articles L 1132-4 et L. 1152-3 du Code du travail, et à titre subsidiaire d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence

 

Condamner la société Eurodep à verser à M. [P] les sommes suivantes :

A titre principal : sur la base du coefficient 290.8

‘ indemnité compensatrice de préavis : 16 511,67 euros

‘ congés payés sur préavis : 1 651,16 euros

‘ prime semestrielle (au prorata) : 3 669,26 euros

‘ indemnité conventionnelle de licenciement : 32 841,51 euros

‘ indemnité pour violation du statut protecteur (30 mois) : 275 979,08 euros

A titre subsidiaire : sur la base du coefficient 290.5

‘ indemnité compensatrice de préavis : 13 093,89 euros

‘ congés payés sur préavis : 1 309,38 euros

‘ prime semestrielle (au prorata) : 2 909,75 euros

‘ indemnité conventionnelle de licenciement : 26 178,75 euros

‘ indemnité pour violation du statut protecteur (30 mois) : 219 989,48 euros

A titre infiniment subsidiaire : sur la base du salaire versé

‘ indemnité compensatrice de préavis : 12 511,65 euros

‘ congés payés sur préavis : 1 251,16 euros

‘ prime semestrielle (au prorata) : 2 780,37 euros

‘ indemnité conventionnelle de licenciement : 25 370,28 euros

‘ indemnité pour violation du statut protecteur (30 mois) : 213 195,64 euros

Condamner la société Eurodep à verser à M. [P] les sommes suivantes :

128 791 euros nets (14 mois) à titre d’indemnité pour licenciement nul, sur le fondement de l’article L. 1235-3-1 du code du travail,

‘ À titre subsidiaire : du fait de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement

128 791 euros nets (14 mois) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail, le conseil écartant le plafond du barème comme contraire à l’article 10 de la convention 158 de l’OIT ratifié par la France le 16 mars 1989 et à l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996.

En tout état de cause

7. Confirmer la condamnation de la société Eurodep à verser au syndicat FO Eurodep des dommages et intérêts en application de l’article L. 2132-3 du code du travail, dont le montant sera porté à la somme de 5 000 euros,

8. Condamner la société Eurodep à délivrer à M. [P] des bulletins de paie conformes à l’arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document,

9. Préciser s’agissant, des bulletins de paie correspondant aux rappels de salaires, que la société devra en établir au moins un par année civile concernée,

10. Se réserver le contentieux de la liquidation de l’astreinte,

11. Prononcer l’application aux condamnations prononcées des intérêts au taux légal, et anatocisme conformément à l’article 1343-2 du code civil

12. Condamner la société Eurodep à verser à M. [P] une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et au syndicat FO Eurodep une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

13. Condamner la société Eurodep aux entiers dépens ainsi qu’aux éventuels frais d’exécution.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 mai 2023

Il est renvoyé pour plus ample exposé aux écritures des parties visées ci-dessus.

Sur ce

1) Sur le harcèlement et la discrimination syndicale

En application de l’article L.1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L. 1154-1 du code du travail lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152 1 à L. 1152 3 et L.1153 1 à L. 1153 4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures

d’instruction qu’il estime utiles. »

L’article L. 1132-1 dispose, pour sa part, qu’ aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’Article L3221 3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son

état de santé ou de son handicap. »

L’article L. 1134-1 pose le principe que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures

d’instruction qu’il estime utiles.

Dans ses dernières conclusions d’appel, M. [P] soutient, ce que dénie l’employeur, avoir été victime, en dépit de ses diverses alertes, de discrimination syndicale et de harcèlement moral ayant dégradé son état de santé en raison des faits et circonstances suivants :

– « court-circuitage » dans l’exercice de ses attributions

– retrait de ses fonctions managériales et d’encadrement à partir de juin 2015

– annulation de formations

– dysfonctionnements liés à sa déqualification et aux demandes contradictoires de la direction

– incohérence des tâches distribuées

– mesures de rétorsions subies (refus de congé, absence de transmission d’information, mise à l’écart, absence de moyen pour accomplir ses tâches, stigmatisation de son syndicat, demandes de tâches inutiles et vexations, problèmes de fiche de paie et de notes de frais)

– dénigrement par M. [I]

– dénigrement par M.[B],

– absence de paiement des primes exceptionnelles

A l’examen des documents produits, ne seront pas retenus les griefs tenant aux conditions d’attribution des congés de l’année 2014, aux formations annulées, au défaut de transmission d’informations ou de participation à des réunions, à l’incohérence des tâches confiées, à l’absence de moyens pour les accomplir, aux fiches de paie ou au remboursement de frais, aux mesures vexatoires tenant à l’entrée dans le bureau professionnel le 30 juillet 2015 ou les locaux syndicaux en 2020, lesquels ne sont pas établis ou sont suffisamment justifiés par la société Eurodep pour des raisons pratiques, techniques ou organisationnelles étrangères à tout harcèlement ou toute discrimination.

En revanche, sont de nature à faire présumer, au sens des dispositions susvisées, un discrimination syndicale et une situation de harcèlement moral les faits suivants :

– la perte par M. [P] de toute fonction d’encadrement après le mois de juin 2015, évoquée par une lettre de l’inspection du travail daté du 27 octobre 2017 (pièce 13 du salarié) et son évaluation professionnelle de l’année 2022 précisant que « (ses) mandats sont considérés comme incompatibles avec la fonction de management » (pièces 105)

– le refus d’un prêt personnel sollicité par M. [P] en raison de l’existence d’un litige prud’homal, cause évoquée dans une note aux délégués du personnel (pièce 36)

– les dénigrements dont M. [P] a été l’objet de la part du dirigeant de l’entreprise, M [I], lors de réunions professionnelles ainsi que le rapportent les attestations crédibles des salariés [M], [C] et [T] et qui ne sont pas contredites sur ce point par celles des membres de l’encadrement de l’entreprise dont se prévaut l’employeur (MM. [X], [Z], [A] et [I]) offrant des garanties d’objectivité insuffisantes.

– le non-paiement de primes exceptionnelles à partir de l’année 2019 dont M. [P] soutient qu’il en a été privé alors que d’autres salariés de son niveau hiérarchique ou de son service en ont bénéficié, étant relevé qu’un tableau d’attribution de primes complémentaires pour l’année 2022 aux techniciens supérieurs et agents de maîtrise (pièce 38 de l’appelante) attribue à l’intimé le montant le plus bas (250 euros contre 800 euros pour la prime la plus élevée).

Les pièces et explications de la société Eurodep n’apportant, sur ces derniers points, aucune justification objective et convaincante, il sera retenu une discrimination subie par M. [P] en lien avec ses engagements syndicaux ainsi qu’une situation de harcèlement moral, eu égard notamment aux pièces médicales produites établissant une détérioration de son état de santé non dénuée de liens avec une problématique professionnelle (ses pièces 91, 122 à 125).

En l’état des éléments d’appréciation produits, il sera alloué en réparation à M. [P] des dommages et intérêts arbitrés à 2 000 euros au titre de la discrimination syndicale et à 2 000 euros au titre du harcèlement moral, étant observé que le salarié évoque également un manquement de l’employeur à l’obligation de prévention résultant des articles L 4121-1 L 4121-2 du code du travail mais sans formuler, dans le dispositif de ses dernières conclusions, de réclamation à ce titre distincte de sa demande en dommages et intérêts pour harcèlement moral.

2) Sur le coefficient professionnel

M. [P] qui a été recruté selon son contrat de travail en qualité de «responsable maintenance et travaux neufs avec le statut d’agent de maîtrise au coefficient 290 », revendique, avec les rappels de salaire afférents, le coefficient intermédiaire 290-8 mis en place dans l’entreprise en complément de la classification conventionnelle ou à défaut le coefficient 290-5 à compter de son embauche . Il sollicite également que le système d’échelons internes intermédiaires soit déclaré illicite comme ne respectant pas l’article 9 de l’accord du 22 septembre 2008 relatif aux classifications (défaut d’adoption de façon paritaire),

La société Eurodep oppose aux réclamations du salarié la prescription biennale prévue par l’article L 1471-1 du code du travail, soutenant que M. [P] connaissait les faits permettant d’exercer son action à compter de la conclusion de son contrat de travail en 2011 et qu’il n’a saisi le conseil de prud’hommes que le14 mars 2016.

Mais dès lors que la sous-classification reprochée n’a fait l’objet, à ce jour, d’aucune rectification par l’employeur et que le contrat de travail n’est pas rompu, M. [P] ne saurait être tenu pour prescrit dans sa revendication d’un coefficient supérieur.

Il appartient, sur le fond, au salarié qui revendique une classification professionnelle d’établir que celle-ci correspond à la réalité de ses fonctions.

L’employeur soutient sans être formellement démenti sur ce point que le changement de coefficient, au regard de la classification interne, est lié à un changement de fonctions, condition à laquelle M. [P] ne satisfait pas dès lors qu’il a toujours occupé le même poste de travail dans l’entreprise jusqu’à ce jour.

D’autre part et quand bien même des discussions ont-elles pu avoir lieu sur ce point avec une proposition d’élévation de coefficient faite par l’évaluateur de M. [P], évoquée dans son entretien professionnel 2022 (pièce 105), aucune pièce ne démontre que l’employeur se soit engagé à lui octroyer un coefficient supérieur.

Les réclamations de M. [P] seront dès lors rejetées, sans qu’il y ait lieu de statuer sur la licéité même du système de classification interne, étant par ailleurs relevé qu’il est contradictoire d’en réclamer à la fois l’annulation et le bénéfice.

3) Sur l’obligation de formation, d’adaptation et de suivi

M. [P] sollicite des dommage et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation et d’adaptation pesant sur l’employeur.

Les feuilles de présence avec émargement produites par l’employeur (ses pièces 48) établissent cependant que M. [P] a suivi plusieurs formations à caractère technique au cours des années 2011 à 2020.

En l’absence de pièce convaincante pouvant établir que celles-ci auraient été insuffisantes et que le salarié aurait, pour cette raison, subi un préjudice professionnel ou de carrière réparable, la demande en dommages et intérêts à ce titre sera rejetée.

4) Sur l’absence d’entretien spécifique de carrière

M. [P] sollicite le paiement de 9 199, 30 euros à titre de dommages et intérêts du fait qu’il n’a, en 11 ans, bénéficié qu’une fois le 21 octobre 2022 de l’entretien spécifique de carrière prévu par l’article L 6315-1 du code du travail, le 21 octobre 2022.

Néanmoins, en l’absence de toute pièce pouvant établir la réalité d’un préjudice concrètement subi en lien avec l’absence d’entretien spécifique de carrière avant le 21 octobre 2022, étant remarqué qu’il a, par ailleurs, bénéficié d’entretiens annuels à partir de l’année 2018 (pièce 42 à 44 de l’appelante), cette réclamation sera rejetée.

5) Sur les congés payés du fait de la parentalité

M. [P], sollicite, en application de l’article L 3141-9 du code du travail dans sa rédaction alors applicable et en vertu du principe d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, un rappel de congés payés d’un montant de 1 003,80 euros (3 enfants à charge x 2 jours x 7 heures x taux horaire de 23,90 euros) outre 9 199,30 euros à titre de dommages et intérêts pour mauvaise foi contractuelle de l’employeur.

La société Eurodep objecte que les jours de congés supplémentaires pour enfants à charge, alors prévus par l’article L 3141-9 du code du travail, n’intéressent que les femmes salariées, qu’aucune demande à ce titre n’a été formulée par M. [P] dans l’année de son embauche, qu’il n’a jamais fourni de justificatif de sa situation familiale et que les jours de congés non pris sont définitivement perdus et ne peuvent faire l’objet d’un paiement rétroactif.

Les dispositions prévues par l’article L 3141-9 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, prévoyant en faveur des femmes salariées avec enfants à charge des jours de congé supplémentaires ont, contrairement à ce que soutient l’employeur, vocation à s’appliquer aux salariés qui sont pères d’enfants à charge, en application du principe d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Il sera, en conséquence, fait droit au rappel de congés payés sollicité par M. [P] dès lors que sa situation familiale lors de son embauche (trois enfants à charge) n’est pas contestée et qu’il appartenait à l’employeur de le mettre en mesure d’exercer l’intégralité de ses droits à congé, qui ne sauraient être tenus pour perdus car non exercés contrairement à ce que soutient l’appelante.

En revanche, la demande en dommages et intérêts complémentaires n’étant pas suffisamment justifiée par les pièces produites, celle-ci sera rejetée.

6) Sur les primes exceptionnelles

M. [P] sollicite le paiement de 2 400 euros bruts au titre des primes exceptionnelles pour les années 2019, 2020 et 2021 dont il soutient avoir été privé.

Cette demande n’étant pas discutée par la société Eurodep dans ses dernières conclusions, celle-ci sera accueillie.

7) Sur la résiliation du contrat de travail

M. [P] sollicite, en cause d’appel, la résiliation de son contrat de travail, demande qui est recevable dès lors qu’il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l’article R. 1452-7 du code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, restent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes antérieurement au 1er août 2016, ce qui est le cas en l’espèce, l’instance prud’homale ayant été introduite par requête reçue le 14 mars 2016.

Les disposition combinées des articles L 1231-1 du code du travail et 1224 du code civil permettent au salarié de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations et qui font obstacle à la poursuite de la relation de travail.

En l’espèce les manquements retenus de la société Eurodep à ses obligations, notamment en termes de discrimination syndicale et de harcèlement moral, présentent, aux yeux de la cour, un degré de gravité faisant obstacle à la poursuite de la relation de travail.

La résiliation du contrat de travail sera, en conséquence, prononcée à la date de cette décision et produira les effets d’un licenciement nul en application des articles L1132-4, L 1152-3 et L 1235-3-1 du code du travail. .

Compte tenu de l’ancienneté de M. [P], soit 11 ans et 8 au service d’une entreprise employant plus de 11 salariés, de son âge (année de naissance 1978) de son salaire mensuel moyen brut des 6 derniers mois (6 640,62 euros) et des éléments produits sur sa situation personnelle, il lui sera alloué une indemnité de licenciement nul arbitrée à 40 000 euros.

Il sera également accordé au salarié une indemnité de préavis d’un montant de 12 511,65 euros, outre l’indemnité de congés payés afférente, et une indemnité conventionnelle de licenciement fixée à 25 370,28 euros.

M. [P] réclame également un reliquat de prime semestrielle qui n’est discuté par l’employeur, dans ses dernières écritures, ni dans son principe ni dans son montant. Il y sera fait droit à hauteur de 2 780,37 euros selon le calcul retenu du salarié.

Bénéficiant du statut non discuté de salarié protégé jusqu’au 9 juin 2026, M. [P] a également vocation à percevoir une indemnité pour violation de son statut protecteur occasionnée par la rupture du contrat de travail, soit les salaires qu’il aurait été en mesure de percevoir pendant la période de protection et ce dans la limite de 30 mois.

Cette indemnisation sera fixée à la somme réclamée de 213 95,64 euros dont le montant n’est l’objet d’aucune discussion dans les écritures de l’employeur.

8) Sur la demande du syndicat FO

La discrimination syndicale subie par M. [P] ayant porté atteinte atteinte aux intérêts collectifs de son syndicat, en l’occurence FO, il sera alloué à celui-ci 500 euros à titre de dommages et intérêts en application de l’article L 2132-3 du code du travail.

9) Sur les autres demandes

L’équité exige d’allouer 1 500 euros à M. [P] et 500 euros au syndicat FO au titre de leurs frais non compris dans les dépens en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera enjoint à la société Eurodep, sans qu’il y ait lieu à astreinte, de délivrer, à

M. [P] un bulletin de paie conforme à cette décision.

Les créances fixées par cette décision porteront intérêts au taux légal ainsi qu’il sera précisé au dispositif et les intérêts échus pourront être capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.

Les entiers dépens seront laissés à la charge de la société Eurodep qui succombe à l’instance.

PAR CES MOTIFS

La cour infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Meaux du 29 septembre 2020 et statuant à nouveau :

Dit que M. [P] a été victime de discrimination syndicale et de harcèlement ;

Prononce la résiliation du contrat de travail de M. [P] aux torts de la société Eurodep laquelle produit les effets d’un licenciement nul ;

Condamne la société Eurodep à payer à M. [P] :

– 2 000 euros à titre d’indemnisation de la discrimination syndicale

– 2 000 euros à titre d’indemnisation du harcèlement

– 40 000 euros à titre d’indemnité de licenciement nul

– 12 511,65 euros à titre d’indemnité de préavis

– 12 51,16 au titre de l’indemnité de congés payés afférente

– 25 370,28 euros à titre d’indemnité de licenciement

– 2 780, 37 euros à titre de rappel de prime périodique

– 2 400 euros au titre des primes exceptionnelles

– 1 003,80 euros à titre de rappel de congé payés pour parentalité

– 213 195,64 au titre de la violation du statut protecteur

– 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Eurodep à payer au syndicat FO Eurodep 500 euros à titre de dommages et intérêts et 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant la juridiction prud’homale et les créances indemnitaires à compter de cette décision ;

Dit que les intérêts échus des créances pourront être capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil. ;

Rappelle que les créances fixées par cette décision sont exprimées en brut ;

Enjoint à la société Eurodep, sans qu’il y ait lieu à astreinte, de délivrer, à M. [P] un bulletin de paie conforme à cette décision ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Eurodep aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x