Prêt entre particuliers : 29 juin 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/02065

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Prêt entre particuliers : 29 juin 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/02065

29 juin 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG
22/02065

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/02065 – N��Portalis DBVH-V-B7G-IPBQ

SL-AB

TRIBUNAL DE PROXIMITE D’UZES

24 mai 2022 RG:1121000403

[J]

[H]

C/

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC

Grosse délivrée

le 29/06/2023

à Me Philippe HILAIRE-LAFON

à Me Isabelle VIGNON

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 29 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de proximité d’UZES en date du 24 Mai 2022, N°1121000403

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Séverine LEGER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 29 Juin 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTS :

Monsieur [P] [J]

né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Philippe HILAIRE-LAFON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Madame [O] [H] épouse [J]

née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Philippe HILAIRE-LAFON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC immatriculée au RCS de MONTPELLIER, prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Isabelle VIGNON de l’AARPI BONIJOL-CARAIL-VIGNON, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Amélie GONCALVES de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, Plaidant, avocat au barreau de LYON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Séverine LEGER, Conseillère, en l’absence du Président légitimement empêché, le 29 Juin 2023 conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Selon offre de crédit du 21 septembre 2017 signée respectivement par Mme [O] [J] le 22 septembre 2017 et par M. [P] [J] le 25 septembre 2017, la Caisse Régionale de Crédit Agricole (ci-après la CRCAM) leur a consenti un prêt personnel d’un montant de 15000 euros remboursable en 72 mensualités de 241,18 euros au TEG de 5,057 % l’an.

Un premier impayé non régularisé a été constaté par la banque en 2019.

Par courrier recommandé du 12 août 2020, la CRCAM a notifié aux débiteurs la déchéance du terme et, en l’absence de règlement amiable, a déposé une requête aux fins d’injonction de payer devant le juge des contentieux et de la protection près le tribunal de proximité d’Uzès.

Par ordonnance rendue sur requête le 26 janvier 2021, le juge des contentieux et de la protection près le tribunal de proximité d’Uzès a enjoint aux époux [J] de payer à l’organisme de crédit la somme de 8 950,30 euros outre celle de 51,48 euros pour frais accessoires et a prononcé, outre la déchéance du droit aux intérêts pour absence de vérification suffisante de la solvabilité des co-emprunteurs, la réduction de la clause pénale.

Par acte du 16 février 2021, l’ordonnance a été notifiée aux époux [J] selon les modalités de l’article 656 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 septembre 2021, les époux [J] ont formé opposition aux fins de voir prononcer la nullité du contrat souscrit aux fins de paiement des dettes de l’association ‘ Les jardins de l’étang’ à l’origine d’une erreur de droit ayant vicié leur consentement et obtenir la condamnation de la CRCAM à indemniser leur entier préjudice, avec compensation des sommes à restituer.

Par jugement contradictoire du 24 mai 2022, le juge des contentieux et de la protection près le tribunal de proximité d’Uzès a :

– déclaré l’opposition des époux [J] [O] et [P] à l’ordonnance portant injonction de payer rendue le 26 janvier 2021 recevable mais mal fondée ;

– mis à néant l’ordonnance critiquée compte tenu des demandes incidentes ;

Statuant à nouveau,

– déclaré l’action de la Caisse de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc recevable ;

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de cette banque au titre du prêt personnel souscrit par les époux [J] respectivement les 22 et 25 septembre 2017 et ce, à compter de ces dates;

– condamné solidairement les époux [J] à payer à la Caisse de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc la somme de 8 950,30 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 12 août 2020;

– débouté la Caisse de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc de sa demande d’indemnité au titre de la clause pénale ;

– débouté la Caisse de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc de sa demande d’indemnité au titre de la clause pénale ;

– condamné solidairement les défendeurs aux entiers dépens comprenant ceux relatifs à la procédure d’injonction de payer ;

– débouté la Caisse de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc de sa demande au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé qu’en vertu de l’article 514 du code de procédure civile le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire et par application de l’article 1240 du même code, se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer rétractée.

Le tribunal a rejeté la demande de nullité formulée par les emprunteurs au motif que ces derniers ne versaient aucun élément de preuve de nature à étayer leurs allégations relatives à l’erreur et au dol et a considéré que la banque n’avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

Par déclaration du 16 juin 2022, les époux [J] ont interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 16 décembre 2022, la procédure a été clôturée le 9 mai 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 23 mai 2023 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 29 juin 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2022, les appelants demandent à la cour de réformer le jugement dont appel en ce qu’elle a déclaré recevable l’action de la CRCAM et rejeté la demande au titre de la nullité du contrat de prêt du 25 septembre 2017 pour dol et erreur de droit et de :

– prononcer la nullité du contrat de prêt conclu le 25 décembre 2017 pour un montant de 15 000 euros remboursables en 72 mensualités de 241,18 euros chacune au TEG de 5,057 %,

– constater qu’après compensation dans le cadre des restitutions ils demeurent débiteurs de la somme de 7 820,50 euros,

– juger que compte tenu des manoeuvres dont elle est à l’origine, la CRCAM sera privée des fruits intérêts dans le cadre de ses restitutions,

– condamner la CRCAM à leur porter et payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts compte tenu de sa responsabilité délictuelle,

– condamner la CRCAM à leur porter et payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappeler autant que besoin et juger que la compensation est de droit,

– condamner la CRACM aux entiers dépens.

Les appelants font essentiellement valoir que :

– ils ont souscrit le prêt litigieux pensant qu’ils étaient tenus des dette de leur association « Les Jardins de l’Etang » et ont commis une erreur déterminante de leur consentement au sens de l’article 1130 du code civil;

– ils rapportent la preuve que, conformément aux dispositions de l’article 1137 du code civil, cette erreur a été renforcée par la réticence dolosive exercée par la banque qui les a laissés croire qu’ils étaient tenus des dettes de leur association de sorte que leur consentement a forcément été vicié, ce qui justifie la nullité du contrat et l’engagement de responsabilité de la banque.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2022, l’intimée demande à la cour de :

– débouter les époux [J] de l’ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

Y ajoutant,

– condamner solidairement les époux [J] au paiement d’une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée réplique que :

– les appelants ne rapportent ni la preuve d’une erreur déterminante de leur consentement au sens de l’article 1135 du code civil, ni la preuve d’un dol relatif au paiement des créances de l’association compte du caractère non affecté du crédit qui leur a été consenti ;

– aucune cause de nullité ne pourra être retenue et le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande des époux [J] formulée à ce titre ;

– les emprunteurs ne démontrent pas l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité de nature à engager la responsabilité civile de la banque.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité du contrat :

Les appelants sollicitent la nullité du contrat de crédit sur le fondement de l’erreur de droit et du dol en exposant avoir été trompés sur le fait qu’ils pourraient être tenus responsables des dettes de l’association ‘ Les jardins de l’étang’ en leur qualité de membre et de dirigeant alors que tel n’était pas le cas.

Ils excipent de la concomitance des opérations intervenues sur leur compte et celui de l’association attestant selon eux de la souscription du crédit aux fins de paiement des dettes de l’association et soutiennent avoir été confortés dans leur erreur par la banque.

L’intimée oppose le caractère non affecté du contrat de prêt souscrit par les emprunteurs qui invoquent une erreur sur les motifs de leur engagement, laquelle n’est pas de nature à entraîner la nullité du contrat.

Elle ajoute que les époux [J] se sont déjà engagés à titre personnel pour le compte de l’association en ayant souscrit un crédit auto aux fins d’acquisition d’un véhicule de fonction pour cette dernière.

Le crédit à la consommation souscrit par les époux [J] est un prêt personnel non affecté d’un montant de 15 000 euros.

Les fonds ont été débloqués sur leur compte personnel en date du 4 octobre 2017.

Il résulte de l’examen des relevés de compte de l’association que le 5 octobre 2017, un virement d’un montant de 10 000 euros a été effectué à partir du compte personnel de M. [J] et que le même jour, la somme de 9 500 euros a été débitée du compte de l’association au titre du paiement d’une créance.

Il est par ailleurs établi que les époux [J] ont souscrit à titre personnel un crédit auto pour le financement d’un véhicule de l’association et bénéficient chaque mois d’un virement effectué à leur profit d’un montant de 516,86 euros à cette fin.

En application de l’article 1135 du code civil, l’erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant, n’est pas une cause de nullité, à moins que les parties n’en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement.

En l’espèce, les appelants excipent d’une erreur commise sur les motifs de la souscription du prêt, laquelle n’est pas de nature à entraîner la nullité du prêt en l’absence de preuve d’un élément déterminant de leur consentement dans la mesure où il est établi que les fonds ont seulement partiellement servi au règlement d’une dette de la société et que les époux [J] s’étaient déjà engagés à titre personnel pour le financement d’un véhicule de la société.

Il est en outre indifférent que les fonds aient été débloqués par la banque avant l’expiration du délai de rétractation de 14 jours ouvert aux emprunteurs puisque la banque a respecté le délai minimal de huit jours suivant la date d’acceptation du prêt et qu’il n’est nullement établi que les époux [J] aient fait usage de la faculté de rétractation qui leur restait ouverte y compris après commencement d’exécution du contrat.

Comme l’a exactement retenu le premier juge, les époux [J] sont défaillants dans l’administration de la preuve de manoeuvres dolosives imputées à la banque lors de la souscription du prêt.

La demande de nullité ne peut par conséquent prospérer ni sur le fondement de l’erreur, ni sur le fondement du dol et la décision déférée ayant rejeté cette prétention sera confirmée.

Sur la responsabilité délictuelle de la banque :

Les appelants reprochent à la banque un comportement déloyal en ce qu’elle aurait réussi à obtenir, par des manoeuvres critiquables, qu’ils assument la responsabilité d’une dette qui ne leur incombait pas.

Ils sont cependant défaillants dans l’administration d’une quelconque faute imputable à la banque lors de la souscription du contrat de prêt par leurs soins et lors de l’utilisation des fonds prêtés sur laquelle la banque ne disposait d’aucun droit de regard.

Ils ne sauraient par ailleurs reprocher à la banque d’avoir engagé des mesures aux fins de recouvrement des sommes dues au titre du contrat de prêt.

Leur demande de dommages-intérêts présentée à hauteur de la somme de 10 000 euros ne peut donc prospérer et sera rejetée.

Sur les autres demandes :

Succombant en leur appel, M. et Mme [J] seront condamnés à en régler les entiers dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et seront déboutés de leur prétention au titre des frais irrépétibles.

Aucune considération d’équité ne commande de faire droit à la prétention de l’intimée au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la demande de la CRACM sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en l’intégralité de ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Déboute M. [P] [J] et Mme [O] [J] de leur demande de dommages-intérêts ;

Condamne M. [P] [J] et Mme [O] [J] à régler les entiers dépens de l’appel ;

Déboute les parties de leur prétention respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Séverine LEGER, Conseillère, en l’absence du Président légitimement empêché et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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