29 juin 2023
Cour d’appel de Chambéry
RG n°
21/00786
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 29 Juin 2023
N° RG 21/00786 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GVRE
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de THONON LES BAINS en date du 11 Janvier 2021, RG 20/01402
Appelants
M. [W] [V]
né le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4]
Mme [L] [M] [U]
née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Quentin MUGNIER, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimée
S.A. CA CONSUMER FINANCE dont le siège social est sis [Adresse 2] – prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELARL CONNILLE – POZZALLO AVOCATS, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat plaidant au barreau de LYON
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 02 mai 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 9 janvier 2018, la société CA Consumer Finance a consenti à M. [W] [V] et Mme [L] [M] un prêt personnel d’un montant en capital de 25 000 euros, remboursable en 72 mensualités, au taux nominal de 5,699 %.
A la suite d’impayés et par lettre recommandée avec demande d’avis de réception reçue le 17 mars 2020, la société CA Consumer Finance a prononcé la déchéance du terme, et mis en demeure les emprunteurs d’avoir à lui payer une somme de 24 427,57 euros.
Par acte d’huissier du 4 août 2020, la société CA Consumer Finance a assigné à M. [W] [V] et Mme [L] [M] en paiement.
Par jugement réputé contradictoire du 11 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains, après avoir constaté la déchéance du droit aux intérêts a :
– condamné solidairement M. [W] [V] et Mme [L] [M] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 18 867,13 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,
– condamné in solidum M. [W] [V] et Mme [L] [M] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [W] [V] et Mme [L] [M] aux dépens de l’instance,
– rappelé que le jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration du 9 avril 2021, M. [W] [V] et Mme [L] [M] ont interjeté appel du jugement.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 1er juillet 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [L] [M] et M. [V] demandent à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains du 11 janvier 2021 en ce qu’il :
– les a condamnés solidairement à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 18 867,13 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement,
– les a condamnés in solidum à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– les a condamnés in solidum aux dépens de l’instance,
– a rappelé que le jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire.
En conséquence, et statuant à nouveau,
à titre principal,
– dire et juger que l’action intentée par la société CA Consumer Finance est irrecevable comme étant forclose,
– en conséquence, débouter purement et simplement la société CA Consumer Finance de l’ensemble de ses demandes et prétentions,
à défaut, et subsidiairement,
– confirmer l’analyse du premier juge en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts sollicités par la société CA Consumer Finance,
en conséquence,
– prononcer la déchéance du droit aux intérêts sollicités par la société CA Consumer Finance,
– leur accorder un délai de paiement pendant deux ans, sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil,
en tout état de cause,
– débouter purement et simplement la société CA Consumer Finance de l’ensemble de ses demandes et prétentions,
– condamner la société CA Consumer Finance à leur payer à la somme de 3 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans ses conclusions adressées par voie électronique le 30 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société CA Consumer Finance demande à la cour de :
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains du 11 janvier 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné solidairement M. [W] [V] et Mme [L] [M] à lui payer la somme de 18 867,13 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,
par conséquent, statuant à nouveau et y ajoutant :
à titre principal,
– constater l’acquisition de la clause résolutoire et la déchéance du terme,
à titre subsidiaire,
– prononcer la résiliation du contrat et la déchéance du terme pour manquement aux obligations contractuelles,
en tout état de cause,
– condamner solidairement Mme [L] [M] et M. [W] [V] à lui payer au titre du contrat du 9 janvier 2018, la somme de 24 319,76 euros, outre les intérêts contractuels au taux de 5,699 % à compter du 14 février 2020,
– débouter M. [W] [V] et Mme [L] [M] de leurs demandes, fins et prétentions,
– condamner solidairement M. [W] [V] et Mme [L] [M] à lui payer la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
– condamner solidairement M. [W] [V] et Mme [L] [M] aux entiers dépens de l’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la forclusion
M. [W] [V] et Mme [L] [M] exposent que le premier incident de paiement non régularisé date du 10 mars 2018 dès lors qu’ils n’ont payé aucune mensualité du crédit litigieux. Ils en concluent que, conformément à l’article L. 311-52 du code de la consommation, l’action engagée le 4 août 2020 l’a été plus de deux ans après ce premier incident non régularisé, de sorte que l’action de la banque serait irrecevable comme forclose.
Il résulte de l’article R. 312-37 du code de la consommation, dans sa version applicable au jour du contrat, que les actions en paiement engagées devant le tribunal à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ; cet événement est caractérisé notamment par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ou par le premier incident de paiement non régularisé.
En l’espèce, il résulte du décompte produit par la société CA Consumer Finance (pièce n°4) que 13 échéances ont été réglées et que le premier défaut de paiement non régularisé date du mois de mai 2019. Par conséquent l’action intentée le 4 août 2020 l’a été dans le délai de deux ans prévu par le texte rappelé ci-dessus. Il en résulte que l’action en paiement de la société CA Consumer Finance est recevable.
Sur la déchéance du droit aux intérêts
Les emprunteurs reprochent à la banque de ne pas leur avoir fourni la fiche d’informations précontractuelles européenne normalisée (FIPEN) et de ne pas justifier de la consultation préalable du fichier des incidents de remboursement de crédit (FICP), ce qui est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts.
L’article L. 312-16 du code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige dispose que, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le texte ajoute que le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 751-1, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 751-6, sauf dans le cas d’une opération mentionnée au 1 de l’article L. 511-6 ou au 1 du I de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier.
L’article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige, prévoit que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
En l’espèce la banque produit (pièce non numérotée) une fiche d’interrogation du FICP en date du 8 janvier 2018 concernant le contrat n°8159184551. Ce numéro correspond bien à celui du contrat litigieux. Toutefois, il n’est pas possible, d’identifier, sur cette fiche, la personne pour laquelle le FICP a été interrogé. La seule mention d’identification est en effet ‘050674ALBAR’ et ne permet pas de savoir s’il s’agit de M. [W] [V] ou de Mme [L] [M]. Si les lettres de la formule laissent à penser qu’il s’agirait plutôt de cette dernière, l’information reste sujette à caution et, à supposer qu’il s’agisse bien d’elle, aucune pièce ne permet de prouver que le FICP a été consulté pour M. [W] [V].
En conséquence, et sans qu’il soit nécessaire d’analyser la question de la FIPEN, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société CA Consumer Finance.
Sur les sommes dues
La société CA Consumer Finance demande la condamnation des débiteurs à lui payer la somme de 24 319,76 euros, outre intérêts au taux contractuels de 5,699 % à compter du 14 février 2020.
La cour relève que, selon le décompte produit (pièce n°4), les débiteurs ont réglé à la société CA Consumer Finance la somme totale de 6 132,87 euros [(13 x 471,53) + 2,98 ]. Le capital emprunté étant de 25 000 euros et, compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts, M. [W] [V] et Mme [L] [M] demeurent redevables de la somme de 18 867,13 euros. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il les a condamnés au paiement de cette somme sauf à dire que les intérêts au légal courent à compter du 17 mars 2020, date de la réception par les débiteurs du courrier prononçant la déchéance du terme et les mettant en demeure de payer les sommes dues (pièce banque n°6).
Par ailleurs, conformément à la jurisprudence de la cour de justice de l’Union Européenne, l’application du taux légal majoré prévu à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier sera exclue. Un tel taux majoré de 5 % reviendrait en effet à vider de sa substance la sanction consistant en la déchéance du droit aux intérêts.
En ce qui concerne la clause pénale, il convient également d’en réduire à néant le montant comme étant manifestement excessif par rapport au préjudice réellement subi par la banque. En effet, 13 mensualités ont été payées par les débiteurs et aucun préjudice né du non paiement des intérêts ne peut être déploré par la société CA Consumer Finance laquelle, par sa propre faute, s’est trouvé privée de son droit aux intérêts.
Sur les délais de paiement
L’article 1343-5 du code civil dispose que, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
En l’espèce, M. [W] [V] et Mme [L] [M] ne fournissent pas la moindre pièce de nature à permettre à la cour d’apprécier leur situation financière. Ils seront donc déboutés de leur demande en délai de paiement.
Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, M. [W] [V] et Mme [L] [M] qui succombent, seront tenus in solidum aux dépens de première instance et d’appel. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point. Ils seront, dans le même temps, déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile comme n’en remplissant pas les conditions d’octroi.
Il n’est par ailleurs pas inéquitable de faire supporter par M. [W] [V] et Mme [L] [M] partie des frais irrépétibles exposés par la société CA Consumer Finance en première instance et en appel. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il les a condamnés in solidum à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Ils seront en outre condamnés in solidum à lui payer la somme de 300 euros au même titre en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Dit recevable l’action en paiement de la société CA Consumer Finance,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf à dire que les intérêts au taux légal courent à compter du 17 mars 2020,
Y ajoutant,
Exclut l’application de la majoration du taux d’intérêt légal,
Condamne in solidum M. [W] [V] et Mme [L] [M] aux dépens d’appel,
Déboute M. [W] [V] et Mme [L] [M] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [W] [V] et Mme [L] [M] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Ainsi prononcé publiquement le 29 juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente