28 mars 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
21/05587
ARRET
N°
S.A.S. SOGEFINANCEMENT
C/
[S]
FLR
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 28 MARS 2023
N° RG 21/05587 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IJBF
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COMPIEGNE EN DATE DU 10 JUIN 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. SOGEFINANCEMENT, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-rené CATÉ, avocat au barreau de BEAUVAIS
ET :
INTIMEE
Madame [W] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Assignée à personne, le 09/03/22
DEBATS :
A l’audience publique du 24 Janvier 2023 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Mars 2023.
GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Françoise LEROY-RICHARD, en a rendu compte à la Cour composée de :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,
et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 28 Mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.
DECISION
Suivant offre préalable de crédit acceptée le 21 juin 2014 la Sas Sogefinancement a consenti à Mme [W] [S] un prêt personnel d’un montant de 17 000 € remboursable en 80 mensualités de 251,12 € au taux nominal de 5,10 % l’an.
Par avenant en date du 29 novembre 2016 prenant effet au 10 décembre 2016 les parties ont convenu que le prêt serait remboursé dorénavant en 106 mensualités de 201,02 € .
Se prévalant de mensualités impayées la Sas Sogefinancement à attrait Mme [W] [S] en paiement devant le tribunal judiciaire de Compiègne qui par jugement contradictoire en date du 10 juin 2021 a :
– déclaré l’action recevable ;
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts ;
– condamné Mme [W] [S] à payer à la Sas Sogefinancement la somme de 5 515,25 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
– octroyé des délais de paiement et autorisé Mme [W] [S] à se libérer de sa dette de 5 515,25 € par 11 versements de 500 € outre un ultime paiement de 15,25 €, le premier paiement devant intervenir dans le mois à compter de la signification de la présente décision ;
– dit qu’en cas de nouvelle défaillance de l’emprunteuse, le solde restant dû deviendra immédiatement exigible à compter de la première mensualité non payée à bon terme ;
– débouté la Sas Sogefinancement du surplus de ses demandes ;
– condamné Mme [W] [S] aux dépens ;
– dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration en date du 6 décembre 2021 signifiée à Mme [W] [S] le 9 mars 2022 la Sas Sogefinancement a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions remises le 22 mars 2022, signifiées à Mme [W] [S] le 18 mars 2022 dans les formes de l’article 656 du code de procédure civile par acte remis en l’étude, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la Sas Sogefinancement demande à la cour d’infirmer le jugement dont appel, de condamner Mme [W] [S] à lui payer la somme de 11 787,81 € avec intérêts au taux de 5,10 % l’an sur la somme de 10 935,72 € et au taux légal sur le surplus à compter du 2 novembre 2020, 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d’appel après avoir dit n’y avoir lieu à octroi de délais de paiement.
Mme [W] [S] n’a pas constitué avocat.
SUR CE :
La Sas Sogefinancement fait grief au premier juge d’avoir prononcé la déchéance du droit aux intérêts au motif que le document par lequel elle justifie avoir consulté le Ficp ne précise ni le motif ni la clé de la consultation alors que ce document contient selon elle les informations exigées par la loi (articles L.751-1 et suivants du code de la consommation et les dispositions de l’arrêté du 26 octobre 2010) à savoir, l’identification de la personne concernée, son nom, prénom, date et lieu de naissance, date de l’interrogation et sa qualité d’emprunteur.
Elle explique que le contenu du document exclut toute méprise sur le motif de la consultation, ce dernier comprenant également le numéro de l’offre préalable et le code barre identique à celui se trouvant sur l’offre.
Aux termes de l’alinéa 2 de l’article L. 311-48, devenu L. 341-2 du même code, lorsque le prêteur n’a pas respecté les obligations fixées à l’article L. 311-9, devenu L.312-16, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. L’alinéa 3 de l’article L. 311-48, devenu L. 341-8, prévoit que l’emprunteur n’est alors tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu, les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, étant restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Aux termes de l’article L. 311-9 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur, le prêteur consultant le fichier prévu à l’article L. 333-4, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 333-5 du même code.
L’article 13 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif au Ficp dispose que :
« I – En application de l’article L.333-5 du code de la consommation, afin de pouvoir justifier qu’ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes mentionnés à l’article 1er doivent, dans les cas de consultation aux fins mentionnées au I de l’article 2, conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat, sur un support durable. Ils doivent être en mesure de démontrer que les modalités de consultation du fichier et de conservation du résultat des consultations garantissent l’intégrité des informations ainsi collectées. Constitue un support durable tout instrument permettant aux établissements et organismes mentionnés à l’article 1er de stocker les informations constitutives de ces preuves, d’une manière telle que ces informations puissent être consultées ultérieurement pendant une période adaptée à leur finalité est reproduites à l’identique.
Le cas échéant, le résultat des consultations effectuées aux fins mentionnées au II de l’article 2 est conservé dans les conditions décrites ci-dessus.
II – Les établissements et organismes mentionnés à l’article 1er mettent en place des procédures internes leur permettant de justifier que les consultations du fichier ne se sont effectuées qu’aux fins mentionnées à l’article 2 et à elles seules ».
L’article L. 311-9 n’impose aucun formalisme quant à la justification de la consultation du Ficp par les prêteurs, et il est admis que la Banque de France ne délivre pas de récépissé de cette consultation. S’agissant de la preuve d’un fait juridique, le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuves à soi-même n’est pas applicable. De plus, l’arrêté susvisé relatif au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers fait expressément référence, dans son article 13 relatif aux « modalités de justification et de conservation des données » aux « procédures internes » mises en place par les établissements de crédit.
Pour démontrer avoir satisfait à son obligation de consultation préalable du Ficp, la société Sogefinancement communique un document intitulé « résultats interrogation Fichage Ficp », lequel, daté du 25 septembre 2015 ( date du contrat de crédit ) comprend le nom le prénom et la date et le lieu de naissance de Mme [W] [S], et s’agissant des renseignements obtenus : type d’interrogation : automatique, résultat : aucun, ainsi que le numéro du contrat de crédit 36196160018, objet de la consultation outre un code barre.
L’indication sur le document du numéro du crédit et de sa date, associée aux autres informations sus-décrites, permet de s’assurer que la recherche effectuée au fichier par la banque est motivée par l’octroi du prêt litigieux, le numéro de la « clé Bdf » composée des 6 chiffres de la date de naissance n’étant pas utile à cette démonstration ni exigée par la loi.
Dès lors, la société Sogefinancement a dûment rempli son obligation prévue par l’article L.311-9 du code de la consommation, de sorte qu’il convient de réformer le jugement déféré en ce qu’il a estimé qu’elle était déchue de son droit aux intérêts contractuels au motif que le support justifiant de la consultation du Ficp ne comportait pas le motif de la demande ni la « clé ».
Suivant l’article L.311-24 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.
Au regard des pièces communiquées (contrat, ré- aménagement, tableau d’amortissement, décompte), le montant de la créance s’établit comme suit :
– mensualités échues impayées : 1 005,10 €
– capital restant dû : 9 920,87 €
– indemnité : 852,09 €
Il convient en conséquence de condamner Mme [W] [S] à payer à la société Sogefinancement la somme de 11 718,06 €, avec intérêts au taux contractuel de 5,10 % l’an sur la somme de 9 920,87 €, et avec intérêts au taux légal sur la somme de 852,09 €, et ce à compter du 19 novembre 2020.
En raison de l’importance du montant de la condamnation prononcée et à défaut de connaître la situation financière et personnelle de Mme [W] [S] qui n’est pas représentée, la cour se trouve privée de la possibilité de faire application de l’article 1343-5 du code civil.
Mme [W] [S], partie perdante supporte les dépens de première instance et d’appel. Les circonstances justifient de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut par mise à disposition au greffe ;
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la société Sogefinancement de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau ;
Condamne Mme [W] [S] à payer à la société Sogefinancement la somme de 11 718,06 €, avec intérêts au taux contractuel de 5,10 % l’an sur la somme de 9 920,87 €, et avec intérêts au taux légal sur la somme de 852,09 €, et ce à compter du 19 novembre 2020 ;
Dit n’y avoir lieu à fait application de l’article 1343-5 du code civil ;
Déboute la société Sogefinancement de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [W] [S] aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier, La Présidente,