28 février 2023
Cour d’appel d’Angers
RG n°
18/00706
COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – COMMERCIALE
NR/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 18/00706 – N° Portalis DBVP-V-B7C-EJF4
Jugement du 24 Janvier 2018
Tribunal de Grande Instance du MANS
n° d’inscription au RG de première instance 17/02370
ARRET DU 28 FEVRIER 2023
APPELANTS :
Monsieur [R] [U] [B] [Y]
né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Madame [Z] [L] [M] [E] épouse [Y]
née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentés par Me François GAUTIER, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 2018053
INTIMEE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE L’ANJOU ET DU MAINE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe LANGLOIS substitué par Me José MORTREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71180190
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 19 Septembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme ROBVEILLE, conseillère, qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, conseillère
M. BENMIMOUNE, conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 28 février 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte sous seing privé en date du 27 mars 2007, la Caisse Régionale de Crédit Agricole de l’Anjou et du Maine (CRCAM de l’Anjou et du Maine) a consenti à l’EARL de [Adresse 6] un prêt d’un montant de 52 000 euros, pour une durée de 120 mois, au taux de 6,05% l’an, garanti par le cautionnement solidaire de M. [R] [Y] et de Mme [Z] [E] épouse [Y] dans la limite de la somme de 67 600 euros (130% du capital cautionné couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des intérêts de retard).
Par acte sous seing privé du 7avril 2015, la même a consenti à l’EARL de [Adresse 6] un prêt d’un montant de 40 000 euros, pour une durée de 60 mois, au taux de 2,67%, garanti par les cautionnements solidaires de M. [R] [Y] et de Mme [Z] [E] dans la limite de 26 000 euros chacun.
Par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception reçues le 9 juillet 2016, la CRCAM de l’Anjou et du Maine a informé M. [R] [Y] et Mme [Z] [E] épouse [Y] de la défaillance de l’EARL de [Adresse 6] dans le remboursement des deux prêts et les a mis en demeure, en leur qualité de cautions solidaires, de lui payer le montant des échéances échues impayées pour chacun des prêts dans le délai de dix jours.
Par lettres du 26 octobre 2016 adressées en recommandé avec demandes d’avis de réception reçues le 27 octobre 2016, la CRCAM de l’Anjou et du Maine a notifié à L’EARL de [Adresse 6] et à chacun des époux [Y] la déchéance du terme à défaut de régularisation dans le délai imparti et a mis en demeure ces derniers de lui régler la somme globale de 38 366,56 euros en exécution de leurs engagements de caution.
Par jugement en date du 11 mai 2017 une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’égard de L’EARL de [Adresse 6].
Le 14 juin 2017, la CRCAM de l’Anjou et du Maine a déclaré des créances au passif de L’EARL de [Adresse 6], à hauteur des montants suivants :
– 38 386,43 euros au titre du prêt professionnel du 7 avril 2015 à titre chirographaire, dont 37 163,65 euros en principal, 1 222,78 euros au titre des intérêts de retard échus au 11 mai 2017, outre intérêts à échoir au taux de 2,67% + 3 points
– 12 427,44 euros au titre du prêt professionnel du 27 mars 2007 à titre chirographaire, dont 12 155,49 euros à titre principal, 271,95 euros au titre des intérêts de retard échus au 11 mai 2017, outre intérêts à échoir au taux de 6,05% + 3 points,
– solde débiteur compte de dépôt à vue : 14, 98 euros outre intérêts à échoir
– solde débiteur compte de dépôt à vue : 65,49 euros outre intérêts à échoir.
Par acte d’huissier du 7 juillet 2017, la CRAM de l’Anjou et du Maine a fait assigner M. [R] [Y] et Mme [Z] [E] épouse [Y] devant le tribunal de grande instance du Mans, aux fins de :
– les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 12 529,91 euros arrêtée au 14 juin 2017, outre intérêts au taux conventionnel à compter de cette date, au titre de leur engagement de caution du prêt de 52 000 euros,
– voir condamner chacun d’entre eux à lui payer la somme de 26 149,53 euros arrêtée au 14 juin 2017, outre intérêts à compter de cette date, dans la limite de la somme due par l’EARL de [Adresse 6], au titre de leurs engagements de caution du prêt de 40 000 euros,
– les voir condamner solidairement au paiement d’une indemnité 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Pavet Benoist Dupuy Renou Lecornue.
Les époux [Y] n’ont pas constitué avocat.
Par jugement réputé contradictoire du 24 janvier 2018, le tribunal de grande instance du Mans a :
– dit n’y avoir lieu à solidarité entre les cautions ;
– condamné Mme [Z] [E] épouse [Y] à payer à la CRCAM de l’Anjou et du Maine :
* la somme de 19 193,22 euros au titre du prêt de 40 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2017,
* la somme de 6 213, 72 euros au titre du prêt de 52 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2017 ;
– condamné M [R] [Y] à payer à la CRCAM de l’Anjou et du Maine :
* la somme de 19 193,22 euros au titre du prêt de 40 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2017,
* la somme de 6 213, 72 euros au titre du prêt de 52 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2017 ;
– condamné M. [R] [Y] et Mme [Z] [E] épouse [Y] à payer conjointement à la CRCAM de l’Anjou et du Maine la somme de 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [R] [Y] et Mme [Z] [E] épouse [Y] aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Virfolet Roucoux,
– ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 11 avril 2018, M. [R] [Y] et Mme [Z] [Y] ont interjeté appel de ce jugement en critiquant l’ensemble de ses dispositions, intimant la CRCAM de l’Anjou et du Maine.
M. et Mme [Y], d’une part, et la CRCAM de l’Anjou et du Maine d’autre part, ont conclu.
Une ordonnance du 20 juin 2022 a clôturé l’instruction de l’affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
– le 9 juillet 2018 pour les époux [Y],
– le 9 octobre 2018 pour la CRACAM de l’Anjou et du Maine,
aux termes desquelles les parties forment les demandes qui suivent :
M. [R] [Y] et Mme [Z] [E] épouse [Y] demandent à la Cour de :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– dire et juger que leurs cautionnements consentis par actes sous seings privés du 27 mars 2007 et des 7 et 14 avril 2015 sont manifestement disproportionnés,
– constater et en tant que de besoin dire et juger que leur patrimoine ne leur permet pas de faire face à leurs obligations au titre de leurs engagements de cautions consentis par actes sous seings privés du 27 mars 2007 et des 7 et 14 avril 2015,
– en conséquence dire et juger que la CRCAM de l’Anjou et du Maine ne peut se prévaloir de ces engagements de caution et la débouter de toutes ses demandes en paiement formées à leur encontre,
A titre subsidiaire,
– dire et juger que la CRCAM de l’Anjou et du Maine n’a pas respecté son obligation d’information annuelle de la caution à l’égard de chacun d’eux, pour chacun des engagements cautionnés,
– en conséquence dire et juger que la CRCAM de l’Anjou et du Maine se trouve déchue du droit à percevoir à leur égard les intérêts au titre des prêts de 52 000 euros et de 40 000 euros, constater et en tant que de besoin dire et juger que plus aucune somme n’est due par eux au titre du prêt de 52 000 euros et débouter la CRCAM de l’Anjou et du Maine de ses demandes à ce titre ; constater et en tant que de besoin dire et juger qu’au plus il serait due une somme de 32 833 euros au titre du prêt de 40 000 euros,
– subsidiairement, enjoindre la CRCAM de l’Anjou et du Maine de produire un décompte de sa créance expurgé de tout intérêt conventionnel,
– condamner la CRCAM de l’Anjou et du Maine à leur payer à titre de dommages intérêts une somme équivalente à celle au paiement de laquelle ils seraient condamnés en leur qualité de caution, avec compensation entre les créances respectives des parties jusqu’à due concurrence,
En tout état de cause,
– condamner la CRCAM de l’Anjou et du Maine à payer à chacun d’eux la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me François Gautier.
La CRCAM de l’Anjou et du Maine demande à la cour de :
– déclarer irrecevables comme prescrites les demandes des époux [Y] fondées sur la disproportion et le devoir de mise en garde relatifs à leur engagement de caution du 27 mars 2007,
– débouter les époux [Y] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– la recevoir en son appel incident, ses demandes fins et conclusions,
y faisant droit,
– condamner M et Mme [Y] solidairement et à défaut chacun, à lui verser les sommes suivantes :
* 7 542,60 euros au titre du prêt de 52 000 euros, outre intérêts au taux de 9,05% à compter du 7 septembre 2018,
* la somme de 22 340,08 euros au titre du prêt de 40 000 euros, outre intérêts au taux de 5,67% à compter du 7 septembre 2018,
dans la limite des sommes dues par l’EARL de [Adresse 6],
– condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les mêmes solidairement aux entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
– Sur la prescription des demandes de M. [R] [Y] et de Mme [Z] [E] épouse [Y] tendant à voir déclarer leur cautionnement consenti le 27 mars 2007 manifestement disproportionné
La CRCAM de l’Anjou et du Maine conclut à l’irrecevabilité de la demande des époux [Y] tendant à voir juger leur cautionnement consenti par acte sous seing privé du 27 mars 2007 manifestement disproportionné, comme étant prescrite en application de l’article 2224 du code civil pour avoir été soulevée dans des écritures signifiées le 9 juillet 2018, en soutenant qu’ils disposaient d’un délai de cinq ans à compter du 27 mars 2007, date de la souscription de leur engagement, pour se prévaloir des dispositions de l’article L 341-4 du code de la consommation, dès lors qu’à cette date ils avaient une parfaite connaissance de leurs revenus et biens et pouvaient donc apprécier la proportionnalité de leur engagement.
Cependant, la prescription de l’article 2224 du code civil ne s’applique pas à la caution lorsqu’elle invoque le moyen tiré de l’article L 341-4 du code de la consommation selon lequel l’engagement de la caution manifestement disproportionné à ses biens et revenus se trouve privé d’effet à l’égard du créancier professionnel, comme moyen de défense au fond pour s’opposer à l’action du prêteur.
La demande de la CRCAM de l’Anjou et du Maine, tendant à voir déclarer irrecevables comme prescrites les demandes des époux [Y] fondées sur la disproportion de leur engagement de caution du 27 mars 2007, sera en conséquence rejetée.
– Sur la prescription des demandes de M. [R] [Y] et de Mme [Z] [E] épouse [Y] de dommages intérêts pour défaut de mise en garde concernant leur cautionnement consenti le 27 mars 2007
La CRCAM de l’Anjou et du Maine conclut à l’irrecevabilité de l’action des époux [Y] en responsabilité de la banque à raison de son prétendu manquement à son devoir de mise en garde concernant l’engagement de caution consenti par eux le 27 mars 2007, comme étant prescrite en application de l’article 2224 du code civil.
Cependant, le point de départ du délai de prescription de l’action en paiement de dommages-intérêts formée par la caution contre l’établissement de crédit créancier, pour manquement à son devoir de mise en garde, est le jour où elle a su que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal.
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que chacun des époux [Y] a été informé par la CRCAM de l’Anjou et du Maine qu’elle entendait se prévaloir de leur engagement de caution consenti le 27 mars 2007, à raison de la défaillance de l’EARL de [Adresse 6] dans son obligation de remboursement du prêt de 52 000 euros ayant provoqué la déchéance du terme, par lettres du 26 octobre 2016 adressées en recommandé avec demandes d’avis de réception, reçues le 27 octobre 2016.
La demande reconventionnelle de dommages intérêts pour manquement de la banque à son obligation de mise en garde lors de la souscription de l’engagement de caution des époux [Y] du 27 mars 2007, présentée dans des conclusions du 9 juillet 2018, n’est donc pas prescrite.
La demande de la CRCAM de l’Anjou et du Maine tendant à voir déclarer irrecevable comme prescrite la demande des époux [Y] fondée sur la responsabilité de la banque pour défaut de mise en garde lors de la souscription de leur engagement de caution du 27 mars 2007 sera en conséquence rejetée.
– Sur la disproportion alléguée des cautionnements souscrits par M. [R] [Y] et de Mme [Z] [E] épouse [Y]
Aux termes de l’article L 341-4 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date de signature des engagements de caution litigieux, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Cette disposition s’applique à l’égard de toute caution, qu’elle soit avertie ou profane, même dans l’hypothèse où elle est dirigeante de la société débitrice principale.
Il appartient à la caution, qui se prévaut des dispositions susvisées, de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement pour en invoquer l’inopposabilité.
La disproportion alléguée par la caution s’apprécie à la date de formation de l’acte de cautionnement.
En présence d’engagements successifs, l’étude de la situation patrimoniale et du caractère disproportionné de l’engagement se fait de manière distincte pour chaque engagement.
En cas de pluralité de cautions solidaires du débiteur principal, la disproportion alléguée par chaque caution s’apprécie au regard des biens et revenus de chacune d’elles et en considération de son endettement global, y compris celui résultant d’autres engagements de caution.
Il en est de même pour le cautionnement donné en garantie de la même dette par chacun des époux mariés sous le régime de la séparation de biens, tels les époux [Y] ainsi que cela ressort des pièces versées aux débats.
* Sur la disproportion du cautionnement consenti par Mme [Z] [E] épouse [Y] le 27 mars 2007
Aux termes du contrat de prêt du 27 mars 2007 et de l’acte sous seing privé de même date, Mme [Z] [E] épouse [Y] s’est portée caution solidaire de l’EARL de [Adresse 6] dans la limite de 67 600 euros couvrant le principal, les intérêts et les pénalités ou intérêts de retard, en garantie du remboursement par cette dernière du prêt d’un montant de 52 000 euros souscrit auprès de la CRCAM de l’Anjou et du Maine.
Aucune fiche de renseignements n’est produite à une date proche de la souscription de l’engagement de caution litigieux.
Dans ces conditions, il convient d’analyser l’ensemble des éléments produits par Mme [E] de nature à établir ses revenus et la composition de son patrimoine à la date de l’engagement de caution litigieux.
Mme [E] justifie par son avis d’imposition sur les revenus pour l’année 2006 qu’elle n’a perçu aucun revenu.
Elle précise qu’elle était alors conjoint collaborateur dans l’EARL de [Adresse 6] dont son époux était le gérant.
Elle indique, sans être contredite sur ce point par la CRCAM de l’Anjou et du Maine, qu’elle n’était propriétaire d’aucun bien immobilier.
Au vu de ces éléments, il convient de considérer que Mme [E] rapporte la preuve d’une disproportion manifeste de l’engagement de caution consenti par elle le 27 mars 2007.
Il convient donc d’examiner, en application de l’article L 341-4 du code de la consommation sus rappelé, si le patrimoine de Mme [E] lui permettait de faire face à son obligation au moment où elle a été appelée, soit au jour où elle a été assignée.
Il revient au créancier qui allègue que la caution peut faire face à son engagement au moment de l’appel en garantie de le prouver en fournissant les éléments d’évaluation de la situation patrimoniale de la caution.
L’appréciation de la capacité de la caution à faire face à son engagement au moment où elle est appelée s’apprécie au regard de l’ensemble des éléments d’actif et de passif composant son patrimoine pour ne retenir que la valeur nette de son patrimoine.
En l’espèce, la CRCAM de l’Anjou et du Maine soutient que les revenus déclarés par les époux [Y] pour l’année 2017, soit 20 700 euros, leur permettait d’apurer leur dette, étant précisé qu’aux termes de son assignation du 7 juillet 2017, elle sollicitait leur condamnation solidaire à lui payer au titre de leur engagement de caution du 27 mars 2007 la somme de 12 529,91 euros arrêtée au 14 juin 2017.
Cependant, il n’y a pas lieu de tenir compte des revenus perçus par M. [Y] pour apprécier la capacité de Mme [E] épouse [Y] à honorer son propre engagement de caution.
Il résulte des pièces versées aux débats par Mme [E] que ses seules ressources en juillet 2017 étaient une pension d’invalidité de 280 euros par mois et qu’à son engagement de caution du 27 mars 2007 s’ajoutait un second engagement souscrit le 14 avril 2015 au titre duquel elle était appelée pour un montant de 26 149,53 euros.
Au vu de ces éléments, la preuve que Mme [E] pouvait faire face à son engagement au moment où elle a été appelée en garantie n’est pas rapportée par la CRCAM de l’Anjou et du Maine.
Au final, la CRCAM de l’Anjou et du Maine ne peut donc pas opposer à Mme [Z] [E] épouse [Y] le cautionnement litigieux consenti le 27 mars 2007.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu’il a condamné Mme [Z] [E] épouse [Y] à payer à la CRCAM de l’Anjou et du Maine la somme de 6 213, 72 euros au titre de son engagement de caution du 27 mars 2007 garantissant le prêt de 52 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2017.
Statuant à nouveau, la demande en paiement de la CRCAM de l’Anjou et du Maine formée à l’encontre de Mme [E] épouse [Y] au titre de son engagement de caution du 27 mars 2007 sera rejetée.
* Sur la disproportion du cautionnement consenti par Mme [Z] [E] épouse [Y] le 14 avril 2015
Aux termes du contrat de prêt du 7 avril 2015 et de l’acte sous seing privé du 14 avril 2015, Mme [Z] [E] épouse [Y] s’est portée caution solidaire de l’EARL de [Adresse 6] dans la limite de 26 000 euros couvrant le principal, les intérêts et les pénalités ou intérêts de retard, en garantie du remboursement par cette dernière du prêt d’un montant de 40 000 euros souscrit auprès de la CRCAM de l’Anjou et du Maine.
Selon fiche de caution datée du 31 mars 2015, Mme [E] a déclaré percevoir un revenu mensuel de 1 550 euros, avoir deux personnes à charge et rembourser mensuellement la somme de 94 euros au titre d’un prêt personnel.
S’agissant de son patrimoine, elle a déclaré n’être propriétaire d’aucun bien immobilier, n’avoir aucune épargne, avoir un prêt en cours pour un montant de 1 000 euros et n’avoir donné aucun autre cautionnement.
Si le créancier est en droit de se fier aux informations qui lui sont fournies par la caution, la CRCAM de l’Anjou et du Maine ne pouvait ignorer que Mme [E] avait omis d’indiquer le cautionnement donné le 27 mars 2007 qui était toujours en cours, dans la mesure où c’est elle même qui l’avait exigé pour consentir à l’EARL de la Baconnière un prêt de 52 000 euros.
Le cautionnement signé le 14 avril 2015 portait ainsi le montant global de ses engagements à 67 600 + 26 000 + 1 000 = 94 600 euros.
Au vu de ces éléments, il convient de considérer que Mme [E] rapporte la preuve d’une disproportion manifeste de l’engagement de caution consenti par elle le 14 avril 2015 à ses biens et revenus.
En outre, il résulte de ce qui précède que son patrimoine ne lui permettait pas de faire face à son obligation au moment où elle a été appelée, soit au 7 juillet 2017, date à laquelle elle a été assignée en paiement.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu’il a condamné Mme [Z] [E] épouse [Y] à payer à la CRCAM de l’Anjou et du Maine la somme de 19 193,22 euros au titre de son engagement de caution garantissant le prêt de 40 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2017.
Statuant à nouveau, la demande en paiement de la CRCAM de l’Anjou et du Maine formée à l’encontre de Mme [E] épouse [Y] au titre de son engagement de caution du 14 avril 2015 sera rejetée.
* Sur la disproportion du cautionnement consenti par M. [R] [Y] le 27 mars 2007
Aux termes du contrat de prêt du 27 mars 2007 et de l’acte sous seing privé de même date, M. [R] [Y] s’est porté caution solidaire de l’EARL de [Adresse 6] dans la limite de 67 600 euros couvrant le principal, les intérêts et les pénalités ou intérêts de retard, en garantie du remboursement par cette dernière du prêt d’un montant de 52 000 euros souscrit auprès de la CRCAM de l’Anjou et du Maine.
Aucune fiche de renseignements n’est produite à une date proche de la souscription de l’engagement de caution litigieux.
Dans ces conditions, il convient d’analyser l’ensemble des éléments produits par M. [Y] de nature à établir ses revenus et la composition de son patrimoine à la date de l’engagement de caution litigieux.
Il ressort de son avis d’imposition sur les revenus pour l’année 2006 qu’il a perçu la somme de 12 386 euros (1 032,16 euros par mois) et de celui pour l’année 2007 qu’il a perçu la somme de 15 781 euros (1315 euros par mois).
M. [Y] indique, sans être contredit sur ce point par la CRCAM de l’Anjou et du Maine, qu’il n’était propriétaire d’aucun bien immobilier.
Il fait valoir en outre qu’il était associé unique au sein du Gaec de [Adresse 6] consécutivement au retrait de sa mère au 31 décembre 2003, constaté suivant procès verbal d’assemblée générale extraordinaire du 14 février 2014, puis de l’Earl de [Adresse 6] suite à la transformation du Gaec en Earl avec dépôt de nouveaux statuts en février 2004.
Il considère, pour apprécier sa situation, qu’il y a lieu de prendre en compte le fait qu’en sa qualité d’associé il était tenu solidairement et indéfiniment au passif social de l’Earl de [Adresse 6], en précisant qu’en raison de la cession des parts de l’ancien associé du Gaec et des modifications statutaires, l’Earl de [Adresse 6] a, le 14 février 2004, reconnu devoir à cet ancien associé et à son époux la somme de 82 029,60 euros et en soulignant qu’il ressort du document établi en février 2007 par un centre de gestion agréé que l’Earl de [Adresse 6] n’était pas propriétaire des terres exploités et que sa situation financière était ‘calamiteuse’.
Il convient néanmoins de rappeler que M. [Y] étant associé d’une Earl, sa responsabilité est limitée à son apport.
En outre, les parts sociales de M. [Y] dans L’Earl de [Adresse 6] qui font partie de son patrimoine doivent être prises en considération pour l’appréciation de la proportionnalité de l’engagement de caution litigieux à la date de sa souscription.
Il résulte des pièces versées aux débats, en particulier du procès verbal d’assemblée générale extraordinaire du 14 février 2004 du Gaec de [Adresse 6] et des statuts de l’Earl de [Adresse 6] du 14 février 2004, qu’à cette date, qui correspond à la création de l’Earl de [Adresse 6] par transformation du Gaec de [Adresse 6], les parts de M. [R] [Y] étaient évaluées à 25 500 euros, soit très en deçà du montant de l’engagement de caution litigieux.
Il ressort en outre du rapport complet de l’analyse de la situation de l’Earl de [Adresse 6] au 1er février 2007, effectué par un centre de gestion agréé à partir des comptes de l’exercice clos au 31 août 2006, que ladite société exploitait alors des terres exclusivement en fermage, que son résultat courant ne s’est élevé qu’à 9 757 euros, que son taux d’endettement était très élevé (92%), que ses capitaux propres avaient diminué, passant de 44 067 euros pour 2005 à 16 148 euros et que sa capacité d’autofinancement était négative (- 32 027 euros), les perspectives pour les trois années à venir quant à celle-ci étant de retrouver une valeur positive (+ 400 euros) seulement à l’issue du bilan pour 2009.
Il s’en déduit que ses parts dans l’Earl de [Adresse 6] qui constituaient le seul actif de son patrimoine ne pouvaient avoir au mois de mars 2007 une valeur suffisante pour garantir un cautionnement de 67 600 euros.
Au vu de ces éléments, il convient de considérer que M. [Y] rapporte la preuve d’une disproportion manifeste de l’engagement de caution consenti par lui le 27 mars 2007 à hauteur de 67 600 euros, à ses biens et revenus à cette date.
Il y a donc lieu d’examiner, en application de l’article L 341-4 du code de la consommation sus rappelé, si le patrimoine de M. [Y] lui permettait de faire face à son obligation au moment où il a été appelé, soit au 7 juillet 2017, date à laquelle il a été assigné.
Les seuls éléments relatifs à la situation de M. [Y] au 7 juillet 2017 sont ceux qu’il a lui même produits, étant rappelé que la charge de la preuve de ce que la caution peut faire face à son engagement au moment de l’appel en garantie repose sur le créancier qui doit, le cas échéant, fournir les éléments d’évaluation des parts sociales détenues par la caution.
A son engagement de caution du 27 mars 2007, pour lequel il était sollicité aux termes de l’assignation sa condamnation au paiement de la somme de 12 529,91 euros, s’ajoutait un second engagement souscrit le 7 avril 2015 au titre duquel il était appelé pour un montant de 26 149,53 euros.
Il est justifié par les avis d’imposition sur les revenus que M. [Y] a perçu un revenu mensuel moyen de 1493 euros en 2016 et de 1 442 euros en 2017.
Il n’est produit aucun élément concernant la situation de l’Earl de [Adresse 6] à cette date qui conditionne la valeur des parts de M. [Y].
Au vu de ces éléments, la preuve que M. [Y] pouvait faire face à son engagement au moment où il a été appelé en garantie n’est pas rapportée par la CRCAM de l’Anjou et du Maine.
Au final, la CRCAM de l’Anjou et du Maine ne peut donc opposer à M. [R] [Y] le cautionnement litigieux consenti le 27 mars 2007.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu’il a condamné M. [R] [Y] à payer à la CRCAM de l’Anjou et du Maine la somme de 6 213, 72 euros au titre de son engagement de caution garantissant le prêt de 52 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2017.
* Sur la disproportion du cautionnement consenti par M. [R] [Y] le 7 avril 2015
Aux termes du contrat de prêt du 7 avril 2014 et de l’acte sous seing privé de même date, M. [R] [Y] s’est porté caution solidaire de l’EARL de [Adresse 6] dans la limite de 26 000 euros couvrant le principal, les intérêts et les pénalités ou intérêts de retard, en garantie du remboursement par cette dernière du prêt d’un montant de 40 000 euros souscrit auprès de la CRCAM de l’Anjou et du Maine.
Selon fiche de caution datée du 31 mars 2015, M [Y] a déclaré percevoir un revenu mensuel de 1 450 euros et avoir deux personnes et aucune charge de crédit.
S’agissant de son patrimoine, il a déclaré n’être propriétaire d’aucun bien immobilier et n’avoir donné aucun autre cautionnement.
La CRCAM de l’Anjou et du Maine fait valoir qu’eu égard au montant des revenus déclarés par les époux [Y] pour l’année 2014 représentant près de 3 000 euros par mois, l’engagement de caution de M. [Y] limité à 26 000 euros n’apparaît pas manifestement disproportionné aux revenus et biens du couple.
Cependant, il n’y a pas lieu de tenir compte des revenus perçus par Mme [Y] pour apprécier la capacité de M. [R] [Y] à honorer son propre engagement de caution.
En outre, si le créancier est en droit de se fier aux informations qui lui sont fournies par la caution, la CRCAM de l’Anjou et du Maine ne pouvait ignorer que M. [Y] avait omis d’indiquer dans sa fiche de renseignements le cautionnement donné le 27 mars 2007, qui était toujours en cours, dans la mesure où c’est elle même qui l’avait exigé pour consentir à l’EARL de la Baconnière un prêt de 52 000 euros.
Le cautionnement signé le 7 avril 2015 portait ainsi le montant global de ses engagements à 67 600 + 26 000 = 93 600 euros.
Cependant, tel que pour l’examen de la proportionnalité du cautionnement donné par M. [Y] le 27 mars 2007, la valeur des parts sociales de celui-ci dans L’EARL de [Adresse 6], qui font partie de son patrimoine, doit être prise en considération pour l’appréciation de la proportionnalité de l’engagement de caution litigieux.
Il convient de constater que M. [Y] ne fournit aucun élément pour apprécier la valeur actualisée de celle-ci, étant précisé que leur valeur nominale de 25 500 euros à la date du mois de janvier 2005 ne saurait être retenue pour une évaluation au mois d’avril 2015 et que l’ouverture de la procédure collective de l’Earl de [Adresse 6] n’interviendra que deux ans plus tard.
Ainsi, en définitive, M. [Y] n’ayant fourni aucun élément d’évaluation de ses parts sociales, il convient de considérer qu’il ne démontre pas la prétendue disproportion manifeste du cautionnement consenti par lui le 7 avril 2015, à hauteur de 26 000 euros, à ses biens et revenus à cette date.
Par suite, sa demande tendant à voir déclarer le cautionnement dont s’agit inopposable à la banque sera rejetée et la demande en paiement formée à son encontre par la banque au titre de l’exécution de ce cautionnement devra être examinée.
– Sur la créance de la CRCAM de L’Anjou et du Maine à l’encontre de M. [R] [Y] au titre de son engagement de caution du 7 avril 2015
* Sur le prétendu manquement de la CRCAM de l’Anjou et du Maine à son obligation annuelle d’information de la caution
M. [Y] sollicite de la cour, qu’en application de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, elle déchoit la banque de son droit aux intérêts et pénalités à compter du 15 mars 2016, à défaut d’information annuelle de la caution.
La CRCAM de l’Anjou et du Maine soutient avoir satisfait à ses obligations d’information de la caution, en faisant valoir qu’elle verse aux débats les lettres d’information adressées à M. [Y] à compter de l’année 2016.
L’article L313-22 du code monétaire et financier en vigueur au moment de la souscription des engagements de caution dispose que les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant à la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts conventionnels échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.
Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
L’obligation d’information annuelle pesant sur la banque est due à la caution jusqu’à l’extinction de la dette, y compris durant la procédure judiciaire.
Si la preuve de la délivrance de l’information prévue par l’article L. 313-22 précité peut être rapportée par tous moyens, notamment par une lettre simple, il incombe à l’établissement de crédit d’établir qu’il a adressé à la caution l’information requise.
En l’espèce, la simple production par la CRCAM de l’Anjou et du Maine des copies de lettres simples datées des 10 mars 2016, 21 février 2017 et 13 février 2018 détaillant chacune le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant à la caution, ainsi que le terme de cet engagement, ne suffit pas à justifier de leur envoi à leur destinataire.
Il s’en suit que la CRCAM de l’Anjou et du Maine ne justifie pas de l’accomplissement des formalités prévues par l’article L 313-22 du code monétaire et financier depuis l’origine.
Compte tenu de la date de conclusion du prêt, soit le 7 avril 2015, l’information annuelle de la caution était due pour la première fois au plus tard le 31 mars 2016.
La banque sera en conséquence déchue des intérêts conventionnels échus, non depuis le 15 mai 2015, date de réalisation du prêt tel que soutenu par M. [Y], mais depuis le 31 mars 2016.
* Sur le montant de la créance de la CRCAM de l’Anjou et du Maine à l’égard de M. [Y]
M. [Y] prétend que le capital restant dû sur le prêt de 40 000 euros s’élevait au 15 mars 2016 à 36 494,69 euros dont il conviendrait selon lui de déduire les intérêts versés depuis l’origine, soit 3 661,03 euros, de sorte qu’il serait dû par la caution ‘au plus la somme de 32 833 euros’ arrêtée au 15 mars 2016.
La CRCAM de l’Anjou et du Maine se prétend créancière de la somme de 22 340,08 euros au titre du solde restant dû sur le prêt de 40 000 euros au 6 septembre 2018, tenant compte d’un règlement de 18 829,77 euros intervenu le 4 septembre 2018 émanant du mandataire judiciaire.
Compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels depuis le 31 mars 2016 et au vu des pièces versées aux débats, à savoir :
– l’acte de cautionnement limitant l’engagement de M. [Y] à 26 000 euros,
– le contrat de prêt du 7 avril 2015,
– le tableau d’amortissement du prêt,
– l’historique des versements,
– le décompte détaillé de la créance au 26 octobre 2016, date de déchéance du terme,
– la mise en demeure du 26 octobre 2016 de M. [Y] reçue le 27 octobre 2016,
– la lettre du mandataire judiciaire reçue le 3 septembre 2018 concernant le versement à la banque de la somme de 18 829,77 euros au titre du prêt de 40 000 euros,
– le décompte détaillé de la créance au 6 septembre 2018,
La créance de la CRCAM de l’Anjou à l’égard de M. [Y] sera arrêtée à la somme de 19 419,20 euros euros se décomposant comme suit :
* 36 628,34 euros : capital restant dû au 31 mars 2016 tenant compte des remboursements effectués arrêtés au 17 octobre 2016,
* intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2017, date de l’assignation valant mise en demeure, au 4 septembre 2018, calculés sur le principal de 36 628,34 euros : 1 620,64 euros
* à déduire règlement du mandataire judiciaire du 4 septembre 2018 : 18 829,77 euros
solde : 19 419,20 euros.
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement critiqué en ce qu’il a condamné M. [R] [Y] à payer à la CRCAM de l’Anjou et du Maine la somme de 19 193,22 euros au titre du prêt de 40 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2017.
Statuant à nouveau, M. [R] [Y] sera condamné à payer à la CRCAM de l’Anjou et du Maine la somme de 19 419,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2018.
– Sur la responsabilité de la CRCAM de l’Anjou et du Maine au titre du manquement à son obligation de mise en garde relative au cautionnement de M. [Y] du 7 avril 2015
La demande de dommages intérêts à raison du prétendu manquement de la banque à son devoir de mise en garde de M. [Y] pour le cautionnement du 27 mars 2007 qui lui aurait causé un préjudice équivalent au montant des sommes dont il serait redevable à l’égard de la banque, avec compensation entre leurs créances respectives, est sans objet dès lors que la demande en paiement de la banque au titre de cet engagement de caution de M. [Y] a été rejetée.
S’agissant du cautionnement donné le 7 avril 2015, M. [Y] soutient que la banque a failli à son obligation de mise en garde, en faisant valoir qu’elle aurait dû vérifier la capacité de la société cautionnée à rembourser le prêt de 40 000 euros et se renseigner sur sa situation et ses revenus, pour l’alerter du risque d’endettement né de l’octroi du prêt de son cautionnement.
Il fait grief à la banque de ne pas s’être préoccupée de la faisabilité du projet du prêt financé, en affirmant qu’elle a accordé un prêt destiné à répondre à un besoin de trésorerie de l’Earl de la Baconnière, sans exiger la production des bilans des années antérieures et de prévisionnels.
Il prétend avoir subi un préjudice à raison de la privation d’une chance d’échapper à un risque qui s’est réalisé et s’estime en conséquence fondé à solliciter l’allocation à titre de dommages intérêts d’un montant égal à celui dû par lui à la banque.
La CRCAM de l’Anjou et du Maine s’oppose à la demande en rappelant qu’elle a un devoir de non ingérence, en soutenant que l’obligation de mise en garde ne s’applique pas à M. [Y] caution avertie et qu’en toute hypothèse il résulte des termes de son engagement de caution qu’il s’est engagé en toute connaissance de cause de la situation difficile de la société cautionnée et du risque inhérent à une potentielle défaillance de celle-ci.
En application de l’article 1147 ancien du code civil, l’établissement de crédit est tenu d’un devoir de mise en garde envers la caution non avertie, lorsqu’au jour de son engagement celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution, ou s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur et engage sa responsabilité dans le cas où elle n’y satisfait pas.
En revanche, dans le cas d’une caution avertie, l’établissement de crédit n’est tenue à son égard d’un devoir de mise en garde que dans l’hypothèse où il est établi que la banque détient des informations sur la rentabilité financière de l’opération financée que la caution ignorait en raison de circonstances exceptionnelles.
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats, que M. [Y] a été associé pendant plusieurs années avec sa mère du Gaec de [Adresse 6] et qu’il est l’associé unique et le gérant de l’Earl de [Adresse 6] suite à sa transformation en société, depuis février 2004.
Il s’était déjà porté caution de l’Earl de [Adresse 6] en mars 2007 pour le même type d’opération consistant en un prêt de trésorerie de 52 000 euros.
Il a en outre ajouté de manière manuscrite sur son acte de cautionnement la mention selon laquelle il déclarait connaître la situation de l’Earl de [Adresse 6] et être informé des difficultés qu’elle rencontre.
Au vu de ces éléments, M. [Y] sera considéré comme une caution avertie.
En outre, il n’est nullement démontré, ni même d’ailleurs soutenu, que la CRCAM de l’Anjou et du Maine détenait des informations sur la rentabilité financière de l’opération financée que M. [Y] ignorait.
Par ailleurs, il résulte de ce qui précède que M. [Y] ne démontre pas que le cautionnement était manifestement disproportionné à des biens et revenus à la date de sa signature.
Il convient dés lors de considérer que la CRCAM de l’Anjou et du Maine n’était pas tenue à une obligation de mise en garde de M. [Y], tant sur l’éventuelle inadaptation de son engagement à ses capacités financières au regard de sa situation personnelle financière et patrimoniale, que sur le risque éventuel d’un endettement né de l’octroi du prêt garanti résultant de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’Earl du [Adresse 6].
Par suite, aucun manquement à cette obligation ne peut lui être reproché et sa demande à ce titre sera en conséquence rejetée.
– Sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement critiqué sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
Partie perdante, M. [R] [Y] sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et sera condamné aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la CRCAM de l’Anjou et du Maine la charge de ses frais irrépétibles.
La CRCAM de l’Anjou et du Maine sera en outre condamnée à payer à Mme [Z] [E] épouse [Y] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,
– INFIRME le jugement critiqué du tribunal de grande instance du Mans du 24 janvier 2018 ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
– REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande tendant à voir déclarer le cautionnement consenti par M. [R] [Y] et Mme [Z] [E] épouse [Y] le 27 mars 2007 manifestement disproportionné ;
– REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action en responsabilité de la Caisse Régionale de Crédit Agricole de l’Anjou et du Maine pour défaut de mise en garde de M. [R] [Y] et Mme [Z] [E] épouse [Y] dans l’opération de cautionnement du 27 mars 2007 ;
– DIT que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou et du Maine ne peut se prévaloir des cautionnements donnés par Mme [Z] [E] épouse [Y] les 27 mars 2007 et 14 avril 2015 et en conséquence DEBOUTE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou du Maine de toutes ses demandes formées à son encontre ;
– DIT que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou et du Maine ne peut se prévaloir du cautionnement donné par M. [R] [Y] le 27 mars 2007 et en conséquence DEBOUTE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou du Maine de ses demandes formées à son encontre à ce titre ;
– REJETTE la demande de M. [R] [Y] tendant à voir dire que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou et du Maine ne peut se prévaloir de son cautionnement donné le 7 avril 2015 ;
– DIT que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou et du Maine se trouve déchue, dans ses rapports avec la caution M. [R] [Y], du droit aux intérêts conventionnels applicables à l’obligation garantie par le cautionnement du 7 avril 2015, échus depuis le 31 mars 2015 ;
– CONDAMNE M. [R] [Y] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou et du Maine la somme de 19 419,20 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2018 ;
– DEBOUTE M. [R] [Y] de sa demande reconventionnelle de dommages intérêts ;
– DEBOUTE M. [R] [Y] et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou et du Maine de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou et du Maine à payer à Mme [Z] [E] épouse [Y] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE M. [R] [Y] aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL