Prêt entre particuliers : 28 février 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/02912

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Prêt entre particuliers : 28 février 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/02912

28 février 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG
21/02912

ARRET

S.A. CREATIS

C/

[S]

[W]

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 28 FEVRIER 2023

N° RG 21/02912 – N° Portalis DBV4-V-B7F-ID3N

JUGEMENT DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE BEAUVAIS EN DATE DU 19 AVRIL 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. CREATIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domicilés en cette qualité audit siège social,

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric MALINGUE substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 65

ET :

INTIMES

Monsieur [O] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Assigné à domicile le 20/07/21

Madame [K] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Assignée à domicile le 20/07/21

DEBATS :

A l’audience publique du 13 Décembre 2022 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2023.

GREFFIER : Mme Sophie TRENCART adjointe administrative faisant fonction.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

et Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 28 Février 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Sophie TRENCART, faisant fonction de Greffier.

DECISION

Selon offre préalable acceptée le 23 août 2010 la SA Créatis a consenti à M. [O] [S] et Mme [K] [W] un crédit d’un montant en capital de 42700 euros remboursable en 144 mensualités de 501,50 euros incluant les intérêts au taux de 6,77 % et le coût de l’assurance.

Se prévalant d’échéances impayées la SA Créatis a adressé à chacun des emprunteurs une mise en demeure préalable à la déchéance du terme le 8 juillet 2020, puis par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 31 août 2020 leur a notifié à chacun la déchéance du terme.

Par exploit d’huissier en date du 5 janvier 2021 la SA Créatis a fait assigner les emprunteurs devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Beauvais aux fins d’obtenir leur condamnation solidaire au paiement d’une somme de 16625, 54 euros avec intérêts conventionnels à compter du 31 août 2020 au titre du solde du prêt et la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Beauvais en date du 19 avril 2021 l’action de la SA Créatis a été déclarée recevable, la déchéance du droit aux intérêts a été prononcée et la SA Créatis a été déboutée de sa demande en paiement au titre du contrat de prêt, de sa demande fondée sur l’article 700 et elle a été condamnée aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 juin 2021 la SA Créatis a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions excepté en ce qu’elle a déclaré son action recevable.

Par conclusions notifiées le 26 août 2021 expurgées des demandes qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile mais des moyens, la SA Créatis demande à la cour d’infirmer le jugement entrtepris, de dire n’y avoir lieu au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts et de condamner solidairement les emprunteurs à lui payer la somme de 16625,54 euros avec intérêts au taux conventionnel de 6,67 % à compter du 31 août 2021 ainsi qu’une somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et in solidum au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ceux-ci au profit de la SCP Delahousse et associés.

La déclaration d’appel a été signifiée à M. [S] et Mme [W] par exploits d’huissier en date du 20 juillet 2021 remis en l’étude.

Les conclusions de l’appelante ont été signifiées aux emprunteurs par actes d’huissier en date du 9 septembre 2021 remis en l’étude.

M. [S] et Mme [W] n’ont pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 avril 2022.

SUR CE

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Le premier juge a retenu qu’il résulte des articles L 311-13, L311-15 et L 311-33 du code de la consommation qu’à peine de déchéance du droit aux intérêts le prêteur doit joindre à l’offre de prêt un formulaire détachable permettant l’exercice de la faculté de rétractation par l’emprunteur mais qu’en l’espèce l’exemplaire du contrat de crédit versé aux débats par l’emprunteur ne comportait pas de bordereau de rétractation et que de surcroît la clause type par laquelle l’emprunteur reconnaît rester en possession d’un exemplaire de l’offre doté d’un formulaire détachable de rétractation ne démontre pas la remise conforme aux dispositions mais ne constitue qu’un indice non susceptible en l’absence d’élément complémentaire de prouver l’exécution par le prêteur de son obligation de remettre un tel bordereau avec l’offre de prêt.

La SA Créatis soutient que le bon sens et la jurisprudence avaient déjà considéré que le formulaire de rétractation devait figurer dans l’exemplaire emprunteur et n’avait pas à être joint à l’exemplaire prêteur et que cette position a été confortée par les dispositions du nouvel article L 311-12 du code de la consommation qui précisent qu’un formulaire détachable est joint à l’exemplaire du contrat destiné à l’emprunteur.

Elle soutient par ailleurs que la reconnaissance par l’emprunteur de la remise d’un exemplaire des conditions générales et particulières du contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation établit l’accomplissement de cette exigence et qu’en l’espèce M. [S] et Mme [W] ont bien reconnu être restés en possession d’un exemplaire de cette offre doté d’un formulaire détachable de rétractation, la preuve de l’irrégularité de ce bordereau incombant au demeurant à l’emprunteur conformément à une jurisprudence bien établie.

Elle fait valoir ainsi qu’il ne peut être reproché au prêteur de ne pas rapporter la preuve de la conformité du bordereau de rétractation figurant sur l’offre remise à l’emprunteur.

Elle fait à ce titre cependant observer qu’elle verse aux débats un exemplaire vierge de contrat de prêt personnel d’une génération similaire au contrat souscrit le 23 août 2010 qui permet de constater que sur la liasse des trois exemplaires prêteur, emprunteur et co-emprunteur si l’exemplaire prêteur est dépourvu de bordereau de rétrataction les deux autres exemplaires destinés aux emprunteurs comportent bien un tel bordereau.

Elle ajoute qu’en tout état de cause la sanction de la déchéance du droit aux intérêts édictée par l’ancien article L 311-33 du code de la consommation n’est applicable qu’à la méconnaissance des anciens articles L 311-8 à L 311-13 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi du 1er juillet 2010 alors que les dispositions relatives au bordereau se trouvent à l’article L 311-15 du même code et ne sont sanctionnées selon l’article L311-14 ancien que par une amende pénale en cas d’absence ou d’irrégularité qui ne pourra être prononcée qu’à la condition que soit prouvé le préjudice résultant de l’absence de bordereau.

Aux termes de l’article L.311-33 du code de la consommation en sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, « le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l’emprunteur d’une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L 311-8 à L311-13 est déchu du droit aux intérêts et l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû ».

Cet article sanctionnait notamment la violation de l’ article L 311-13 du même code , qui prévoyait que les modèles types d’offre préalable de crédit sont établis par décret, à savoir par les articles R.311-6 et R.311-7.

Or, ces modèles types exigeaient la présence d’un bordereau détachable de rétractation conformément à ce qu’impose l’article L 311-15 du code de la consommation , aux termes duquel « lorsque l’offre préalable ne comporte aucune clause selon laquelle le prêteur se réserve le droit d’agréer la personne de l’emprunteur, le contrat devient parfait dès l’acceptation de l’offre préalable par l’emprunteur. Toutefois, l’emprunteur peut, dans un délai de sept jours à compter de son acceptation de l’offre, revenir sur son engagement.

Pour permettre l’exercice de cette faculté de rétractation , un formulaire détachable est joint à l’offre préalable’».

Dès lors, l’absence de bordereau de rétraction joint à l’offre laissée en possession de l’emprunteur était bien, dès avant la réforme issue de la loi du 1er juillet 2010, sanctionnée par la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels.

Si aucune disposition légale n’impose au prêteur de conserver un exemplaire du bordereau de rétractation joint à l’exemplaire de l’offre communiqué à l’emprunteur, il lui incombe de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles en application de l’article 1315 du code civil , la signature par l’emprunteur, comme en l’espèce, de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à ce dernier de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires, comme cela résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, et appliquée par les juridictions françaises .

En l’espèce, la société Creatis verse aux débats l’exemplaire de l’offre qui lui a été retournée par l’emprunteur, lequel ne comporte pas de bordereau de rétractation . Néanmoins, elle verse également un exemplaire vierge du contrat de prêt personnel qu’elle dit être de la même génération que celui signé par M. [S] et Mme [W]

Cet exemplaire vierge du contrat de prêt, comprend trois exemplaires du contrat de crédit, le premier devant être renvoyé au prêteur qui ne comprend par le bordereau de rétractation , et deux autres exemplaires devant être conservés par les emprunteurs qui comportent un bordereau de rétractation . Toutefois il n’est nullement rédigé de manière similaire au contrat signé par les emprunteurs.

En effet les conditions générales ne sont pas identiques, comportant dix articles dans l’exemplaire signé par M. [S] et Mme [W] et seulement 9 dans l’exemplaire vierge et surtout il résulte de la déclaration d’acceptation des emprunteurs que ceux-ci sont informés d’un délai de rétractation de quatorze jours mais accepte de recevoir les fonds avant la fin de ce délai de rétractation sans plus de précision alors que dans l’exemplaire vierge il est précisé que le délai de rétractation est de 14 jours mais qu’il est accepté de recevoir les fonds dès le 8ème jour en application de l’article L 311-14 du code de la consommation issu de la loi du 10 juillet 2010 entrée en vigueur le 1er mai 2011.

Dès lors l’exemplaire vierge du contrat est postérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 2010 et en tout état de cause différent de celui signé par M. [S] et Mme [W] et ne peut constituer un élément complémentaire permettant d’établir la remise d’une offre de prêt assortie d’un bordereau de rétractation.

Ainsi il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et constaté que l’intégralité du capital emprunté avait été remboursé par les emprunteurs et ainsi débouté la SA Créatis de sa demande en paiement .

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de condamner la SA Créatis aux entiers dépens d’appel et de la débouter de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt rendu par défaut, et par mise à disposition d ela décision au greffe,

Confirme la décision entreprise en l’ensemble de ses dispositions;

Y ajoutant,

Déboute la SA Créatis de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile;

La condamne aux entiers dépens d’appel.

Le Greffier, La Présidente,

 


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