Prêt entre particuliers : 25 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/10287

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Prêt entre particuliers : 25 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/10287
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25 mai 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/10287

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 25 MAI 2023

N° 2023/ 388

Rôle N° RG 22/10287 N° Portalis DBVB-V-B7G-BJYOL

[L] [D]

[S] [D] NÉE [P]

C/

[R] [Y] épouse [Y]

[Z] [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jérôme LACROUTS

Me Rudy COHEN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de NICE en date du 04 Juillet 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/01699.

APPELANTS

Monsieur [L] [D]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 8]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 6]

Madame [S] [D] née [P]

née le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 10]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 6]

Tous deux représentés et assistés par Me Jérôme LACROUTS de la SCP D’AVOCATS BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Madame [R] [F] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 9],

demeurant [Adresse 3]

Monsieur [Z] [Y]

né le [Date naissance 5] 1954 à [Localité 7] (60),

demeurant [Adresse 3]

Tous deux représentés et assistés par Me Rudy COHEN, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 22 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : .

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [L] [D] et son épouse, madame [S] [P] ont fait diligenter à l’encontre de monsieur et madame [Z] [Y], une saisie attribution le 24 mars 2021, pour avoir paiement de la somme de 72 450.56 euros auprès de la société Boursorama, en se prévalant d’une reconnaissance de dette notariée du 29 avril 2014. La saisie a été fructueuse à hauteur de 1 607.25 euros après déduction du SBI.

Monsieur [Z] [Y] et son épouse, madame [R] [F], ont contesté la mesure devant le juge de l’exécution de Nice qui par un jugement du 4 juillet 2022 a :

– retenu la prescription de la créance,

– ordonné la mainlevée de la saisie attribution,

– débouté les époux [D] de leur demande en paiement,

– les a condamnés solidairement à restituer les sommes perçues et les frais bancaires éventuels,

– dit n’y avoir lieu à dommages et intérêts pour procédure abusive,

– dit n’y avoir lieu à frais irrépétibles,

– condamné solidairement les époux [D] aux dépens.

Il retenait l’existence d’une prescription quinquennale, dès lors que si un paiement est intervenu en septembre 2018, il a été réalisé par une société dénommée Face à Face, personne morale différente des débiteurs eux mêmes, ce qui ne vaut pas, au sens de l’article 2240 du code civil paiement volontaire par le débiteur et reconnaissance par lui des droits du créancier, ce, quel que soit le rôle des époux [Y] dans cette société.

La décision a été notifiée le 7 juillet 2022 aux époux [D] qui en ont fait appel par déclaration au greffe le 18 juillet 2022.

Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 20 février 2023 auxquelles il est renvoyé, qui peuvent être résumés comme suit, ils demandent à la cour de :

– infirmer le jugement rendu,

Statuant à nouveau,

– juger que la saisie attribution pratiquée est valable,

– condamner solidairement monsieur et madame [Y] à leur payer la somme de 62 492.07 euros en principal, frais et accessoires,

– condamner solidairement monsieur et madame [Y] à leur payer la somme de 75 000 euros au titre de la réparation des préjudices financier et moral subis du fait de l’absence de paiement,

En tout état de cause,

– condamner solidairement les époux [Y] à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,

– débouter les époux [Y] de toutes leurs demandes.

Ils exposent qu’ils avaient consenti à prêter différentes sommes aux époux [Y], qu’ils devaient libérer au fur et à mesure de leur demande, soit à leur profit, soit au profit de sociétés ou de tiers créanciers notamment, la Carpa. Les garanties qui leur avaient été promises une hypothèque et un nantissement de parts sociales, n’ont pas été faites et le remboursement des sommes non exécuté. Mais le 13 septembre 2018, une société Face à Face, dont les époux [Y] sont gérants a payé 10 000 €. Ce paiement contrairement à ce qui a été jugé en première instance, interrompt selon eux, la prescription car le débiteur qu’il agisse en son nom ou au nom de sa société, manifeste toujours sa propre volonté, et il admet la créance (Cass 08 février 2017 n°16-10503 dans un cas similaire). Les époux [D] ont prêté la somme de 54 165,81€ aux époux [Y] et cette somme leur a été versée en plusieurs fois du 29 avril 2014 au 9 mai 2014, ils devaient être remboursés au plus tard le 28 avril 2015. Les debiteurs sont gérants et uniques associés de la société Face à Face. Ce paiement partiel postérieurement à l’exigibilité de la dette d’avril 2015, n’est pas un paiement par anticipation et il n’y avait donc pas à établir une nouvelle reconnaissance de dette comme le soutiennent les intimés dont le mari est commissaire aux comptes. Eux ont subi un préjudice matériel en étant privés de la disposition de cette somme durant plusieurs années, de même que moral en raison du lien d’amitié qui existait, les époux [D] n’ayant manifestement aucune volonté de les rembourser mais abusé de leur naïveté et de leur gentillesse. La reconnaissance de dette notariée est revêtue de la formule exécutoire, il importe peu que sa copie ne l’ai pas revêtue puisque le créancier la détenait.

Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 21 février 2023 auxquelles il est renvoyé, monsieur et madame [Y] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement partiellement,

– l’infirmer en ce qu’il a rejeté leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau,

– ordonner la restitution des sommes éventuellement attribuées aux époux [D], et le remboursement des éventuels frais bancaires occasionnés par la saisie abusive,

– condamner les époux [D] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre du préjudice qu’ils ont subi du fait d’une procédure abusive,

En tout état de cause,

– débouter les appelants de toutes leurs demandes,

– les condamner à leur payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens,

– dire et juger n’y avoir lieu à exécution provisoire pour tout ce qui serait contraire aux présentes demandes.

Sur le fondement de l’article 2224 du code civil, qui s’applique aux actes notariés, les époux [D] soutiennent que la créance est prescrite puisqu’elle était remboursable au plus tard le 28 avril 2015 et que la saisie attribution a été réalisée le 24 mars 2021.Ce n’est qu’au moment des échanges contradictoires devant le Tribunal Judiciaire de Nice qu’est apparu dans les débats, un virement effectué par la société Face à Face le 13 septembre 2018, jusque là omis par les créanciers, sans que les époux [D]-[P] ne puissent démontrer qu’il a été réalisé pour rembourser la créance en question et ils reconnaissent eux mêmes que la société ni mandataire, ni munie d’un pouvoir spécial, est l’émetteur de ce virement, alors qu’elle neleur doit rien et qu’elle ne peut reconnaitre une dette à la place du débiteur et interrompre la prescription pour lui. L’acte notarié stipulait en outre en cas de remboursement, l’établissement d’une reconnaissance de dette actualisée, ce qui n’a pas été le cas. Le virement n’est donc pas rattachable à la présente affaire.

Ils ajoutent que la copie du titre exécutoire qui leur a été signifiée lors de la saisie attribution ne portait pas la formule exécutoire de sorte que mainlevée doit être ordonnée. Ce en application de l’article du code de procédure civile, selon lequel « Nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n’en dispose autrement. » Le fait d’intentionnellement réclamer des sommes infondées constitue nécessairement un manquement, ce qui est démontré à l’encontre des époux [D] qui ont méconnu la prescription de la créance, et réclamé un montant volontairement erroné.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 février 2023.

Lors de l’audience, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur la date de l’ordonnance de clôture et la nécessité d’en reporter éventuellement les effets, en raison des conclusions prises par elles le 20 et le 21 février 2023 et sur la recevabilité des demandes de condamnations financières présentées par les appelants au regard des dispositions de l’article L213-6 du COJ.

Les parties ont présenté leurs observations les 27 mars, 3 et 25 avril 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

A l’audience avant l’ouverture des débats, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l’ordonnance de clôture et l’existence de conclusions datant du 20 et du 21 février 2023, elles ont admis afin qu’un débat complet et contradictoire s’instaure sur le litige que toutes les conclusions soient prises en compte, permettant à la cour d’appel de statuer en connaissance des dernières écritures des parties, tandis qu’elles estimaient toutes deux que le dossier était en état et qu’aucune d’elles ne voulait conclure à nouveau.

Sur l’exigibilité de la dette et la nécessité d’un titre exécutoire :

L’article L111-3-4° du code des procédures civiles d’exécution énonce au nombre des titres exécutoires, les actes notariés revêtus de la formule exécutoire.

La reconnaissance de dette dont s’agit, établie le 29 avril 2014 en l’étude de Me [G], notaire à [Localité 8] dans l’Oise, porte en dernière page, la formule exécutoire et le cachet du notaire.

Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer.

Selon l’article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

Les époux [D] soutiennent une interruption de la prescription qui peut intervenir du fait du débiteur ou de son mandataire. Pour démontrer cette cause d’interruption, ils produisent la photocopie d’un relevé de compte bancaire ouvert au Crédit du Nord, à leur nom, avec à la date du 13 septembre 2018, un virement au crédit de 10 000 euros émanant de la société Face à Face.

Alors que la reconnaissance de dette visée à l’article 2240 du code civile doit être expresse, non équivoque et émaner du débiteur lui même ou de son mandataire, cette seule écriture bancaire est insuffisante à établir que la société Face à Face, personne morale distincte de monsieur et madame [Y], qui certes en sont les gérants, ont eu la volonté de reconnaitre leur dette personnelle par l’intérmédiaire de cette société. C’est une mention manuscrite apposée par les époux [D] eux-mêmes, sur leur relevé bancaire, qui en affirme le lien avec les époux [Y] tandis que ces derniers ne manquent pas d’opposer que les actes délivrés en février 2021 n’y faisaient aucune référence et que l’acompte n’a été admis qu’après débat entre eux sur la prescription, par un décompte du 23 février 2022 ce en quoi, ils ne sont pas démentis. Le versement de sommes ne s’est accompagné, en l’état du dossier présenté à la cour, d’aucune correspondance ou manifestation de volonté des débiteurs de voir affecter ce remboursement partiel à la dette titrée le 29 avril 2014.

Dès lors et comme l’a retenu le premier juge, la prescription quinquennale est acquise puisqu’entre le 28 avril 2015 date d’exigibilité de la dette et le 10 février 2021, date de délivrance d’un commandement de payer en vue de saisie vente, aucun autre acte interruptif n’a existé.

Il est dès lors inutile d’examiner les autres contestations de la créance évoquée.

Sur la demande de condamnation financière à des dommages et intérêts :

Aux termes de l’article L 213-6 alinéa 1 du Code de l’organisation judiciaire : « Le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.»

Les époux [D] invoquent un préjudice moral et financier en raison de leur lien d’amitié avec les époux [Y], qui ont abusé de leur gentillesse alors qu’ils étaient amis. Cette demande en dommages et intérêts se rattache à un comportement relevant du droit commun de la responsabilité contractuelle, de la résistance à respecter des engagements écrits mais non directement au strict cadre des pouvoirs du juge de l’exécution, dans les limites desquels statue actuellement la cour, à une difficulté d’exécution de la mesure contestée. Ils invoquent d’ailleurs pour baser leur réclamation, l’article 1231-1 du code civil qui s’insère dans une section relative au préjudice résultant d’une non exécution du contrat et non au contentieux des voies d’exécution. Ils se référent au non paiement des sommes, à l’abstention à constituer les garanties promises, hypothèque et nantissement, les manoeuvres pour ne pas payer alors des liens d’amitié existaient entre les parties, monsieur [D] étant même le parrain d’un enfant [Y].

En conséquence de quoi cette demande sera écartée comme ne relevant pas de la compétence de la cour, sur appel d’une décision du juge de l’exécution.

Sur le caractère abusif de la saisie attribution :

Il ne ressort pas des éléments de l’espèce un comportement fautif, abusif des époux [D] dans leur démarche de recouvrement, pas davantage une intention de nuire, le premier juge ayant à juste titre retenu que l’appréciation inexacte de ses droits par une partie ne constitue pas faute donnant lieu à réparation. Il ne sera pas fait droit à la demande de dommages et intérêts des époux [Y].

Sur les autres demandes :

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles engagés dans l’instance, il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

La partie perdante supporte les dépens ils seront donc à la charge des appelants qui succombent en leur recours.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

REPORTE les effets de l’ordonnance de clôture au 22 mars 2023,

DIT irrecevable la demande de dommages et intérêts de monsieur et madame [D] au regard de l’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire,

CONFIRME la décision déférée,

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à frais irrépétibles au titre de l’appel,

CONDAMNE monsieur et madame [D] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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