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24 mai 2023
Cour d’appel de Bastia
RG n°
22/00696
Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du 24 MAI 2023
N° RG 22/00696
N° Portalis DBVE-V-B7G-CFDT SM – C
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance , origine Juge de la mise en état d’AJACCIO, décision attaquée en date du 14 Octobre 2022, enregistrée sous le n° 21/00724
Consorts [Z]
C/
[Z]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
VINGT-QUATRE MAI
DEUX-MILLE-VINGT-TROIS
APPELANTS :
M. [T], [H] [Z]
né le 21 Janvier 1957 à [Localité 1]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représenté par Me Simon APPIETTO, avocat au barreau d’AJACCIO
M. [R], [S] [Z]
né le 22 Novembre 1960 à [Localité 1]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Simon APPIETTO, avocat au barreau d’AJACCIO
Mme [O] [Z] épouse [K]
née le 26 Juin 1964 à [Localité 1]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Simon APPIETTO, avocat au barreau d’AJACCIO
INTIMÉ :
M. [W] [Z]
né le 17 Octobre 1953 à [Localité 1]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représenté par Me Jean-François CASALTA de la SCP CASALTA GASCHY, avocat au barreau d’AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 mars 2023, devant Stéphanie MOLIES, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Elorri FORT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 mai 2023
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Vykhanda CHENG, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Suivant actes d’huissier des 12, 13 et 20 juillet 2021, M. [W] [Z] a fait citer M. [T] [H] [Z], M. [R], [S] [Z], Mme [O] [Z], épouse [K], M. [U] [Z], M. [I] [S] [Z] et Mme [N] [X] [C] [Z] devant le tribunal judiciaire d’Ajaccio aux fins de voir ordonner le partage de la succession de [I], [T] [Z] et de son épouse [X] [C] [F].
Par décision du 14 octobre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d’Ajaccio a :
– rejeté les fins de non-recevoir soulevées par M. [T], [H] [Z], M. [R], [S] [Z] et Mme [O] [Z] épouse [K],
– déclaré non prescrite l’action relative à la reconnaissance de dette du 22 août 2005,
– déclaré valables les reconnaissances de dettes des 22 août 2005 et 28 février 2018,
– dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– renvoyé l’affaire à la mise en état du 9 décembre 2022.
Suivant déclaration enregistrée le 4 novembre 2022, M. [T] [H] [Z], M. [R] [S] [Z] et Mme [O] [Z] ont interjeté appel de la décision susvisée en ces termes :
‘Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués : « REJETONS les fins de non
recevoir soulevées par Monsieur [T] [H] [Z], Monsieur [R] [S] [Z] et Madame [O] [Z] épouse [K]. DECLARONS non prescrite l’action relative à la reconnaissance de dette du 22 août 2005. DECLARONS valables les reconnaissances de dettes des 22 août 2005 et 28 février 2018. ».
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 20 novembre 2022, M. [T], [H] [Z], M. [R], [S] [Z] et Mme [O] [Z] ont demandé à la cour de :
INFIRMER l’ordonnance de M. Le Juge de la mise en état près le Tribunal Judiciaire d’AJACCIO en date 14 octobre 2022 en ce qu’il a :
– Rejeté les fins de non recevoir soulevées par Monsieur [T] [H] [Z], Monsieur [R] [S] [Z] et Madame [O] [Z] épouse [K].
– Déclaré non prescrite l’action relative à la reconnaissance de dette du 22 août 2005.
– Déclaré valables les reconnaissances de dettes des 22 août 2005 et 28 février 2018
ET STATUANT À NOUVEAU
À titre principal
En ce qui concerne la reconnaissance de dette du 22 août 2005 :
DÉCLARER PRESCRITE la dette en date du 22 août 2005 d’un montant de 30.300 euros.
En conséquence,
DÉCLARER IRRECEVABLE la demande de remboursement de ladite dette.
DÉBOUTER M. [W] [Z] de sa demande de remboursement d’un montant de 30.300 euros.
À titre subsidiaire,
En ce qui concerne les dépenses réalisées :
DÉCLARER PRESCRITE la demande de remboursement des dépenses réalisées en 2005.
En conséquence,
DÉCLARER IRRECEVABLE la demande de remboursement desdites dépenses.
DÉBOUTER M. [W] [Z] de sa demande de remboursement d’un montant de 30.300 euros.
À titre subsidiaire,
En ce qui concerne les reconnaissances de dettes :
DÉCLARER nulle et non avenue les reconnaissances de dettes des 22 août 2005 et 28 février 2018 pour absence d’objet.
DÉCLARER IRRECEVABLE la demande de remboursement desdites dettes pour défaut d’intérêt à agir.
CONDAMNER M. [W] [Z] au versement au profit de M. [T] [Z], Mme [O] [K] et M. [R] [Z] de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 9 décembre 2022, M. [W] [Z] a demandé à la juridiction d’appel de :
DÉBOUTER Messieurs [T] [H] et [R] [S] [Z] et Madame [O] [Z] épouse [K] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
CONFIRMER l’ordonnance du 14 octobre 2022 rendue par Monsieur le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire d’AJACCIO en toutes ses dispositions.
Y AJOUTER,
CONDAMNER solidairement Messieurs [T] [H] et [R] [S] [Z] et Madame [O] [Z] épouse [K] à verser à Monsieur [W] [Z] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi
qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP CASALTA ‘ GASCHY, avocats aux offres de droit.
Par ordonnance du 25 janvier 2023, le conseiller désigné par le premier président a ordonné la clôture de la procédure et fixé l’affaire à plaider devant le conseiller rapporteur au 16 mars 2023 à 8 heures 30.
Le 16 mars 2023, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 24 mai 2023.
La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise ainsi qu’aux dernières conclusions notifiées par les parties.
SUR CE
Sur la reconnaissance de dette du 22 août 2005
Les parties appelantes soutiennent que la prétendue dette reconnue par [X] [C] [Z] le 22 août 2005 est prescrite depuis le 19 juin 2013 en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008.
En réponse, M. [W] [Z] explique avoir souscrit deux prêts pour financer les travaux réalisés en 2005 et 2018 pour rendre habitable la maison indivise et permettre à leur mère de demeurer dans les lieux. Il ajoute que les deux reconnaissances de dette de [X] [C] [F] enregistrées aux impôts les 22 août 2005 et 28 février 2018 correspondent auxdits travaux.
Il observe que l’exigibilité de la dette est une condition de l’exercice d’une action en paiement et ajoute qu’en l’absence de terme convenu, il convient de s’attacher à la commune intention des parties et aux circonstances de l’engagement.
Il soutient qu’en l’espèce, compte tenu de l’impossibilité pour la decujus de rembourser de son vivant la reconnaissance de dette en raison de ses faibles revenus, la commune intention des parties était de reporter le remboursement au moment de la liquidation de la succession de [X] [C] [F].
L’intimé souligne à ce titre qu’il n’a manifesté son intention de recouvrer sa créance que lors de la tentative de liquidation amiable, postérieurement au décès, suivant courriel du 14 février 2020.
L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
En application de l’article 2233 du code civil, le point de départ d’un délai à l’expiration duquel ne peut plus s’exercer une action se situe nécessairement à la date d’exigibilité de l’obligation qui lui a donné naissance.
D’autre part, en application de l’article 1900 du code civil, lorsque les parties n’ont pas fixé de terme pour la restitution des fonds empruntés, la juridiction se réfère aux circonstances et notamment à la commune intention des parties pour fixer la date du terme de l’engagement.
En l’espèce, les parties versent au débat la reconnaissance de dette litigieuse, rédigée comme suit:
‘Je soussignée Madame [Z] [X] [C] née le 20 octobre 1922,
certifie avoir demandé à (mon fils et ma belle fille) Monsieur [Z] [W] et Mme [Z] [A] née [P] de faire dans ma maison les travaux nécessaires pour la rendre dans un état convenable pour que je puisse y vivre décemment.
J’atteste qu’ils ont emprunté auprès de leur banque la Société Générale la somme de Trente mille trois cent euros (30 300 €) qui ont servis aux travaux, car je ne pouvais emprunter moi-même en raison de mon âge et de mes faibles revenues.
Je reconnais donc leur devoir cette somme : Trente mille trois cent Euros.
La présente attestation pour servir et valoir ce que de droit signée de ma main accompagnée de ma carte d’identité qui pourra si nécessaire être produite en photocopie’.
Les parties n’ont donc pas fixé de terme pour l’engagement de remboursement de [X] [C] [Z].
Il ressort toutefois clairement des explications données par la débitrice sur sa situation personnelle qu’elle n’entendait pas procéder elle-même au remboursement des sommes avancées par son fils, mais souhaitait reconnaître le principe de la créance de M. [W] [Z] en vue des futures opérations de liquidation de sa succession.
Cette analyse est confortée par l’absence de toute mise en demeure de M. [W] [Z] avant l’ouverture des opérations de succession de sa mère.
La prescription de la demande en paiement reposant sur cette reconnaissance de dette n’a donc pu commencer à courir avant son décès survenu le 23 décembre 2018.
L’assignation introductive de la présente instance ayant été délivrée les 12, 13 et 20 juillet 2021, soit moins de cinq années plus tard, la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a déclaré non prescrite l’action relative à la reconnaissance de dette du 22 août 2005 et écarté la fin de non-recevoir soulevée à ce titre.
Sur le remboursement des dépenses réalisées
Les parties appelantes soutiennent que la créance d’un indivisaire contre l’indivision se prescrit selon les règles du droit commun.
Elles affirment que la créance de 2005 était immédiatement exigible et n’était pas conditionnée au décès de Mme [F] qui n’était qu’usufruitière.
Elles estiment dès lors que la créance arguée à l’encontre de l’indivision, d’un montant de 30 300 euros et datant de 2005, est prescrite.
En réponse, M. [W] [Z] affirme que le point de départ de la prescription d’une créance détenue à l’encontre d’une indivision ne court qu’à compter du décès de la decujus.
En premier lieu, il convient de relever que le terrain sur lequel a été édifiée la maison dépendant de l’indivision a été acquis par [I] [T] [Z], époux de [X] [C] [F] suivant acte reçu le 23 septembre 1960 par Me [D] [J], notaire à [Localité 5].
[I] [T] [Z] est décédé le 18 mai 2004, laissant pour héritiers [X] [C] [F] en qualité de conjoint survivant et leurs cinq enfants communs, ainsi que cela ressort de l’acte de notoriété établi le 18 mai 2021 par Me [R] [G], notaire à [Localité 5] (Corse-du-Sud).
Il résulte également dudit acte que l’épouse survivante a opté pour l’universalité en usufruit, les enfants devenant nu-propriétaires du bien à hauteur d’1/5ème chacun.
D’autre part, il ressort des factures et des tableaux d’amortissement versés au débat que les travaux sur la maison en cause ont été financés par M. [W] [Z] postérieurement au décès de son père, alors que la maison dépendait de l’indivision successorale existant entre les héritiers.
L’article 815-13 du code civil dispose que lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation.
Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés.
Inversement, l’indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute.
D’autre part, il est constant que les créances détenues par l’un des copartageants sur la succession relèvent de la prescription de droit commun édictée à l’article 2224 et non des articles 864 et 865.
S’agissant d’une créance relative aux biens indivis, M. [Z] ne peut en effet prétendre à la suspension de la prescription pendant les opérations de partage prévue par l’article 865 du code civil.
Conformément à l’article 2224 du code civil, le délai de prescription a donc commencé à courir à compter de chacune des factures émises postérieurement à l’ouverture de la succession -survenue le jour du décès de [I] [T] [Z] conformément à l’article 720 du code civil.
Il sera observé à ce titre que les factures annexées à la reconnaissance de dette de [X] [C] [F] s’étalent sur la période allant de 2005 à 2010 et que M. [Z] ne fait état d’aucune demande adressée au notaire chargé de la succession ou aux coïndivisaires avant le 14 février 2020, soit plus de cinq années après l’engagement des dépenses.
Dans ces conditions, la demande de remboursement des dépenses réalisées entre 2005 et 2010 sur la maison indivise, dirigée contre les coïndivisaires, est prescrite.
L’ordonnance entreprise sera infirmée de ce chef ainsi qu’indiqué au dispositif.
Sur l’absence d’objet des reconnaissances de dettes et l’absence d’intérêt à agir
Les parties appelantes soulignent que leur mère ne s’est vue prêter aucune somme d’argent et qu’elle n’a pas payé les travaux. Elles en déduisent que [X] [C] [F] n’a bénéficié d’aucune des sommes d’argent pour lesquelles elle a signé des reconnaissances de dettes.
Elles relèvent au surplus qu’il n’existe aucune équivalence entre la prétendue reconnaissance de dette à hauteur de 30 300 euros et les travaux justifiés à hauteur de
24 622,22 euros.
En réponse, M. [Z] fait valoir que les reconnaissances de dettes correspondent aux travaux qu’il a financés ; il ajoute produire l’ensemble des factures acquittées et les justificatifs des prêts souscrits pour financer les travaux.
Sous couvert d’irrecevabilité, les parties appelantes entendent en réalité faire juger le fond de l’affaire et trancher la question de la nullité des reconnaissances de dettes qui échappe, par nature, à la compétence du juge de la mise en état.
L’ordonnance querellée sera donc infirmée en ce qu’elle a déclaré valables les reconnaissances de dettes des 22 août 2005 et 28 février 2018, et les parties appelantes seront déboutées de leur demande présentée à ce titre, au motif qu’une telle demande ressort de la compétence du juge du fond.
Sur les autres demandes
Eu égard aux circonstances de l’espèce, chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
D’autre part, il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ; elles seront donc déboutées de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré non prescrite l’action relative à la reconnaissance de dette du 22 août 2005 et rejeté la fin de non-recevoir soulevée à ce titre,
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déclare prescrite la demande de remboursement des dépenses réalisées entre 2005 et 2010 sur la maison indivise, dirigée contre les coïndivisaires,
Par suite,
Déclare irrecevable la demande de remboursement des dépenses réalisées entre 2005 et 2010 sur la maison indivise, dirigée contre les coïndivisaires,
Relève que la demande visant à voir déclarer nulles et non avenues les reconnaissances de dettes des 22 août 2005 et 28 février 2018 pour absence d’objet ressort de la compétence du juge du fond,
Rejette la fin de non-recevoir soulevée à ce titre,
Y ajoutant,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens,
Déboute M. [T], [H] [Z], M. [R], [S] [Z] et Mme [O] [Z] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [W] [Z] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT