Prêt entre particuliers : 23 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01369

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Prêt entre particuliers : 23 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01369
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23 novembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/01369

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2022

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01369 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC62O

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Décembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de paris – RG n° 17/13716

APPELANT

Monsieur [Y] [H]

Né le [Date naissance 9] 1966 à [Localité 12],

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Guillaume PIERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0259

INTIMEES

LE FONDS COMMUN DE TITRISATION « CASTANEA)

Ayant pour société de gestion la Société EQUITIS GESTION SAS, dont le siège social est [Adresse 5], représenté par son recouvreur la Société MCS et Associés ayant siège : [Adresse 2]

Venant aux droits de la SOCIETE GENERALE

Représentée par Me Corinne LASNIER BEROSE de l’ASSOCIATION ASSOCIATION LASNIER-BEROSE et GUILHEM, avocat au barreau de PARIS, toque : R239, assistée de Me Estelle SYLVESTRE, avocat au barreau de PARIS

Société CREDIT LOGEMENT

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Denis LANCEREAU de l’AARPI Cabinet TOCQUEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : R050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, Président de chambre et MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre,

M.Vincent BRAUD, Président,

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Yulia TREFILOVA, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable de prêt émise le 6 juin 2011, reçue le 9 juin 2011 et acceptée le 23 juin 2011, la banque SOCIETE GENERALE a consenti à monsieur [Y] [H] un prêt immobilier d’un montant de 235 500 euros remboursable en 300 mensualités après une période de différé d’amortissement de 24 mois, au taux fixe de 4,51 % l’an, en vue de financer l’acquisition à des fins locatives, d’un bien immobilier sis [Adresse 1]) et des travaux sur ce bien.

Le 23 mai 2011 la société CREDIT LOGEMENT s’est portée caution du remboursement du prêt.

En raison d’impayés la société CREDIT LOGEMENT a été amenée à émettre, successivement, trois quittances subrogatives : la première, le 15 janvier 2016, pour la somme de 6 046,67 euros correspondant aux échéances échues impayées des mois de mai 2015 à octobre 2015, outre les pénalités de retard ; la deuxième, le 3 mars 2017, pour la somme de 3 611,52 euros correspondant aux échéances impayées des mois de novembre 2016 à janvier 2017, outre les pénalités de retard ; la troisième, le 22 août 2017, pour la somme de 195 855,12 euros représentant les échéances impayées des mois de février 2017 à juin 2017, le capital restant dû, ainsi que les pénalités de retard, après que par lettre recommandée du 17 juillet 2017, la SOCIETE GENERALE a prononcé la déchéance du terme du prêt et mis en demeure monsieur [H] d’avoir à régler la somme de 209 143 euros.

Par lettre recommandée du 17 août 2017, retournée avec la mention ‘pli avisé non réclamé’, la société CREDIT LOGEMENT a mis en demeure monsieur [H] d’avoir à régler la somme de 199 648,97 euros.

À défaut d’avoir obtenu le règlement réclamé, par acte d’huissier de justice daté du 5 octobre 2017 la société CREDIT LOGEMENT a fait assigner monsieur [H] en paiement, devant le tribunal de grande instance de Paris. Par acte d’huissier de justice daté du 14 mai 2018, monsieur [H] a fait assigner en intervention forcée, la banque prêteur de fonds, la SOCIETE GENERALE. Les deux procédures ont été jointes.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 19 janvier 2021, monsieur [Y] [H] a interjeté appel du jugement contradictoire rendu le 11 décembre 2020 selon un dispositif rédigé en ces termes:

‘Déclare la société anonyme CREDIT LOGEMENT recevable en ses demandes ;

Condamne monsieur [Y] [H] à payer à la société anonyme CREDIT LOGEMENT la somme de 199 241,04 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2017 sur la somme de 3 530,31 euros et sur le surplus à compter du 22 août 2017 ;

Dit que les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles, conformément aux dispositions de l’article 1154 ancien devenu l’article 1343-2 du code civil ;

Déboute monsieur [Y] [H] de l’ensemble de ses demandes ;

Condamne monsieur [Y] [H] à payer à la société anonyme CREDIT LOGEMENT la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne monsieur [Y] [H] à payer à la société anonyme CREDIT LOGEMENT la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne monsieur [Y] [H] aux dépens ;

Autorise la société d’exercice libéral à responsabilité limitée GAFTAMIK, LE DOUARIN & ASSOCIES à recouvrer directement contre monsieur [Y] [H] les frais compris dans les dépens dont elle aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision ;

Rappelle que les frais d’inscription d’hypothèque provisoire et le cas échéance définitive sont à la charge de monsieur [H] dans les conditions de l’article L. 512-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

Ordonne l’exécution provisoire.’

***

Le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA, dont la société de gestion est EQUITIS GESTION, ayant comme recouvreur la société MCS ET ASSOCIES, au visa de l’article 329 du code de procédure civile est intervenu volontairement dans la cause, pour être cessionnaire de la créance de la banque prêteur de fonds, selon bordereau de cession de créance du 3 août 2020.

À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 13 septembre 2022 les moyens et prétentions des parties s’exposent de la manière suivante.

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 19 mars 2021 l’appelant

demande à la cour de :

‘Vu les articles 2306 et 2308 du code civil,

Vu les articles L. 312-8, L. 312-33, L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation,

Vu les articles 1907, 1134 alinéa 3 (ancien) et suivants du code civil,

Vu les pièces adverses,

Vu l’article 1343-5 du code civil,

Vu la jurisprudence citée,’

de bien vouloir :

‘Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris,

Et statuant à nouveau,

Accueillir le concluant en ses écritures et le dire bien fondé en ses prétentions,

Dire et juger le CREDIT LOGEMENT irrecevable à agir contre monsieur [H],

Dire et juger que la déchéance du terme du prêt ne pouvait être déclarée acquise,

Dire et juger que le CREDIT LOGEMENT n’est pas titulaire d’une créance certaine, liquide, et exigible,

Déclarer le CREDIT LOGEMENT mal fondé en toutes ses demandes et l’en débouter,

Prononcer la mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire prise par le CREDIT LOGEMENT sur les lots 125 à 127 de l’état descriptif de division dépendant d’un ensemble immobilier sis à [Localité 11] 1er cadastré section AR, numéro [Cadastre 6], appartenant à monsieur [H],

Dire et juger que la SOCIETE GENERALE a commis une faute dans l’exercice du droit de prononcer la déchéance du terme du prêt en l’envoyant à une adresse qu’elle savait erronée,

Dire et juger que la SOCIETE GENERALE a manqué à son obligation de mise en garde,

Condamner la SOCIETE GENERALE à verser à monsieur [H] des dommages et intérêts d’un montant de 199 648,97 euros, en principal, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 août 2017, date de la quittance,

Ordonner la compensation de cette somme avec celle lui étant réclamée le cas échéant par le CREDIT LOGEMENT,

En tout état de cause,

Dire et juger que la SOCIETE GENERALE a calculé les intérêts conventionnels du prêt du sur la base d’une année de 360 jours dite année lombarde,

Prononcer en conséquence la déchéance des intérêts contractuels du prêt du 23 juin 2011 signé entre monsieur [Y] [H] et la SOCIETE GENERALE ;

En tout état de cause, sur les frais,

Condamner la SOCIETE GENERALE à verser à monsieur [H] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, en raison de l’équité, et de leurs situations financières respectives’.

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 17 juin 2021 l’intimé société CREDIT LOGEMENT

demande à la cour de bien vouloir :

‘Vu les articles 2305 et 2308 alinéa 2 du code civil,

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Débouter monsieur [Y] [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner monsieur [Y] [H] à une indemnité supplémentaire de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.’

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 15 juin 2021 l’intimé FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA,

[dont la société de gestion est EQUITIS GESTION, ayant comme recouvreur la société MCS ET ASSOCIES, venant aux droits de la société SOCIETE GENERALE]

demande à la cour de :

‘Vu les dispositions du code monétaire et financier, et l’article 329 du code de procédure civile,

Vu les articles L.312-1 et suivants du code de la consommation, et L.110-4 du code de

commerce,’

‘Déclarer le FCT FCT CASTANEA ayant pour société de gestion la société EQUITIS GESTION, représenté par son recouvreur, recevable et fondé à intervenir aux droits de la SOCIETE GENERALE,

Dire et juger monsieur [Y] [H] irrecevable et mal fondé son appel et le débouter de toutes ses demandes prescrites et mal fondées ;

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamner l’appelant à payer au FCT CASTANEA ayant pour société de gestion la société EQUITIS GESTION, représenté par son recouvreur, la société MCS ET ASSOCIES, la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner l’appelant aux entiers dépens de première instance et d’appel.’

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes de la société CREDIT LOGEMENT à l’encontre de monsieur [H]

1- En premier lieu, monsieur [H] conclut à l’irrecevabilité des demandes formulées à son encontre par la société CREDIT LOGEMENT en l’absence de quittances subrogatives régulières ‘ tout d’abord en ce qu’elles ne comportent aucune référence au prêt souscrit, et ensuite en ce qu’il n’est pas justifié d’une délégation de pouvoir permettant au préposé de la SOCIETE GENERALE de signer lesdites quittances subrogatives, irrégularité de fond affectant la régularité de l’acte ‘ et la preuve d’un réglement effectif et concomittant au paiement, comme il est prévu à l’article 1250 du code civil, n’étant pas rapportée.

L’intimé fait observer que bien que les moyens invoqués soient développés par monsieur [H] dans des termes identiques à ceux de première instance et qui ont été à bon droit écartés par le premier juge, ses conclusions d’appel ne mentionnent aucune critique du jugement entrepris.

Ainsi, les quittances subrogatives mentionnent une référence au contrat de prêt, chacune comportant la référence M11042872301 figurant sur l’annexe à l’offre de prêt régularisée par monsieur [H], et comportent une référence au prêteur, la société SOCIETE GENERALE Mirabeau ; la concordance avec le prêt peut aussi se vérifier en termes comptables, puisqu’aussi bien le montant des échéances que le montant du capital restant dû sont identiques à ceux figurant sur le tableau d’amortissement. La concordance entre les quittances subrogatives et le prêt litigieux est donc établie.

La société CREDIT LOGEMENT ajoute qu’agissant sur le fondement de l’article 2305 du code civil, elle n’a pas à justifier des conditions de la subrogation de l’article 1250 du même code.

Ainsi, les quittances versées aux débats sont suffisantes à établir le paiement effectué par la société CREDIT LOGEMENT entre les mains du prêteur de fonds, et par suite à fonder le recours légal dont celle-ci dispose, pour agir à l’encontre du débiteur principal, sur le fondement de l’article 2305 du code civil.

En outre, il n’est nul besoin d’avoir à justifier de la délégation de pouvoir dont était le cas échéant investie la signataire desdites quittances ; si la signataire devait ne pas être munie d’un pouvoir suffisant, seule la banque, et non monsieur [H], qui n’a pas qualité à le faire, pourrait se prévaloir le cas échéant de cette difficulté pour contester la décharge de la caution, ce qui n’est manifestement pas le cas. En tant que de besoin, la concluante justifie du pouvoir du signataire de la quittance subrogative.

Sur ce,

Le jugement sera confirmé en ce que le premier juge par des motifs exacts et appropriés, qu’il y a lieu d’adopter en leur entièreté, a pu retenir que la société CREDIT LOGEMENT établit suffisamment la preuve des paiements qu’elle a effectués entre les mains de la SOCIETE GENERALE.

2- En second lieu, monsieur [H] soutient que la société CREDIT LOGEMENT a perdu son recours, par application des règles énoncées par l’article 2308 alinéa 2 du code civil, en réglant des dettes qui n’étaient pas certaines liquides et exigibles, d’une part en l’absence de déchéance du terme valablement prononcée par la SOCIETE GENERALE, et d’autre part du fait du calcul des intérêts du prêt selon l’année lombarde.

En vertu de l’article 2305 du code civil la caution qui a payé, a recours contre le débiteur principal, que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur. L’action exercée sur ce fondement est un recours personnel, distinct de l’action subrogatoire prévue à l’article 2306 du code civil, de sorte que la caution agissant sur le fondement de l’article 2305 ne peut se voir opposer les fautes du prêteur dans la conclusion ou l’exécution du contrat de prêt, soit en l’espèce, l’irrégularité de la déchéance du terme (au motif qu’elle n’aurait pas été envoyée à la véritable adresse) ou le calcul par la banque des intérêts du prêt sur la base d’une année bancaire de 360 jours.

En conséquence, monsieur [H] ne peut opposer à la société CREDIT LOGEMENT ces exceptions et moyens dont ils auraient pu disposer contre le créancier originaire, la SOCIETE GENERALE, sauf à ce que soit invoquées avec succès les dispositions de l’article 2308 du code civil ‘ en vertu desquelles [alinéa 1er:]

‘La caution qui a payé une première fois, n’a point de recours contre le débiteur principal qui a payé une seconde fois lorsqu’elle ne l’a point averti du paiement par elle fait ; sauf son action en répétition contre le créancier [alinéa 2:] ‘Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte’.

Ainsi, aux termes de l’article 2308 alinéa 2, la perte par la caution de son recours est soumise à la réunion de trois conditions cumulatives :

– la caution a payé sans être poursuivie,

– la caution n’a pas averti le débiteur principal,

– au moment du paiement le débiteur avait des moyens pour faire déclarer la dette éteinte.

En premier lieu monsieur [H] soutient que la société CREDIT LOGEMENT ne prouve ni avoir payé les sommes litigieuses ni avoir été mise en demeure de le faire.

Pourtant en l’espèce, par la production des quittances subrogatives qui en sont la conséquence, la société CREDIT LOGEMENT justifie que la banque prêteur de fonds lui a demandé d’exécuter son engagement de caution (et comme indiqué précédemment, les quittances versées aux débats sont suffisantes à établir le paiement effectué par la société CREDIT LOGEMENT entre les mains du prêteur de fonds).

La première des trois conditions posées par l’article 2308 n’est donc pas remplie, et ces conditions étant cumulatives, de ce seul fait il s’ensuit que monsieur [H] ne peut prétendre à la perte de son recours par la société CREDIT LOGEMENT.

En second lieu, au surplus, la société CREDIT LOGEMENT produit aux débats les lettres d’avertissement qu’elle a adressées à monsieur [H], la dernière faisant expressément référence à la déchéance du terme.

Enfin et surabondamment, monsieur [H] n’avait aucunement le moyen de faire déclarer la dette éteinte au moment du paiement effectué par la société CREDIT LOGEMENT selon quittances subrogatives, les 15 janvier 2016, 3 mars 2017, et 22 août 2017, aucune extinction de la dette ne résultant des moyens invoqués que sont l’irrégularité de la déchéance du terme, qui porte sur l’exigibilité de la dette en raison d’une faute éventuelle du prêteur, ou l’irrégularité du calcul des intérêts du prêt, laquelle n’influe que sur le montant de la dette et celle-ci étant essentiellement composée du capital restant dû.

Les conditions posées par l’article 2308 alinéa 2 du code civil n’étant pas réunies, la société CREDIT LOGEMENT ne saurait être privée de son recours à l’encontre du débiteur principal.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il est entré en voie de condamnation à l’encontre de monsieur [H] au profit de la société CREDIT LOGEMENT.

Sur les demandes de monsieur [H] à l’encontre de la banque

[aux droits de laquelle vient le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA, dont la société de gestion est EQUITIS GESTION, ayant comme recouvreur la société MCS ET ASSOCIES]

Pour s’opposer aux prétentions de l’intimé monsieur [H] fait valoir, comme en première instance :

‘ Que la SOCIETE GENERALE a manqué à son devoir de loyauté et d’exécution de bonne foi et ne pouvait se prévaloir d’une déchéance du terme envoyée à une adresse qu’elle savait erronée ;

‘ Que les intérêts contractuels du prêt ne sont pas calculés selon le droit commun de 365 jours mais selon l’année lombarde de 360 jours de sorte que les intérêts conventionnels sont nuls et que seul le capital est dû au taux légal, depuis la souscription du prêt jusqu’à la résiliation abusive du prêt par la banque (ce qui en outre démontre l’absence de caractère certain de la créance dont se prévaut le CREDIT LOGEMENT) ;

‘ Que la SOCIETE GENERALE a manqué à ses devoirs d’information, de conseil et de mise en garde vis-à-vis de monsieur [H] qui est un emprunteur non averti (grand reporter pour TF1 et enseignant dans une école de journalisme il n’a aucune expérience en matière bancaire) est auquel elle a accordé le crédit litigieux avec une légèreté blâmable eu égard à la situation financière de monsieur [H] qu’elle connaissait parfaitement monsieur [H] étant son client depuis de nombreuses années et étant en situation de surendettement. Il fait état d’autres prêts consentis par la SOCIETE GENERALE à des dates proches de celles du crédit litigieux [un prêt personnel d’un montant de 60 000 euros le 20 janvier 2010, un prêt immobilier d’un montant de 132 500 euros le 30 octobre 2010 destiné au financement de l’acquisition à des fins locatives, d’un bien en VEFA sis à [Localité 10] (Gironde)] outre des prêts à la consommation en cours auprès d’autres établissements de crédit.

Le FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA venant aux droits de la SOCIETE GENERALE répond :

‘ Que comme relevé par le tribunal la lettre de mise en exigibilité du 17 juillet 2017 ne souffre aucune discussion dès lors que monsieur [H] ne rapporte pas la preuve qu’il aurait communiqué sa nouvelle adresse à la banque, avant cette date, la circonstance que la quittance établie en août 2017 mentionne sa nouvelle adresse ne prouvant rien ; la SOCIETE GENERALE a adressé à monsieur [H] une mise en demeure préalable à la mise en exigibilité du prêt, par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 mars 2015 réceptionnée à son adresse de [Localité 11] 6e, qui était sa dernière adresse connue ;

‘ Que la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels est prescrite car la prétendue erreur résultant du calcul des intérêts sur 360 jours était clairement identifiable dès la signature du prêt immobilier le 23 juin 2011, or cette demande a été formée qu’en 2018, dans le cadre de la présente procédure ; en outre, la demande est mal fondée car monsieur [H] verse aux débats un rapport d’analyse, non contradictoire, qui ne démontre aucunement le caractère erroné de la stipulation des intérêts ;

‘ Que la demande indemnitaire de monsieur [H] pour manquement de la banque à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde est irrecevable la prescription ayant commencé à courir à compter de la souscription du prêt et n’ayant été formée que par la voie de l’assignation forcée délivrée en 2018 ; en outre, la demande est mal fondée, dans la mesure où la banque a bien recueilli des éléments nécessaires pour apprécier les capacités financières de monsieur [H] lors de sa demande de crédit, et dont il ressortait aucun risque d’endettement excessif (73 885 euros de salaire annuel en 2010, outre un salaire complémentaire de professeur de journalisme de 1 700 euros mensuel avec un loyer de 1 330 euros) étant à préciser que le crédit immobilier antérieurement consenti en octobre 2010 était un destiné à financer un investissement locatif, le loyer devant couvrir la charge du prêt. Ainsi, au regard de la situation financière de monsieur [H], le prêt litigieux ne comportait pas de risque particulier, et d’ailleurs ses échéances ont été honorées jusqu’en 2015. Par conséquent, la banque n’était tenue à aucune obligation de mise en garde à l’égard de monsieur [H].

Sur la déchéance du terme

Le premier juge par des motifs exacts et appropriés, a pu retenir :

– que monsieur [H] ne démontre pas avoir communiqué sa nouvelle adresse avant le 17 juillet 2017 date à laquelle la banque lui a envoyé la lettre de déchéance du terme prévue aux stipulations contractuelles,

– que la banque ne justifie pas de l’envoi d’une mise en demeure préalable,

– que le préjudice allégué en ce qu’il correspond au remboursement des sommes restant dues au titre du contrat de prêt, est sans lien avec ce manquement de la banque.

Le jugement déféré est confirmé de ces chefs.

Sur le recours à l’année lombarde pour le calcul des intérêts du prêt

Monsieur [H] poursuit la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels à raison de l’utilisation indue de l’année lombarde quant au calcul des intérêts conventionnels des échéances de son prêt et à la restituion des sommes perçues correspondant à la différence entre les intérêts calculés au taux conventionnel et les intérêts calculés au taux légal, ‘la créance n’étant plus certaine aux dates des quittances subrogatives’.

Le premier juge a statué sur le fond, n’étant saisi par le dispositif des conclusions de la SOCIETE GENERALE, d’aucune exception d’irrecevabilité de la demande en nullité de la clause de la stipulation d’intérêt pour cause de prescription ou de l’existence d’une sanction spéciale – alors que selon les énonciations du jugement il était consacré dans le corps des écritures, certains développements à la question. À hauteur de cour la formulation du dispositif des conclusions a été rectifiée de telle sorte qu’il y a lieu de statuer sur le point de savoir si la prescription est acquise.

En droit, en vertu de l’article L.312-33 ancien du code de la consommation, l’action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels est soumise à la prescription quinquennale prévue à l’article L.110-4 du code de commerce, notamment relative aux obligations contractées entre une banque prêteuse et le souscripteur d’un crédit immobilier, la prescription courant alors à compter du moment où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur relative au taux effectif global.

L’appelant concède l’absence dans l’offre de prêt, d’une clause stipulant le calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année bancaire de 360 jours. Comme en première instance il se fonde sur le rapport de la société ACOGE (monsieur [V]) missionné le 4 février 2019, à la date duquel pourrait selon lui être différé le point de départ de la prescription, en ce qu’il serait fait la démonstration de l’utilisation de l’année lombarde sur plusieurs échéances du prêt. De fait, monsieur [V] à partir du tableau d’amortissement provisoire conclut que la banque n’aurait utilisé pour calculer les intérêts du prêt, ni ‘la durée réelle des périodes’ ni ‘les mois normalisés rapportés à la durée réelle de la période’ ni ‘les mois normalisés rapportés à 365′.

À retenir que monsieur [H] n’était pas en situation de déceler lui-même l’erreur qu’il invoque à présent, de sorte que le point de départ de la prescription serait décalé à la date de ce rapport consignant les calculs effectués par un professionnel du chiffre, il convient de rappeler les principes applicables en la matière :

1- par application des dispositions combinées des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au présent litige les intérêts conventionnels d’un prêt consenti à un consommateur ou un non professionnel doivent, comme le taux effectif global, être calculés sur la base de l’année civile, sous peine de se voir substituer l’intérêt légal,

2- en toute hypothèse, c’est à l’emprunteur qu’il incombe de démontrer que la banque a calculé les intérêts conventionnels sur la base de l’année lombarde,

3- calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d’un mois de 30 jours et d’une année de 360 jours est équipollent à calculer ces intérêts sur la base d’un mois normalisé et d’une année 365 jours, seule méthode valide eu égard aux dispositions du code de la consommation, en particulier l’article R. 313-1 et son annexe. Contrairement à ce qu’indique l’appelant estimant que la règle de l’utilisation du mois normalisé ne concerne que le calcul du taux effectif global et ne peut être transposée au calcul des intérêts conventionnels, le calcul des intérêts sur la base d’un mois normalisé et d’une année de 365 jours est une règle d’application générale.

Le tribunal a relevé que ce rapport ne pose aucun calcul des intérêts conventionnels démontrant une erreur affectant le taux effectif global qui dépasse le seuil d’une décimale ‘ tel qu’il est désormais exigé par la Cour de cassation.

Par conséquent, monsieur [H] doit être débouté de sa demande de déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels à raison de l’utilisation indue de l’année lombarde quant au calcul des intérêts conventionnels des échéances de son prêt et de ses demandes subséquentes.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté monsieur [H], de ces chefs.

Sur la demande de dommages et intérêts

La banque oppose à monsieur [H] l’irrecevabilité de son action pour cause de prescription au motif que le point de départ du délai de prescription quinquennale de l’action en responsabilité fondée sur un prétendu manquement à un devoir de mise en garde de la banque, ne peut qu’être fixé à la date d’acceptation de l’offre de prêt, soit en l’espèce le 23 juin 2011 ; par suite l’action en responsabilité de monsieur [H] est prescrite depuis le 23 juin 2016, et l’assignation en intervention forcée délivrée à la SOCIETE GENERALE au delà de cette date, le 14 mai 2018, est donc tardive.

En droit, le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter existe dès l’octroi du crédit mais ne se révèle à l’emprunteur que par la survenance des premières difficultés de paiement.

En l’espèce, il résulte des pièces du dossier que le premier incident de paiement se rapporte à l’échéance du mois de mai 2015. Le délai de prescription quinquennale a commencé à courir à partir de cette date, de sorte que l’action n’est pas prescrite, au vu de la date de l’assignation délivrée le 14 mai 2018.

Pour caractériser le manquement de la banque à son devoir de mise en garde sur un rique d’endettement excessif, monsieur [H] invoque sa situation financière de surendettement que la banque connaissait parfaitement : d’autres prêts ont été consentis par la SOCIETE GENERALE à des dates proches de celles du crédit litigieux [un prêt personnel d’un montant de 60 000 euros le 20 janvier 2010 et un prêt immobilier d’un montant de 132 500 euros le 30 octobre 2010] outre des prêts à la consommation en cours auprès d’autres établissements de crédit.

Contrairement à ce que soutient monsieur [H], une banque n’est tenue à aucun devoir de conseil et n’a pas d’avis à donner sur l’opportunité d’effectuer ou non une opération, étant au contraire tenue à un devoir de non ingérence dans les affaires de ses clients. En particulier le banquier n’a pas à se substituer à l’emprunteur dans l’appréciation de la rentabilité du projet financé.

Il ne peut être soutenu de défaillance de la SOCIETE GENERALE concernant son devoir d’information quant à son offre de prêt qui était sans la moindre complexité, d’autant que même si cette circonstance ne suffit pas à faire de monsieur [H] un emprunteur averti, ce dernier avait précédemment souscrit un emprunt dans des conditions similaires.

En revanche, le banquier est tenu à l’égard de l’emprunteur non averti d’un devoir de mise en garde, eu égard à ses capacités financières, sur les risques d’endettement excessif né de l’octroi du prêt, dont la preuve incombe néanmoins à l’emprunteur.

En l’espèce, comme souligné par le tribunal, la banque a d’emblée disposé des éléments suffisants à sa prise de décision concernant les capacités financières de l’intéressé, monsieur [H] ayant notamment renseigné le 19 avril 2011 une demande de prêt immobilier dont il ressort l’absence de charges de famille, des revenus mensuels de 6 145 euros dont 5 725 euros de salaires et 430 euros de revenus locatifs, la charge de remboursement d’un précédent prêt immobilier dont les mensualités s’élevaient à 404,09 euros, et celle liée au remboursement de crédits à la consommation pour des échéances de 959, 30 euros. Monsieur [H] n’a rien déclaré d’autre au titre de ses charges alors qu’il a certifé ces renseignements complets et exacts.

C’est donc à raison que le tribunal a retenu que les revenus de l’ordre de 6 145 euros étaient suffisants pour rembourser des crédits précédents, soit de 1 363 euros plus celui à venir de 939 euros puis 1 364 euros, d’autant que le prêt litigieux devait permettre à monsieur [H] d’acquérir à Paris un pied à terre tout en louant à la semaine, pour des revenus locatifs hebdomadaires excomptés de 500 euros. Enoutre il n’est pas contesté que l’opération réalisée précédemment, s’agissant du bien acquis à [Localité 10], financée par un prêt, à cet égard donnait un résultat positif, les loyers permettant de rembourser les échéances de l’emprunt.

C’est également sans erreur que le tribunal a retenu que la suspension du contrat de travail pendant un an accordée à monsieur [H] est intervenue postérieurement au prêt litigieux, et que la situation débitrice de son compte de dépôt a été ponctuelle et provisoire ou s’est aggravée dans les proportions que monsieur [H] déplore, postérieurement à l’octroi du prêt [sur ce dernier point monsieur [H] avance que ‘sa situation financière s’est aggravée suite à la conclusion de ce prêt et que son découvert de près de 4 000 euros en février 2010 est passé à près de 17 500 euros en avril 20111 puis à près de 65 000 euros en janvier 2012 et 71 000 euros en mai 2012’].

Monsieur [H] ne fait donc pas la démonstration du ‘surendettement’ qu’il invoque et qui selon lui aurait existé au moment de l’octroi du prêt, ni de l’inadaptation de ce crédit à ses capacités financières. Le crédit accordé n’est pas excessif au vu des éléments dont la banque disposait lors de la conclusion du contrat de prêt querellé, eu égard au patrimoine, aux revenus, à l’épargne dont disposait monsieur [H]. Il n’était donc du aucun devoir de mise en garde à son égard.

Aucune faute ne peut être reprochée à la banque dans l’octroi du prêt du 23 juin 2011 à monsieur [H]. Sa demande indemnitaire ne peut qu’être rejetée et le jugement déféré doit être confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Monsieur [H] qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l’équité il y a lieu de faire droit aux demandes adverses formulées sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 2 500 euros, chacun.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant :

DÉCLARE monsieur [Y] [H] recevable en ses demandes ;

CONDAMNE monsieur [Y] [H], en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d’appel à payer au FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA, dont la société de gestion est EQUITIS GESTION, ayant comme recouvreur la société MCS ET ASSOCIES, venant aux droits de la société SOCIETE GENERALE, et à la société CREDIT LOGEMENT, chacun la somme de 2 500 euros ;

DÉBOUTE monsieur [Y] [H] de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;

CONDAMNE monsieur [Y] [H] aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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