23 mars 2023
Cour d’appel de Papeete
RG n°
21/00282
N° 115
CG
————–
délivrée à :
– Me Guédikian,
le 23.03.2023.
Copie authentique
délivrée à :
– Me Tracqui-Pyanet,
le 23.03.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 23 mars 2023
RG 21/00282 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n0 98, rg n° 20/00099 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 15 mars 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 26 juillet 2021 ;
Appelante :
Mme [X] [N] épouse [P], née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant à [Adresse 4] ;
Représentée par Me Hina TRACQUI-PYANET, avocat au barreau de Papeete ;
Intimé :
M. [V] [B] [J], né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 6], de nationalité française, [Adresse 3] ;
Représenté par Me Gilles GUEDIKIAN, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 19 septembre 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 23 février 2023, devant Mme GUENGARD, président de chambre, Mme SZKLARZ, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l’ordre judiciaire aux fins d’exercer à la cour d’appel de Papeete en qualité d’assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme GUENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
EXPOSE DU LITIGE :
Selon exploit du 28 février 2020, M. [V] [B] [J] a fait assigner Mme [X], [U], [W] [N] en remboursement d’une somme de 9 000 000 XPF. Il sollicitait en outre la somme de 300 000 XPF en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Par jugement en date du 15 mars 2021 le tribunal de première instance de Papeete a :
Condamné Mme [X], [U], [W] [N] à payer à M. [V] [B] [J] 9 000 000 XPP avec intérêts au taux légal à compter de la sommation du 9 octobre 2019 ;
Ordonné l’exécution provisoire du jugement ;
Condamné Mme [X], [U], [W] [N] aux dépens ;
Condamné Mme [X], [U], [W] [N] au paiement d’une somme de 200 000 XPF en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Par requête d’appel en date du 26 juillet 2021 Mme [X], [U], [W] [N] a relevé appel de cette décision en demandant à la cour, au visa des dispositions des articles 1326 et 1341 du code civil de :
Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Débouter M. [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Dire et juger que la créance de M. [J] s’éléve à la somme de 5.220.000 FCP,
Condamner M. [J] à lui payer la somme de 250.000 FCP au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction d’usage au profit de l’avocat soussigné.
Par ses dernières conclusions en date du 22 août 2022 Mme [X], [U], [W] [N] demande à la cour au visa des dispositions des articles 1326 ,1341 et 1383-1 du code civil de :
Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Débouter M. [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Dire et juger que la créance de M. [J] s’éléve à la somme de 5.220.000 FCP,
Condamner M. [J] à lui payer la somme de 250.000 FCP au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction d’usage au profit de l’avocat soussigné.
Par ses dernières conclusions en date du 13 avril 2022 M. [V] [B] [J] demande à la cour , au visa des dispositions des articles 1235 et 1376 du code civil de :
Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
y ajoutant :
Condamner au paiement d’une somme de 300 000 FCFP au titre des frais irrépétibles d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 septembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d’appel des parties. L’exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l’article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l’effet d’y répondre.
MOTIFS DE LA DECISION :
Aux termes des dispositions de l’article 1235 du code civil tel qu’applicable à la Polynésie française, tout paiement suppose un dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition. L’article 1376 prévoyant que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indument perçu.
En l’espèce M. [V] [J] explique avoir convenu de payer la somme de 9 000 000 XPF à Mme [X], [U], [W] [N] en vue de l’acquisition de terrains situés à Moorea dont celle-ci déclarait être propriétaire.
Il verse aux débats plusieurs écrits dont il n’est pas contesté qu’ils émanent de l’appelante :
un premier écrit mentionne :
’06/13
Vente de terrain 3 000 000
La suite du reste
du 1 000 000
dans les trois millions
de l’objectif
payé ce jour même en
1 000 000″
Un écrit en date du 24 octobre 2013 :
‘Vente un terrain d’une parcelle de limitation de un hectare sise à [Localité 5] d’une somme de trois millions de francs pacifique (3 000 000) par donation.
Première versement ce jour même de somme de 500 000 F (cinq cent mille francs pacifique) constitution dossier affaire de terre et remettre dans la main de Monsieur [J] [V]. Payé en espèce’
Un écrit en date du 8 novembre 2013 :
‘acompte
Suite de l’objectif
Facture n° 1/3
la somme de cent mille francs pacifique (100 000 FCP)
payée ce jour même en espèce’
puis, semblant de la même date :
‘Soixante dix huit mille francs. Acompte suite de l’objet des affaires de terres’
Le mercredi 13 novembre 2013 :
‘Vingt deux mille francs acompte’
Le 16 novembre 2013 :
‘Acompte suite de l’objectif Facture n° 02/6 la somme de trente mille francs pacifique ( 30 000 ) payé en espèces ce jour même.’
20 novembre 2013 :
‘vente un terrain sise à [Localité 5] d’une parcelle de limitation de Un hectare d’une somme de trois millions de francs pacifique.
4ème versement la somme et montant de un million de francs pacifique (1 000 000) virement automatique BQS/BQP en espèces’
6 décembre 2013 :
‘Acompte suite n° 02/1Facture
la somme de deux cent mille plus de soixante dix mille francs
270 000 FCP’
en date du 9 janvier 2014 rédigé en ces termes :
‘M. [J] [V]. Ne soit pas déçu quand je t’es demander 1 500 000 F pare que j’ai un besoin pour mon fils. Ne t’inquièe pas pour notre travaille. Tous va bien. Pour cela tu (aura’) Toujours ta récompense avec moi . Je te demande pour moi cette somme d’argent. C’est urgent.Je vais te dire une chose, ça regarde pas [G] et [D]. Ne t’inquiète pas.Veuillez agréer mes salutations. Est confiance en moi.’
Un écrit en date du 16 avril 2014 rédigé en ces termes :
‘1er versement dans les 1 500 000 F
600 000
2) 1 hectare
3 000 000
2ème versement 10 000 F’
Un écrit en date du 11 septembre 2014 rédigé en ces termes :
‘6 000 000
Les accompte de 400 000 F
plus une accompt de 1 100 000 pour les affaires de terres ‘
M. [J] produit en outre trois bordereaux de versements pour un montant nominal de 500 000 F, chacun opéré de son compte au profit de celui de Mme [X], [U], [W] [N] et respectivement en date des 12 février 2014, 20 février 2014 et 26 février 2014 dont les motifs sont :
1/3 frais de succession pour le premier virement,
[M] pour le deuxième,
et 2/3 frais de succession pour le dernier.
Lors de la sommation interpellative qu’il a adressée le 9 octobre 2019 à Mme [X], [U] [N], M. [J] invoquait le paiement en espèces et par tranches en plusieurs fois de la somme partielle de 7 500 000 FCP sur l’achat de trois terres à 3 000 000 FCP chacune sur la commune de Moorea et une reconnaissance de dette datant du 9 janvier 2014 pour la somme de 1 500 000 FCP payée par 3 virements bancaires.
Mme [X], [U] [N], sans détailler, reconnaît avoir reçu la somme de 5 220 000 FCP au total.
Les écrits produits aux débats permettent d’établir qu’au cours de l’année 2013 c’est la somme de deux millions sept cent trente mille francs pacifique (2 730 000 FCP) que M. [J] a versé à Mme [N]. Pour l’année 2014, les deux écrits en date du 16 avril et du 11 septembre font bien référence aux ‘affaires de terre’ et totalisent des ‘accomptes’ ou ‘versements’ pour un montant global de deux millions cent dix mille francs pacifique (2 110 000 FCP).
C’est donc au total la somme de 4 840 000 FCP que M. [J] justifie avoir versé à Mme [N] pour l’achat des terres de Moorea.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que les sommes d’argent remises en espèce par M. [J] à l’appelante l’ont été dans le cadre de la vente prévue entre les parties des terres de Moorea de sorte qu’il ne saurait être considéré qu’elles ont été remises induement contrairement aux prétentions de M. [J] qui en réalité se plaint de la non réalisation de cette vente.
L’écrit en date du 9 janvier 2014 concernant la remise en trois versements de la somme de 1 500 000 FCP ne comprend aucune référence à l’achat des terres . Il ne peut être interprété comme valant reconnaissance de dette dès lors que, si cette somme a été effectivement remise à Mme [N] tel qu’attesté par les bordereaux de virement, celui-ci ne comprend aucun engagement de remboursement.
Concernant également cette somme d’argent, M. [J], qui justifie qu’elle lui avait été demandée par Mme [N], n’établit pas le caractère indû de ce paiement.
Aux termes des dispositions des articles 1354 et 1355 du code civil tel qu’applicable à la Polynésie française, l’aveu qui est opposé à une partie peut être extrajudiciaire ou judiciaire, l’allégation d’un aveu extrajudiciaire purement verbal étant inutile toutes les fois qu’il s’agit d’une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible.
Aux termes des dispositions de l’article 1341 du code civil tel qu’applicable à la Polynésie française il doit être passé acte devant notaire ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme fixée par décret, laquelle est fixée à la somme de 596 658 XPF. L’article 1347 prévoit que ces règles reçoivent exception lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit.
M. [J] se prévaut de la réponse apportée par Mme [N] à sa sommation interpellative du 9 octobre 2019 réclamant le paiement de la somme de 9 035 880 XPF où se trouvent confondues les sommes versées en espèce et les virements de la somme de 1 500 000 XPF.
Mme [N] n’avait alors nullement reconnu la réalité de sa dette vis à vis de M. [J], se contentant d’énoncer qu’elle allait écrire un courrier de proposition qu’elle allait déposer chez l’huissier. Par ce courrier, produit par l’intimé en pièce n° 4, Mme [N] déclare être dans l’incapacité de lui rembourser la somme totale de 9 000 000 XPF dans le délai de 15 jours sollicitant un délai supplémentaire de un an ‘car nous avions convenu ensemble 3 parcelles de terres sises à Moréa à 3 000 000 chacune en contrepartie d’un testament.’
Elle ajoutait qu’elle ne prendrai pas en charge les frais d’huissier.
Si, par ce courrier elle ne conteste pas devoir rembourser le montant de cette somme à M. [J], ce courrier, dépourvu des mentions exigées par l’article 1326 du code civil ne peut valoir reconnaissance de la dette et ne constitue qu’un commencement de preuve par écrit devant être corroboré par la preuve de la remise matérielle des fonds.
Ainsi que cela a été exposé, la remise des fonds est justifiée pour un montant de 4 840 000 FCP en espèce et 1 500 000 XPF par virements bancaires soit au total 6 340 000 XPF.
Aux termes de ses conclusions d’intimée Mme [N] ne conteste d’ailleurs pas devoir à M. [J] les sommes d’argent exposées nonobstant l’absence de résolution formelle de tout contrat pour ce qui concerne l’achat des terres en ce qu’elle sollicite de voir ‘dire et juger’ que la ‘créance’ de ce dernier s’élève à la somme de 5.220.000 FCP, somme qu’elle reconnaît uniquement avoir perçu de ce dernier.
M. [J] est dès lors justifié à réclamer à Mme [N] la somme de 6 340 000 XPF avec intérêts au taux légal à compter de la sommation du 9 octobre 2019 et le jugement attaqué sera infirmé en ce qu’il a statué autrement.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Chaque partie conservera la charge de ses dépens sans qu’il soit inéquitable de laisser à la charge de chacune d’elle les frais et honoraires non compris dans les dépens et sans qu’il soit inéquitable de laisser à la charge de Mme [N] la somme à laquelle elle a été condamnée au titre des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Infirme le jugement attaqué en ce qu’il a :
Condamné Mme [X], [U], [W] [N] à payer à M. [V] [B] [J] 9 000 000 XPP avec intérêts au taux légal à compter de la sommation du 9 octobre 2019 ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé :
Condamne Mme [X], [U], [W] [N] à payer à M. [V] [B] [J] 6 340 000 XPP avec intérêts au taux légal à compter de la sommation du 9 octobre 2019,
Confirme le jugement attaqué en ce qu’il a :
Condamné Mme [X], [U], [W] [N] aux dépens ;
Condamné Mme [X], [U], [W] [N] au paiement d’une somme de 200 000 XPF en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Rejette toute demande plus ample ou contraire,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel.
Prononcé à Papeete, le 23 mars 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. GUENGARD