Prêt entre particuliers : 23 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08544

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Prêt entre particuliers : 23 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08544

23 février 2023
Cour d’appel de Paris
RG
21/08544

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08544 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDTL4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 février 2021 – Juge des contentieux de la protection de SAINT-DENIS – RG n° 11-20-001214

APPELANT

Monsieur [W] [T]

né le [Date naissance 1] 1968 à BERKANE (MAROC)

[Adresse 3]

[Localité 8]

représenté par Me Nathalie ALLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0271

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012943 du 09/04/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 0022

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

substitué à l’audience par Me Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 4 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant offre préalable acceptée le 18 janvier 2017, la société Sogefinancement a consenti à M. [W] [T] un prêt personnel d’un montant de 25 000 euros au taux d’intérêts fixe de 5,60 % l’an remboursable en 84 mensualités de 360,44 euros chacune.

En raison d’échéances impayées, la société Sogefinancement s’est prévalue de la déchéance du terme du contrat.

Saisi le 13 octobre 2020 par la société Sogefinancement d’une demande tendant à la condamnation de l’emprunteur au paiement du solde dû au titre du contrat, le tribunal de proximité de Saint-Denis, par un jugement réputé contradictoire rendu le 19 février 2021 auquel il convient de se reporter, a :

– constaté l’acquisition de la déchéance du terme du contrat à compter du 10 septembre 2020,

– déclaré la société Sogefinancement recevable en ses demandes,

– condamné M. [T] à payer à la société Sogefinancement les sommes de 17 169,73 euros au titre du prêt avec intérêts au taux contractuel à compter de l’assignation, de 300 euros au titre de l’indemnité légale de résiliation et de 200 euros au titre des frais irrépétibles,

– condamné M. [T] aux dépens.

Après avoir contrôlé la recevabilité de la demande au regard du délai de forclusion prévu à l’article R. 312-35 du code de la consommation, le tribunal a considéré que la demande de la banque était justifiée par les pièces produites sauf à réduire le montant de la clause pénale réclamée au regard de son caractère excessif.

Par une déclaration enregistrée le 3 mai 2021, M. [T] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises par voie électronique le 5 novembre 2021, l’appelant demande à la cour :

– in limine litis, de prononcer la nullité de l’assignation délivrée le 13 octobre 2020 et du jugement du 19 février 2021,

– à titre subsidiaire, d’infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a constaté l’acquisition de la déchéance du terme du contrat et a par conséquent assorti la condamnation à la somme de 17 169,73 euros des intérêts au taux contractuel de 5,60 % à compter de l’assignation,

– de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de prêt,

– de le condamner aux intérêts de retard à compter de la décision à intervenir,

– de lui accorder les plus larges délais de paiement, soit un apurement de l’intégralité de la somme due en 23 échéances, la dernière échéance devant solder sa dette avec imputation des paiements sur le capital et rappel de l’arrêt de toutes procédures d’exécution et du cours des intérêts pendant ces 24 mois,

– en tout état de cause, d’infirmer le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamné à des frais irrépétibles et de condamner la société Sogefinancementà lui verser une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice outre une somme de 2 000 euros au titre de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

– de débouter la société Sogefinancement de ses demandes, fins moyens et conclusions.

L’appelant soutient que l’assignation du 13 octobre 2020 a été délivrée à son ancienne adresse à [Localité 7] alors que la banque connaissait parfaitement son adresse à [Localité 8], qu’elle a donné instruction à l’huissier mandaté de signifier l’acte à une adresse qu’elle savait erronée de sorte qu’il n’a pu organiser sa défense en première instance et que cela lui cause nécessairement grief. Il en veut pour preuve le courrier recommandé du 24 juin 2020 délivré par l’huissier et revenu avec la mention « inconnu à l’adresse indiquée ».

Il entend mettre en cause la responsabilité de la banque pour non-respect d’un devoir de mise en garde sur le fondement des articles L. 312-12, L. 312-14 et L. 312-16 du code de la consommation et 1217 du code civil. Il fait remarquer qu’il semble ressortir de la fiche dialogue remplie qu’il avait déjà souscrit un ou plusieurs crédits auprès de la Société Générale et que pour un salaire de 1 907 euros mensuel, les mensualités s’élevaient à la somme de 673,76 euros soit des charges totales d’un montant de 1 034,20 euros par mois si on tient compte de la mensualité au titre du prêt litigieux. Il sollicite une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il prétend ne jamais avoir été destinataire des lettres recommandées adressées par le prêteur puisqu’elles ont été adressées à son ancienne adresse à [Localité 7] de sorte que ces lettres ne peuvent être constitutives d’une déchéance du terme du contrat et que les intérêts ne peuvent courir qu’à compter du jugement dont appel.

Il indique ne percevoir qu’une allocation adulte handicapé et sollicite ainsi des délais de grâce sur deux années.

Par des conclusions remises le 29 octobre 2021, la société Sogefinancement demande à la cour :

– de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– en conséquence, de constater que la déchéance du terme a été prononcée et à défaut, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat en raison des manquements de l’emprunteur dans son obligation de rembourser les échéances du crédit à effet au 17 juillet 2020,

– de condamner M. [T] à lui payer la somme de 17 169,73 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,60 % l’an à compter de la date de l’assignation et la somme de 300 euros au titre de l’indemnité d’exigibilité anticipée,

– de le condamner à lui payer une somme de 200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et aux dépens de première instance,

– de le débouter de sa demande en nullité de l’assignation et du jugement et de sa demande de dommages et intérêts ainsi que de toutes autres demandes, fins et conclusions,

-de la condamner à lui verser la somme de 1 500 euros au sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’intimée fait valoir que l’assignation a été signifiée selon les modalités de dépôt à étude, un voisin confirmant que M. [T] demeurait bien à cette adresse, nom figurant par ailleurs sur la boite aux lettres de sorte que les griefs formés sont manifestement infondés. Elle estime qu’il ne peut lui être reproché d’avoir signifié le jugement à une autre adresse, dès lors qu’au moment de la signification, il est ressorti que le destinataire ne demeurait plus à [Localité 7], ce qui n’était pas le cas au moment de la signification de l’assignation, comme en atteste le procès-verbal de signification. Elle rejette toute annulation de l’assignation.

Elle conteste tout manquement à un devoir de mise en garde en l’absence de risque d’endettement manifeste. Elle explique que la fiche de renseignements remplie faisait ressortir un reste à vivre de 872,80 euros par mois compatible avec le paiement des charges courantes mensuelles de l’emprunteur sans risque d’endettement, que les divers documents remis à l’emprunteur comportaient des alertes et mises en garde sur les risques du crédit nécessitant la vérification préalable de ses capacités financières.

Elle fait observer qu’il n’existe pas de contestation quant au montant de la condamnation, que la déchéance du terme du contrat est régulière et résulte d’un courrier du 17 juillet 2020, que l’intéressé a déjà bénéficié des plus larges délais de paiement.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience le 4 janvier 2023

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’annulation de l’assignation du 13 octobre 2020 et du jugement du 19 février 2021

Selon l’article 649 du code de procédure civile, la nullité des actes d’huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent les nullités de procédure et par application de l’article 114 du même code, la nullité d’un acte de procédure ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

Aux termes de l’article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne.

En application de l’article 655, si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification. La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire. La copie ne peut être laissée qu’à la condition que la personne présente l’accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité. L’huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.

L’article 656 précise que si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte et s’il résulte des vérifications faites par l’huissier de justice, dont il sera fait mention, dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l’huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l’article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l’acte doit être retirée dans le plus bref délai à l’étude de l’huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l’intéressé ou par toute personne spécialement mandatée. La copie de l’acte est conservée à l’étude pendant trois mois. Passé ce délai, l’huissier de justice en est déchargé. L’huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l’acte à une autre étude où celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions.

L’article 658 ajoute que dans tous les cas prévus aux articles 655 et 656, l’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l’avis de passage et rappelant, si la copie de l’acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l’article 656. La lettre contient en outre une copie de l’acte de signification. Il en est de même en cas de signification à domicile élu ou lorsque la signification est faite à une personne morale. Le cachet de l’huissier est apposé sur l’enveloppe.

Il ressort de ces dispositions que la signification à personne étant la règle, l’huissier de justice est tenu de mentionner, dans l’acte, non seulement les investigations concrètes qu’il a effectuées pour rechercher le destinataire de l’acte mais également les circonstances concrètes et précises empêchant une telle signification.

Le juge est donc tenu de vérifier si les diligences mentionnées au procès-verbal sont suffisantes.

En l’espèce, l’assignation devant le tribunal de proximité de Saint-Denis a été délivrée le 13 octobre 2020 à l’attention de « Monsieur [W] [T], demeurant [Adresse 2] » selon les modalités de dépôt à étude. L’huissier indique s’être rendu au domicile de l’intéressé à [Localité 7], que le domicile est certain et confirmé par un voisin ainsi que par le nom figurant sur la boîte aux lettres et que la signification n’a pu être faite à personne en raison de l’absence du destinataire à son domicile ou de toute personne susceptible de recevoir l’acte.

Cependant, il résulte des pièces communiquées aux débats que l’adresse de M. [T] figurant au contrat de prêt signé par lui le 18 janvier 2017 est le 5 villa des Marguerites à [Localité 8] dans le département de la Seine-Saint-Denis, M. [T] se défendant de résider à [Localité 7] depuis cette époque. L’attestation de la Caisse d’allocations familiales du 28 avril 2021 mentionne expressément une adresse au [Adresse 3].

Malgré un domicile déclaré à [Localité 8], la société Sogefinancement a fait délivrer, le 24 juin 2020, à l’encontre de M. [T], un courrier recommandé de mise en demeure à l’adresse du [Adresse 2], courrier revenu avec la mention « destinataire inconnu à cette adresse », puis un second courrier de mise en demeure délivré par l’huissier le 31 août 2020 à cette même adresse, revenu avec la mention « pli avisé et non réclamé ».

Alors que l’assignation a été délivrée à l’adresse de [Localité 7], adresse reprise dans le jugement, la société Sogefinancmeent a ensuite faite procéder à la signification du jugement par acte d’huissier de justice du 1er avril 2021 valant également commandement de payer, à l’adresse de M. [T] au [Adresse 3], selon les modalités de dépôt à étude, le domicile étant confirmé par un voisin, en l’absence du destinataire de l’acte ou de toute personne susceptible de le recevoir.

Il résulte de ce qui précède que les diligences de l’huissier mandaté pour délivrer assignation le 13 octobre 2020 sont insuffisantes à établir une adresse de M. [T] au [Adresse 2] à cette date, dès lors que la société mandante avait parfaitement connaissance de l’adresse déclarée par M. [T] depuis 2017 à [Localité 8], adresse où il résidait encore au 28 avril 2021 selon l’adresse figurant sur l’attestation de la Caisse d’allocations familiales. Le retour du courrier de mise en demeure du 24 juin 2020 portant la mention « destinataire inconnu à cette adresse » aurait dû alerter l’huissier mandaté quant à la réalité de ce domicile.

Il est d’autant plus curieux que la société Sogefinancement ait procédé par la suite à la signification du jugement querellé le 1er avril 2021 à l’adresse de M. [T] à [Localité 8], adresse dont elle avait connaissance depuis 2017, ne craignant pas de soutenir que M. [T] a procédé à un changement de résidence entre la date de délivrance de l’assignation en octobre 2020 et la date de signification du jugement en avril 2021.

Dans ces circonstances, l’acte portant assignation du 13 octobre 2020 ne saurait être considéré comme régulier.

M. [T] n’a pu avoir connaissance du procès diligenté à son encontre, ni assurer sa défense et se voit ainsi privé d’un double degré de juridiction, ce qui caractérise l’existence d’un grief

Partant, il y a lieu de prononcer la nullité pour vice de forme de l’assignation du 13 octobre 2020 et des actes subséquents.

Il résulte des dispositions de l’article 562 du code de procédure civile que l’annulation du jugement découlant de la nullité de l’acte introductif d’instance prive l’appel de son effet dévolutif.

Il en résulte que la cour n’est saisie d’aucune demande.

La société Sogefinancement qui succombe supportera l’entièreté des dépens.

Il n’a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ou des dispositions de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Prononce l’annulation de l’assignation du 13 octobre 2020 et celle du jugement du 19 février 2021 rendu par le tribunal de proximité de Saint Denis ;

Constate l’absence d’effet dévolutif ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;

Condamne la société Sogefinancement aux dépens de première instance et d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ou des dispositions de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

La greffière La présidente

 


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