23 février 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
21/07174
N° RG 21/07174 – N° Portalis DBVX-V-B7F-N3MY
Décision du Tribunal de proximité de VILLEURBANNE
du 17 juin 2021
RG : 11-20-002043
[F]
C/
[T]
S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE ALPES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 23 Février 2023
APPELANT :
M. [C] [F]
né le [Date naissance 4] 1987 à [Localité 9]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représenté par Me Edwige MOUILLON, avocat au barreau de LYON, toque : 994
INTIMEES :
Mme [V] [T]
née le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Audrey BENSOUSSAN, avocat au barreau de LYON, toque : 2150
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/028874 du 18/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE ALPES
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : 713
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 3 Mai 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Janvier 2023
Date de mise à disposition : 23 Février 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Dominique BOISSELET, président
– Evelyne ALLAIS, conseiller
– Stéphanie ROBIN, conseiller
assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Clemence RUILLAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Par actes d’huissier de justice du 10 juillet 2020, la S.A. Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes (la Caisse d’Epargne) a fait assigner [C] [F] et [V] [T] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne en exposant ce qui suit :
Suivant offre préalable du 13 décembre 2014, la Caisse d’Epargne a consenti à M. [F] et Mme [T] un prêt personnel de 37.000 euros au taux de 6,17 %, remboursable en 84 mensualités de 593,19 euros.
Les mensualités dues au titre du remboursement du prêt n’étant plus payées depuis le 15 juillet 2018, la Caisse d’Epargne a prononcé la déchéance du terme le 19 février 2020. Aucun réglement n’est intervenu par la suite.
La Caisse d’Epargne a demandé, sous le bénéfice de l’exécution provisoire de droit, la condamnation solidaire des défendeurs au paiement des sommes suivantes :
– 24.538,15 euros outre intérêts au taux de 5,90 % à compter du 19 février 2020 au titre du
contrat de prêt du 13 décembre 2014,
– 350 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
En défense, M. [F] a conclu :
– au débouté des demandes de la banque,
– au prononcé de la déchéance de son droit aux intérêts,
– et à l’octroi de délais de paiements.
Mme [T] n’a pas comparu.
Par jugement en date du 17 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne a :
– déclaré l’action de la Caisse d’Epargne recevable,
– condamné solidairement M. [F] et Mme [T] à payer à la Caisse d’Epargne la somme de 24.538,15 euros outre intérêts au taux de 5,90 % à compter du 19 février 2020,
– débouté M. [F] de sa demande de délais de paiement,
– rejeté les autes demandes contraires ou plus amples des parties,
– rappelé que l’exécution provisoire du jugement est de droit,
– et condamné in solidum M. [F] et Mme [T] aux dépens de la procédure.
M. [F] a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 27 septembre 2021.
En ses conclusions du 17 décembre 2021, [C] [F] demande à la Cour, au visa des articles L 311-12 L 311-48, R 311-5 anciens du code de la consommation et 1343-5 du code civil, d’infirmer le jugement du tribunal de proximité de Villeurbanne du 17 juin 2021, et, statuant à nouveau,
– débouter la Caisse d’Epargne de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– constater que la Caisse d’Epargne n’a pas respecté les dispositions impératives du code de la consommation,
en conséquence,
– prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;
– accorder à M. [F] des délais de paiement ;
– dire que M. [F] pourra s’acquitter du paiement de la dette par des versements mensuels de 150 euros ;
– dire que les sommes dues ne porteront intérêt qu’au taux légal ;
– condamner la Caisse d’Epargne à payer à M. [F] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la Caisse d’Epargne aux entiers dépens de l’instance.
Par conclusions du 11 janvier 2022, [V] [T] demande à la Cour de statuer comme suit, en visant les articles L.311-12, L.311-48 du code de la consommation et 1343-5 du code civil,
– déclarer l’appel incident recevable et bien fondé ;
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon, Pôle de proximité de Villeurbanne, juge des contentieux de la protection de Villeurbanne, du 17 juin 2021 ;
– débouter la Caisse d’Epargne de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– mettre hors de cause Mme [T] ;
subsidiairement,
– constater que le contrat de prêt conclu le 13.12.2014 est irrégulier ;
– prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la Caisse d’Epargne ;
à titre infiniment subsidiaire,
– octroyer les plus larges délais de paiement à Mme [T] sur la somme restant due ;
– condamner la Caisse d’Epargne aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions du 15 mars 2022, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes, visant l’article L312-39 du code de la consommation, demande à la Cour de :
‘ confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 juin 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lyon, tribunal de proximité de Villeurbanne ;
‘ débouter M. [F] et Mme [T] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
y ajoutant,
‘ condamner solidairement M. [F] et Mme [T] à payer à la Caisse d’Epargne la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ condamner solidairement M. [F] et Mme [T] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2022.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L’offre préalable de prêt ayant été régularisée le 13 décembre 2014, les articles du code de la consommation visés dans le présent arrêt s’entendent dans leur rédaction issue de la la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.
Sur la demande de M. [F] de débouté des demandes de la Caisse d’Epargne
L’appelant n’expose aucun moyen de nature à conduire au rejet de la totalité de la demande en paiement formée à son encontre.
Sur la demande de Mme [T] de débouté des demandes de la Caisse d’Epargne et de mise hors de cause
Mme [T] expose que son ex-compagnon s’est rendu seul auprès de la banque pour souscrire un crédit à la consommation le 13 décembre 2014. Il lui a ensuite apporté le contrat et Mme [T] a accepté de se porter co-emprunteur pour que la banque accepte de lui verser les fonds. Ce prêt portait sur un regroupement des crédits de M. [F] à hauteur de 23.000 euros environ et un crédit de Mme [T] de 5.000 euros.
Au jour de leur séparation, la mère de Mme [T] a remis 2 chèques de 2.000 euros à M. [F] au titre de son crédit. M. [F] a reconnu être seul débiteur de la somme due et proposait d’ailleurs de rembourser, seul, la dette à hauteur de 150 euros par mois.
L’arrangement convenu entre M. [F] et Mme [T] est inopposable à la banque, à l’égard de laquelle ils se sont portés co-emprunteurs solidaires. Mme [T] n’est ainsi pas fondée en ses demandes de débouté de la Caisse d’Epargne et sa propre mise hors de cause .
Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels
En matière d’imprimerie, la hauteur du corps, dite aussi force du corps, s’exprime en points typographiques d’une valeur unitaire de 0,375 millimètres, ce qui donne pour le corps 8 une hauteur de 8 x 0.375 = 3 millimètres. On mesure le corps d’un lettrage de la tête des lettres montantes (l, d, b…) à la queue des lettres descendantes (g, p, q…), l’écart devant donc être d’au moins 3 millimètres pour le corps huit.
L’article R.311-5 du code de la consommation prévoit notamment que le contrat de crédit prévu à l’article L.311-18 du même code est rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit. Le non respect de cette obligation est sanctionné par la déchéance du droit du prêteur au remboursement des intérêts, en vertu de l’article L.311-48 al.1er du même code.
En l’espèce, la seule copie du contrat versée aux débats par le prêteur s’avère établie en caractéres dont il est mesuré un écart de 3 millimètres entre la tête des lettres montantes et la queue des lettres descendantes, en conformité avec le minimum légal. L’exemple donné par M. [F] dans ses conclusions est inadéquat, dans la mesure où il porte sur un paragraphe de 4 lignes dont la dernière ne comporte aucune lettre descendante, de sorte qu’il mesure ainsi une hauteur totale de 11 millimètres au lieu de 12.
Sur le bordereau de rétractation
L’article L.311-12 du code de la consommation prévoit que l’emprunteur qui a souscrit à l’offre de crédit peut revenir sur son engagement dans un délai de 14 jours calendaires, un formulaire détachable devant être joint à l’offre pour permettre cette faculté de rétractation. Le formulaire doit répondre aux caractéristiques précisées dans l’article R.311-4 du même code. Le non respect de cette obligation est sanctionné par la déchéance du droit du prêteur au remboursement des intérêts contractuels, en vertu de l’article L.311-48 al.1er du même code.
M. [F] et Mme [T] soutiennent que les signatures des emprunteurs sous une clause-type, selon laquelle ils reconnaissent avoir reçu un exemplaire du contrat muni d’un formulaire détachable de rétractation, ne suffit pas à prouver qu’ils ont reçu ce document.
Toutefois, on ne saurait, sans ajouter à la loi, exiger que l’exemplaire du contrat de prêt conservé par le prêteur comporte le formulaire détachable de rétractation dont le législateur a expressément précisé qu’il doit être joint à l’exemplaire remis à l’emprunteur. Ce formulaire n’est qu’un document accessoire au contrat puisque, par définition, l’emprunteur qui en fait usage s’en démunit en l’envoyant au prêteur. Il échappe donc à l’exigence d’identité des exemplaires du contrat détenu par chaque partie. On peut ajouter que la communication par le prêteur de l’exemplaire de son contrat ne saurait faire preuve que l’exemplaire de l’emprunteur comporte bien le bordereau de rétractation.
En conséquence, le prêteur, qui ne détient pas l’exemplaire du contrat remis aux emprunteurs, ne peut pas prouver sa conformité au-delà de l’indice constitué par la reconnaissance signée par les emprunteurs et seule la production de l’exemplaire contractuel détenu par chaque emprunteur peut faire preuve d’un éventuel défaut de conformité aux exigences légales. M. [F] et Mme [T] s’étant abstenus de communiquer leurs propres exemplaires, leur contestation ne peut qu’être rejetée.
Sur la créance de la Caisse d’Epargne
La créance est justifiée par les pièces versées par la banque et n’appelle d’ailleurs pas de contestation quant à son montant et aux intérêts réclamés à compter des lettres de mise en demeure du 19 février 2020, valant déchéance du terme.
Sur les demandes de délais de paiement
M. [F] expose sa situation financière délicate et sollicite l’octroi de délais de paiement de 2 ans moyennant des mensualités de 15 euros qu’il propose d’augmenter en cas de reprise d’un emploi.
Toutefois, les pièces versées aux débats par l’appelant datent des années 2020-2021 et ne renseignent pas la Cour sur la situation actuelle de M. [F], qui apparaît être co-gérant d’une Sarl An-Motors créée en février 2021 sans que ses revenus actuels soient précisés. La demande de délais est rejetée.
Concernant Mme [T], il n’y a pas lieu à octroi de délais de paiement dès lors qu’elle a déjà bénéficié d’un report de deux ans pour le réglement du prêt litigieux dans le cadre d’un plan de surendettement en date du 22 octobre 2020.
Sur les demandes accessoires
M. [F], partie perdante en principal, supporte les dépens d’appel mais, compte tenu des situations financières respectives des parties, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement prononcé le 17 juin 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne ;
Y ajoutant,
Déboute [V] [T] de sa demande de délais de paiement ;
Condamne [C] [F] aux dépens d’appel ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT