23 février 2023
Cour d’appel de Dijon
RG n°
21/00914
FV/IC
S.A. LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE
C/
[F] [X]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
2ème chambre civile
ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023
N° RG 21/00914 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FXWM
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 01 avril 2021,
rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mâcon – RG : 11-20-652
APPELANTE :
S.A. LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE prise en la personne de son Président en exercice domicilié au siège social sis :
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Catherine BATAILLARD, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 12
INTIMÉ :
Monsieur [F] [X]
né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 4] (71)
domicilié :
[Adresse 3]
[Localité 4]
non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 décembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre,
Sophie DUMURGIER, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 23 Février 2023,
ARRÊT : réputé contradictoire,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon offre acceptée le 20 février 2015, M. [F] [X] souscrit auprès de la société Banque Postale Financement un prêt personnel d’un montant en principal de 15 000 euros au taux débiteur annuel fixe de 4,41 % remboursable en 60 echéances mensuelles.
Par acte sous seing privé du 11 avril 2016, les parties signent un contrat intitulé ‘avenant de réaménagement de crédit’ portant sur une somme de 12 704,41 euros, et modifiant la durée initiale de remboursement qui est portée à 101 échéances et le montant des mensualités, le TAEG restant le même.
Des échéances restant impayées, la Banque Postale Financement adresse une mise en demeure à l’emprunteur le 21 janvier 2020 pour lui demander de régulariser les échéances impayées, sous peine de déchéance du terme.
Une nouvelle mise en demeure est adressée à M. [F] [X] le 16 juin 2020 après déchéance du terme, puis une sommation de payer le 23 juin 2020.
C’est dans ces conditions que, par acte d’huissier du 22 décembre 2020, la Banque Postale Financement assigne M. [F] [X] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mâcon, au visa des articles 1231 et suivants du code civil, aux fins de le voir :
– condamner à lui payer la somme de 9 041,65 euros en principal, outre intérêts au taux conventionnel de 4,41 % à compter du 23 juin 2020,
– ordonner la capitalisation des intérêts,
– condamner M. [F] [X] aux entiers dépens de l’instance.
A l’audience du 11 février 2021, le juge des contentieux de la protection soulève d’office les moyens suivants :
– irrecevabilité de la demande pour forclusion,
– déchéance du droit aux intérêts pour absence de preuve d’une offre dotée d’un bordereau de rétractation.
La Banque, représentée par son conseil, maintient ses demandes. Elle fait valoir au soutien de ses prétentions :
– que son action n’est pas forclose, l’avenant de réaménagement ayant un effet interruptif et ayant pour effet de décaler le point de départ du délai de forclusion, conformément à l’article L 311-37 du code de la consommation dans sa version alors applicable, au premier incident de paiement non régularisé après le réaménagement consenti,
– que M. [F] [X] a reconnu, par sa signature, être en possession d’une offre munie d’un bordereau de rétractation.
M. [F] [X], comparant en personne, sollicite des délais de paiement.
Il indique qu’il effectue des règlements chez l’huissier à hauteur de 150 euros par mois. II explique qu’il gère habituellement un snack mais qu’il ne bénéficie pas des aides de l’Etat actuellement.
Par jugement du 1er avril 2021, le juge des contentieux de la protection :
– Déclare l’action de la societé Banque Postale Financement irrecevable comme forclose,
– Constate que la demande de délais de paiement est sans objet,
– Condamne la société Banque Postale Financement aux entiers dépens,
– Rappelle que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
Pour statuer ainsi, le tribunal, après rappel des dispositions de l’article R 312-35 du code de la consommation, retient que :
– le réaménagement et/ou le rééchelonnement s’entend d’un accord intervenant pour régler toutes les conséquences de la défaillance d’un emprunteur quant à la poursuite du contrat, ce qui exclut que la déchéance du terme soit intervenue, les échéances impayées mentionnées au texte précité étant nécessairement celles échues à l’exclusion de celles à échoir ;
– en l’espèce, le document qualifié de réaménagement du contrat de crédit porte en réalité sur l’ensemble des sommes restant dues en capital, intérêts et indemnités, soit la somme de 12 704,41euros, et non pas seulement sur les échéances impayées ;
– il est prévu un abaissement du montant des mensualités et un allongement de la durée du crédit sans que le nouveau coût de l’opération de crédit ne soit précisé, alors que nécessairement cette opération a pour effet de renchérir le coût du crédit ;
– en outre, cette opération a pour effet d’opérer une capitalisation des interêts et des indemnités dues, ce qui est prohibé par le code de la consommation ; qu’il s’agit donc d’un bouleversement de l’économie générale du contrat qui ne peut être qualifié de simple réaménagement des modalités de règlement des échéances impayées, et qui aurait nécessité l’édition d’une nouvelle offre pour la complète information de l’emprunteur consommateur ;
– aucun effet interruptif de forclusion ne peut être attaché à la signature de cet avenant, et la recherche du premier incident non régularisé doit se faire en considérant le montant des mensualités initiales prévu dans l’offre, soit 288,41 euros par mois ;
– le total des versements de l’emprunteur, jusqu’à la déchéance du terme survenue en mars 2020, s’élève à un total de 9 859 euros, de sorte que le premier incident de paiement non régularisé est fixé au 30 janvier 2018.
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La SA La Banque Postale Consumer Finance, nouvelle dénomination sociale de la SA La Banque Postale Financement, fait appel par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel le 9 juillet 2021 en visant l’intégralité des dispositions du jugement.
Par conclusions déposées le 6 octobre 2021, elle demande à la cour d’appel de :
‘Vu le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mâcon le 1er avril 2021,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu l’appel interjeté par la Banque Postale Consumer Finance,
– Dire cet appel recevable et bien fondé,
Réformant le jugement entrepris,
– Accueillir la demande en paiement de la Banque Postale Consumer Finance,
– Condamner Monsieur [X] [F] à payer à La Banque Postale Consumer Finance la somme de 7 841,65 euros assortie d’intérêts au taux contractuels de 4,41% sur 8 352,87euros à compter du 23 juin 2020 et au taux légal pour la somme de 650,65 euros au titre de la pénalité légale,
– Ordonner la capitalisation des intérêts,
– Condamner Monsieur [X] [F] aux entiers dépens de première instance et d’appel,
– Condamner Monsieur [X] [F] au paiement de la somme de 1 000 euros par application de l’article 700 du CPC.’
Monsieur [F] [X] n’ayant pas constitué avocat, l’appelante lui signifie la déclaration d’appel et ses conclusions par acte d’huissier délivré le 21 octobre 2021 à domicile.
L’ordonnance de clôture est rendue le 6 décembre 2022.
En application des articles 455 et 634 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIVATION :
Il ressort des pièces produites par l’appelante que :
– le 20 février 2015, Monsieur [X] a accepté une offre de prêt portant sur un principal de 15 000 euros remboursable en 60 mensualités de 279,03 euros chacune hors assurance, 288,41 euros avec assurance, soit un TAEG fixe de 4,50 % l’an ;
– que par avenant accepté le 11 avril 2016, Monsieur [X] s’est engagé à rembourser à compter du 30 mai 2016 les sommes restant dues en capital, intérêts et indemnités, soit 12 704,41 euros, en 101 mensualités de 158,74 euros chacune assurance comprise, les autres conditions du contrat de crédit, parmi lesquelles le TAEG, restant inchangées ;
– que le premier incident de paiement non régularisé postérieurement à la conclusion de cet avenant est en date 10 septembre 2019, cette échéance n’ayant été que partiellement régularisée par le dernier encaissement enregistré le 25 novembre 2019.
Par application des dispositions de l’article L 312-35 du code de la consommation, alinéa 2, il est prévu que ‘lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L 733-1 ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L 733- 7.’
Contrairement à ce qui est retenu par le premier juge, l’avenant du 11 avril 2016, ne constitue pas un nouveau crédit sous des modalités différentes en raison du taux d’intérêt et de la durée l’engagement aggravant la situation de l’emprunteur.
En effet cet avenant visait à aménager les conditions de remboursement du crédit initial en rééchelonnant l’échéancier par réduction des mensualités du crédit et donc nécessairement en en allongeant la durée et par conséquent celle des intérêts comptabilisés mais sans en modifier le montant du capital prêté ni le taux d’intérêt. Ainsi, les conditions d’octroi du crédit n’ont pas été changées, ni l’économie du contrat bouleversée, contrairement à ce que le tribunal a retenu.
L’intégration dans la fixation des mensualités des échéances échues impayées du capital restant dû à la date du réaménagement et des indemnités dues à cette date ne constitue pas plus un nouveau crédit, même si l’allongement de la durée de remboursement implique nécessairement une augmentation du coût du crédit par l’augmentation des intérêts réglés in fine. En effet, les intérêts de retard et les pénalités ne sont que la conséquence de la défaillance du débiteur, mais non des modifications apportées aux conditions d’octroi du crédit.
Au surplus, refuser d’intégrer les intérêts de retard et les pénalités dans un réaménagement du remboursement de la dette décourageraient les établissements de crédit à consentir un rééchelonnement sollicité par le débiteur pour des échéances mensuelles moins lourdes, même si le coût final, du fait de l’allongement de la durée de remboursement, est plus important.
L’avenant du 11 avril 2016, qui ne constitue pas un nouveau crédit et n’ont donc pas rendu nécessaire la présentation d’une nouvelle offre, au regard des dispositions des articles L 311-8 et L 311 – 9 du code de la consommation a par conséquent interrompu le délai de forclusion. Il s’ensuit que le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le réaménagement conclu entre les parties.
Il s’en déduit que, le premier incident de paiement non régularisé postérieurement à la signature de l’avenant étant fixé au 10 septembre 2019, la forclusion n’était pas acquise lors de l’assignation de Monsieur [X] devant le tribunal le 22 décembre 2020.
Au soutien de sa demande de condamnation à paiement, l’appelante produit le décompte de créance suivant arrêté au 4 octobre 2021:
– capital restant dû ( au 30 avril 2020 ) 7 373,81 euros
– échéances impayées du 10 septembre 2019 au 30 mars 2020 979,06 euros
– pénalité légale 650,65 euros
– intérêts acquis au 23 juin 2020 106,78 euros
– frais de procédure 5,20 euros
– coût sommation 76,15 euros – intérêts calculés sur 8 352,87 euros à compter du 23 juin 2020 Mémoire – dont à déduire acomptes versés – 1 350,00 euros
Ce décompte est conforme aux dispositions contractuelles et légales. Il convient en conséquence de faire droit à la demande de condamnation au paiement formée par l’appelante. Toutefois, compte-tenu des versements intervenus, il convient de prononcer une condamnation en deniers ou quittances valables.
La règle édictée par l’article L 312-38 du code de la consommation selon laquelle aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L 312-39 et L 312-40 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles fait obstacle à l’application de la capitalisation des intérêts prévus par l’article 1343-2 du code civil .
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dijon en date du 1er avril 2021,
Statuant à nouveau,
Condamne Monsieur [F] [X] à verser à la SA La Banque Postale Consumer Finance en deniers ou quittances valables la somme de 7 841,65 euros outre intérêts au taux contactuel de 4,41 % l’an calculés à compter du 23 juin 2020 sur le capital de 8 352,87 euros et au taux légal calculés à compter du 23 juin 2020 sur la somme de 650,65 euros,
Déboute la SA La Banque Postale Consumer Finance de sa demande de capitalisation des intérêts,
Condamne Monsieur [F] [X] aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SA La Banque Postale Consumer Finance de sa demande de ce chef.
Le Greffier, Le Président,