Prêt entre particuliers : 23 février 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00345

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Prêt entre particuliers : 23 février 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00345

23 février 2023
Cour d’appel de Dijon
RG
21/00345

SB/IC

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE – BOURGOGNE

C/

[M] [P]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023

N° RG 21/00345 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FUXR

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 25 janvier 2021,

rendue par le tribunal judiciaire de Dijon – RG : 17/02562

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE agissant poursuites et diligences de son Directeur Général en exercice domicilié au siège social sis :

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Delphine HERITIER, membre de la SCP LDH AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 16

INTIMÉ :

Monsieur [M] [P]

né le [Date naissance 4] 1982 à [Localité 6] (39)

domicilié :

[Adresse 5]

[Localité 2]

représenté par Me Antoine CARDINAL, membre de la SELARL BJT, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAÔNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 décembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

Sophie BAILLY, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 23 Février 2023,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne a accordé à l’EURL Au Bois d’Ebène plusieurs prêts professionnels pour lesquels Monsieur [M] [P] s’est engagé le même jour, en qualité de caution :

– Le 14 septembre 2013, un prêt professionnel de 7 000 euros remboursable en 36 mensualités, garanti dans la limite de 9 100 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, des pénalités ou des intérêts de retard.

– Le 24 décembre 2013, un prêt professionnel de 24 000 euros remboursable en 48 mensualités, garanti dans la limite de 32 806,80 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, des pénalités ou des intérêts de retard.

– Le 11 février 2014, un prêt professionnel de 27 634 euros remboursable en 84 mensualités, garanti dans la limite de 31 200 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, des pénalités ou des intérêts de retard.

– Le 25 juillet 2014, prêt professionnel de 16 800 euros remboursable en 36 mensualités, garanti dans la limite de 21 400 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, des pénalités ou des intérêts de retard.

– Le 25 juillet 2014, un contrat global de trésorerie d’un montant de 40 000 euros pour une durée indéterminée, garanti par le cautionnement de Monsieur [M] [P] dans la limite de 52 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, des pénalités ou des intérêts de retard.

Par jugement du tribunal de commerce de Dijon du 30 juin 2015, l’EURL Au Bois d’Ebène a été placée en redressement judiciaire, puis mise en liquidation judiciaire le 10 mai 2016.

Le 12 août 2015, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne a déclaré ses créances admises au passif par ordonnance du 11 avril 2016.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne a mis en demeure M. [P], en qualité de caution, d’avoir à honorer ses obligations au titre de ses différents engagements de caution.

Le 3 août 2017, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne a fait assigner Monsieur [M] [P] devant le tribunal de commerce de Dijon en paiement des montants suivants :

– 3 619,76 euros au titre du prêt cautionné de 7 000 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 3,15 % sur la somme de 2 997, 17 euros à compter du 15 avril 2017,

– 22 872,22 euros au titre du prêt cautionné de 24 000 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 4,10 % sur la somme de 19 478,87 euros à compter du 15 avril 2017,

– 22 404,06 euros au titre du prêt cautionné de 27 634 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 3,85 % sur la somme de 18 890,48 euros à compter du 15 avril 2017,

– 14 136,90 euros au titre du prêt cautionné de 16 800 euros outre intérêts au taux conventionnel de 3,75 % sur la somme de 11 865,34 euros à compter du 15 avril 2017,

– 44 141,36 euros, au titre du crédit de trésorerie de 40 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 18 août 2015 date de mise en demeure sur le capital restant dû de 40 551,78 euros.

Par jugement du 25 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Dijon a débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne de toutes ses demandes en paiement et elle l’a en outre condamnée aux entiers dépens.

Le tribunal a estimé que les engagements de caution souscrits par Monsieur [M] [P] au bénéfice de L’Eurl Au Bois D’Ebène étaient disproportionnés en relevant que :

– aucune fiche de renseignement n’a été remplie,

– le bien immobilier dans lequel la famille [P]/[N] réside a été acquis le 29 décembre 2009 par Mme [N] seule au prix de 109 000 euros au moyen d’un prêt de 30 000 euros, le solde faisant l’objet d’un apport,

– aucun élément ne permet d’étayer la version du Crédit Agricole selon lequel M. [P] aurait participé activement à l’acquisition du bien immobilier de sa concubine,

– il convient de vérifier le moyen de la disproportion allégué au regard des seuls revenus justifiés par la caution et de la valeur des parts sociales de la société Au Bois d’Ebène dont M. [P] était le gérant et titulaire de parts.

– des comptes annuels produits arrêtés au 30 septembre 2013, il n’en ressort pas une valeur importante des parts sociales,

– en 2014, malgré une hausse du chiffre d’affaires à hauteur de 1 226 834 euros, l’ensemble des charges révèlait une perte de 1 612 euros.

– lorsque M. [P] s’est porté caution en septembre 2013, il était déjà engagé au Crédit Agricole au titre de deux engagements de caution à hauteur de 101 400 euros contractés le 22 mars 2011 et en mai 2012.

– par suite les engagements de caution se sont succédés comme suit : 9 100 euros le 14 septembre 2013 ; 31 200 euros le 24 décembre 2013 ; 65 000 euros en décembre 2013 ; 32 806,80 euros le 11 février 2014 ; 21 840 euros le 25 juillet 2014 ; 52 000 euros le 25 juillet 2014.

– les comptes de l’EURL ne révèlaient aucun actif valorisable en 2013 et 2014,

– M. [P] bénéficiait de revenus mensuels de 1 713,83 euros en 2013 et de 2 246,41 euros en 2014,

– il partageait les charges de la vie courante avec sa concubine, tous deux étant les parents d’un enfant,

– M.[P] était déjà engagé au titre de cautionnements antérieurs pour 101 400 euros auprès du même établissement bancaire,

– les nouveaux engagements de caution souscrits de septembre 2013 au 25 juillet 2014 sont disproportionnés,

– la banque ne démontre pas que la caution serait à ce jour en mesure de faire face à ses engagements.

*****

Appel général a été interjeté le 12 mars 2021 par le conseil de la banque dans les termes suivants :

« Les chefs de jugement du tribunal judiciaire de Dijon du 25 Janvier 2021 expressément critiques sont repris ci-dessous et l’appel tend à l’infirmation de ce jugement en ce qu’il a :

– dit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne ne peut se prévaloir des engagements de caution litigieux suivants :

– engagement de caution de 9 100 euros le 14 septembre 2013

– engagement de caution de 31 200 euros le 24 décembre 2013

– engagement de caution de 32 806,80 euros le 11 février 2014

– engagement de caution de 21 840 eurosle 25 juillet 2014

– engagement de caution de 52 000 eurosle 25 juillet 2014

et que M. [P] doit en être déchargé.

– débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne de ses demandes.

– condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne aux dépens. »

*

Par ses conclusions transmises par voie électronique le 1er décembre 2021, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne demande à la cour d’appel de :

« – Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Dijon du 25 janvier 2021,

Ce faisant,

– Entendre condamner M. [M] [P] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne :

– La somme de 3 619,76 euros au titre du prêt cautionné de 7 000 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 3,15 % sur la somme de 2 997,17 euros à compter du 15 avril 2017 ;

– La somme de 22 872,22 euros au titre du prêt cautionné de 24 000 euros, outre intérêts au taux contractuel de 4,10 % sur la somme de 19 478,87 euros à compter du 15 avril 2017 ;

– La somme de 22 404,06 euros au titre du prêt cautionné de 27 634 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,85 % sur le capital restant dû de 18 890,48 euros à compter du 15 avril 2017 ;

– La somme de 14 136,90 euros au titre du prêt cautionné de 16 800 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,75 % sur le capital restant dû de 11 865,34 euros à compter du 15 avril 2017 ;

– La somme de 44 141,36 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 18 août 2015 date de la mise en demeure sur le capital restant dû de 40 551,78 euros.

Subsidiairement,

– Entendre condamner M. [M] [P] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne les sommes dues au titre de ses cautionnements dans la limite des engagements non disproportionnés.

– Condamner M.[M] [P] à régler à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne une somme de 3 000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner M. [M] [P] aux entiers dépens. »

*****

Par ses conclusions transmises par voie électronique le 4 mai 2022, Monsieur [M] [P] demande à la cour d’appel de :

« – Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Dijon en date du 25 janvier 2021,

Vu l’article L 341-4 devenu l’article L 332-1 du code de la consommation,

Vu la jurisprudence,

-Dire et juger que les engagements de caution de Monsieur [P] sont manifestement disproportionnés ;

En conséquence,

– Débouter le Crédit Agricole de l’ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire :

Vu l’article 1235-1 du code civil,

Vu la jurisprudence,

-Dire et juger que les indemnités forfaitaires de recouvrement sont manifestement excessives ;

En conséquence,

– Diminuer le montant des indemnités forfaitaires de recouvrement en de plus justes proportions ;

En tout état de cause :

– Condamner le Crédit Agricole à payer à Monsieur [P] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens. »

La clôture de la procédure a été prononcée le 15 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures signifiées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

– Sur les demandes des parties de « dire et juger », « constater » et « donner acte » :

Il sera rappelé que les écritures des parties tendant à voir la cour d’appel « dire et juger », « constater » et « donner acte » ne forment pas des prétentions au sens des dispositions des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile, mais le rappel de moyens ou d’arguments. La cour d’appel n’est donc pas saisie de ces écritures et n’y répondra pas. 

– Sur la disproportion des engagements de caution :

En vertu de l’article L. 341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

– Sur l’acte de cautionnement du 14 septembre 2013 à hauteur de 9 100 euros en garantie d’un prêt professionnel de 7 000 euros et l’acte de cautionnement du 24 décembre 2013 à hauteur de 31 200 euros en garantie du prêt professionnel d’un montant de 24 000 euros :

A titre liminaire, il est indiqué que c’est à tort que le premier juge a retenu que préalablement aux engagements de caution objets de la présente procédure, Monsieur [P] était engagé en 2013 en qualité de caution à hauteur de 101 400 euros.

Il est en effet justifié que le prêt de 60 000 euros consenti le 22 mars 2011 à l’Eurl Au Bois d’Ebène a été garanti non par Monsieur [M] [P] mais par la BPI pour un montant de 78 000 euros.

Seul demeure à la charge de Monsieur [M] [P] un cautionnement de 23 400 euros souscrit en mai 2012.

Aucune fiche de renseignement n’a été remplie en annexe à chaque acte de cautionnement.

Il ressort des pièces fiscales produites que, lors de la souscription des deux actes de cautionnement, il disposait d’un revenu fiscal en 2013 de 20 566 euros.

Sa concubine, laquelle disposait de revenus annuels de 24 512 euros, a acquis le 29 décembre 2009 une maison à usage d’habitation à [Localité 7] moyennant le prix de 109 500 euros payable comptant.

Madame [N] a souscrit un prêt personnel de 30 000 euros auprès de ses parents, prétendument pour financer l’acquisition de cet immeuble. Cela n’est pas établi, la déclaration du contrat de prêt familial ne mentionnant pas l’objet du prêt.

Monsieur [M] [P] prétend qu’il versait à Madame [N] 234,50 euros par mois afin de participer au remboursement de ce prêt. Aucune pièce telle qu’un relevé de compte n’est produite aux débats pour en justifier.

Monsieur [M] [P] établit avoir souscrit le 5 mars 2010 une ouverture de crédit auprès du Crédit Mutuel d’un montant minimum de 1500 euros pouvant être porté à 10 000 euros. En annexe à cette offre de prêt figure un tableau d’amortissement mentionnant des mensualités de 205,65 euros.

Il est également démontré qu’au 22 octobre 2013, Monsieur [P] était redevable au Fonds de garantie de la somme de 14 098,25 euros, après remboursement selon des modalités non connues de la somme de 27 250 euros. Il soutient avoir remboursé 400 euros par mois à ce titre et qu’il participait aux charges de la vie du ménage (alimentation, énergie, assurance) à hauteur de 620 euros par mois.

Il prétend avoir supporté les frais de nourrice de 4 205 euros par an du 1er au 31 décembre 2014 selon décompte de Pajemploi de 2017.

Il ressort de ce qui précède que la situation financière de Monsieur [P] qui doit être prise en compte est un revenu annuel de 20 566 euros.

Ses charges en 2013 comportaient les charges annuelles de 2 056,50 euros au titre du prêt personnel, de 4 800 euros réglé au fonds de garantie, un impôt sur le revenu de 1 117 euros, une participation aux charges du ménage de 7 200 euros par an, soit des charges totales annuelles de 15 173,50 euros, ce qui représente un solde positif de 5 392,50 euros.

Les prêts professionnels étaient remboursables par mensualités de 204,03 euros et de 329,16 euros.

Compte-tenu de ces indications, les engagements de caution souscrits le 14 septembre 2013 à hauteur de 9 100 euros et le 24 décembre 2013 à hauteur de 31 200 euros n’étaient pas manifestement disproportionnés.

Le jugement sera infirmé sur ces points.

Monsieur [M] [P] sollicite la réduction des clauses pénales sollicitées au titre de chaque prêt en raison de leur caractère excessif. La banque n’a pas déclaré d’indemnité forfaitaire au représentant des créanciers et les créances ont été admises pour respectivement 3 060,50 euros et 21 832,08 euros, excluant tout montant dû au titre de la clause pénale.

La Caisse Regionale de Credit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne justifie de l’information annuelle des cautions depuis le 31 décembre 2013.

Il sera fait droit à la demande en paiement à hauteur :

– de 3 060,50 euros au titre du prêt cautionné de 7 000 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 3,15 % à compter du 15 avril 2017 ;

– de 21 832,08 euros au titre du prêt cautionné de 24 000 euros, outre intérêts au taux contractuel de 4,10 % à compter du 15 avril 2017 ;

– Sur les actes de cautionnements de 32 806,80 euros du 11 février 2014 en garantie d’un prêt professionnel de 27 364 euros, de celui de 21 840 euros souscrit le 25 juillet 2014 en garantie d’un prêt professionnel de 16 800 euros et de celui de 52 000 euros souscrit le 25 juillet 2014 en garantie du contrat de trésorerie de 40 000 euros :

Le premier engagement de caution a été souscrit le 11 février 2014 par Monsieur [M] [P] alors que celui-ci supportait déjà des engagements similaires pour un montant de 23 400 euros en 2012, de 9 100 euros le 14 septembre 2013 et de 31 200 euros le 24 décembre 2013, soit un montant total de 63 700 euros.

Les nouvelles charges d’emprunts professionnels s’élevaient à 622,10 euros pour le premier prêt professionnel cautionné, à 494,14 euros pour le deuxième prêt professionnel cautionné, soit un montant total de 1 116,24 euros, représentant une charge supplémentaire excessive eu égard aux revenus de Monsieur [P], lequel avait déclaré au titre de l’année 2014 un revenu annuel de 26 957 euros.

En effet en 2014, à ses charges annuelles de 2013 précédement décrites de 15 173,50 euros se sont ajoutés les frais de nourrice de 4 205,55 euros, soit des charges totales de 19 379,05 euros. En comptabilisant les engagements contractés en qualité de caution en garantie des prêts professionnels, les charges annuelles de Monsieur [P] d’un montant total de 20 495,29 euros représentaient plus de 70 % de ses revenus.

Le troisième engagement de caution souscrit pour 52 000 euros n’a fait qu’aggraver davantage la situation financière déjà obérée de Monsieur [P].

La société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne ne soutient plus en cause d’appel qu’il faut tenir compte des parts sociales de Monsieur [M] [P] dans l’Eurl Au Bois d’Ebène placée en redressement judiciaire en 2015 puis en liquidation judiciaire en 2016.

Elle objecte cependant que la situation patrimoniale de Monsieur [M] [P] a évolué, ce dernier détenant 33 % des parts sociales dans la société civile immobilière ayant acquis en mars 2019 un immeuble d’une valeur de 80 000 euros et soutient qu’il est gérant une entreprise dénommée Menuiserie [P] depuis 2010.

Monsieur [M] [P] justifie par la production du répertoire Siren en date du 29 juillet 2021 que l’entreprise de Menuiserie n’a été active que depuis le 24 juillet 2017, soit postérieurement à la conclusion des actes de cautionnement. À la date à laquelle la caution a été appelée par exploit du 3 août 2017, l’entreprise n’était active que depuis dix jours.

Il est produit l’extrait K Bis du registre du commerce et des sociétés au 27 mai 2021 établissant l’immatriculation le 7 décembre 2018 de la SCI les Logettes D’Ebène de même que les statuts de la SCI du 19 novembre 2018 mentionnant un apport en numéraire de 1 650 euros de M. [M] [P] lequel détient 165 parts sur les 500 parts de la société constituée avec Mme [N] et ses parents. Cette SCI a acquis le 13 février 2019 un immeuble situé à [Localité 8] moyennant le règlement de 80 000 euros, selon des modalités qui ne sont pas précisées.

En tout état de cause les parts sociales de Monsieur [M] [P] ne sont pas liquides et ne peuvent servir à apurer le passif de l’Eurl.

Il ressort de ces éléments que les trois engagements de caution du 11 février 2014 et du 25 juillet 2014 sont manifestement disproportionnés aux revenus et au patrimoine de Monsieur [M] [P] au moment de la conclusion des actes de même qu’au moment où la banque l’a appelé à répondre de ses engagements.

Ces cautionnements présentent donc bien un caractère disproportionné.

Par conséquent, la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne ne peut valablement se prévaloir de l’engagement de caution du 11 février 2014 et des deux engagements de caution du 25 juillet 2014.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [M] [P] est condamné aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Dijon du 25 janvier 2021 en ce qu’il a dit que la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne ne peut se prévaloir des engagements de caution suivants de Monsieur [M] [P] :

– engagement de caution de 9 100 euros le 14 septembre 2013,

– engagement de caution de 31 200 euros le 24 décembre 2013,

statuant à nouveau :

Condamne Monsieur [M] [P] à payer à la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne :

– la somme de 3 060,50 euros au titre du prêt cautionné de 7 000 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 3,15 % à compter du 15 avril 2017 ;

– la somme de 21 832,08 euros au titre du prêt cautionné de 24 000 euros, outre intérêts au taux contractuel de 4,10 % à compter du 15 avril 2017 ;

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions ;

Y ajoutant :

Dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne Monsieur [M] [P] aux dépens d’appel.

Le Greffier, Le Président,

 


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