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22 novembre 2022
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
21/01223
ARRET
N°
S.A. CARREFOUR BANQUE
C/
[X]
[R]
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 22 NOVEMBRE 2022
N° RG 21/01223 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IAUF
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT QUENTIN EN DATE DU 20 NOVEMBRE 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
LA S.A. CARREFOUR BANQUE , agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilé en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Margot ROBIT, substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d’AMIENS, vestiaire : 65
ET :
INTIMES
Monsieur [S] [X]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Christophe DONNETTE de l’ASSOCIATION DONNETTE-LOMBARD, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/2060 du 18/03/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AMIENS)
Madame [J] [R] épouse [X]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Christophe DONNETTE de l’ASSOCIATION DONNETTE-LOMBARD, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
DEBATS :
A l’audience publique du 27 Septembre 2022 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 Novembre 2022.
GREFFIER : MmeSophie TRENCART, faisant fonction
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Françoise LEROY-RICHARD en a rendu compte à la Cour composée de :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, conseillère
Mme Cybèle VANNIER, conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 22 Novembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Sophie TRENCART, faisant fonction de Greffier.
DECISION
Suivant offre préalable acceptée le 12 mars 2016, la Sa Carrefour banque a consenti à M. [S] [X] et Mme [J] [R] épouse [X] (ci-après les époux [X]) en qualité de co-emprunteurs solidaires, un prêt personnel d’un montant de 14 000 € au taux de 4,68 % et au Taeg de 4,79 %, remboursable en 60 mensualités de 262,21 €.
Se prévalant d’impayés et de l’exigibilité anticipée du prêt, la Sa Carrefour banque a attrait en paiement les époux [X], par acte d’ huissier du 6 décembre 2019, devant le tribunal d’instance de Saint-Quentin qui par jugement du 20 novembre 2020 a :
déclaré recevable l’action de la SA Carrefour banque ;
condamné solidairement M. [S] [X] et Mme [J] [R] épouse [X] à payer à la Sa Carrefour banque la somme de 1 536,17 € avec intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2019 ;
débouté la Sa Carrefour banque du surplus de ses demandes ;
autorisé M. [S] [X] et Mme [J] [R] épouse [X] à se libérer de leur dette en vingt-quatre versements mensuels de 60 € chacun ;
débouté la Sa Carrefour banque de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné in solidum M. [S] [X] et Mme [J] [R] épouse [X] aux dépens de l’instance ;
rejeté la demande d’exécution provisoire.
Par déclaration en date du 3 mars 2021 la Sa Carrefour banque a interjeté appel limité de ce jugement.
Par conclusions remises le 6 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la Sa Carrefour banque demande à la cour de :
la dire recevable et bien fondée en son appel ;
débouter les époux [X] de leur appel incident ;
infirmer le jugement dans la limite de la déclaration d’appel.
Statuant à nouveau :
A titre principal : condamner solidairement les époux [X] à payer à la Sa Carrefour banque la somme de 8 106,78 € avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2019 date de réception de la mise en demeure ;
A titre subsidiaire : prononcer la résolution du contrat de prêt aux torts et griefs de M. et Mme [X] et les condamner solidairement à payer à la Sa Carrefour banque la somme de 8 106,78 € avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ;
En tout état de cause : condamner solidairement M. et Mme [X] à payer à la Sa Carrefour banque la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et les condamner au paiement d’une indemnité du même montant au titre des frais irrépétibles exposés en appel et les condamner aux entiers dépens de cette instance.
Par dernières conclusions remises le 9 juillet 2021, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, les époux [X] demandent à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a déclaré la mise en demeure irrégulière, l’infirmer pour le surplus et en conséquence :
constater l’octroi abusif de crédit ;
débouter la banque de l’intégralité de ses demandes ;
constater l’absence de déchéance du terme ;
dire que seules les échéances impayées sont exigibles ;
en tout état de cause rectifier le montant des sommes dues ;
tenir compte des paiements sus visés, déduire le montant des intérêts et frais indus ;
octroyé à M. [X] les plus larges délais de paiement ;
débouter la banque de toutes ses autres demandes notamment au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la banque à verser au concluant la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
SUR CE :
Sur l’opposabilité de la déchéance du terme
Il résulte de l’offre de prêt acceptée le 12 mars 2016 que M. [X] s’est engagé en qualité d’emprunteur, et Mme [R] épouse [X] en qualité de co-emprunteur solidaire. La Sa Carrefour banque verse au débat la pièce justifiant que M. [X] a été mis en demeure de payer les échéances du prêt impayées par courrier recommandé daté du 11 août 2019 dont il a accusé réception le 14 août 2019 à l’adresse du couple située [Adresse 2].
En application du principe de représentation mutuelle des co-obligés solidaires, la mise en demeure préalable à la déchéance du terme régulièrement adressée à l’égard de l’emprunteur produit également ses effets à l’égard du co-emprunteur solidaire, de sorte que le moyen développé par M. [X] et retenu par le premier juge tiré du fait que la banque n’a pas mis en demeure l’épouse co-empruntrice pour écarter l’exigibilité anticipée du prêt est inopérant.
En conséquence le jugement est infirmé en ce qu’il a considéré que la déchéance du terme ne pouvait être tenue pour acquise au bénéfice de la Sa Carrefour banque.
Sur le montant de la créance
Le montant de la créance n’est pas discuté. Les époux [X] se contentent de conclure au débouté de la demande en paiement présentée par la Sa Carrefour banque ou à sa limitation au motif que cette dernière a commis une faute en leur accordant le prêt litigieux. Ils expliquent que cette faute est constituée par le fait que la banque leur a abusivement accordé ce crédit alors qu’ils étaient déjà très endettés et qu’elle la prive de sa créance.
La contrepartie de la faute commise par la banque, à supposer qu’elle soit établie pouvant aboutir à l’allocation de dommages et intérêts susceptibles de se compenser avec la créance de la banque et non au débouté de la demande en paiement ou à la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts au taux contractuel, il y a lieu de statuer au préalable sur le bien fondé de la demande en paiement.
En l’espèce la Sa Carrefour banque demande paiement d’une somme de 8 106,79 € assortie de l’intérêt au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure correspondant au montant du capital emprunté (14 000 €) dont à déduire les sommes remboursées par les emprunteurs avant la déchéance du terme.
La preuve des sommes dues étant rapportée par la production du contrat, du tableau d’amortissement, de l’historique des règlements et par un détail de créance il est fait droit à cette demande de la banque.
Sur le moyen tiré de l’octroi abusif du crédit
Il est admis que le banquier est tenu à l’égard de ses clients non avertis d’un devoir de mise en garde en cas de risque d’endettement excessif de l’emprunteur. Ce devoir oblige le banquier, avant d’apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client et à l’alerter des risques encourus.
Le devoir de mise en garde n’existe donc qu’à l’égard de l’emprunteur non averti et qu’en cas de risque d’endettement excessif.
Par ailleurs les dispositions du code de la consommation imposent au prêteur de vérifier la solvabilité de l’emprunteur lors de l’octroi d’un crédit en recueillant des informations suffisantes et des pièces portant sur sa situation patrimoniale et en consultant le Ficp (articles L.311-9, l. 333-4 et 5 du code de la consommation) afin de vérifier que le prêt demandé est adapté à sa situation patrimoniale, le non-respect de ces obligations étant sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel dans une proportion fixée par le juge.
En l’espèce, M. [X] exerçait l’activité de développeur informatique et son épouse était sans emploi. Ils ne disposaient pas de compétence particulière en matière bancaire, de sorte qu’ils étaient des emprunteurs non avertis.
La fiche de dialogue renseignée par eux faisait état de revenus mensuels à hauteur de 3 300 € dont à déduire 1 398,21 € de charges (impôts et divers crédits amortissables souscrits auprès de la société Carrefour banque). Dans ce contexte la mensualité du nouveau prêt portait le montant de ces charges à 1 660,42 € soit un taux d’endettement de l’ordre de 50 %, de sorte que le risque d’endettement excessif était caractérisé.
La Sa Carrefour banque était donc dans ces circonstances, débitrice à l’égard de M et Mme [X], d’une obligation de mise en garde portant sur le risque d’endettement.
Elle ne pouvait apprécier ce risque d’endettement et mettre en garde M et Mme [X] qu’en faisant une étude complète de leur situation patrimoniale, ce qu’elle a été défaillante à réaliser à défaut d’avoir rassemblé les documents susceptibles de corroborer les éléments renseignés dans la fiche de dialogue et d’avoir consulté le Ficp. En effet si elle avait recueilli au moins la feuille d’imposition du couple, elle aurait pu prendre connaissance de la composition familiale et notamment du fait que M et Mme [X] avaient deux enfants à charge.
Elle a dans ces conditions fait perdre une chance à M et Mme [X] de ne pas contracter.
Consciente de cette carence la banque a d’elle-même limité sa demande en paiement au capital restant dû dont à déduire les sommes déjà remboursées à l’exclusion de tout intérêt au taux contractuel.
Cette limitation, équivalant à la déchéance totale du droit aux intérêts que peut prononcer le juge, suffit à indemniser M et Mme [X] du préjudice subi du fait des manquements ci-dessus énoncés dans la mesure où le couple a pu bénéficier d’un capital de 14 000 € équivalent à un « crédit gratuit » et en faire usage pour faire face aux dépenses de la famille.
En conséquence M et Mme [X] sont déboutés de leur demande tirée de l’octroi abusif du crédit.
Sur la demande d’échelonnement
Du dernier avis d’imposition des époux [X] il ressort qu’ils perçoivent 19 500 € par an soit un peu plus de 1 600 € mois qu’ils n’ont pas de charges de loyer ni de prêt immobilier à rembourser. Ces circonstances permettent à la cour d’accorder aux débiteurs un échelonnement de leur dette sur 24 mois dans les termes de l’article 1343-5 du code civil dans la mesure où les intérêts au taux légal dus au créancier courent au profit de ce dernier. Les modalités seront reprises au dispositif.
Sur les demandes accessoires
M et Mme [X] qui succombent majoritairement supportent les dépens d’appel et sont déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles. En outre il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la Sa Carrefour banque le montant des frais irrépétibles par elle exposés.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe ;
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’action de la Sa Carrefour banque, débouté cette dernière de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamné M et Mme [X] in solidum à supporter les dépens de première instance.
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :
Condamne solidairement M. [S] [X] et Mme [J] [R] épouse [X] à payer à la Sa Carrefour banque la somme de 8 106,79 € assortie de l’intérêt au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure le 14 août 2019 ;
Autorise M. [S] [X] et Mme [J] [R] épouse [X] à se libérer de leur dette en 24 versements de 338 €, le dernier versement étant majoré du solde de la dette, payable au plus tard le 10 de chaque mois, sauf meilleur accord entre les parties, le premier versement devant intervenir le mois suivant la signification du présent arrêt ;
Dit qu’à défaut de paiement d’une échéance à sa date exacte, et après une mise en demeure restée sans effet pendant 15 jours, l’échelonnement qui précède sera caduc et que la totalité des sommes dues deviendra immédiatement exigible ;
Déboute M [S] [X] et Mme [J] [R] épouse [X] du surplus de leurs demandes ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M [S] [X] et Mme [J] [R] épouse [X] à supporter les dépens d’appel.
Le Greffier, La Présidente,