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22 juin 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
22/00300
N° RG 22/00300 – N° Portalis DBV2-V-B7G-I7TM
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
Section PARITAIRE
ARRET DU 22 JUIN 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d’EVREUX, décision attaquée en date du 02/12/2021, enregistrée sous le n° 51-20-0012
APPELANTS :
G.A.E.C. DE LA PLAINE venant aux droits de l’EARL DE LA PLAINE
RCS de Rouen n°394 688 881
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Nelly LEROUX-BOSTYN, avocat au barreau de l’EURE
Monsieur [Y] [D]
né le 13 mai 1967 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Non comparant, représenté par Me Nelly LEROUX-BOSTYN, avocat au barreau de l’EURE
Madame [C] [X] épouse [D]
née le 07 juillet 1974 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Non comparante, représentée par Me Nelly LEROUX-BOSTYN, avocat au barreau de l’EURE
INTIMES :
Monsieur [W] [R] [B] [F] [S]
né le 21 février 1945 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Non comparant, représenté par Me Béatrice OTTAVIANI, avocat au barreau de ROUEN, substituée par Me Gaëlle ALEXANDRE, avocat au barreau de ROUEN
Madame [K] [H] [Z] épouse [S]
née le 18 janvier 1944 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Non comparante, représentée par Me Béatrice OTTAVIANI, avocat au barreau de ROUEN, substitué par Me Gaëlle ALEXANDRE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de la plaidoirie et du délibéré
Madame GOUARIN, présidente,
Madame TILLIEZ, conseillère,
Madame GERMAIN, conseillère.
DEBATS :
Madame DUPONT, greffière
Rapport oral a été fait avant l’audience de plaidoirie, à l’audience publique du 22 mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 22 juin 2023
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement le 22 juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
Signé par Madame GOUARIN, présidente et par Madame DUPONT, greffière.
Exposé des faits et de la procédure
Par acte authentique du 8 octobre 2010, M. et Mme [S] ont consenti un bail rural d’une durée de 25 ans à M. [Y] [D] portant sur diverses parcelles situées commune de [Localité 4].
Dans cet acte il est précisé :
‘ Bâtiment à démonter
Il existe sur la parcelle ZC n° [Cadastre 2] un bâtiment à démonter.
Ce bâtiment a été cédé par M. et Mme [S] à l’Earl de la Plaine dont le gérant est M. [Y] [D] preneur aux présentes…’
M. [Y] [D], le Gaec de la Plaine et Mme [C] [X] épouse [D] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Rouen aux fins d’obtenir le remboursement de la somme de 36 750 euros, correspondant à la différence du prix payé et de la valeur du bien, avec intérêts au taux légal majoré de 3 points à compter du 7 octobre 2010 et capitalisation des intérêts, sur le fondement de l’article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime.
Par jugement contradictoire du 2 décembre 2021, le tribunal des baux ruraux de Rouen a :
– déclaré irrecevable la demande de M. [Y] [D], du Gaec de la Plaine et de Mme [C] [X] épouse [D] comme étant prescrite,
– condamné in solidum M.[Y] [D], le Gaec de la Plaine et Mme [C] [X] épouse [D] à payer à M. [W] [S] et Mme [K] [Z] épouse [S] une indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [Y] [D], le Gaec de la Plaine et Mme [C] [X] épouse [D] aux dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considéré que le bâtiment situé sur la parcelle ZC n° [Cadastre 2] avait été cédé à l’Earl de la Plaine et non à M. [D] et que le prix avait été payé par l’Earl de la Plaine sans qu’il soit établi que le prêt familial a eu pour objet le paiement du solde du prix du bâtiment en cause, de sorte que l’Earl de la Plaine n’étant pas le preneur de M. et Mme [S], la prescription applicable était celle de l’article 2224 et non celle de l’article L. 411-74 du code rural.
Le Gaec de la Plaine venant aux droits de l’Earl de la Plaine, M. [Y] [D] et Mme [C] [D] ont relevé appel de cette décision suivant déclaration reçue le 24 janvier 2022.
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions reçues le 22 février 2023 reprises oralement à l’audience de plaidoirie, M. [Y] [D], Mme [C] [D] et le Gaec de la Plaine demandent à la cour de :
Infirmer le jugement rendu le 2 décembre 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux et statuant à nouveau :
– constater que l’action en répétition de l’indu formée par les époux [D] et le Gaec de la Plaine n’est pas prescrite,
– recevoir les époux [D] et le Gaec de la Plaine en leur action et la déclarer bien fondée,
Y faisant droit,
– condamner M. et Mme [S] à rembourser le montant des sommes indûment réglées soit 36 750 euros correspondant à la différence entre le prix réglé et la valeur des biens,
– dire que cette somme sera augmentée du taux d’intérêts légal majoré de trois points, à compter du 7 octobre 2010,
– ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,
– condamner M. et Mme [S] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter M. et Mme [S] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. et Mme [S] aux dépens.
Par dernières conclusions reçues le 17 mai 2023 reprises oralement à l’audience, M. et Mme [S] demandent à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Subsidiairement,
– débouter M. et Mme [D] et le Gaec de la Plaine de leurs demandes,
En tout état de cause,
– condamner solidairement M. et Mme [D] et le Gaec de la Plaine au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement M. et Mme [D] et le Gaec de la Plaine aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l’action
M. et Mme [D] et le Gaec de la Plaine reprochent aux premiers juges d’avoir déclaré leur action irrecevable au motif que l’Earl de la Plaine était le propriétaire du bâtiment et comme tel n’était pas preneur mais un tiers et d’avoir en conséquence écarté la prescription de l’article L. 411-74 du code rural, alors qu’il est justifié que le prêt familial qu’ont obtenu M. et Mme [D] a servi à payer le prix de vente du bâtiment.
En réplique, les époux [S] soutiennent que c’est l’Earl de la Plaine qui a acquis le bâtiment, c’est elle qui en est propriétaire et qui en a payé le prix, que dans la mesure où elle n’est pas preneur au bail, le bail ayant été consenti au seul nom de M. [D], le délai de prescription de l’action en répétition de l’indu de l’article L. 411-74 du code rural dérogatoire n’est pas applicable et l’action exercée par un tiers se trouve soumise au droit commun de la prescription, soit cinq ans à compter du paiement, de sorte qu’en l’espèce l’action est prescrite.
Aux termes de l’article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, ‘Sera puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 € ou de l’une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l’occasion d’un changement d’exploitant, soit obtenu ou tenté d’obtenir une remise d’argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d’imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci.
Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées d’un intérêt calculé à compter de leur versement.
En cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l’action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 %.
L’action en répétition exercée à l’encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d’exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d’effet du congé’.
En application de ces dispositions, l’action en répétition de l’indu fondée sur cet article n’est soumise à la règle particulière de prescription édictée par cet article que lorsqu’elle est exercée par le preneur à l’encontre du bailleur. Dans les autres cas, elle est soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil,
En l’espèce, le bail notarié du 8 octobre 2010 a été conclu entre M. et Mme [S] d’une part et M. [D] d’autre part.
Or dans l’acte, il est précisé qu’il existe sur la parcelle ZC n° [Cadastre 2] un bâtiment à démonter. Ce bâtiment a été cédé par M. et Mme [W] [S] à l’Earl de la Plaine, dont le gérant est M. [Y] [D], preneur aux présentes.
L’acte notarié stipule donc que le bâtiment est la propriété de l’Earl et non celle de M. [D].
Comme l’a justement relevé le premier juge, il est versé aux débats un écrit daté du 1er août 2010, signé de toutes les parties aux termes duquel l’Earl de la Plaine propose une ventilation du montant de la reprise de l’exploitation par l’Earl de la Plaine pour un montant de 277 000 euros, dont un bâtiment à démonter de 43 500 euros financé par un prêt bancaire de 250 000 euros et un prêt familial de 27 000 euros.
Il n’est pas contesté que le prix du bâtiment a été réglé pour partie à hauteur de 16 500 euros, à partir du compte de l’Earl, les 27 000 euros restant étant financés par un prêt familial.
Il est par ailleurs versé aux débats une facture de 43 500 euros du 1er septembre 2010 à l’entête de l’Earl de la Plaine, correspondant au prix du bâtiment.
Si M. [D] verse aux débats une reconnaissance de dette à l’égard de M. et Mme [S] au titre d’une somme de 27 000 euros, remboursable par mensualités de 797,15 euros, il ressort des relevés de compte de M. et Mme [S] que les versements de ces mensualités l’ont été à partir du compte de l’Earl de la Plaine.
Il en résulte que le prêt familial a été apporté par M. [D] à l’Earl de la Plaine pour permettre à cette dernière d’acquitter le montant du prêt tel que le prévoit la ventilation du prix.
Il s’ensuit que c’est l’Earl de la Plaine qui est propriétaire du bâtiment litigieux et non M. [D]. Or l’Earl est un tiers par rapport au contrat de bail, dès lors que seul M. [D] est le preneur du bail rural.
Si, en vertu de l’article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, l’action exercée à l’encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés, cette prescription s’applique à l’égard du preneur au bail.
Comme l’a justement relevé le premier juge, M. et Mme [S] ne sont pas les bailleurs de l’Earl de la Plaine, mais uniquement de M. [D].
La prescription de l’article L. 411-74 ne s’applique donc pas en l’espèce dès lors que l’Earl, qui est propriétaire du bâtiment, est tiers au contrat de bail.
C’est donc bien la prescription de droit commun qui s’applique dans les relations entre l’Earl de la Plaine devenue Gaec de la Plaine, tiers au contrat de bail, et M. et Mme [S] bailleurs.
Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Le paiement du prix du bâtiment est intervenu le 7 octobre 2010 s’agissant des 16 000 euros et le 1er août 2014 s’agissant de l’acquittement du prix, la prescription était en conséquence acquise le 1er août 2019.
La requête ayant été enregistrée le 13 juillet 2020, l’action en paiement de l’indu est irrecevable comme étant prescrite et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les frais et dépens
Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront confirmées.
La charge des dépens d’appel sera supportée in solidum par M. et Mme [D] et le Gaec de la Plaine conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme [S] les frais irrépétibles exposés à l’occasion de l’instance d’appel.
Aussi M. et Mme [D] ainsi que le Gaec de la Plaine seront-ils condamnés in solidum à leur verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et déboutés de leur demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du 2 décembre 2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [Y] [D], Mme [C] [X] épouse [D] et le Gaec de la Plaine in solidum aux dépens,
Condamne M. [Y] [D], Mme [C] [X] épouse [D] et le Gaec de la Plaine in solidum à payer à M. [W] [S] et Mme [K] [Z] épouse [S] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les déboute de leur demande formée à ce titre.
Le greffier La présidente