22 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/08163
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 2
ARRÊT DU 22 JUIN 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/08163 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGM6E
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Juillet 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY – RG n° R21/00442
APPELANTE
S.A.S.U. SERVICES FLIGHTS HANDLING
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Anne LEPARGNEUR, avocat au barreau de TOULOUSE, toque : 71
INTIMÉ
Monsieur [U] [B] [M]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Katia BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1543
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Didier MALINOSKY, Magistrat Honoraire, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Christine LAGARDE, conseillère
Didier MALINOSKY, Magistrat Honoraire
Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [U] [B] [M] a été engagé en qualité d’assistant piste, par la société Services Flights Handling (SFH), à compter du 1er mars 2017 avec reprise d’ancienneté au 12 juin 2006.
Dans le cadre de la rupture du contrat de travail, les parties ont conclu une transaction selon un protocole signé le 30 mai 2021.
Par requête reçue au greffe le 10 novembre 2021, M. [M] a saisi, en référé, le conseil de prud’hommes de Bobigny pour obtenir l’exécution, qu’il estime être incomplète, de cette transaction.
Après deux renvois aux audiences du bureau de jugement des 3 décembre 2021 et 14 janvier 2022, l’affaire a été plaidée à l’audience du 4 février 2022, à l’issue de laquelle la formation paritaire s’est déclarée en partage de voix par mention au dossier du 18 mars 2022.
Par ordonnance du 29 juillet 2022, la formation de départage du conseil de prud’hommes a :
Condamné la société Services Flights Handling à payer à M. [M] la somme provisionnelle de 27 000 euros en exécution de l’accord transactionnel conclu le 31 mai 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2021 ;
Ordonné la capitalisation des intérêts ;
Rejeté la demande de remise d’un bulletin de paie ;
Dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus ;
Condamné la société Services Flights Handling à payer à M. [M] la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la société Services Flights Handling aux dépens ;
Rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Selon déclaration du 26 septembre 2022, la société Services Flights Handling a interjeté appel de cette décision.
Par acte du 18 octobre 2022, la société a fait assigner, devant le 1er président de la cour d’appel, M. [M] pour arrêter l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé ou, à titre subsidiaire aménager celle-ci par consignation d’une somme de 28 000 euros.
Par ordonnance du 16 février 2023, le magistrat délégataire du 1er Président de la cour d’appel a :
– Rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire ;
– Ordonné la consignation par la société Services Flights Handling de la somme de 28 000 euros entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations jusqu’à la notification de l’arrêt de la cour d’appel de Paris à intervenir sur appel de l’ordonnance de référé rendue par le conseil de prud’hommes de Paris le 29 juillet 2022,
– Condamné la société Services Flights Handling aux dépens,
– Condamné la société Services Flights Handling à payer à M. [M] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 23 février 2023, la société Services Flights Handling demande à la cour de :
– juger que l’ordonnance querellée est fondée sur un motif relevé d’office, qui n’a pas été soumis à la contradiction,
En conséquence,
– annuler l’ordonnance de référé du 29 juillet 2022 rendu par le conseil de prud’hommes de Bobigny,
À titre subsidiaire,
– juger que l’ordonnance querellée est fondée sur des motifs relevant du Juge du fond,
En conséquence,
– infirmer l’ordonnance de référé du 29 juillet 2022 rendu par le conseil de prud’hommes de Bobigny,
En tout état de cause,
– confirmer l’ordonnance de référé du 29 juillet 2022 en ce qu’elle déboute M. [M] du surplus de ses demandes,
– juger à l’absence d’évidence en raison de la contestation sérieuse liée à la difficulté du vice du consentement de la DRH à la transaction pour 55.000 euros qui s’oppose au paiement du solde de 27 000 euros.
– réformer l’ordonnance de référé pour juger n’y avoir lieu à référé en l’absence de trouble manifestement illicite et en présence de contestations sérieuses qui s’opposent à la demande de M. [M] de versement du solde d’indemnité transactionnelle,
– débouter M. [M] de l’intégralité de ses demandes
– autoriser la Caisse des dépôts et consignations à déconsigner les fonds d’un montant de 28 000 euros consignés par la Sas Services Fligth Handling en exécution de l’ordonnance de Mme le Premier Président près la Cour d’Appel de Paris, en date du 16 février 2023,
– condamner M. [M] à payer à la Sas Services Fligth Services Handling la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [M] aux entiers dépens de l’instance.
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 25 janvier 2023, M. [M] demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance en date du 29 juillet 2022 en ce que le Conseil de prud’hommes de Bobigny en formation de départage a :
– Condamné la société SFH à lui payer la somme provisionnelle de 27 000 euros en exécution de l’accord transactionnel du 31 mai 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2021 :
– Ordonné la capitalisation annuelle des intérêts ;
– Condamné la SFH à lui payer la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamné la SFH aux dépens.
– réformer l’ordonnance des demandes et montants non alloués à M. [M] et plus précisément en ce qu’il a dit n’y avoir lieu a référé pour le surplus ;
Par suite et y ajoutant,
– débouter la société SFH de I’ensemble de ses demandes,
– condamner la société SFH à lui payer, à titre de provision, la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive.
– ordonner l’intérêt au taux légal au jour de la date fixée par le protocole transactionnel soit au 5 juin 2021,
– ordonner la capitalisation des intérêts,
– condamner la société SFH à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société SFH aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2023.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Sur la nullité de l’ordonnance entreprise au motif d’une violation du principe du contradictoire
La société soutient que la formation de départage, qui a relevé d’office que la créance de 27 000 euros présentant un caractère douteux n’emportait pas compensation avec les sommes dues au titre de la transaction, devait solliciter l’avis des parties avant de statuer sur ce moyen de droit et qu’à défaut l’ordonnance est nulle pour défaut de respect du principe du contradictoire.
La société fait valoir, aussi, que ce moyen ne ressortait ni des conclusions écrites des parties, ni d’une présentation orale lors de l’audience du 14 juin 2022 et n’a, donc, pas été soumis à la contradiction des parties.
M. [M] indique qu’il a contesté le principe même de la compensation entre sa créance de 27 000 euros et les sommes dues au titre de la transaction dès sa saisie du conseil des prud’hommes et que la qualification de douteuse de cette créance par la formation de départage ne constitue pas une violation du principe du contradictoire, cette notion ayant été abordé dès le début de la procédure dans ses conclusions de demandeur.
Sur ce,
La cour d’appel qui annule un jugement, pour un motif autre que l’irrégularité de l’acte introductif d’instance, est tenue de statuer sur le fond de l’affaire en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, sauf pour un appel nullité, applicable en cas d’absence de voie de recours contre une décision en excès de pouvoir du premier juge.
Ainsi, l’appel nullité n’est recevable qu’en l’absence de voies de recours et doit porter exclusivement sur un excès de pouvoir du juge résultant soit d’une méconnaissance du principe de la séparation des pouvoirs, soit d’un excès de pouvoir positif, le juge s’arrogeant des attributions que le dispositif normatif lui refuse, ou un excès de pouvoir négatif, le juge refusant d’exercer les compétences que la loi lui attribue.
En l’espèce, la société appelante ayant formé un appel, voie normale de la procédure, conforme à l’article 542 du code de procédure, l’ordonnance en litige n’est pas nulle, mais encourt une réformation ou une annulation.
Par ailleurs, M. [M] a bien saisi le conseil des prud’hommes en indiquant que la compensation effectuée postérieurement à la signature de la transaction par la société SFH était illicite et ne pouvait s’appliquer.
Ainsi, la validité de la compensation était bien dans les termes du litige, plaidé devant le conseil des prud’hommes, et sa caractérisation comme ‘litigieuse’ avancée par la dite juridiction n’était pas un moyen relevé d’office.
L’ordonnance entreprise n’encourt donc pas, de ces chefs, de nullité.
Sur l’existence d’une contestation sérieuse en raison d’un vice du consentement
La société soutient que lors de la négociation de la transaction, M. [M] a omis volontairement de donner l’information d’une avance sur salaire de 27 000 euros et que la transaction s’est effectué, pour cette raison, sur la somme de 55 000 euros. Elle fait valoir que M. [M] a manifestement cherché à vicier le consentement de la DRH pour obtenir un montant plus élevé. Elle indique que lors des négociations, M. [M] était le seul dispositaire de cette information, l’ayant même caché au représentant syndical qui l’accompagnait.
M. [M] indique que la somme de 27 000 euros, correspondant à un prêt personnel, était bien incluse dans la transaction et que la directrice des ressources humaines, représentante de la société, en était parfaitement informée puisque gérant les dossiers des salariés de l’entreprise. La société ne pouvait pas, ainsi, opérer compensation postérieurement à la transaction.
Sur ce,
En l’espèce, il y a lieu de noter que la transaction a été signée entre la société et le salarié, la ‘DRH’ n’étant que la représentante dûment mandatée de la société et ayant à sa disposition l’ensemble des moyens administratifs de SFH dont la connaissance du dossier complet de M. [M] et, donc, de l’existence d’un prêt.
Par ailleurs, la cour relève que l’erreur de droit ou la lésion, seuls moyens de faire annuler une transaction, ne relève pas des pouvoirs du juge des référés, l’appréciation de tels manquements ne relevant pas de l’évidence mais étant sérieusement contestable sans qu’un trouble manifestement illicite puisse être relevé.
Ainsi, il n’y a pas lieu à référé sur le vice du consentement allégué par la société.
Sur l’existence d’une créance de 27 000 euros au bénéfice de M. [M]
La société soutient que le juge des référés n’était pas compétent pour caractériser l’éventuel caractère ‘litigieux’ du prêt qu’elle a accordé et sur l’éventuel terme de son remboursement, analyse qui relève du juge du fond. Selon elle, la créance de 27 000 euros dont fait état M. [M] est incertaine et elle indique qu’il existe une contestation sérieuse au paiement de cette somme.
Par ailleurs, la société ajoute que la formation de référé du conseil de prud’hommes n’a pas qualifié de trouble manifestement illicite la compensation qu’elle a opérée.
M. [M] indique que sa créance est issue de la ‘transaction forfaitaire globale et définitive’ qui ‘règle, entre les parties, définitivement et sans réserve tout litige né ou à naître’ et que c’est de manière déloyale que la société a procédé unilatéralement à la compensation postérieurement à la transaction.
Sur ce,
La cour relève que, d’une part, comme toute transaction, celle passée entre les parties ‘a autorité de la chose jugée en dernier ressort et ne peut être attaquée ou révoquée pour cause d’erreur de droit ou de lésion et emporte renonciation à tous droits, actions prétentions, vis à vis de l’une ou l’autre, conformément aux articles 2044 et suivants du code civil’et, d’autre part, cette mention est portée dans le dernier paragraphe de la transaction.
Or, la société SFH ne pouvait, sans s’affranchir du caractère d’autorité de la chose jugée, opérer une compensation entre les sommes en litige, étant rappelé que dès le 31 mai 2021, la société adressait un bulletin de paie mentionnant cette compensation entre une indemnité transactionnelle d’un montant brut, hors CSG et RDS mais comprenant l’indemnité de préavis, de 60 908,08 euros et une ‘avance’ sur salaire de 27 000 euros représentant le reliquat d’indemnité transactionnelle.
Or, cette compensation créant, en dehors de toute erreur de droit ou de lésion constatée, un trouble manifestement illicite, il y a lieu de confirmer l’ordonnance du 29 juillet 2022 quant à l’existence d’une créance de 27 000 euros, outre un article 700 de 1.000 euros, et d’autoriser la Caisse des dépôts et consignations à déconsigner les fonds d’un montant de 28 000 euros consignés en exécution de l’ordonnance du 16 février 2023.
Sur la demande de provision sur dommages et intérêts
M. [M] sollicite une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive de la société au paiement de l’entièreté de la transaction et pour la non remise des documents sociaux.
Il indique qu’il n’a fait valoir ses droits à la retraite qu’à compter de septembre 2022 et qu’il bénéficie d’une retraite incomplète basée sur 148 trimestres.
La société indique que les documents de fin de contrat sont quérables par le salarié et qu’elle les a tenus à sa disposition. Elle indique que M. [M] ne justifie pas d’un préjudice, car la société a fait parvenir directement à Pôle Emploi par la DSN, comme la loi l’oblige, un exemplaire de l’attestation Pôle Emploi. Elle indique que le salarié a reçu la somme de 27 000 euros au titre de la transaction.
Sur ce,
La cour rappelle qu’il est constant que les documents de fin de contrat, étant une obligation de l’employeur, doivent être adressés par celui-ci au salarié. Cependant, si l’inscription à Pôle Emploi est déclenchée par le salarié, le Pôle Emploi est bien destinataire par envoi informatique de l’attestation du même nom, l’employeur étant tenu d’adresser par voie informatique un exemplaire à l’organisme.
La cour relève que M. [M] ne justifie ni d’une remise tardive des documents de fin de contrat ni de son inscription à cet organisme en septembre 2021, étant rappelé qu’un délai de carence est applicable pour son indemnisation au titre des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, outre des délais lés à la transaction, et que les seules demandes de remise de document de M. [M], antérieur à sa saisine, portent sur le protocole transactionnel et non sur les documents de fin de contrat.
Par ailleurs, la cour remarque que le relevé de carrière de M. [M] mentionne pour l’année 2021 une indemnisation au titre du ‘chômage’ et que, d’une part, M. [M] a fait valoir ses droits à la retraite au titre d’août 2022 et d’autre part, qu’il ne produit aucun relevé de son indemnisation au titre de Pôle Emploi.
En outre, il ne justifie pas de son préjudice au titre d’une remise tardive des documents de fin de contrat et d’une indemnisation retardée au titre de Pôle Emploi, ni des conséquences sur ses droits à la retraite.
La cour relève, aussi, que le retard en paiement de la somme de 27 000 euros sera réparé par l’octroi des intérêts au taux légal, leur capitalisation étant confirmée.
Ainsi, la cour confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande provisionnelle de dommages et intérêts pour résistance abusive mais retenue l’octroi des intérêts légaux à compter du 15 novembre 2021 et leur capitalisation.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société SFH sera condamnée aux dépens d’appel.
Elle sera condamnée à payer M. [M] une somme de 1 500 euros, en sus de la somme obtenue en première instance, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance du 22 juillet 2022 ;
Y ajoutant
Condamne la société Services Flights Handling aux dépens d’appel ;
Condamne la société Services Flights Handling à payer M. [U] [G] une somme de 1 500 euros, en sus de la somme obtenue en première instance, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente,