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22 juin 2023
Cour d’appel de Papeete
RG n°
22/00091
N° 246
CG
————–
Copies exécutoires
délivrées à :
– Me [H],
– Me Revault,
le 27.06.2023.
Copie authentique
délivrée à :
– Me Mikou,
le 27.06.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 22 juin 2023
RG 22/00091 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 21/484, Rg n° 18/00237 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 22 octobre 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 24 mars 2022 ;
Appelante :
Mme [T] [C] [L] [J] [X] épouse [F]
née le 6 février 1943 à Papeete, de nationalité française, demeurant à [Adresse 11] ;
Ayant pour avocat la Selarl Mikou, représentée par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
Mme [O] [G] veuve [Z], née le 30 décembre 1949 à Taiohae, de nationalité française, retraitée, demeurant à [Adresse 10] ;
Représentée par Me Sylvain FROMAIGEAT, avocat au barreau de Papeete ;
M. [Y] [I] [Z], né le 6 juillet 1974 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant à [Adresse 9] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Esther REVAULT, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 12 mai 2023 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 25 mai 2023, devant Mme GUENGARD, président de chambre, Mme SZKLARZ, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l’ordre judiciaire aux fins d’exercer à la cour d’appel de Papeete en qualité d’assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme GUENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
EXPOSE DU LITIGE :
Selon acte sous seing privé en date du 10 août 2010, M. [N] [A] [Z] a signé en faveur de Mme [T] [C] [L] [J] [X] épouse [F] un compromis de vente portant sur les droits indivis de ce dernier sur une parcelle située à [Localité 8], [Adresse 2], face à l’ex Tahiti Village, formée d’une partie des terres [Localité 1], [Localité 16] et leurs dépendances, savoir [Localité 6], [Localité 3], [Localité 15], [Localité 18],[Localité 19], [Localité 12], [Localité 14], [Localité 17], [Localité 13] et les vallées[Localité 4]i et [Localité 5], d’une partie du surplus de la terre [Localité 13] et la vallée [Localité 5], d’une superficie de 103 ha 09 a 50 ca, moyennant un prix de 100.000.000 F CFP.
En garantie, les parties ont précisé dans l’acte que l’acquéreur a versé directement au vendeur qui le reconnaît, par la comptabilité de l’étude de Me [S], la somme de 10.000.000 F CFP non productive d’intérét, devant venir en compte sur le prix et les frais lors de la réalisation de l’acte authentique.
Enfin, les parties ont également précisé dans l’acte que M. [N] [Z] ‘accepte dès à présent de compenser sur le prix de la présente vente la somme de 2.848.579 F CFP représentant le montant d’avances dejà consenties par Mme [F] dès avant ce jour’.
Selon acte authentique en date des 10 août et 2 septembre 2010, reçu par Me [S], notaire à [Localité 7], M. [N] [A] [Z] a reconnu devoir à Mme [T] [C] [L] [J] [X] épouse [F] la somme de 10.000.000 F CFP au titre d’un prêt, et s’est engagé à rembourser ce prêt au plus tard le 31 décembre 2010, sans intérêts jusqu’à cette date, et passé ce délai, que les sommes seront productives d’un taux d’intérét de 6% l’an, payable mensuellement.
M. [N] [A] [Z] est décédé le 2 septembre 2020, à [Localité 7], laissant pour lui succéder :
– son conjoint survivant, Mme [O] [G],
– son fils, [I] [Y] [Z],
et en l’état d’un testament authentique reçu par Me [S], notaire à [Localité 7], le 10 août 2010, par lequel il a légué la quotité disponible a son épouse, le surplus de ses biens à son fils [Y] [I] [Z], et révoqué toute disposition testamentaire antérieure.
Le 03 décembre 2010, Me [R], notaire à [Localité 7], a établi un procès- verbal de carence, constatant, aprés que sommation ait été faite par Me [V], huissier de Justice à [Localité 7] à Mme [T] [X] épouse [F] et à [I] [Y] [Z] le 26 novembre 2010, d’avoir à comparaître en son office notarial pour régulariser en la forme authentique la convention sous seing privée du 10 août 2010, l’absence de [I] [Y] [Z].
Par requête enregistrée au greffe le 31 mai 2018 et assignation en date des 23 et 28 mai 2018, Mme [T] [X] épouse [F] a assigné M. [Y] [Z] et Mme [O] [G] devant le tribunal civil de première instance de Papeete.
Par jugement en date du 6 janvier 2020, le tribunal civil de première instance de Papeete a ordonné la réouverture des débats, enjoint à Mme [T] [X] épouse [F] de justifier du paiement du dépôt de garantie de 10.000.000 Fcfp, du versement de cette somme à M. [N] [Z] et non à Me [S].
Par jugement en date du 22 octobre 2021 le tribunal de première instance de Papeete a :
– Prononcé la nullité de la reconnaissance des 10 août et 2 septembre 2010,
– Debouté [T] [C] [L] [J] [X] épouse [F] de sa demande de remboursement d’un prêt de 10.000.000 F CFP consenti par elle en faveur de [N] [Z],
– Condamné [I] [Y] [Z] à payer à [T] [C] [L] [J] [X] épouse [F], la somme de 500.000 F CFP à titre de dommages et intérêts au titre de la clause contractuellement prévue,
– Ordonné l’exécution provisoire de la décision,
– Débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
– Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,
Condamné M. [I] [Y] [Z] aux dépens.
Par requête en date du 24 mars 2022 Mme [T] [C] [L] [J] [X] a relevé appel de cette décision demandant à la cour de :
Infirmer le jugement du 22 octobre 2021 rendu par le tribunal civil de première instance de Papeete en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a fait application de la clause pénale ;
Statuant à nouveau :
Condamner in solidum M. [Y] [Z] et Mme [O] [G] veuve [Z] à régler à Mme [T] [F] la somme de 10 millions FCFP au titre du prêt consenti ou à défaut sur le fondement de l’action de in rem verso ;
Condamner in solidum M. [Y] [Z] et Mme [O] [G] veuve [Z] à régler ladite somme de 10 millions FCFP au taux contractuel de 6% stipulé dans l’acte de reconnaissance de dette et ce à compter du 31 décembre 2010, et à titre subsidiaire, au taux d’intérêt légal à compter du 2 août 2010 et a minima à compter du 31 mai 2018, date d’enregistrement de la requête en première instance ;
Ordonner en tout état de cause la capitalisation des intérêts échus par année entière;
Condamner in solidum M. [Y] [Z] et Mme [O] [G] veuve [Z] à régler à Mme [T] [F] la somme de 10 millions FCFP en application de la clause pénale prévue dans le compromis ;
Condamner in solidum M. [Y] [Z] et Mme [O] [G] veuve [Z] à régler à Mme [T] [F] la somme de 500.000 FCFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction d’usage au profit de la Selarl Mikou.
Par ses dernières conclusions en date du 14 octobre 2022 Mme [T] [C] [L] [J] [X] épouse [F] forme, devant la cour les mêmes demandes que celles contenues dans sa requête d’appel ajoutant celle de voir :
Rejeter les demandes, fins et prétentions de M. [Y] [Z] et de Mme [O] [G].
Par ses dernières conclusions en date du 9 janvier 2023 Mme [O] [G] veuve [Z] demande à la cour de :
Réformer le jugement du tribunal civil de première instance de Papeete du 22 octobre 2021, et y ajoutant,
Donner acte à Mme [Z] de ce qu’elle confirme son accord pour que la succession de feu son époux rembourse à Mme [F] les 10 000 000 XPF qu’elle a versé à titre d’acompte dans le cadre du compromis de vente ;
Condamner Mme [F] à régler à la succession de feu M. [N] [Z] la somme de 10 00 000 XPF au titre de la clause pénale ;
Ordonner la compensation de ces deux créances ;
Rejeter par ailleurs l’ensemble des demandes de Mme [T] [F];
Condamner l’appelante à lui régler la somme de 500 000 XPF en indemnisation de ses frais irrépétibles.
Par ses dernières conclusions en date du 18 novembre 2022 M. [Y] [Z] demande à la cour de :
Réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal civil de première instance de Papeete en date du 22 octobre 2021,
Et, statuant à nouveau,
Vu les articles 1109, 1131 et1152 du code civil,
Dire et juger nul l’acte du 10 août 2010 contenant promesse de vente, pour insanité d’esprit,
Dire et juger nul l’acte des 10 août et 2 septembre 2010 contenant reconnaissance de dette de [N] [Z] à Mme [T] [F], pour insanité d’esprit, et en toutes hypotheses pour défaut de cause,
A titre subsidiaire,
Dire et juger le compromis de vente du 10 août 2010 inopposable à [Y] [Z],
Dire et Juger qu’il n’est pas justifié, par une sommation valable, et par la preuve du paiement du prix de 100.000.000 F CFP, que [Y] [Z] est à l’origine de la renonciation à la vente,
Dire et juger que Mme [F] a renoncé à acheter le bien, objet du compromis,
En conséquence, condamner Mme [F] au paiement de la somme de 10.000.000 F CFP,
A titre encore plus subsidiaire,
Réduire au franc symbolique le montant de l’indemnité prévue au compromis de vente du 10 août 2010,
En toutes hypothèses,
Dire et juger qu’il appartient au notaire de verser à Mme [T] [F] la somme de 10.000.000 F CFP versée au titre du dépôt de garantie,
Condamner Mme [O] [G] seule à payer à Mme [F] les fonds de la succession dont elle a disposé seule sans accord de M. [Y] [Z],
Rejeter toutes demandes fins et conclusions de Mme [T] [X] épouse [F],
La condamner au paiement de la somme de 500.000 F CFP au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL JURISPOL.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 12 mai 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de nullité pour insanité d’esprit :
Aux termes des dispositions de l’article 414-1 du code civil pour faire un acte valable il faut être sain d’esprit et c’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte.
Les conditions de cette action sont cependant précisées à l’article 414-2 du code civil en ce que de son vivant cette action n’appartient qu’à l’interessé et qu’après sa mort, hors les donations et testament et hors le cas de mesure de protection engagée à l’égard du de cujus, cette action est subordonnée à la preuve intrinsèque, dans l’acte lui même d’un trouble mental et à un délai de prescription.
En l’espèce M. [Z] ne forme pas cette demande sur ce fondement mais au visa des dispositions de l’article 1109 du code civil.
Aux termes des dispositions de l’article 1109 du code civil il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.
Les deux actes concernés sont ceux en date du 10 août 2010 contenant, pour l’un promesse de vente et pour l’autre reconnaissance de dette.
L’acte concernant reconnaissance de dette établi par Me [S], notaire à [Localité 7] numéro rép 589 porte en première page les dates des 10 août et 2 septembre 2010.
Il y est indiqué en fin d’acte :
Fait et passé à [Localité 7], ‘/’/—-
En l’étude de Maître [W] [S], notaire titulaire de l’Office notarial dénommé en tête de présentes,
Les jours , mois et an susdits
avec un renvoi n° 2
explicité comme suit à la page suivante:
renvoi 2 (page 5) [E] au domicile de M. [N] [Z] , le 10 août et à [Localité 7] le 2 septembre ./.
C’est à juste titre que M. [Y] [Z] fait valoir qu’il ne saurait être déduit des mentions de cet acte s’il a été signé par M. [N] [Z] le 10 août 2010 ou le 2 septembre 2010.
M. [N] [Z] est décédé le 2 septembre 2010 à 20 h 45.
S’il est maintenant prétendu que cette reconnaissance de dette a été signée le 10 août 2010 par M. [N] [Z] à son domicile et le 2 septembre 2010 par Mme [F] à [Localité 7], tel n’était pas le cas dans le cadre de la procédure de référé diligentée à l’initiative de M. [Y] [Z] où il était expressement fait référence à une signature le 2 septembre 2010 à l’hôpital, Me [S] n’ayant répondu à aucune des sollicitations de l’expert et notamment ajoutait ce dernier ‘concernant l’heure à laquelle le notaire est allé faire signer les documents à [N] [Z] le jour de son décès’.
Ainsi que l’a d’ailleurs souligné le premier juge, il est pour le moins curieux que le 10 août 2010, alors que le notaire s’était déplacé au domicile de M. [N] [Z] avec deux témoins et que Mme [F] y était également présente pour avoir signé le compromis de vente, la reconnaissance de dette n’ait été signée que par M. [N] [Z] seul et dix sept jours plus tard, soit le jour de la mort de M. [N] [Z], par Mme [F].
Le compromis de vente signé le 10 août 2010 entre les parties ne mentionne, quant à lui qu’une date à savoir celle du 10 août 2010 et le lieu [Localité 7] a été raturé pour voir indiquer à la suite [Localité 8].
L’insanité d’esprit invoquée par M. [Y] [Z], quelle que soit la date de signature de ces actes, ne se confond cependant ni avec l’erreur, ni avec la violence, ni avec le dol et ne constitue pas un vice du consentement de sorte que sa demande à ce titre ne peut qu’être rejetée et le jugement attaqué sera infirmé en ce qu’il a statué autrement.
Sur la demande de remboursement au titre du prêt :
Aux termes des dispositions de l’article 1315 du code civil celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
En l’espèce Mme [F] forme la demande de voir les intimés condamnés in solidum à lui payer la somme de 10 millions de FCFP au titre du prêt consenti ou à défaut sur le fondement de l’action de in rem verso.
Ainsi que l’a retenu le premier juge nulle partie ne conteste qu’au final Mme [F] a versé la somme de 10 millions de francs à M. [Z] et non deux fois cette somme.
La différence entre les deux est que dépôt de garantie n’était pas assorti d’intérêts contrairement au contrat de prêt.
Mme [F] explique que cette somme avait été prévue au titre du compromis de vente lequel mentionne en page 3 ‘en garantie de ses engagements l’acquéreur a versé directement au vendeur qui le reconnaît, par la comptabilité de Me [S], la somme de dix millions de francs CFP (10 000 000 FCFP), non productive d’intérêts.’, mais qu’en réalité, M. [Z] souhaitant disposer immédiatement de fonds, il a renoncé au dépôt de garantie et préféré la remise à titre de prêt de la somme de 10 000 000 FCFP ce qui a justifié la signature de la reconnaissance de dettes.
Elle explique ainsi que si la renonciation de M. [Z] au bénéfice du dépôt de garantie n’apparaît pas dans le compormis de vente, c’est à la suite d’une erreur du notaire rédacteur.
En cause d’appel elle verse aux débats :
– en pièce n° 8 le relevé de compte courant de son mari M. [P] [F] auprès de la banque de Polynésie mentionnant à la date du 8 septembre 2010 comme date d’opération et à celle du 6 septembre 2010 comme date de valeur le débit d’un chèque n° 0838345/0838345/ 003025/DAUT 12239 d’un montant de dix millions de francs pacifique,
– la copie d’une quittance n° 72498 dépourvue d’en tête mais mentionnant un reçu de dix millions de francs de la part de M. [F] [P] pour le compte de Mme [T] [F]. Cette quittance est datée du 2 août 2010 et mentionne la référence du chèque comme étant 0838345 sur BP en date du 10 août 2010. Il y est ajouté pour:’prêt à M. [Z] [N]’,
– une attestation établie le 5 février 2020 par Me [K], associé de Me [S], qui énonce que : ‘toutefois il a été stipulé à tort et par erreur au compromis que le dépôt de garantie s’élevant à la somme de dix millions de francs pacifique (10 000 000 FCFP) a été versée au vendeur par la comptabilité de l’office. Aucune somme n’a été versée au titre dudit compromis à la comptabilité’ Il rappelle ensuite la reconnaissance de dette telle que rappelée et ajoute : ‘Mme [F] a consenti ce prêt à M. [Z] par la comptabilité de l’office dont 4 575 404 FCFP ont été réglés au profit de ce dernier et 5 424 596 FCFP demeuent sur le compte client ouvert en l’office au nom de [Z] [N]’.
– Le relevé de compte de la succession de M. [N] [Z] tel qu’établi auprès de la comptabilité du notaire lequel mentionne un crédit le 2 septembre 2010 de dix millions de francs pacifique.
M. [Y] [Z], pour sa part verse aux débats le courrier adressé le 10 octobre 2017 à Me [B] par Me [K] informant de la renonciation de Mme [F] à poursuivre la promesse de vente du 10 août 2010 et sollicitant, de la part de celle-ci, la restitution du dépôt de garantie de 10 000 000 FCFP qu’elle avait versée ajoutant que Mme [O] [Z] avait donné son accord à la restitution du dépot de garantie.
Le premier juge avait rappelé que Me [K] avait établi une première attestation le 28 janvier 2020, par laquelle il affirmait, tout comme dans l’attestation établie le 5 février 2020 qu’il avait été stipulé à tort et par erreur au compromis que le dépôt de garantie s’élevant à la somme de dix millions de francs pacifique (10 000 000 FCFP) avait été versée au vendeur par la comptabilité de l’office. ‘Aucune somme n’a été versée au titre dudit compromis à la comptabilité’ mais ajoutait alors que ‘Mme [F] a consenti ce prêt à M. [Z] par la comptabilité de l’office dont l’intégralité du montant a été versé à ce dernier.’
De sorte qu’au vu de l’ensemble de ces éléments il ressort de multiples incohérences entre les déclarations successives et les documents transmis concernant le versement de cette somme de 10 000 000 FCFP au titre du contrat de prêt allégué par Mme [F].
Si M. [Z] avait besoin de cette somme immédiatement force est de constater que cette dernière ne lui a pas été remise, ni totalement comme l’a tout d’abord prétendu le notaire dans son attestation en date du 28 janvier 2020, ni partiellement comme il l’a par la suite prétendu dans la seconde attestation en date du 5 février 2020.
Les mentions de cet acte, telles que portées en page 2 à savoir que cette somme de 10 000 000 FCFP est due pour ‘prêt de pareille somme que Mme [T] [F] a fait à M. [N] [Z] , en bonnes espèces de monnaie et valeurs fiduciaires ayant cours légal dans le territoire de la Polynésie française, dès avant les présentes , en dehors de la comptabilité de l’Etude du notaire soussigné.’ ne sont donc pas confirmées par une remise de ladite somme avant le 10 août 2010.
En effet, contrairement aux affirmations de Mme [F], le paiement au titre du prêt ne peut être retenu comme ayant été fait le 2 août 2010.
Le reçu dont elle se prévaut mentionne un chèque en date du 10 août, donc postérieur de 8 jours à ce reçu et la mention qui y est portée ne reflète, à la supposer exacte compte tenu des erreurs dejà illustrées, que la seule volonté de Mme [F].
A la date du 10 août deux actes portent mention de ce versement de la somme de 10 000 000 FCFP : la reconnaissance de dette et le compromis de vente.
Si le notaire prétend que c’est par suite d’une erreur que l’acte notarié concernant le compromis de vente entre les parties a mentionné en page 3 :
‘En garantie de ses engagements, l’acquéreur a versé directement au vendeur qui le reconnaît , par la comptabilité de l’étude de Me [S], la somme de dix millions de francs (10 000 000 FCFP)’, force est encore de constater que c’est lui-même qui le 10 octobre 2017 a formé au nom de Mme [F] la demande de remboursement de ce dépôt de garantie.’ ce qui est au demeurant en cohérence avec le fait qu’aucune remise n’ait été effectuée à M. [Z] avant son décès.
Dès lors, la copie d’un reçu en date du 2 août 2010 mentionnant un chèque en date du 10 août mentionné en crédit dans le compte de M. [Z] le 2 septembre 2010 et débité du compte de M. [F] le 8 septembre 2010 n’est pas suffisante au vu de ces éléments à établir que ce versement a été fait au titre du contrat de prêt.
Le fait que le notaire, qui déclare lui même avoir commis ‘une erreur’ dans un acte authentique ait fait le choix d’utiliser la somme ainsi créditée sur le compte de M. [N] [Z] après son décès pour le montant de 4 575 404 FCFP sans d’ailleurs établir comment les héritiers ont pu être informés de la somme figurant au crédit de ce compte alors que M. [Z] conteste en avoir jamais été informé est tout aussi insuffisant à reconnaître que cette somme a été remise à titre de prêt.
C’est dès lors à juste titre que le premier juge a retenu que la preuve du versement au titre du contrat de prêt n’était pas rapportée en l’espèce et a débouté Mme [F] de cette demande.
Subsidiairement Mme [F] demande le remboursement de cette somme sur le fondement de l’enrichissement sans cause.
Ce n’est cependant pas sans cause qu’elle a versé cette somme mais au titre du dépôt de garantie prévu au compromis de vente ainsi que cela ressort du courrier du notaire en date du 10 octobre 2017 par lequel elle demande le remboursement de cette somme ‘versée à titre de dépot de garantie.’
Elle n’est donc pas justifiée à en réclamer le remboursement sur ce fondement et sa demande à ce titre sera rejetée.
Sur la demande au titre du dépôt de garantie :
Si Mme [F] ne forme aucune demande à ce titre, Mme [O] [G] pour sa part demande qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle confirme son accord pour que la succession de feu son époux rembourse à Mme [F] les 10 000 000 XPF qu’elle a versé à titre d’acompte dans le cadre du compromis de vente.
M. [Y] [Z], pour sa part, demande de voir dire et juger qu’il appartient au notaire de verser à Mme [T] [F] la somme de 10.000.000 F CFP versée au titre du dépôt de garantie et que Mme [O] [G] soit seule condamnée à payer à Mme [F] les fonds de la succession dont elle a disposé seule sans accord de M. [Y] [Z].
Il n’est cependant pas contestable, au vu du décompte du notaire versé aux débats , qu’une partie des fonds ont été utilisés au règlement de diverses dépenses de la succession.
En l’absence de mise en cause du notaire et de précision sur la partie ayant donné l’ordre de régler ces dépenses il sera donc statué dans le sens sollicité par les parties dans la limite des fonds disponibles et la demande de M. [Y] [Z] de voir condamner Mme [O] [G] à payer à Mme [F] les fonds de la succession dont elle a disposé seule sans accord de M. [Y] [Z] sera rejetée.
Sur la demande au titre de la clause pénale :
Aux termes des dispositions de l’article 1152 du code civil dans sa version applicable en Polynésie française lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et interêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.
Aux terrnes de l’acte sous seing privé signé le 10 août 2010, il est prévu au
paragraphe ‘signature de l’acte authentique-exécution des présentes’:
‘Les conditions suspensives étant toutes réalisées, la signature de l ‘acte authentique aura lieu au ministère de Maitre [W] [S] notaire à [Localité 7], choisi d’un commun accord entre les parties, avec paiement du prix prévu et des frais au plus tard dans le délai de quinze (15) jours de la dernière en date de réalisation des conditions suspensives.
Passé cette date :
Huit jours après accusé de réception d’une lettre recommandée adressée par la partie la plus diligente sommant l’autre de s’exécuter et demeurée sans effet.
Si l’une des parties ne pouvait ou ne voulait réiterer les présentes conventions par acte authentique, – s’il s’agit du vendeur, l ‘acquéreur aura la possibiliité de l’y contraindre par toute voie de droit et sans préjudice de l’obtention éventuelle de dommages et intérêts. Le vendeur devra supporter tous les frais de poursuite.
– s’il s’agit de l’acquéreur le vendeur aura la possibilité :
soit d’exiger la vente,
– soit de mettre fin aux présentes,
Etant entendu que le vendeur sera considéré comme ayant opté pour la deuxíème solution s’il n’a pas notifié à l’aquéreur par acte extra judiciaire dans le délai d’un mois à compter de l’envoi de la lettre recommandée d’avoir à signer l’acte authentique, son intention de poursuivre la vente.
Il est en outre convenu, sauf effet des conditions suspensives, qu’au cas ou l’une des parties viendrait à refuser de réitérer les présentes conventions par acte authentique elle y sera contrainte à ses frais et par tous les moyens et voies de droit et devra payer à l’autre partie, à titre de dommages et intérêts, une somme égale à dixpour cent du prix stipulé ci-dessus et qui sera payable huit jours après une mise en demeure de payer faite par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extrajudiciaire.’
M. [Y] [Z] fait valoir que lorsque la sommation lui a été adressée, le 26 novembre 2010, le délai qui lui était imparti pour accepter ou renoncer à la succession n’était pas encoré écoulé de sorte que celle-ci est inopérante.
Il est prévu, aux termes des dispositions de l’article 771 du code civil l’héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession.
M. [Y] [Z] produit d’autre part l’acte de notoriété rectificatif établi le 7 avril 2011 par Me [M] corrigeant l’acte de noriété établi précédemment le 12 novembre 2010 en ce qu’avait été indiqué que la dévolution successorale concernait M. [Y] [Z] alors qu’en l’état du testament en date du 10 août 2010 il y avait lieu de considérer également la vocation successorale de Mme [O] [G].
Cet élément conforte qu’au 26 novembre 2010 M. [Y] [Z], qui ignorait alors le testament en faveur de Mme [G], n’avait pas encore opté pour l’acceptation de la succession.
La sommation qui lui a alors été adressée en sa qualité d’héritier moins de trois mois après le décès de son père et en l’absence d’acceptation expresse de la succession de ce dernier à cette date, outre qu’elle faisait référence à des modalités de compensation sur lesquelles une contestation pouvait légitimement être émise, est donc inopérante.
Le jugement attaqué sera infirmé en ce qu’il a considéré que,le 3 décembre 2010, M. [Y] [Z] a été défaillant en la réitération de l’acte authentique auquel il avait été sommé le 26 novembre 2010 et l’a condamné à verser une somme à titre de pénalité.
Aucune autre sommation n’est justifiée et Mme [F] a, le 17 octobre 2017, soit sept ans plus tard , fait savoir qu’elle n’entendait pas poursuivre la vente. Pour autant aucune mise en demeure de s’exécuter ne lui avait été adressée au préalable par lettre recommandée avec accusé de réception de sorte qu’elle n’est pas redevable d’une indemnité de retard contrairement aux demandes des intimés.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Mme [F] sera condamnée aux dépens d’appel. Le jugement attaqué sera infirmé en ce que la charge des dépens a été mise à M. [Y] [Z] et il sera dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens de première instance .
Il est n’est pas inéquitable d’allouer à chacun des intimés la somme de 200 000 XPF sur le fondement des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Infirme le jugement attaqué en ce qu’il a :
– Prononcé la nullité de la reconnaissance des 10 août et 2 septembre 2010,
– Condamné [I] [Y] [Z] à payer à [T] [C] [L] [J] [X] épouse [F], la somme de 500.000 F CFP à titre de dommages et intérêts au titre de la clause contractuellement prévue,
– Condamné M. [I] [Y] [Z] aux dépens,
Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Rejette les demandes des parties,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance,
y ajoutant :
Condamne Mme [F] à payer à Mme [O] [G] veuve [Z] la somme de 200 000 XPF sur le fondement des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,
Condamne Mme [F] à payer à M. [Y] [Z] la somme de 200 000 XPF sur le fondement des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,
Condamne Mme [F] aux dépens dont distraction au profit de la SELARL JURISPOL.
Prononcé à [Localité 7], le 22 juin 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. GUENGARD