Prêt entre particuliers : 22 juin 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/02665

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Prêt entre particuliers : 22 juin 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/02665
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22 juin 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
21/02665

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/02665 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FTTM

Minute n° 23/00109

[J]

C/

S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

Jugement Au fond, origine TJ à compétence commerciale de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 12 Octobre 2021, enregistrée sous le n° 20/00038

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

APPELANT :

Monsieur [E] [J]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE représentée par son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 07 Février 2023 tenue par Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 22 Juin 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 13 avril 2015, la SAS Quali Services dont l’objet était la réalisation de travaux de bâtiment, représentée par son gérant M. [E] [J], a conclu une convention de compte courant professionnel n° [XXXXXXXXXX03] auprès de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne (ci-après la SA BPALC).

Par jugement du 1er octobre 2019, le tribunal de grande instance de Sarreguemines a prononcé l’ouverture de la liquidation judiciaire de la SAS Quali Services et fixé sa date de cessation des paiements au 1er juillet 2019.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 21 octobre 2019, la banque a mis en demeure M. [J] de lui régler la somme de 76.281,02 euros au titre d’un cautionnement qu’il aurait conclu par acte sous seing privé du 14 juin 2019 au titre des engagements de la SAS Quali Services dans la limite de la somme de 91.000 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 octobre 2019, la banque a déclaré sa créance à la procédure collective de la SAS Quali Services pour un montant de 76.281,02 euros.

Par acte d’huissier du 27 décembre 2019, la SA BPALC a fait assigner M. [J] devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines afin de voir, aux termes de ses dernières conclusions et au visa des articles 2288 et suivants du code civil :

– déclarer sa demande recevable et bien fondée,

– condamner M. [J] à lui payer la somme de 76.281,02 euros à titre principal, majorée des intérêts au taux légal à compter de la demande,

– condamner en outre M. [J] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner l’exécution provisoire du jugement,

– débouter M. [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner M. [J] en tous les frais et dépens.

Par conclusions du 14 avril 2021, M. [J] a demandé au tribunal de :

– le déclarer recevable et bien fondé en toutes ses demandes,

– rejeter les demandes de la SA BPALC comme étant irrecevables, sinon infondées,

A titre principal,

– juger que son engagement de caution était nul, n’ayant pas rédigé la mention manuscrite prescrite par le code de la consommation,

– si la juridiction de céans l’estimait nécessaire, ordonner une vérification d’écriture afin d’attester qu’il n’était pas l’auteur de la mention manuscrite de l’engagement de caution,

A titre subsidiaire,

– si la juridiction de céans estimait que l’engagement de caution était valable et jugeait la demande de la SA BPALC recevable et justifiée en son quantum,

– juger que son engagement de caution était manifestement disproportionné, de sorte que la SA BPALC ne saurait s’en prévaloir,

A titre reconventionnel,

– enjoindre à la SA BPALC de justi’er de la recevabilité de sa demande en produisant aux débats l’ensemble des relevés avec soldes progressifs du compte bancaire professionnel ouvert au nom de la SAS Quali Services afin de vérifier la recevabilité de sa demande,

– enjoindre à la SA BPALC de justi’er du quantum de sa demande en versant les documents contractuels signes par la SAS Quali Services a’n de justi’er des intérêts et des frais d’intervention comptabilités,

– enjoindre à la SA BPACL de produire les courriers d’information annuels de la caution, sous peine de se voir déchoir de ses intérêts,

– juger que la SA BPALC a commis une faute engageant sa responsabilité pour le soutien abusif qu’elle a apporté à la société débitrice principale, et en conséquence la condamner à lui verser un montant de 80.000 euros (montant inscrit en lettres) sinon 91.000 euros (montant inscrit en chiffres) en réparation de son préjudice,

Sinon,

– juger que la SA BPALC a commis une faute engageant sa responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde et, en conséquence, la condamner à lui verser un montant de 70.000 euros en réparation du dommage subi par la perte de chance de ne pas contracter l’engagement litigieux,

A titre in’niment subsidiaire,

– si la juridiction de céans estimait que l’engagement de caution était valable et jugeait la demande de la SA BPALC recevable et justifiée en son quantum, et considérait que l’établissement bancaire n’avait commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité,

– lui octroyer les plus larges délais de paiement,

En tout état de cause,

– condamner la SA BPALC à lui verser une indemnité de 2.000 euros sur la base de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SA BPALC aux entiers frais et dépens de la présente instance.

Par jugement du 12 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a  :

– rejeté la demande en nullité de l’engagement de caution de M. [J] du 14 juin 2019,

– dit que l’engagement de caution de M. [J] du 14 juin 2019 n’était pas disproportionné,

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts dans les rapports entre la SA BPACL et M. [J] au titre de l’engagement de caution jusqu’au 24 octobre 2019,

– condamné M. [J] à verser à la SA BPALC la somme de 76.281,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2019,

– débouté M. [J] de sa demande reconventionnelle en responsabilité pour soutien abusif,

– débouté M. [J] de sa demande reconventionnelle en responsabilité pour défaut de respect du devoir de mise en garde,

– débouté M. [J] de sa demande de délais de paiement,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

– condamné M. [J] à verser à la SA BPALC une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [J] aux entiers dépens,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Le tribunal a d’abord considéré que M. [J] était bien l’auteur des mentions manuscrites prévues aux articles L331-1 et L331-2 du code de la consommation figurant sur l’acte de cautionnement du 14 juin 2019. Il a en effet relevé que les écritures et signatures réalisées par M. [J] sur la lettre du 31 octobre 2019 et sur sa carte d’identité étaient similaires à celles apparaissant dans l’acte de cautionnement, de sorte que ce dernier était valable.

Ensuite, le tribunal a considéré que le cautionnement de M. [J] n’était pas disproportionné au sens des articles L332-1 et L343-4 du code de la consommation, notamment car son patrimoine immobilier permettait déjà à lui seul de supporter l’intégralité de son engagement. Il a à ce titre considéré que M. [J] ne pouvait pas faire valoir une différence de revenus par rapport à ceux mentionnés dans la fiche patrimoniale qu’il avait signée, car il était tenu de faire preuve de bonne foi envers la banque en renseignant sa fiche conformément à l’article 1104 du code civil. Il a en parallèle relevé que M. [J] ne démontrait aucune anomalie apparente qui aurait dû amener la banque à vérifier l’étendue de son patrimoine.

Enfin, le tribunal a relevé que la banque n’avait pas exécuté son obligation annuelle d’information prévue à l’article L313-22 du code monétaire et financier, de sorte qu’elle devait être déchue de son droit aux intérêts au titre du cautionnement jusqu’au 24 octobre 2019, date de la réception de la mise en demeure faite à M. [J] d’exécuter ses engagements. Il en a conclu que ce dernier était tenu de verser à la banque la somme de 76.281,02 euros au titre du cautionnement avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2019.

Sur la demande reconventionnelle, le tribunal a d’une part considéré que M. [J] ne démontrait aucune faute de la banque tirée d’un soutien abusif au sens de l’article L650-1 du code de commerce, de sorte que sa demande à ce titre n’était pas fondée. Il a d’autre part rejeté la demande de dommages-intérêts formée par M. [J] au motif qu’il ne pouvait prétendre avoir la qualité de caution non-avertie compte tenu de son expérience du monde des affaires, la banque n’étant ainsi tenue d’aucune obligation d’information à son égard.

Par ailleurs, le tribunal a rejeté la demande de délai de grâce formée par M. [J] au visa de l’article 1343-5 du code civil au motif qu’il ne démontrait ni le caractère compromis de sa situation financière, ni l’existence d’un plan concret d’apurement de sa dette après un délai de deux ans. Il a par ailleurs rappelé à cet égard que M. [J] avait déjà bénéficié d’un délai de deux ans pour régler les sommes dues et qu’il n’avait jamais exécuté sa promesse de paiement du 31 octobre 2019.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz du 27 octobre 2021, M. [J] a interjeté appel aux fins d’annulation et/ou d’infirmation du jugement en reprenant chacune de ses dispositions à l’exception de celle ayant prononcé la déchéance du droit aux intérêts dans ses rapports avec la SA BPALC au titre de l’engagement de caution jusqu’au 24 octobre 2019.

Par conclusions déposées le 27 janvier 2022 , auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. [J] demande à la cour de:

– recevoir en la forme son appel,

– dire cet appel bien fondé,

Y faisant droit,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il:

*a rejeté la demande en nullité de son engagement de caution du 14 juin 2019,

*a dit que son engagement de caution du 14 juin 2019 n’était pas disproportionné,

*l’a condamné à verser à la SA BPALC la somme de 76.281,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2019,

*l’a débouté de sa demande reconventionnelle en responsabilité pour soutien abusif,

*l’a débouté de sa demande reconventionnelle en responsabilité pour défaut de respect du devoir de mise en garde, et de sa demande de suspension pendant deux ans de la demande en paiement de la banque,

*l’a condamné à verser à la SA BPALC la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance ainsi qu’à supporter les entiers dépens de première instance,

Statuant à nouveau,

– déclarer nul et de nul effet, son engagement de caution du 14 juin 2019 faute de son consentement, subsidiairement pour ne pas avoir rédigé la mention manuscrite prescrite par le code de la consommation après avoir au besoin ordonné la vérification d’écriture afin d’attester qu’il n’est pas l’auteur de la signature et de la mention manuscrite de l’engagement de caution, plus subsidiairement après avoir ordonné une expertise graphologique permettant de constater qu’il n’est pas l’auteur des mentions manuscrites figurant sur l’acte du 14 février 2019,

En tout état de cause,

– constater que son engagement de caution était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et ses revenus,

– déclarer la SA BPALC irrecevable, subsidiairement mal fondée à se prévaloir de l’acte de cautionnement daté du 14 juin 2019,

– la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,

– constater que la SA BPALC ne produit aucun document contractuel signé par la SAS Quali Services au titre des facilités de caisse qu’elle prétend avoir accordées à la SAS Quali Services mentionnant le taux d’intérêt pratiqué sur les découverts en compte courant du débiteur principal et les frais d’intervention qu’elle a comptabilisés, ni l’ensemble des relevés bancaires avec soldes progressifs du compte ouvert dans ses livres au nom de la SAS Quali Services,

– lui enjoindre de ce faire,

A défaut,

– prononcer la déchéance des intérêts et frais d’intervention pratiqués par la SA BPALC sur le découvert en compte courant qu’elle a consenti à la SAS Quali Services,

– inviter la SA BPALC à recalculer le montant de sa créance sur la SAS Quali Services, expurgé des intérêts et frais pratiqués sur le découvert en compte courant de cette société,

A défaut et en tout état de cause,

– débouter la SA BPALC de toutes ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

– limiter son engagement de caution à la somme de 80.000 euros mentionnée de manière manuscrite sur l’acte de cautionnement daté du 14 juin 2019 qu’elle produit,

A titre reconventionnel,

– déclarer la SA BPALC responsable de son préjudice en sa qualité de caution sur le fondement de l’article L650-1 du code de commerce, subsidiairement pour non-respect de son devoir de mise en garde,

Ce fait,

– annuler l’acte de cautionnement du 14 juin 2019 qui lui est attribué,

Subsidiairement,

– condamner la SA BPALC à lui payer les sommes qu’elle lui réclame en principal, intérêts et frais en sa qualité de caution à titre de dommages et intérêts,

A titre infiniment subsidiaire et en tout état de cause,

– suspendre dans la limite de deux années le paiement de sa dette à l’égard de la SA BPALC,

– condamner la SA BPALC à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance outre celle de 4.500 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ainsi qu’à supporter les entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

Sur la demande principale de la banque, M. [J] expose que son cautionnement est nul, car il n’a ni signé l’acte de cautionnement, ni signé ou rédigé les mentions manuscrites prévues aux articles L331-1 et L331-2 du code de la consommation. Il relève la différence entre les écritures portées sur la lettre du 31 octobre 2019 et sur l’acte de cautionnement du 14 juin 2019. Il ajoute que la différence des montants du cautionnement en chiffres et en lettres sur le contrat démontre qu’il n’est pas l’auteur de la mention manuscrite, de sorte qu’il y a lieu de prononcer la nullité du cautionnement ou subsidiairement d’ordonner une expertise graphologique.

Subsidiairement, il soutient que son engagement de caution est disproportionné par rapport à ses facultés contributives au sens des articles L341-2 et L343-4 du code de la consommation. D’une part, il indique que la fiche de renseignements relative à ses revenus comporte des anomalies apparentes, comme son défaut de signature et l’inexactitude apparente du montant de ses revenus mensuels. D’autre part, il affirme que son patrimoine était grevé de charges, dont de lourds prêts, le jour de son engagement, ce que l’intimée ne pouvait ignorer puisqu’elle est sa seule banque.

Par ailleurs, M. [J] souligne que les extraits bancaires versés aux débats démontrent que des frais ont été prélevés sur le compte débiteur de la SAS Quali Services bien qu’aucune convention spécifique relative aux intérêts et frais applicables à son découvert bancaire n’ait été conclue. Il soutient que ces éléments sont constitutifs d’une exception inhérente à la dette selon l’article 2313 du code civil, ce qui fait obstacle à la demande de paiement de la banque faute pour elle de produire un décompte bancaire de la débitrice principale expurgé des intérêts et frais bancaires.

Reconventionnellement, M. [J] expose que la responsabilité contractuelle de la banque doit être engagée sur le fondement de l’article L650-1 du code de commerce pour soutien abusif dans la mesure où la SA BPALC a non seulement accordé un prêt à la SAS Quali Services en connaissance de sa situation financière déjà irrémédiablement compromise et de s’être ainsi immiscée dans sa gestion, mais aussi d’avoir usé de fraude à son égard en recherchant son cautionnement en connaissance de l’imminente cessation des paiements de la SAS Quali Services. Il estime que la responsabilité de la banque doit être engagée, celle-ci ayant retardé en connaissance de cause l’ouverture de la procédure collective de la SAS Quali Services.

Subsidiairement, M. [J] soutient que la banque n’a pas exécuté son devoir de mise en garde à son égard malgré sa connaissance de la situation financière déjà irrémédiablement compromise de la SAS Quali Services. Il rappelle à ce titre ne pas être formé en matière comptable ou bancaire, de sorte qu’il ne peut être considéré en l’espèce comme une caution avertie nonobstant son expérience de chef d’entreprise. Il demande en conséquence l’indemnisation à hauteur de 80.000 euros de sa perte de chance de ne pas contracter un cautionnement.

A titre infiniment subsidiaire, il sollicite des délais de paiement sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil.

Par conclusions déposées le 22 novembre 2022, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SA BALC, prise en la personne de son représentant légal, demande à la cour de:

– rejeter l’appel de M. [J],

– confirmer le jugement du 12 octobre 2021 en toutes ses dispositions,

En tout état de cause,

– déclarer M. [J] irrecevable et subsidiairement mal fondé en l’ensemble de ses demandes et les rejeter,

– condamner M. [J] aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel, ainsi qu’à une somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile d’appel.

La SA BPALC soutient d’abord que M. [J] est bien l’auteur de la mention manuscrite figurant sur l’acte de cautionnement du 14 juin 2019, retenant que les écritures figurant sur l’acte litigieux et les documents de comparaison sont similaires. Elle écarte toutefois la lettre du 31 octobre 2019 estimant qu’il n’est pas démontré que M. [J] en est l’auteur. Subsidiairement, elle demande que les frais d’une éventuelle expertise graphologique soient mis à la charge de M. [J].

Elle relève par ailleurs que M. [J] fait preuve d’incohérence et de mauvaise foi en alléguant le défaut de signature du cautionnement tout en proposant d’en régler une partie du montant, et ce d’autant plus qu’il a reconnu de sa propre initiative sa qualité de caution et sollicité un délai de paiement par courrier du 31 octobre 2019. Elle conteste avoir usé de contrainte, notamment de harcèlement téléphonique, pour obtenir ce document.

Enfin, la SA BPALC affirme que M. [J] a valablement consenti à se porter caution le jour de son engagement, sa qualité de chef d’entreprise lui garantissant une appréhension exacte de celui-ci. Elle ajoute que les infortunes de M. [J] sont intervenues postérieurement à son engagement et à sa reconnaissance de dette, de sorte qu’elles sont sans emport sur la validité de son consentement. Elle conclut, dès lors, que l’engagement de cautionnement de M. [J] est valable.

Sur la disproportion de l’engagement de caution alléguée, l’intimée indique d’une part que la fiche de renseignements patrimoniaux fournie préalablement à la conclusion du contrat de cautionnement n’est entachée d’aucune anomalie apparente, car elle a été signée et donc certifiée conforme par M. [J] même s’il conteste l’avoir rédigée. Elle relève à ce titre que le fait pour M. [J] de contester la signature du cautionnement tout en confirmant avoir signé une fiche de renseignements adressée aux cautions est incohérent. Elle joute qu’en présence d’une fiche de renseignements d’apparence conforme et sincère, elle n’est pas tenue de vérifier les déclarations de la caution, de sorte que M. [J] ne peut se prévaloir de sa propre turpitude en alléguant une différence entre ses revenus déclarés et réels.

Par ailleurs, la SA BPALC soutient que M. [J] ne démontre pas la disproportionnalité de son engagement au jour de la conclusion du contrat de cautionnement, de sorte que son moyen n’est pas fondé. Elle note en tout état de cause qu’au jour où il a été appelé en paiement, M. [J] était également en mesure de répondre à son engagement.

Sur les exceptions inhérentes à la dette, la banque soutient que les conditions tarifaires relatives à la convention d’ouverture de compte courant ont été déterminées contractuellement avec la SAS Quali Services, débitrice principale. Elle relève que ni la débitrice, ni le mandataire liquidateur n’ont contesté sa créance. Elle conclut que ce moyen n’est pas fondé.

Sur l’action en responsabilité fondée sur l’article L650-1 du code de commerce invoquée reconventionnellement par M. [J], la SA BPALC expose que M. [J] ne démontre l’existence d’aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité. En effet, elle explique que la convention de compte courant consentie à la SAS Quali Services est une opération bancaire classique et non ruineuse pour elle, dans la mesure où celle-ci bénéficiait d’une situation financière confortable. Elle affirme ainsi ne pas être responsable de son découvert bancaire qui ne relève que de la gestion de M. [J]. Elle affirme également qu’elle n’a commis aucune fraude dans la gestion de la SAS Quali Services.

En tout état de cause, elle rappelle que selon les règles du cautionnement, la caution n’a pas vocation à supporter la contribution in fine à la dette puisqu’elle dispose d’un recours subrogatoire contre le débiteur, de sorte que le moyen de M. [J] n’est pas fondé.

Elle fait valoir en outre qu’elle n’était tenue à aucun devoir de mise en garde envers M. [J], celui-ci devant être considéré comme une caution avertie du fait de sa qualité de chef d’entreprise et de son expérience en matière d’opérations bancaires. Elle affirme en tout état de cause que le cautionnement n’était pas manifestement disproportionné et qu’il n’existait aucun risque d’endettement pour M. [J], compte tenu de ses revenus déclarés dans sa fiche de renseignements. Elle précise sur ce point que le prêt n’engendrait aucun risque d’endettement pour la SAS Quali Services compte tenu de l’importance des découverts qui lui ont été accordés dans le passé.

A titre infiniment subsidiaire, elle expose que M. [J] ne démontre pas qu’il aurait renoncé au cautionnement en connaissance de cause, de sorte qu’il ne peut alléguer subir une perte de chance supérieure à 5% des sommes cautionnées, laquelle serait compensée avec les créances réciproques. Là encore, la banque rappelle qu’il est incohérent de soutenir ne pas s’être porté caution tout en reprochant à la banque de l’avoir contracté sans les informations nécessaires.

Sur la demande de délai de paiement, la banque soutient que M. [J] n’est pas fondé à demander des délais de paiement, dans la mesure où il agit de mauvaise foi et qu’il ne démontre pas qu’il serait en mesure de régler sa dette dans deux ans.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du cautionnement

* Sur l’absence de signature et de rédaction de la mention manuscrites

L’article L331-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige dispose que «Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :” En me portant caution de X….., dans la limite de la somme de….. couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de……., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X…. n’y satisfait pas lui-même”.»

L’ancien article L331-2 du même code, ajoute que «lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : “En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X “.»

Par application des dispositions des anciens articles L343-1 et L343-2 du code de la consommation, les formalités définies aux articles L331-1 et L331-2 du code de la consommation sont prévues à peine de nullité.

L’appelant contestant avoir signé et rédigé la mention manuscrite intégrée dans l’engagement de caution établi à son nom le 14 juin 2019, il convient d’appliquer les dispositions des articles 287 et 288 du code de procédure civile qui prévoient que si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans qu’il en soit tenu compte. Il appartient alors au juge «de procéder à la vérification d’écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s’il y a lieu, enjoint aux parties de produite tous documents à lui comparer et fait composer sous sa dictée, des échantillons d’écriture. Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l’une des parties, qu’ils aient été émis ou non à l’occasion de l’acte litigieux».

En l’espèce il sera retenu au titre des pièces de comparaison, le courrier du 31 octobre 2019 adressé par M. [J] à la SA BPALC (étant précisé que si l’appelant conteste avoir valablement reconnu sa dette par ce courrier, il reconnaît néanmoins expressément dans ses conclusions (p4) en être l’auteur) ; la copie de sa carte d’identité comportant sa signature, deux fiches de renseignements sur la caution, produites par la SA BPALC (pièces 16 et 17) datées respectivement du 31 mars 2015 et 22 janvier 2016 étant souligné que l’appelant ne remet en cause ni l’authenticité des signatures, ni celle des mentions «certifié sincère et véritable» qui y sont apposées, la signature apposée par M. [J] en qualité de gérant de la SAS Quali Services sur la convention d’ouverture du compte courant professionnel de cette dernière. Enfin, il sera également tenu compte des mentions manuscrites apparaissant dans la pièce 18 produite par M. [J] soit la mention «envoyé par mail le (…) envoyé par courrier le (‘)», puis la mention «lu et approuvé» et les signatures figurant sur les contrats de crédit-bail souscrits par la SAS Quali Services le 16 novembre 2016 ainsi que sur les bons de livraison du 25 novembre 2016.

L’examen comparatif de la signature apparaissant sous la mention manuscrite de l’engagement de caution du 14 juin 2019 avec l’ensemble des signatures désignées ci-dessus ainsi qu’avec celle apposée sur la carte d’identité de M. [J] permet d’établir que ces signatures proviennent bien de sa main, le graphisme général, le rythme, la formation des lettres étant similaires.

De même, il convient de relever que dans la mention manuscrite, certaines lettres en début de mot en milieu de phrases sont écrites en majuscules ou en plus gros («Portant», «Couvrant», «Paiement», «Solidairement»…), or il en est de même dans la lettre du 31 octobre 2019 («Conversation», «Somme», «Versement», «Vente», «Vous», «L’expression»…) ainsi que dans toutes les mentions «certifié sincère et véritable » où le «V» de véritable est en majuscule, et dans les mentions «envoyé Par Mail et par Courrier» et «lu et Approuvé» de la pièce 18 de l’appelant.

La formation de certaines lettres dans la mention manuscrite est également la même que dans la lettre susvisée, notamment les «p» minuscules ainsi que l’écriture du mot «euros» dont le «E» est formé par le symbole de l’euro suivie des lettres «uros». On retrouve également une formation des lettres identiques pour les «t», «n», «b» dans la mention manuscrite ainsi que dans toutes les mentions «certifié sincère (et) véritable». Ces dernières mentions apposées sur plusieurs documents sont identiques entre elles et correspondent parfaitement au graphisme, au rythme, à la hauteur des caractères et à l’impression d’ensemble de la mention manuscrite de l’engagement de caution.

Dès lors, et sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une expertise, il résulte de la vérification d’écriture ainsi réalisée que M. [J] est bien l’auteur et le signataire de la mention manuscrite de l’engagement de caution.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande en nullité formée à ce titre.

* Sur la différence de montant entre la somme en chiffres et celle en lettres

Par application des dispositions de l’article 1376 du code civil, lorsque dans un acte sous seing privé par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent, et qu’il existe une différence entre le montant écrit en toutes lettres et celui écrit en chiffres, l’acte vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.

En conséquence, si la mention manuscrite d’un engagement de caution comporte l’indication en chiffres et en lettres du montant de l’engagement et qu’il existe une divergence entre ces deux montants, celle-ci n’affecte pas la validité de l’acte mais a des incidences uniquement sur sa portée.

En l’espèce, si l’acte de cautionnement indique dans sa partie dactylographiée que l’engagement de caution porte sur la somme de 91.000 euros et que ce même montant est écrit en chiffres dans la mention manuscrite, c’est la somme de 80.000 euros qui est ensuite indiquée en toutes lettres dans cette même mention.

Dès lors, le cautionnement n’est pas nul mais il faut considérer qu’il n’est rapporté la preuve de l’engagement de caution de M. [J] que dans la limite de la somme de 80.000 euros.

Au regard de l’ensemble de ces motifs, il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [J] de sa demande en nullité de l’engagement de caution du 14 juin 2019

En conséquence, il n’y a pas lieu de déterminer si le courrier du 31 octobre 2019 constitue ou non une reconnaissance de dette, ce moyen étant invoqué par la SA BPALC pour contrer la demande en nullité de l’engagement de caution.

Sur la disproportion de l’engagement de caution

Selon l’ancien article L332-1 du code de la consommation applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution, qui se prévaut du caractère disproportionné de son engagement, d’apporter la preuve de l’existence d’une disproportion manifeste entre le montant de la somme garantie et la valeur de ses biens et revenus. Pour apprécier le caractère manifestement disproportionné du cautionnement, il doit être tenu compte de l’ensemble des engagements souscrits par la caution au jour de la fourniture de ce cautionnement.

Par ailleurs, seuls peuvent être pris en compte les éléments dont le créancier avait connaissance lors du contrat de cautionnement et il n’appartient pas à ce dernier, en l’absence d’anomalies apparentes, de vérifier les dires de la caution, étant rappelé que la caution est tenue à une obligation de loyauté dans la fourniture des renseignements qu’elle fournit à l’établissement prêteur, qui doivent être complets et exacts.

Une anomalie apparente peut résulter d’éléments non déclarés par la caution mais dont la banque avait connaissance tels des engagements précédemment souscrits par la caution au profit de la même banque ou d’un pool d’établissements dont faisait partie la banque.

Enfin, la disproportion de l’engagement de la caution commune en biens s’apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, sans distinction, et sans qu’il y ait lieu de tenir compte du consentement exprès du conjoint donné conformément à l’article 1415 du code civil, qui détermine seulement le gage du créancier, de sorte que doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs incluant les revenus de son conjoint.

La capacité de la caution à faire face à son obligation au moment où elle est appelée s’apprécie en considération de son endettement global, y compris celui résultant d’autres engagements de caution.

La SA BPALC produit une fiche de renseignements sur la caution datée du 14 juin 2019.

Si M. [J] conteste en être l’auteur, il convient de relever qu’aucune disposition n’impose que la caution remplisse cette fiche de renseignements elle-même et ne saurait à elle seule constituer une « anomalie apparente ». Le moyen invoqué à ce titre est donc indifférent.

Si M. [J] affirme qu’il n’est pas certain d’avoir signé cette fiche, il résulte cependant de la vérification d’écriture effectuée ci-dessus que la mention manuscrite « certifié sincère et véritable » est rédigée de manière identique aux autres mentions similaires figurant sur d’autres fiches de renseignements sur la caution produites par la SA BPALC et pour lesquelles M. [J] ne conteste pas en être l’auteur.

De même la signature apposée sous cette mention au bas de la fiche de renseignement du 14 juin 2019 est similaire aux autres signatures de M. [J] versées aux débats, dont celle de sa carte d’identité.

Il convient dès lors de considérer que M. [J] a bien attesté de la véracité des renseignements mentionnés sur cette fiche.

Il est ainsi indiqué que M. [J] est séparé, qu’il est gérant de la SAS Quali Services depuis mars 2015 et qu’il perçoit des revenus mensuels de 4.000 euros ainsi qu’une retraite de 2.050 euros par mois.

Il est mentionné qu’il est propriétaire d’un immeuble (résidence principale) à [Localité 5] d’une valeur estimée à 298.000 euros ainsi que d’un autre bien immobilier (dont le descriptif est illisible) d’une valeur de 250.000 euros. Il est précisé que son immeuble d’habitation était grevé d’une hypothèque pour un montant de 76.800 euros et que le crédit immobilier souscrit auprès de M. [J] arriverait à son terme le 10 septembre 2023.

Il est indiqué dans la rubrique «charges mensuelles», qu’il remboursait au titre de crédits immobiliers les sommes de 894 +412 euros et qu’il remboursait un prêt personnel à hauteur de 578 euros mensuels ce qui représente un total de 1.884 euros par mois.

Il a également déclaré qu’il ne s’était jamais porté caution. Si la SA BPALC produit deux fiches de renseignements sur la caution datées de mars 2015 et de janvier 2016 et signées par M. [J], ce dernier n’invoque pas d’engagements de caution subsistants au 14 juin 2019, date à laquelle il s’est porté caution à hauteur de 80.000 euros.

Si M. [J] produit l’avis d’imposition sur ses revenus de l’année 2019 justifiant qu’en 2019 il a perçu 407 euros de salaires et 23.960 euros de retraites ce qui représente un revenu mensuel de 2.030 euros par mois, il lui appartenait d’indiquer avec loyauté et exactitude ses revenus réels. Il sera relevé que dans les deux autres fiches de renseignements datées des 31 mars 2015 et 22 janvier 2016 produites par la SA BPALC, M. [J] avait également indiqué des revenus mensuels de 6.000 euros alors que ses revenus réels mentionnés dans les avis d’imposition sur les revenus étaient de 2.580 euros mensuels.

A supposer même, d’une part que la mention dans la fiche de renseignements de revenus mensuels de 6.050 euros puisse être considérée comme une anomalie apparente dans la mesure où M. [J] avait son compte courant ouvert auprès de la SA BPALC et que celle-ci aurait été en mesure de connaître ses revenus réels, et, d’autre part, que le prêt personnel invoqué par M. [J] et produit en pièce 11, pour lequel le capital restant dû était de 39.032,06 euros à la date de son engagement de caution pouvait être opposé à la SA BPALC dans la mesure où ce prêt avait été souscrit auprès d’elle le 2 juin 2015, il convient de relever que le patrimoine de M. [J] permettait à lui seul de faire face à son engagement de caution ramené à 80.000 euros puisqu’il disposait d’un bien immobilier non grevé de charges d’une valeur de 250.000 euros ainsi que de son immeuble d’habitation évalué à 298.000 euros grevé d’une hypothèque de seulement 76.800 euros.

Si M. [J] invoque l’existence de trois autres prêts souscrits auprès de la SA BPALC pour des montants de 154.000 euros, 123.500 euros et 115.100 euros, il convient de relever que ces prêts ont été souscrits non pas en son nom propre mais au nom de la SCI [J], étant souligné que M. [J] ne produit pas les contrats attestant qu’il serait, comme il l’affirme, co-débiteur.

Par ailleurs, l’appelant n’invoque ni ne justifie que la SCI n’était pas en mesure de faire face à son endettement à la date de souscription de son engagement de caution, ni qu’il était dans l’impossibilité manifeste de faire face à ces dettes, compte tenu de son patrimoine immobilier notamment.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que M. [J] ne rapportait pas la preuve que son engagement de caution, qu’il y a lieu de réduire à la somme de 80.000 euros, était manifestement disproportionné à ses biens et revenus et l’a débouté de sa demande formée à ce titre.

Sur la demande en paiement et les exceptions inhérentes à la dette

* Sur la recevabilité des prétentions formées par M. [J] au titre des exceptions inhérentes à la dette

La SA BPALC invoque les dispositions de l’article L133-24 du code monétaire et financier dans sa version applicable au litige qui prévoient que : «L’utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n’ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement conformément au chapitre IV du titre 1er du livre III ».

Toutefois cet article ne s’applique qu’à la contestation d’une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et non à la contestation de frais injustifiés appliqués par la banque, ce qu’invoque M. [J]. Dès lors, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion invoquée par la SA BPALC sur le fondement de cet article L133-24.

Par ailleurs, par application des dispositions de l’article L624-3-1 du code de commerce, faute de réclamation exercée dans le délai légal contre l’état des créances déposé au greffe, la décision d’admission d’une créance au passif du débiteur principal a autorité de la chose jugée et est opposable à la caution, tant en ce qui concerne son existence que son montant. Dans ce cas, la caution ne peut plus faire valoir les exceptions inhérentes à la dette mais peut en revanche opposer les exceptions qui lui sont personnelles.

En l’espèce la SA BPALC justifie avoir déclaré sa créance à titre chirographaire relative au compte courant débiteur de la SAS Quali Services pour la somme de 76.281,02 euros soit 73.795,42 euros au titre du solde débiteur au 30 septembre 2019 et 2.485,60 euros au titre des agios trimestriels.

Or, M. [J] ne soutient pas que cette déclaration de créance a fait l’objet d’une contestation, ni qu’elle a été rejetée dans le cadre de la procédure collective, ni que l’état des créances a été ensuite contesté.

Il y a donc lieu d’en déduire que la créance a été admise et que dès lors, M. [J] est irrecevable à la contester.

* Sur la demande de condamnation de M. [J]

Il résulte de l’article 2288 du code civil que celui qui se rend caution d’une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.

Aux termes de l’engagement de caution du 14 juin 2019 objet du litige et au regard des motifs susvisés sur la différence entre le montant indiqué en chiffres et celui indiqué en lettres, il faut considérer que M. [J] s’est porté caution solidaire de la SAS Quali Services auprès de la SA BPALC pour la somme de 80.000 euros. L’engagement de caution précise que cette somme couvre le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour la durée de 10 ans pour les sommes dues par la SAS Quali Services et que M. [J] a renoncé aux bénéfices de discussion et de division.

La dette de la SAS Quali Services étant inférieure à l’engagement de caution de M. [J], il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [J] à payer à la SA BPALC la somme de 76.281,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2019, étant précisé d’une part, que la SA BPALC ne sollicite pas l’infirmation du jugement ayant prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour défaut d’information annuelle de la caution, et, d’autre part, que M. [J] ne remet pas en cause le point de départ des intérêts tel que retenu par les premiers juges.

Ces éléments seront donc également confirmés.

Sur les demandes reconventionnelles

* Sur la responsabilité de la SA BPALC sur le fondement de l’article L650-1 du code de commerce

L’article L650-1 du code de commerce dispose que «lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnés à ceux-ci. Pour le cas où la responsabilité d’un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge».

Il résulte ainsi de ces dispositions que la responsabilité d’un créancier pour les concours financiers qu’il a consentis ne peut être reconnue que dans trois hypothèses : soit lorsque la preuve d’une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur est rapportée, soit en cas de fraude, soit lorsque la garantie sollicitée en contre-partie du concours financier est disproportionnée à ce dernier.

Or, en l’espèce, M. [J] ne rapporte pas la preuve que la SA BPALC a accompli des actes positifs de direction ni qu’elle a exercé une influence décisive sur la gestion du débiteur permettant de constituer une immixtion caractérisée dans la gestion de la SAS Quali Services, le seul fait d’avoir laissé fonctionner de manière débitrice le compte courant de cette société étant insuffisant pour constituer une immixtion caractérisée dans la gestion de celle-ci.

La fraude, s’entend en matière civile ou commerciale, comme un acte réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu, ou comme un acte réalisé avec l’intention d’échapper à l’application d’une loi impérative ou prohibitive.

L’appelant ne rapporte aucune preuve de tels actes. En outre, l’acte de fraude qu’il invoque consistant à « faire reporter le poids de la dette du débiteur principal sur la caution » à le supposer établi ne serait pas un acte de fraude à l’encontre du débiteur principal comme l’exige l’article L650-1 susvisé mais à l’encontre de la caution. Ce moyen est donc inopérant.

Il n’est pas non plus établi que la SA BPALC a volontairement laissé subsister le compte en position débitrice dans le but de retarder l’ouverture de la procédure collective.

Enfin, l’engagement de caution sollicité et retenu à hauteur de 80.000 euros n’est pas disproportionné à la garantie accordée dans la mesure où à la date de cet engagement, le compte courant de la SAS Quali Services, objet du cautionnement, était débiteur d’environ 70.000 euros.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [J] de sa demande d’indemnisation formée sur ce fondement. Il y a lieu d’ajouter que M. [J] sera également débouté de sa demande tendant à voir annuler, sur ce même fondement, l’acte de cautionnement du 14 juin 2019.

* Sur le manquement de la SA BPALC à son devoir de mise en garde

Le prêteur est tenu d’un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

Le caractère averti ou non de la caution s’apprécie au regard de son expérience professionnelle et de sa connaissance ou méconnaissance des techniques financières et bancaires lui permettant de mesurer les risques encourus à l’occasion de l’engagement de caution litigieux.

En l’espèce M. [J] était gérant depuis 2015 de la SAS Quali Services et de la SCI [J] dont l’objet était l’acquisition et la location d’immeubles à usage commercial et d’habitation. Il résulte des pièces produites qu’à ce titre il avait déjà souscrit trois prêts outre ceux qu’il avait souscrits en son nom personnel, étant ajouté qu’il indique dans ses conclusions qu’il possédait plusieurs comptes bancaires auprès de la SA BPALC.

Les deux fiches de renseignements sur la caution produites par la SA BPALC démontrent qu’il avait déjà engagé des démarches pour se porter caution.

Il faut dès lors considérer qu’il avait à la date de son engagement de caution de la SAS Quali Services, non seulement en sa qualité de gérant de deux entreprises depuis 4 ans, mais également à titre personnel, les connaissances bancaires et financières lui permettant de mesurer les risques de ce cautionnement et qu’il était donc une caution avertie.

Au surplus, il résulte des motifs susvisés que l’engagement de caution à hauteur de 80.000 euros était adapté à ses capacités financières et qu’il n’y avait donc pas lieu pour la SA BPALC de mettre en garde la caution contre les risques de son engagement.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté de sa demande d’indemnisation formée contre la SA BPALC pour manquement à son devoir de mise en garde.

* Sur les délais de paiement.

Il résulte des dispositions de l’article 1343-5 du code civil que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Si M. [J] sollicite la suspension du paiement des sommes dues dans la limite de deux années, il n’expose aucun élément permettant d’établir qu’il sera en mesure de régler sa dette à l’issue de ce délai.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [J] de cette prétention.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelant succombant en appel, sera condamné aux dépens.

L’équité commande de condamner M. [J] à payer à la SA BPALC la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de le débouter de ses prétentions formées sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la forclusion invoquée par la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne sur le fondement de l’article L133-24 du code monétaire et financier;

Déclare irrecevables les prétentions formées par M. [E] [J] au titre des exceptions inhérentes à la dette ;

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Sarreguemines du 12 octobre 2021 dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute M. [E] [J] de sa demande en nullité du cautionnement du 14 juin 2019 sur le fondement de l’article L 650-1 du code de commerce ;

Condamne M. [E] [J] aux dépens ;

Condamne M. [E] [J] à payer à la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le déboute de sa demande formée sur ce même fondement.

Le Greffier La Présidente de Chambre

 


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