Prêt entre particuliers : 21 juillet 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/05505

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Prêt entre particuliers : 21 juillet 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/05505
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21 juillet 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
20/05505

2ème Chambre

ARRÊT N° 382

N° RG 20/05505 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RCIB

(2)

Mme [Z] [C]

C/

M. [M] [N]

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me Luc BOURGES

-Me Marie-Laure LEVILLAIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 21 JUILLET 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats, et Mme Aichat ASSOUMANI, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Mai 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Juillet 2023, après prorogation, par mise à disposition au greffe, signé par Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller, ayant participé au délibéré collégial, pour le Président empêché,

****

APPELANTE :

Madame [Z] [C]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Patrick LAYNAUD, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO

INTIMÉ :

Monsieur [M] [N]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Marie-Laure LEVILLAIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

2

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [Z] [C] et M. [M] [N] ont vécu en concubinage depuis le 15 novembre 2003.

La communauté de vie a pris fin au cours de l’année 2016. Se prévalant de reconnaissances de dettes, suivant courrier du 7 avril 2017, Mme [C] a mis M. [N] en demeure de lui verser la somme de 25 125,20 euros au titre du solde de sommes lui restant dues.

Faute de règlement, Mme [C] a assigné M. [N] devant le tribunal de grande instance de Saint Malo suivant assignation du 20 décembre 2017.

Par jugement du 11 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Saint Malo a :

Débouté Mme [C] de ses demandes.

Débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Mme [C] est appelante du jugement et par dernières conclusions notifiées le 13 avril 2023 elle demande de :

– Réformer le jugement rendu par le Tribunal de Judiciaire de Saint Malo le 11 septembre 2020,

Statuant à nouveau ,

– Constater la créance de Mme [C] à l’encontre de M. [N] à hauteur de 25 125,20 euros .

– Condamner M. [N] au paiement de la somme de 25 125,20 euros au titre du contrat de prêt .

– Débouter M. [N] de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 3 353,90 euros

– Débouter M. [N] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

– Condamner M. [N] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

– Laisser l’intégralité des dépens à la charge de M. [N].

Par dernières conclusions notifiées le 6 mars 2023, M. [N] demande de :

– Confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Saint-Malo du 11 septembre 2020 en ce qu’il a jugé irrecevables les demandes de Mme [C] à l’encontre de M. [N] ;

– Juger irrecevables les demandes de Mme [C] ;

– A titre reconventionnel, Condamner Mme [C] à payer à M. [N] la somme de 3 353,90 euros au titre de l’occupation de la maison du mois d’octobre 2015 au mois de novembre 2016 inclus ;

A titre subsidiaire ,

– Débouter Mme [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– A titre reconventionnel, Condamner Mme [C] à payer à M. [N] la somme de 3 353,90 euros au titre de l’occupation de la maison du mois d’octobre 2015 au mois de novembre 2016 inclus ;

– Juger que le règlement de la somme de 20 000 euros sera à déduire du montant des condamnations prononcées à l’encontre de M. [N] ;

En tout état de cause ,

– Condamner Mme [C] à verser à M. [N] la somme de 4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions visées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la prescription de l’action :

A l’appui de sa réclamation, Mme [C] expose que pendant le cours de la communauté de vie, elle a versé à titre de prêt à M. [N] de juin 2003 à septembre 2015 la moitié des mensualités de l’emprunt qu’il remboursait lui-même pour acquérir son bien.

Mme [C] produit aux débats un acte qualifié de reconnaissance de dette en date du 19 septembre 2004 rédigé de la main de M. [N] et signé des deux parties et par lequel M. [N] ‘reconnaît que Melle [C] [Z] verse la moitié des mensualités du prêt servant au remboursement de la maison depuis juin 2003 et en prélèvement automatique depuis février 2004 (…)’ Il est précisé que ‘les sommes prêtées ne sont pas productives d’intérêts’.

Mme [C] produit également aux débats un acte sous seing privé un acte sous seing privé en date du 1er avril 2009 signé de M. [N] et par lequel ce dernier indique que ‘en complément de la reconnaissance de dette du 19 septembre 2004, de nouveaux achats ont été réalisés en commun avec Mme [C] [Z].’ Suivant cet acte, il est précisé qu’il sollicite que ses héritiers permettent en cas de décès à Mme [C] de récupérer ‘la moitié de ces sommes engagées en couple, plus les sommes engagées dans le remboursement de l’emprunt de la maison depuis juin 2003″.

Si M. [N] fait valoir que l’acte du 19 septembre 2004 n’est pas conforme aux dispositions de l’article 1376 du code civil, puisque aucune somme n’est mentionnée, ni en lettre, ni en chiffre et ne saurait valoir reconnaissance de dette, cet acte vaut commencement de preuve par écrit du prêt et de l’obligation à restitution en ce qu’il admet que Mme [C] lui a versé depuis le mois de juin 2003 à titre de prêt la moitié des échéances de remboursement de l’emprunt qu’il acquittait pour l’acquisition de son immeuble. Si le montant des échéances n’est pas précisé, il est parfaitement déterminable et qu’il n’est aucunement contesté que la moitié de l’échéance correspond à la somme de 304,90 euros. L’obligation à remboursement a été corroborée par l’acte du 1er avril 2009 par lequel, il confirmait que Mme [C] avait vocation à ‘récupérer’ les sommes engagées dans le remboursement de l’emprunt de la maison depuis 2003.

M. [N] demande confirmation du jugement qui a retenu que Mme [C] est prescrite en sa réclamation en retenant que le délai de prescription de l’article 2224 du code civil a commencé à courir à compter du 2 avril 2009 de sorte qu’il était expiré le 2 avril 2014 et que Mme [C] était prescrite en son action engagée par assignation du 20 décembre 2017.

Mais Mme [C] fait valoir à bon droit qu’en matière de prêt, le délai de prescription court à compter du non paiement de l’échéance et non de la conclusion du contrat ; que par application de l’article 1900 du code civil lorsque le prêt ne comporte pas de terme, celui-ci doit être judiciairement fixé de sorte que le délai de prescription n’a pas commencé à courir avant la date de la réclamation adressée le 7 avril 2017 et qu’ainsi l’action engagée par assignation du 20 décembre 2017 n’est pas prescrite.

Sur le fond :

S’agissant du montant, si M. [N] fait valoir à bon droit que s’agissant d’un prêt, l’acte du 19 septembre 2004 ne saurait suffire à présumer la cause de l’obligation de l’emprunteur pour les sommes remises postérieurement à l’acte, il sera constaté que M. [N] ne conteste pas que Mme [C] lui a versé la somme de 45 125,20 euros de juin 2003 à septembre 2015 au titre du versement de la moitié des échéances de remboursement de l’emprunt qu’il avait souscrit pour financer l’acquisition de son immeuble.

La réalité de ces règlements ressort par ailleurs des relevés du compte de M. [N] produits aux débats par ce dernier qui font apparaître les virements crédités sur son compte le 5 de chaque mois pour la somme de 304,90 euros et qui portent le libellé ‘Vir Mme [C] [Z], Regl Eche Prêt Maison M. [N]’

Mme [C] fait ainsi suffisamment la preuve des versements effectués en exécution de l’accord conclu suivant acte du 19 septembre 2004.

M. [N] soutient que ces sommes ont été versées à titre de contribution aux dépenses de la vie commune. Mais il sera constaté que les engagements souscrits par M. [N] en ce qu’ils emportaient obligation à restitution par M. [N] contredisent la qualification de participation aux frais communs telle que revendiquée. Il ressort sans ambiguité de la convention conclue entre les parties que les sommes versées par Mme [C] qui correspondent à moitié des échéances de l’emprunt supporté par M. [N] ont été versées à titre de prêt, de sorte qu’il était convenu que ces sommes avaient vocation à être restituées à Mme [C].

Cette situation ne saurait par elle-même suffire à établir que M. [N] aurait contribué de manière excessive à la participation aux dépenses de la vie commune, puisque le principe de remboursement des sommes ainsi versées par Mme [C] était parfaitement établi entre les concubins qui étaient dès lors à même de tenir compte de ces versements pour fixer les conditions de la répartition de la prise en charge des autres dépenses courantes.

Si M. [N] fait état de ce qu’il a versé divers chèques à Mme [C] pour un total de plus de 25 000 euros de 2010 à 2015, il ne fournit pas d’éléments de nature à contredire les explications de Mme [C] suivant lesquelles ces versements constituaient la contribution normale aux dépenses communes qu’elle avait elle même acquittées.

Enfin, il convient de relever que M. [N] était seul propriétaire de l’immeuble assurant le logement commun. Le fait que, par le remboursement de l’emprunt à Mme [C], il supporte seul la charge finale des frais du financement de l’immeuble ne saurait suffire à caractériser une participation excessive de sa part aux dépenses de la vie commune alors même qu’il bénéficie de manière exclusive de l’avantage patrimonial résultant de la propriété de l’immeuble et qu’il n’est pas discuté que Mme [C] n’a aucun patrimoine immobilier pour avoir dû assurer son relogement dans le secteur locatif.

M. [N] ne fournit par ailleurs aucun élément de nature à établir ni la fragilité psychologique qu’il revendique, ni que les actes dressés ou les paiements effectués l’ont été sous une contrainte exercée par Mme [C].

Il est constant que M. [N] a versé à Mme [C] la somme de 20 000 euros le 21 janvier 2016 de sorte que M. [N] n’est plus redevable que de la somme de 25 125,20 euros. ( 45 125,20 – 20 000).

M. [N] sera condamné au paiement de cette somme.

Sur la demande reconventionnelle :

A l’appui de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 3 353,90 euros M. [N] fait valoir que Mme [C] s’est maintenue dans les lieux du mois d’octobre 2015 au mois de novembre 2016 sans verser la moindre contribution aux charges de la vie courante.

S’il n’est pas discuté que Mme [C] a interrompu les virements tels que prévus par l’acte du 19 septembre 2004 à compter du mois d’octobre 2015, il n’en résulte pas que Mme [C] ait interrompu toute participation aux frais à compte de cette date jusqu’à la séparation au mois de novembre 2016.

Il a été vu plus avant que les virements opérés par Mme [C] au profit de M. [N] à hauteur de la moitié des échéances de l’emprunt étaient effectués à titre de prêt et non à titre de contribution aux charges communes.

M. [N] ne justifie pas des dépenses qu’il a lui-même supportées à compter du mois de septembre 2015.

M. [N] ne justifie pas du bien fondé de sa réclamation dont il sera débouté.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

M. [N] qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Mme [C] une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Saint Malo.

Déclare Mme [Z] [C] recevable en ses demandes;

Condamne M. [M] [N] à payer à Mme [Z] [C] la somme de 25 125,20 euros.

Déboute M. [M] [N] de sa demande reconventionnelle.

Condamne M. [M] [N] à payer à Mme [Z] [C] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [M] [N] aux dépens de première instance et d’appel.

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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