Prêt entre particuliers : 21 février 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01149

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Prêt entre particuliers : 21 février 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01149

21 février 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG
21/01149

N° RG 21/01149 – N° Portalis DBVM-V-B7F-KY5D

C2

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe TATIGUIAN

SELARL FAYOL ET ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 21 FEVRIER 2023

Appel d’une décision (N° RG 11-19-799 )

rendue par le Juge des contentieux de la protection de VALENCE

en date du 21 janvier 2021

suivant déclaration d’appel du 04 mars 2021

APPELANTE :

Mme [P] [X]

née le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe TATIGUIAN, avocat au barreau de VALENCE

INTIMES :

LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL VALENCE CENTRE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Elodie BORONAD de la SELARL FAYOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCE

M. [H] [X]

né le [Date naissance 4] 1986 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Non représenté

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 janvier 2023, Mme Blatry, conseiller chargé du rapport, assistée de Mme Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Le 7 mars 2014, la société Caisse de Crédit Mutuel [Localité 8] Centre (CM) a consenti aux époux [H] et [P] [X] un prêt «’Passeport Crédit » qualifié de renouvelable d’un montant initial de 6.000€.

Suivant avenant du 27 septembre 2016, ce montant a été porté à la somme de 15.000€.

Enfin, les époux [X] ont signé un avenant le 16 novembre 2017 pour le déblocage de la somme de 30.000€.

Selon exploits d’huissier des 16 et 23 octobre 2019, la société CM a fait citer les époux [X], devant le tribunal d’instance de Valence, en condamnation à paiement au titre du solde du prêt.’

Par jugement du 21 janvier 2021 assorti de l’exécution provisoire, cette juridiction devenue tribunal judiciaire de Valence a :

déclaré recevable l’action en paiement de la société CM,

rejeté les demandes des époux [X] de voir retenir la qualification de crédit renouvelable et de constater la résiliation de plein droit du prêt du 7 mars 2014,

prononcé la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts,

rejeté le moyen invoqué par les époux [X] tiré d’une faute dans l’octroi du prêt,

débouté Mme [X] de sa demande tendant à se voir reconnaître la qualité de caution de M. [X],

débouté M. [X] de sa demande tendant à voir condamner Mme [X] au paiement de la moitié des sommes dues,

condamné solidairement M. et Mme [X] à payer à la société CM la somme de 27.148,64€ avec intérêts au taux légal à compter du 21 août 2019,

dit que le taux légal ne pourra être majoré,

débouté les époux [X] de leur demande en délais de paiement,

dit n’y avoir lieu à indemnité de procédure,

condamné in solidum les époux [X] aux dépens de l’instance.

Par déclaration en date du 4 mars 2021, Mme [X] a relevé appel de cette décision.

Par uniques conclusions récapitulatives du 1er juin 2021, Mme [X] demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et de :

1) à titre principal :

déclarer la société CM irrecevable en son action comme forclose,

qualifier le contrat souscrit de crédit renouvelable,

dire que le contrat de crédit a été résilié de plein droit le 20 mars 2016,

prononcer la nullité des avenants postérieurs à la résiliation du contrat de crédit initial,

dire que la société CM a commis une faute en augmentant par le biais des avenants le capital du crédit alors même que le contrat était résilié,

2) subsidiairement,

dire qu’elle a la qualité de caution à l’égard de M. [X],

confirmer le jugement déféré sur la déchéance du prêteur à son droit aux intérêts,

prononcer la déchéance de la société CM de son droit aux intérêts,

lui accorder des délais de paiement de deux années,

prononcer le report ou l’échelonnement des sommes dues par elle dans le délai maximal de deux années,

prononcer la déchéance des intérêts applicables aux échéances,

dire que les paiements effectués par elle s’imputeront en priorité sur le capital,

3) en tout état de cause, débouter la banque de l’ensemble de ses demandes et la condamner à lui payer une indemnité de procédure de 2.000€.

Elle expose que :

sur la recevabilité de l’action de la société CM

le 20 mars 2016, suite à l’absence d’utilisation du crédit renouvelable, celui-ci s’est trouvé résilié de plein droit,

la société CM avait donc jusqu’au 20 mars 2018 pour agir,

en assignant en octobre 2019, la société CM est forclose,

sur la qualification du contrat

le terme «’crédit renouvelable’» est mentionné à plusieurs reprises dans les documents remis par la banque ainsi que sur les relevés de compte,

pour toute augmentation de ce crédit, une nouvelle offre doit être signée,

la durée du contrat de crédit renouvelable est d’une année renouvelable et le contrat qu’elle a signé remplit l’ensemble de ses conditions,

l’offre prévoit également la reconstitution du capital et ne prévoit pas de montant maximal d’emprunt,

elle conteste avoir souscrit plusieurs emprunts distincts alors que c’est le capital qui a été augmenté par avenants successifs,

contrairement à ce qu’a retenu le juge, il n’y a pas eu de déblocages successifs de montants fixes,

seul le crédit renouvelable d’un montant de 30.000€ a fait l’objet d’un déblocage le 30 novembre 2017,

il n’y a pas eu de tableau d’amortissement,

sur la résiliation de plein droit

par application de l’article L..311-16 alinéa 10 du code de la consommation, une absence d’utilisation du contrat du 20 mars 2014 au 20 mars 2015 et le défaut d’envoi par la banque d’un document en vue de reconduction du crédit renouvelable entrainent la résiliation de plein droit du contrat,

les avenants postérieurs sont nuls et de nul effet,

la banque ne dispose pas de fondement contractuel pour une quelconque demande à son encontre,

sur sa qualité

elle n’a pas bénéficié des fonds et ne saurait être tenue de restituer l’argent qu’elle n’a pas utilisé,

les fonds ont été utilisés uniquement par M. [X] pour la rénovation de son fonds de commerce avec lequel elle n’a aucun lien,

dans ces conditions, elle ne pourrait être considérée autrement que comme une caution et n’est soumise au règlement de la dette qu’à défaut de paiement par M. [X],

sur la déchéance du droit aux intérêts

la banque a commis diverses fautes tenant au défaut de remise de la fiche d’information, à l’absence de vérification de sa solvabilité et à la qualification frauduleuse du contrat si la cour venait à requalifier celui-ci,

dès lors, la banque doit être déchue de son droit aux intérêts,

sur les délais de paiement

une procédure de divorce est en cours,

du fait de la fermeture de son entreprise, elle a été sans emploi et vient d’être embauchée en qualité d’assistante commerciale.

Au termes de ses écritures n° 1 en date du 27 août 2021, la société Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 8] Centre demande de confirmer le jugement déféré, rejeter toutes les prétentions adverses et, y ajoutant, de condamner Mme [X] à lui payer une indemnité de procédure de 2.000,00€.

Elle fait valoir que :

elle n’est pas forclose en son action, le crédit ayant été souscrit le 17 novembre 2017 et l’action introduite les 16 et 23 octobre 2019, soit dans le délai biennal de forclusion,

en droit, le Crédit Passeport n’est pas un crédit renouvelable mais un prêt personnel classique conformément à l’avis de la Cour de cassation du 6 avril 2018,

elle reconnaît que le tribunal a fait une parfaite application du droit en retenant que chacun des emprunts doit s’analyser en un prêt personnel,

dès lors, l’argumentation de Mme [X] sur la restitution de plein droit et l’absence de fondement contractuel de sa demande en paiement doit être écartée,

la solidarité des emprunteurs est expressément stipulée en page 5 du contrat,

les fonds ont été versés sur le compte commun et la séparation du couple est indifférente,

l’affectation des fonds par le couple ne concerne pas la banque,

Mme [X] ne produit aucun élément à l’appui de sa demande de délais de paiement.

La clôture de la procédure est intervenue le 6 décembre 2022.

La déclaration d’appel a été signifiée le 6 mai 2021 (par remise à l’étude) à M. [X] qui n’a pas constitué avocat. L’arrêt sera rendu par défaut.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera observé que la société CM accepte les décisions du tribunal sur la requalification des contrats en prêts personnels et sur la déchéance de son droit aux intérêts.

1/ sur la qualification du contrat de crédit

Mme [X] entend voir retenir la qualification de crédit renouvelable conformément à la dénomination portée sur les contrats successifs des 7 mars 2014, 27 septembre 2016 et 16 novembre 2017 afin de pouvoir se prévaloir des dispositions de l’article L.311-16 alinéa 10 du code de la consommation et voir juger la résiliation de plein droit du contrat initial du 7 mars 2014 ainsi que la nullité des avenants suivants.

Toutefois selon une application exacte du droit aux faits et une motivation que la cour adopte, le tribunal a pu justement retenir, suivant avis de la Cour de cassation du 6 avril 2018 portant expressément sur les contrats’«’Crédit Passeport’» comme ceux conclus par les époux [X], qu’au regard de l’article L .312-57 du code de la consommation, ce type de contrat ne peut recevoir la qualification de crédit renouvelable, alors qu’il a fait l’objet de déblocages successifs de montants fixes suivant avenants des 29 septembre 2016 et 16 novembre 2017, remboursables pour chacun d’eux par échéances prédéterminées suivant tableau d’amortissement établi lors de chaque emprunt et comportant un taux fixe selon l’affectation des fonds prêts.

Le dernier contrat critiqué du 16 novembre 2017 comportant déblocage de la somme de 30.000€ le 30 novembre 2017 est, ainsi que le tribunal l’a jugé, un prêt personnel illégalement dissimulé sous la dénomination de crédit renouvelable.

Dès lors, les dispositions de l’article L.311-16 alinéa 10 du code de la consommation ne sauraient trouver application pour un prêt personnel et la demande de Mme [X] en constat de la résiliation de plein droit du contrat a été justement rejetée.

2/ sur la recevabilité de l’action de la société CM

Par application de l’article L. 311-52 du code de la consommation devenu R. 312-35, les actions en paiement formées devant le tribunal judiciaire doivent être engagées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Les fonds ayant été versés le 30 novembre 2017 et l’action en paiement de la banque ayant été introduite les 16 et 23 octobre 2019, dans le délai biennal susvisé, la société CM est parfaitement recevable en son action.

3/ sur la créance de la société CM

Au regard de la seule faute de la banque dans la dénomination trompeuse du crédit octroyé, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres manquements allégués à l’encontre de la société CM, c’est à bon droit que le tribunal a prononcé la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts conformément aux dispositions des articles L.341-1et suivants du code de la consommation.

Le contrat litigieux de prêt personnel pour la somme de 30.000€ en capital a été signé tant par M. [X] que par Mme [X] lesquels se sont expressément engagés solidairement.

Dès lors, l’argumentation de Mme [X] selon laquelle elle se serait engagée en qualité de caution des fonds versés au seul bénéfice de son époux ne saurait être admise.

Par ailleurs, la séparation du couple et l’affectation des fonds par celui-ci sont indifférents et sans aucune conséquence sur la qualité de débiteurs solidaires des époux [X].

Sur les fonds d’un montant de 30.000€ versés aux époux [X], il est justifié d’un remboursement à hauteur d’un montant global de 2.762,41€, de sorte que la créance de la société CM a été, à bon droit, retenue à la somme de 27.237,59€.

Ainsi, la décision déférée, qui condamne solidairement M. et Mme [X] à payer à la société CM la somme de 27.237,59€ avec intérêts au taux légal à compter du 21 août 2019, date de réception des mises en demeure, sera confirmée sur ce point.

4/ sur la demande en délais de paiement de Mme [X]

Au soutien de sa demande en délais de paiement, Mme [X] ne produit aucun élément actualisés sur sa situation financière et personnelle.

Au regard de l’ancienneté de la dette, des délais de fait de deux années à raison de la procédure d’appel et de son absence de tout commencement de règlement bien que la décision entreprise soit assortie de l’exécution provisoire, il convient de confirmer le jugement déféré sur le rejet de cette demande.

Par voie de conséquence, la décision querellée sera confirmée en toutes ses dispositions.

5/ sur les mesures accessoires

Aucune considération d’équité ne justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, Mme [X] supportera les dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [P] [X] aux dépens de la procédure d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame CLERC, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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