20 juin 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
22/01373
ARRET N°287
CL/KP
N° RG 22/01373 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GRW3
[I]
C/
Société BANQUE CIC OUEST
S.A.S. BAKER TILLY STREGO
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 20 JUIN 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01373 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GRW3
Décision déférée à la Cour : jugement du 03 mai 2022 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON.
APPELANT :
Monsieur [P] [I]
né le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 11] (85)
[Adresse 9]
[Localité 7] – ESPAGNE
Ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me Charlyves SALAGNON, avocat au barreau de NANTES.
INTIMEES :
BANQUE CIC OUEST, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 5]
Ayant pour avocat plaidant Me Henri BODIN de la SELARL BODIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau des SABLES D’OLONNE.
S.A.S. BAKER TILLY STREGO et le siège de son établissement secondaire [Adresse 2]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me Georges DE MONJOUR, avocat au barreau de PARIS.
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 24 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Par acte sous seing privé en date du 9 novembre 2018, la société anonyme Banque Cic Ouest (la banque) a consenti à la société Conseil Sécurité Formation un prêt professionnel n°14012 20008017 d’un principal de 30 000 euros, au taux contractuel de 1,95 % l’an, remboursable en 36 mensualités de 858,62 euros.
Aux termes de ce même acte, Monsieur [P] [I] s’est porté caution personnelle et solidaire de la société Conseil Sécurité Formation dans la limite de 36 000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts, et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard.
Le 21 août 2019, la banque a consenti à Monsieur [I] un prêt personnel d’un principal de 200 000 euros, suivant selon ce dernier les conseils de son expert comptable la société par actions simplifiée Baker Tilly Strego (la société Baker ou l’expert-comptable), afin de les affecter en compte courant de la société Conseil Sécurité Formation.
Par jugement du 16 octobre 2019, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Conseil Sécurité Formation, et a désigné Monsieur [K] [L] en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 7 novembre 2019, la banque a déclaré ses créances auprès du liquidateur judiciaire de la société Conseil Sécurité Formation comme suit :
– 26 377,05 euros au titre du prêt professionnel n°14012 20008017 d’un principal de 30 000 euros ;
– 7846,63 euros au titre du compte courant professionnel n°[XXXXXXXXXX01].
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 novembre 2019, la banque a mis en demeure Monsieur [I] en sa qualité de caution d’avoir à régler avant le 22 novembre 2019 la somme de 26 377,05 euros.
Le 7 décembre 2020, la banque a assigné en paiement Monsieur [I] devant le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon. L’affaire a été enregistrée sous le n°2020224733.
Les 8 et 15 décembre 2020, Monsieur [I] a assigné la banque et la société Baker devant ce même tribunal, arguant respectivement du manquement de la première à son obligation de mise en garde et du manquement de la seconde à son devoir de conseil. L’affaire a été enregistrée sous le n°2020004750.
En dernier lieu, la banque a demandé de :
– condamner Monsieur [I] à lui payer la somme de 25 629,65 euros selon décompte arrêté au 29 octobre 2020, outre intérêts postérieurs courant au taux contractuel de 1,95 % sur la somme de 25 121 euros ;
– ordonner la capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
– condamner Monsieur [I] aux entiers dépens ce compris le coût de l’assignation et à lui payer la somme de 1200 euros au titre des frais irrépétibles ;
– débouter Monsieur [I] de toutes ses prétentions ;
Et :
A titre principal,
– déclarer irrecevable l’action à raison du défaut d’intérêt et de qualité à agir de Monsieur [I] ;
A titre subsidiaire,
– dire et juger qu’elle n’avait commis aucun manquement;
– débouter en conséquence Monsieur [I] de l’intégralité de ses demandes;
En tout état de cause,
– condamner Monsieur [I] à lui payer la somme de 1200 euros au titre des frais irrépétibles;
En dernier lieu, Monsieur [I] a demandé de :
Avant-dire droit,
– faire sommation à la banque de produire aux débats l’intégralité des emprunts et engagements de toute nature, contractés auprès d’elle tant par Monsieur [I] que par les sociétés Conseil sécurité formation, Conseil sécurité formation collectivités, Conseil sécurité formation franchise et développement, société civile immobilière Emc et société civile immobilière Lmc2, au titre des années 2018 et 2019 ;
– faire sommation à la banque de produire aux débats les relevés de comptes mensuels de la société Conseil sécurité formation du 1er janvier 2018 au 31 octobre 2019 ;
– faire sommation à la banque de produire aux débats l’entier dossier de demande de financement déposé par Monsieur [I] dans le cadre du financement personnel de 200’000 euros ;
Au fond,
– dire et juger que la société Baker avait manqué à son obligation de conseil à l’égard de la société conseil sécurité formation, constituant à l’égard de Monsieur [I] une faute délictuelle ;
– dire et juger que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde à l’égard de Monsieur [I] en qualité d’emprunteur,
Par conséquent,
– condamner, in solidum la société Baker et la banque à lui payer la somme de 200’000 euros, sauf à parfaire, en réparation de son préjudice ;
– condamner, in solidum la société Baker et la banque à lui payer la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles.
En dernier lieu, la société Baker demandé de :
A titre principal,
– déclarer Monsieur [I] irrecevable en son action à son encontre ;
– la mettre hors de cause ;
à titre subsidiaire,
– dire et juger qu’elle n’avait commis aucun manquement ;
en conséquence,
– débouter Monsieur [I] de l’intégralité de ses demandes ;
– dire et juger que le préjudice allégué par Monsieur [I] n’était pas justifié et ne présentait aucun lien causal avec les griefs reprochés ;
en conséquence,
– débouter Monsieur [I] de l’intégralité de ses demandes ;
En tout état de cause,
– condamner Monsieur [I] à lui payer une somme de 8000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement en date du 3 mai 2022, le tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon a :
– ordonné la jonction des affaires n°2020004733 et n°2020004750 ;
– dit et jugé irrecevables les actions de Monsieur [I] formées à l’encontre de la banque et à l’encontre de la société Baker Tilly Strego ;
– dit et jugé que la banque était bien fondée en ses demandes en paiement formées à l’encontre de Monsieur [I] ;
– condamné Monsieur [I] à payer à la banque la somme de 25’629,65 euros selon décompte arrêté au 29 octobre 2020, ainsi que les intérêts postérieurs au taux de 1,95 % sur la somme de 25’121 euros et ce, jusqu’à complet paiement ;
– ordonné la capitalisation des intérêts dès lors qu’ils seraient dus pour une année entière ;
– condamné Monsieur [I] à payer à la banque la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles ;
– condamné Monsieur [I] à payer à la société Baker Tilly Strego la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles ;
– débouté Monsieur [I] de l’ensemble de ses demandes.
Le 1er juin 2022, Monsieur [I] a relevé appel de ce jugement, en intimant la banque et la société Baker.
Le 28 février 2023, Monsieur [I] a demandé l’infirmation intégrale du jugement déféré et statuant à nouveau :
Avant dire droit,
– enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, la banque de produire aux débats l’intégralité des emprunts et engagements de toute nature, contractés auprès d’elle tant par Monsieur [I] que par les sociétés Conseil sécurité formation, Conseil sécurité formation collectivités, Conseil sécurité formation franchise et développement, société civile immobilière Emc et société civile immobilière Lmc2, au titre des années 2018 et 2019 ;
– enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la banque de produire aux débats les relevés de comptes mensuels de la société Conseil sécurité formation du 1er janvier 2018 au 31 octobre 2019 ;
– enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la banque de produire aux débats l’entier dossier de demande de financement déposé par Monsieur [I] dans le cadre du financement personnel de 200’000 euros;
– se réserver la liquidation des astreintes ainsi prononcées ;
Au fond,
Sur la responsabilité de l’expert-comptable et la nullité du contrat de prêt ;
– dire et juger que la société Baker avait manqué à son obligation de conseil à l’égard de la société Conseil sécurité formation, constituant à l’égard de Monsieur [I] une faute délictuelle ;
– dire et juger que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde à l’égard de Monsieur [I] en qualité d’emprunteur ;
Par conséquent,
– condamner, in solidum la société Baker et la banque à lui payer la somme de 200’000 euros, sauf à parfaire, en réparation de son préjudice ;
A titre subsidiaire ;
– prononcer la nullité du contrat de prêt d’un montant de 200 000 euros souscrit entre la banque et lui-même ;
par conséquent,
– condamner la banque à lui payer la somme de 200 000 euros en réparation de son préjudice ;
Subsidiairement,
– condamner la banque à lui rembourser les intérêts du prêt ;
Sur la demande portant sur le cautionnement qu’il avait souscrit :
à titre principal,
– juger que son engagement souscrit par acte en date du 9 novembre 2018 était limité à la somme (en principal et intérêts) de 36 euros ;
par conséquent,
– limiter la condamnation sollicitée par la banque à la somme de 36 euros, total de son engagement souscrit en qualité de caution ;
À titre subsidiaire,
– juger que son engagement de caution souscrit par acte du 9 novembre 2008 était manifestement disproportionné à ses patrimoine et revenus au moment de sa souscription ;
– débouter la banque de sa demande de condamnation à son encontre sur la base de l’engagement de caution qu’il avait souscrit le 9 novembre 2018 ;
A titre subsidiaire,
– constater le manquement de la banque à ses obligations d’information à son égard en sa qualité de caution, et prononcer ainsi la déchéance totale de son droit aux intérêts et pénalités de retard ;
En toutes hypothèses,
– débouter l’expert-comptable et la banque de l’ensemble de leurs demandes;
– condamner in solidum l’expert-comptable et la banque aux entiers dépens des deux instances, avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer la somme de 13’000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.
Le 10 mars 2023, la banque a demandé de débouter Monsieur [I] de l’intégralité de ses demandes, de confirmer intégralement le jugement déféré, et y ajoutant, de condamner Monsieur [I] à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
Le 31 octobre 2022, l’expert-comptable a demandé de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a notamment :
dit et jugé irrecevables les actions de Monsieur [I] formées à l’encontre de la banque et à l’encontre de la société Baker Tilly Strego;
– débouté Monsieur [I] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné Monsieur [I] à lui payer la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles ;
subsidiairement, si par impossible la cour dût infirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré irrecevable Monsieur [I] en ses demandes dirigées contre lui-même, débouter Monsieur [I] de l’ensemble de ses demandes formées à son encontre ;
en conséquence,
– condamner Monsieur [I] aux entiers dépens d’appel avec distraction au profit de son conseil et à lui payer la somme de 8000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures des parties déposées aux dates susdites.
Le 27 mars 2023, a été rendue l’ordonnance de clôture de l’instruction de l’affaire.
MOTIVATION :
Sur la demande de production de pièces sous astreinte dirigée contre la banque émanant de Monsieur [I] :
Il résulte de l’article 15 du code de procédure civile que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile notamment les éléments de faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions.
L’article 135 du même code fait obligation à la partie qui fait état d’une pièce de la communiquer à l’autre partie à l’instance, la communication devant être spontanée.
Monsieur [I] demande :
– d’enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la banque de produire aux débats l’intégralité des emprunts et engagements de toute nature, contractés auprès d’elle tant par Monsieur [I] que par les sociétés Conseil sécurité formation, Conseil sécurité formation collectivités, Conseil sécurité formation franchise et développement, société civile immobilière Emc et société civile immobilière Lmc2, au titre des années 2018 et 2019 ;
– d’enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la banque de produire aux débats les relevés de comptes mensuels de la société Conseil sécurité formation du 1er janvier 2018 au 31 octobre 2019 ;
– d’enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la banque de produire aux débats l’entier dossier de demande de financement déposé par Monsieur [I] dans le cadre du financement personnel de 200’000 euros;
– se réserver la liquidation des astreintes ainsi prononcées.
De première part, la banque n’a pas évoqué les pièces susdites dans ses propres écritures.
Pour le surplus, l’intérêt afférent à la production éventuelle de ces pièces sera apprécié à l’aune de la charge probatoire imposée respectivement aux parties:
– s’agissant de la nullité du contrat de prêt de personnel, qui repose sur le demandeur à la nullité ;
– s’agissant de l’obligation de mise en garde, qui repose sur l’emprunteur s’agissant de l’existence d’un risque lié à un endettement excessif, ou à l’existence d’informations ignorées de l’emprunteur mais connues de la banque et dissimulées par celle-ci; ou qui repose sur la banque s’agissant du caractère d’emprunteur averti ;
– s’agissant de la disproportion des engagements de la caution à ses biens et revenus au moment de son engagement, qui repose sur la caution, d’une part, et à l’impossibilité pour les cautions de faire face à leurs engagements avec leur patrimoine au moment où elles sont appelées, qui repose sur le créancier, d’autre part.
Ainsi, il appartiendra respectivement à l’emprunteur ou la caution, d’une part, et à la banque, d’autre part, de supporter les conséquences éventuelles du défaut de production d’une pièce alors que la charge probatoire leur appartient, tandis qu’il n’y a pas lieu de faire concourir la banque à la charge probatoire incombant à son adversaire.
Il conviendra de rejeter la demande présentée par Monsieur [I] tendant à enjoindre à la banque de produire sous astreinte les pièces susdites.
Sur la recevabilité de la demande de Monsieur [I] dirigée contre la banque et contre son expert-comptable ayant trait à l’octroi du prêt personnel de 200 000 euros ayant servi à abonder son compte courant d’associé détenu au sein de la société Conseil Sécurité Formation :
Selon l’article L. 622-20 du code de commerce,
Le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seule qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers. Toutefois, en cas de carence du mandataire judiciaire, tout créancier nommé contrôleur peut agir dans cet intérêt dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
Selon l’article L. 641-4 du même code, alinéa 1,
Le liquidateur procède aux opérations de liquidation en même temps qu’à la vérification des créances. Il peut introduire ou poursuivre les actions qui relèvent de la compétence du mandataire judiciaire.
Le liquidateur judiciaire trouve dans les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, en vue de la défense de l’intérêt collectif des créanciers, qualité pour exercer une action en paiement de dommages-intérêts contre toute personne, fût-elle titulaire d’une créance ayant son origine antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, coupable d’avoir contribué par les agissements fautifs à la diminution de l’actif ou à l’aggravation du passif (Cass. com.,16 novembre 1993, n°91-19.570, Bull. 1993, IV, n°408).
Seul le liquidateur, représentant les créanciers, a qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif de ceux-ci; il en résulte qu’un associé ou un créancier ne sont pas recevables à agir au nom des créanciers en réparation du préjudice collectif de ces derniers (Cass. com., 3 juin 1997, Bull. 1997, IV, n°163).
Les préjudices subis par des associés d’une société en liquidation, tenant à des pertes de rémunération, de valeur de leurs parts sociales et actions ainsi que les fonds de commerce et autres biens possédés par la société, sont subis indistinctement et collectivement par tous les créanciers ayant déclaré leur créance; une action individuelle en indemnisation engagée par les associés, en application de l’article 46 de la loi du 25 janvier 1985, est dès lors irrecevable (Cass. com., 14 décembre 1999, n°97-14.500, Bull. 1999, IV, n°230).
L’action individuelle introduite par un créancier pour demander réparation d’un préjudice qui n’est pas distinct de celui causé aux autres créanciers est irrecevable (Cass. com., 4 mars 2003, Bull. 2003, IV, n°37).
La recevabilité de l’action engagée par un créancier d’un débiteur en procédure collective contre un tiers dépend uniquement du point de savoir s’il justifie d’un préjudice spécial et distinct de celui évoqué par les autres créanciers (Cass. Soc., 14 novembre 2007, n°05-21.239, Bull. 2007, V, n°188).
Seul le liquidateur d’une société soumise à une procédure de liquidation judiciaire a qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers en vue de reconstituer le patrimoine social. La perte de valeur des actions ou parts ne constituepas un dommage personnel distinct de celui subi collectivement par tous les créanciers du fait de l’amoindrissement ou de la disparition de ce patrimoine (Cass. com., 28 janvier 2014, n°12-27.901, Bull. 2014, IV, n°22).
Et encore, les demandes d’un associé en remboursement de son apport en capital et de son compte courant d’associé, ayant trait à une fraction du préjudice collectif suivi par l’ensemble des créanciers, sont distinctes de celles tendant à l’indemnisation de préjudices personnels (Cass. com., 21 juin 2016, n°15-10.028, diffusé).
Il en va de même de la perte de sommes en compte courant (Cass. com., 10 mars 2009, n°07-21.410, diffusé).
Monsieur [I] fait grief à l’expert comptable et à la banque d’avoir manqué respectivement à son devoir de conseil et à son obligation de mise en garde, pour leur réclamer une indemnité de 200 000 euros, correspondant au montant du prêt, obtenu sur les conseils du premier auprès de la seconde, et ayant servi à abonder son compte courant d’associé détenu au sein de la société Conseil Sécurité Formation.
Il soutient que cette opération avait pour seule fin que la banque se remboursât le découvert en compte courant de la société Conseil Sécurité Formation, dans l’attente d’une hypothétique cession de cette dernière, alors même qu’elle était d’ores et déjà moribonde.
Il fait valoir ne pas agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers en vue de reconstituer le patrimoine social, mais en réparation de son seul préjudice personnel, le crédit ainsi souscrit obérant son patrimoine personnel, et non celui de la société Crédit Sécurité Formation.
Mais le préjudice dont se prévaut ainsi Monsieur [I], résultant de la perte de valeur de son compte courant d’associé, n’est que le corollaire de celui subi par la société Conseil Sécurité Formation du fait sa liquidation judiciaire, et constitue une fraction du préjudice collectif subi par l’ensemble des créanciers de cette dernière, du fait de l’amoindrissement ou de la disparition du patrimoine social.
Ainsi, seul le liquidateur judiciaire de la société Conseil Sécurité Formation a qualité et intérêt à agir contre la banque et l’expert comptable.
A l’inverse, Monsieur [I] est dépourvu de qualité et intérêt à agir en ce sens.
Il y aura donc lieu de déclarer irrecevables les actions formées par Monsieur [I] à l’encontre de la banque et de l’expert-comptable, et le jugement sera confirmé de ce chef.
A hauteur de cour, Monsieur [I] demande à titre subsidiaire de voir prononcer la nullité du contrat de prêt, pour voir condamner la banque seule à lui payer une indemnité de 200 000 euros.
Mais une telle action, ne tendant pas à l’indemnisation d’un préjudice qui lui serait personnel, sera aussi déclarée irrecevable.
Sur le montant de l’engagement de caution de Monsieur [I]:
Selon l’article L. 341-2, devenu L. 331-1 du code de la consommation, depuis l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable au litige, sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s’engage par acte sous-seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci: « en me portant caution de X…, dans la limite de la somme de’ couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de’, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X’ ne satisfait pas lui-même ».
Mais l’article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, n’impose pas la mention de l’engagement de la caution à la fois en chiffre et en lettres (Cass. com., 18 janvier 2017, n°14-26.604, Bull. 2017, IV, n°7).
Selon l’article L. 343-1 du code de la consommation, les formalités prévues par le texte susdit sont prescrites à peine de nullité.
La nullité d’un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que les mentions manuscrites portées sur l’engagement de caution ne sont pas identiques aux mentions prescrites par l’article L. 341-2 du code de la consommation, à l’exception de l’hypothèse dans laquelle ce défaut d’identité résulterait d’une erreur matérielle (Cass. com., 5 avril 2011, n°09-14.358, Bull. 2011, IV, n°55).
Il y a alors lieu de rechercher si l’inexactitude des mentions querellées figurant à l’acte est de nature à affecter la portée des mentions manuscrites prescrites par les dits textes légaux.
Selon l’article 1376 du Code civil, dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2016, applicable au litige,
L’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.
Selon l’article 1359 du même code, dans la même version,
L’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée authentique.
Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, même si la somme ou la valeur n’excède pas ce montant, que par un autre écrit sous signature privée authentique.
Celui dont la créance excède le seuil mentionné au premier alinéa ne peut pas être dispensé de la preuve par écrit en restreignant sa demande.
Il en est de même de celui dont la demande, même inférieure à ce montant, porte sur le solde ou sur une partie d’une créance supérieure à ce montant.
Selon le décret n°80-533 du 15 juillet 1980, la somme ou la valeur visée à l’article 1359 du Code civil est fixée à 1500 euros.
La mention manuscrite de la main de Monsieur [I], figurant sur l’acte de cautionnement du 9 novembre 2018, est ainsi rédigée:
‘ En me portant caution de conseil sécurité formation dans la limite de 36’000 € trente six euros
concernant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou des intérêts de retard et pour la durée de soixante six mois, je m’engage à rembourser les sommes dues sur les revenus et mes biens si conseil sécurité formation sarl ni satisfait pas lui-même….’
Monsieur [I] relève la discordance dans cette mention manuscrite entre le quantum en chiffres de son engagement de caution, selon lui de 3600 euros, et le quantum en lettres, de 36 euros.
Il entend en voir déduire qu’en l’état de cette discordance, c’est le montant exprimé en lettres qui doit prévaloir sur le montant exprimé en chiffres, de telle sorte que le plafond de son engagement de caution doit être limité à 36 euros.
De manière liminaire, la caution ne demande pas la nullité de son engagement, de telle sorte que l’invocation de l’irrespect du formalisme y afférent, à le supposer établi, est sans emport sur la preuve du seul quantum de son engagement.
Mais d’une part, une lecture objective de la mention manuscrite met en évidence que le montant indiqué en chiffres est bien de 36 000 euros, et non pas de 3600 euros, même s’il échet de relever que le troisième et dernier zéro de ce nombre est de taille plus réduite que les deux premiers zéros qui le précèdent.
Et d’autre part, alors que l’article L. 341-2, devenu L. 331-1 du code de la consommation, n’impose pas à la caution dans sa mention manuscrite de faire figurer le montant de son engagement à la fois en chiffres et en lettres, la mention en lettres, par Monsieur [I], d’un engagement à hauteur de 36 euros, procède manifestement d’une erreur matérielle.
En effet, ce montant en lettres doit être rapproché du montant en chiffres figurant dans la même mention manuscrite, à hauteur de 36 000 euros, mais encore des montants figurant tant dans l’acte de prêt et de cautionnement, d’un emprunt en principal de 30 000 euros, et faisant mention de l’engagement solidaire de Monsieur [I] pour 36 000 euros, étant rappelé que toutes les pages de cet acte sont paraphées ou signées par l’intéressé.
La mention manuscrite en lettres à hauteur de 36 euros constitue donc une simple erreur matérielle de son rédacteur Monsieur [I]
Il y aura donc lieu de retenir que le plafond de l’engagement de caution de Monsieur [I] dans l’acte du 9 novembre 2018 est bien de 36 000 euros.
Sur la disproportion manifeste de l’engagement de la caution à ses biens et revenus :
Il appartient à la caution personne physique, qui entend se prévaloir du caractère manifestement disproportionné de son engagement de caution à ses biens et revenus, lors de la souscription de son engagement, d’en apporter la preuve.
Il y a lieu de tenir compte de l’endettement global de la caution au moment de son engagement, et ce compris au titre de précédents engagements de caution.
A l’égard de biens grevés de sûretés, leur valeur doit être appréciée en en déduisant le montant de la dette dont le paiement est garanti par ladite sûreté, évaluée au jour de l’engagement de caution (Cass. 1ère civ., 24 mars 2021, n°19-21.254, publié).
La disproportion manifeste de l’engagement d’une caution commune en bien s’apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, de sorte que doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs incluant les revenus de son conjoint (Cass.com., 6 juin 2018, n°16-26.182, publié).
L’établissement prêteur n’a pas à vérifier la situation financière de la caution.
Une caution ne peut pas se prévaloir d’engagements ou de dettes qu’elle a omis de déclarer auprès de l’établissement de crédit au moment de la souscription.
L’établissement de crédit est ainsi en droit de se fier aux indications données par la caution dans la fiche de renseignement remplie par cette dernière au moment de son engagement, et n’a pas à en vérifier l’exactitude, sauf anomalies apparentes, ou sauf si malgré la cohérence des éléments figurant dans la fiche d’information, la banque ne pouvait pas ignorer l’existence d’autres charges (Cass. com., 27 mai 2014, n° 13.17-287), ou bien encore sauf lorsque la déclaration ne permet pas d’informer la banque de certains éléments essentiels, qui permettraient d’établir le caractère disproportionné du cautionnement (Cass. 1ère civ., 25 novembre 2015, n° 14.24-800).
Il sera limininairement rappelé que la charge de la preuve de la disproportion de l’engagement de la caution à ses biens et revenus, appréciée au moment de cet engagement, appartient à la caution.
Dès lors, Monsieur [I] est mal venu à faire grief à la banque de ne pas justifier de son état de fortune au 9 novembre 2018, ou de ne pas produire les pièces qu’il a sollicitées, alors que la preuve y afférente lui incombe exclusivement.
Il résulte de la fiche patrimoniale de la caution, produite par la banque, remplie et signée le 9 novembre 2018 par Monsieur [I], avec apposition de la mention ‘lu et approuvé’, que ce dernier y déclare :
– toucher des revenus comme gérant à hauteur de 2500 euros, sans en avoir précisé la périodicité ;
– renvoyer, pour les crédits en cours à la ‘fiche Cic’;
– renvoyer, pour les cautionnements déjà consentis, à la ‘fiche Cic’ en mentionnant des cautionnements pour le compte de crédit sécurité formation et des sociétés civiles immobilières Emc et Lmc2 ;
– disposer d’un patrimoine immobilier d’une valeur totale de 1 080 000 euros, sans que ce dernier soit grevé d’un passif résiduel ;
– s’agissant de son patrimoine mobilier, renvoyer à la fois à la ‘fiche Cic’ et mentionner la somme de 72 000 euros.
Et il ressort de l’extrait de situation bancaire de l’intéressé auprès de la banque Cic, à la date du 9 novembre 2018, annexé à cet acte que celui-ci:
– dispose d’une épargne à hauteur de 71 857,55 euros ;
– s’est porté caution ou a souscrit personnellement des emprunts, pour un encours résiduel négatif de 251 943,49 euros.
Monsieur [I] ajoute qu’il s’était déjà porté caution solidaire de la société Conseil Sécurité Formation à hauteur de 25 000 euros.
Et il renvoie, pour ce faire, à une mise en demeure émanant de la banque Cic Ouest du 7 novembre 2019, lui rappelant qu’il s’était engagé, à ce titre, par acte du 8 décembre 2015, en garantie d’un contrat de prêt pour un montant de 25 000 euros.
Or, l’extrait de situation bancaire de l’intéressé, annexé à la fiche de renseignement susdite, ne fait pas déjà état de ce dernier engagement; mais en ce que l’établissement de crédit ne pouvait pas ignorer ce cautionnement, ce dernier sera intégré à l’appréciation de la disproportion.
Il y aura lieu de considérer qu’au moment de son engagement de caution, ses précédents emprunts et engagement de cautions doivent être évalués à 276 943,49 euros (251 943,49 + 25 000 euros).
Il en ressort que déduction faite de ces divers emprunts et cautionnements, le patrimoine résiduel de Monsieur [I] s’élève à 875 056,51 euros (1 080 000 euros + 72 000 – 276 943,49 euros) au 9 novembre 2018.
Ce patrimoine résiduel, à hauteur de 875 056,51 euros, n’est manifestement pas disproportionné à l’engagement de caution litigieux du 9 novembre 2018, souscrit à hauteur de 36 000 euros.
Les demandes de la caution, tendant au débouté de la banque motif pris de la disproportion invoquée, ne pourront donc pas prospérer de ce chef.
Sur le manquement de la banque à son obligation d’information annuelle de la caution :
Selon l’article L. 333-2 du code de la consommation
Le créancier professionnel fait connaître à la caution personne physique, au plus tard le 31 mars de chaque année, le montant du principal, et des intérêts commission, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente, au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement.’.
Selon l’article l’article L. 341-6 du même code,
Lorsque le créancier ne respecte pas les obligations prévues à l’article L. 333-2, la caution n’est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.
L’article L. 313-22 du code monétaire et financier, dispose que :
-‘les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition de cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée;
– Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus entre la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.
– les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.’
Ces textes ont été abrogés à compter du 1er janvier 2022 par l’ordonnance du 15 septembre 2021 relative à la réforme des sûretés, et l’obligation d’information et sa sanction ont été intégrées aux nouveaux articles 2302 à 2304 du code civil.
Mais selon l’article 37 de l’ordonnance, l’obligation d’information issue des nouveaux textes est applicable à compter du 1er janvier 2022 aux cautionnements conclus avant cette date.
Cette obligation incombe au prêteur jusqu’à l’extinction de la dette.
La charge de la preuve de l’exécution de cette obligation incombe au créancier professionnel.
La production de la copie d’une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi.
Mais il n’incombe pas au prêteur de démontrer que la caution a reçu cette lettre d’information.
Cependant, nonobstant la sanction édictée par le second de ces textes, la caution reste néanmoins tenue aux intérêts au taux légal à compter de sa mise en demeure (Cass. 1ère civ. 9 avril 2015, n°14-10.975, diffusé).
Le manquement de l’établissement de crédit à son obligation d’information prévue par ce texte, s’il emporte, dans les rapports entre la caution et le créancier, déchéance des intérêts dans les conditions prévues par ce texte, ne décharge pas la caution de son obligation de payer les autres sommes dues au titre du cautionnement (Cass. com., 6 mars 2019, n°17-21.571).
La charge de la preuve de l’exécution de cette obligation incombe au créancier professionnel.
La production de la copie d’une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi.
Monsieur [I] fait grief à la banque de ne pas avoir justifié lui avoir adressé l’information annuelle prévue par ces textes.
La banque produit copie de la lettre d’information en date du 18 février 2019, qu’elle soutient avoir envoyé à la caution.
Mais elle n’a pas adressé copie de l’avis de réception afférent à ce courrier.
La banque verse un constat d’huissier en date du 19 mars 2019, par lequel son auteur rappelle avoir été requis par la banque, lui exposant procéder le même jour à la mise sous pli et à l’envoi de la lettre d’information annuelle aux personnes s’étant portées caution au profit de l’un de ses débiteurs, en rapportant que 4736 plis allaient ainsi être expédiés par la société Eip à [Localité 10], rappelant s’être déplacé sur les lieux, avoir constaté la mise sous pli des dits courriers par une machine dédiée, placés dans des enveloppes affranchies, triés par codes postaux, et rangées dans de cartons pour être acheminées par les services de la poste.
Enfin, cet officier ministériel déclare avoir procédé à des contrôles de la réalité des envois par sondage.
Mais ces éléments ne démontrent pas que le courrier d’information devant être adressé à Monsieur [I] figurait bien parmi ceux dont l’officier ministériel a pu constater l’envoi.
Préalablement à son constat, l’huissier rappelle s’être vu remettre un cd-rom intitulé ‘information caution 2019 Cic Ouest du 19 mars 2019″, constituant le support numérique des courriers d’information susdits, qu’il a déclaré à l’issue de ses opérations avoir joint à l’original de son acte sous enveloppe scellée.
Or, ce document n’a pas été produit ni exploité à l’occasion de la présente instance.
Il en ressort ainsi que la banque n’a pas justifié de l’envoi des courriers annuels d’information de la caution avant le 31 mars 2019.
Et la banque n’a pas justifié de l’exécution de son obligation pour les années postérieures, alors que celle-ci continue à s’exécuter nonobstant l’engagement de la présente procédure judiciaire, et que ses écritures et autres pièces ne comportent pas l’ensemble des informations exigées par le texte susdit.
Il y aura donc lieu d’ordonner la déchéance des intérêts conventionnels et des intérêts et pénalités de retard à compter du 31 mars 2019.
La condamnation au profit de la banque sera donc assortie des intérêts au taux légal.
Sur l’anatocisme:
Selon l’article 1343- 2 du Code civil,
Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêts si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.
L’article L. 311-31 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 1er juillet 2010, selon lequel aucune indemnité ni coût, autre que ceux qui y sont mentionnés, ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance qu’il prévoit, fait obstacle à l’application de la capitalisation des intérêts prévus par l’article 1154 du Code civil.
Mais ce texte ne s’oppose pas à la capitalisation des intérêts moratoires au taux légal.
Monsieur [I] soutient que ce texte prohibe l’anatocisme réclamé par la banque.
Mais le prêt litigieux, cautionné par Monsieur [I], n’est ni un crédit immobilier, ni un crédit à la consommation octroyé à un consommateur, puisque consenti par la banque pour les besoins de l’activité professionnelle de la société Conseil Sécurité Formation.
Et il ne résulte d’aucune stipulation du contrat de prêt que les parties avaient entendu le soumettre volontairement aux dispositions du code de la consommation.
Dès lors, Monsieur [I] ne peut pas se prévaloir du second des textes susdit.
Et la circonstance qu’aucune stipulation contractuelle n’ait prévu l’anatocisme ne fait pas obstacle à la faculté que de la banque tient du texte légal susdit de le solliciter en justice.
Surabondamment, l’anatocisme prononcé portera sur des intérêts au taux légal.
Sur la condamnation au profit de la banque :
En revanche, il sera observé que dans le dispositif de ses écritures, qui seul saisit la cour d’une prétention à laquelle elle est tenue de répondre, Monsieur [I] n’a pas demandé, sur le fondement du premier de ces textes, de dire que dans les rapports entre la banque et la caution, les entiers paiements réalisés seront réputés s’imputer intégralement sur le seul capital.
En l’absence de demande en ce sens, il n’y aura donc pas lieu de procéder à cette imputation.
Il y aura donc lieu d’ôter du décompte de la banque, arrêtée au 23 octobre 2020, les sommes de 26,84 euros (intérêts courus arrêtés au 30 octobre 2019) et 508,65 euros (intérêts courus du 31 octobre 2019 au 23 octobre 2020), pour en retenir le seul capital restant dû au 30 octobre 2019 à hauteur de 25 121 euros.
Le premier juge a prononcé la condamnation de la caution à payer une somme à la banque, selon décompte arrêté au 29 octobre 2020, avec intérêts postérieurs au taux conventionnel et anatocisme.
En outre, la banque a produit la mise en demeure adressée à Monsieur [I] le 7 novembre 2019, ainsi que l’accusé de réception y afférent, signé par son destinataire le 14 novembre 2019.
Il y aura donc lieu de dire que le point de départ des intérêts au taux légal sera fixé au 29 octobre 2020, conformément à la demande de la banque.
Il y aura donc lieu de condamner Monsieur [I] à payer à la banque la somme de 25 121 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2020 avec anatocisme, et le jugement sera infirmé de ces chefs.
* * * * *
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné Monsieur [I] aux dépens de première instance et à payer au titre des frais irrépétibles de première instance à la banque la somme de 3000 euros, et à l’expert-comptable la somme de 2000 euros, en le déboutant de sa demande au même titre.
Monsieur [I] sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel, et sera condamné à payer au même titre à la banque la somme de 3000 euros, et à l’expert-comptable la somme de 2000 euros.
Monsieur [I] sera condamné aux entiers dépens d’appel avec distraction au profit du conseil de l’expert-comptable.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déboute Monsieur [P] [I] de ses demandes tendant à enjoindre à la société anonyme Banque Cic Ouest :
– sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de produire aux débats l’intégralité des emprunts et engagements de toute nature, contractés auprès d’elle tant par Monsieur [I] que par les sociétés Conseil sécurité formation, Conseil sécurité formation collectivités, Conseil sécurité formation franchise et développement, société civile immobilière Emc et société civile immobilière Lmc2, au titre des années 2018 et 2019 ;
– sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de produire aux débats les relevés de comptes mensuels de la société Conseil sécurité formation du 1er janvier 2018 au 31 octobre 2019 ;
– d’enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de produire aux débats l’entier dossier de demande de financement déposé par Monsieur [I] dans le cadre du financement personnel de 200’000 euros ;
– et de sa demande tendant à ce que la cour se réserve la liquidation des astreintes ainsi prononcées ;
Déclare irrecevable les demandes de Monsieur [G] [I] tendant à prononcer la nullité du contrat de prêt d’un montant de 200 000 euros souscrit par Monsieur [G] [I] auprès de la société anonyme Banque Cic Ouest, et tendant à obtenir condamnation de la société anonyme Banque Cic Ouest à lui payer une indemnité d’un montant de 200 000 euros ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a :
– condamné Monsieur [P] [I] à payer à la société Banque Cic Ouest la somme de 25’629,65 euros selon décompte arrêté au 29 octobre 2020, ainsi que les intérêts postérieurs au taux de 1,95 % sur la somme de 25’121 euros et ce, jusqu’à complet paiement ;
– ordonné la capitalisation des intérêts dès lors qu’ils seraient dus pour une année entière ;
Infirme le jugement de ces seuls chefs;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Prononce la déchéance des intérêts conventionnels à compter du 31 mars 2019 ;
Prononce la déchéance des intérêts et pénalités de retard à compter du 31 mars 2019 ;
Condamne Monsieur [P] [I] à payer à la société anonyme Banque Cic Ouest la somme de 25 121 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2020 ;
Dit que les intérêts produits seront capitalisés chaque année pour produire à leur tour intérêts, conformément à l’article 1343-2 du code civil ;
Déboute Monsieur [P] [I] de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel ;
Condamne Monsieur [P] [I] à payer au titre des frais irrépétibles d’appel à la société anonyme Banque Cic Ouest la somme de 3000 euros et à la société par actions simplifiée Baker Tilly Strego la somme de 2000 euros ;
Condamne Monsieur [P] [I] aux entiers dépens d’appel, avec distraction au profit de Maître Yann Michot, conseil de la société par actions simplifiée Baker Tilly Strego, de ceux des dépens d’appel dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,