Prêt entre particuliers : 2 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10556

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Prêt entre particuliers : 2 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10556

2 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG
21/10556

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 02 MARS 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10556 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZ4E

Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 janvier 2021 – Juge des contentieux de la protection d’EVRY-COURCOURONNES – RG n° 11-20-000820

APPELANTE

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Stéphane GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R233

INTIMÉE

Madame [V] [E] épouse [N]

née le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 5]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– DÉFAUT

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 9 octobre 2018, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à Mme [V] [E], épouse [N], un prêt personnel d’un montant de 15 000 euros remboursable en 48 mensualités de 358,15 euros assurance incluse incluant notamment les intérêts au taux débiteur annuel fixe de 4,21 %.

Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées à compter de février 2019, la banque a, par lettre recommandée du 3 juin 2019, mis en demeure l’emprunteuse de lui régler la somme de 15 436,30 euros dans un délai de huit jours, à défaut de quoi une action judiciaire en paiement serait engagée à son encontre.

Saisi le 9 juillet 2020 par la société BNPPPF d’une demande tendant principalement à la condamnation de l’emprunteuse au paiement de la somme de 15 436,30 euros, le tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes, par un jugement réputé contradictoire rendu le 7 janvier 2021 auquel il convient de se reporter, a :

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la banque,

– condamné l’emprunteuse à payer à la banque la somme de 981,65 euros, outre les intérêts légaux sans majoration,

– débouté la banque de ses autres demandes.

Le tribunal a principalement retenu que la déchéance du terme n’avait pas été valablement prononcée par la banque, faute pour elle de justifier d’une mise en demeure préalable, si bien que la banque ne pouvait prétendre qu’au seul paiement des échéances impayées à la date du 3 juin 2019. Il a également estimé que la banque devait être déchue de son droit aux intérêts pour défaut de formalisme du contrat car le montant des échéances assurance incluse n’était pas mentionné. Le tribunal a écarté l’article L. 313-3 du code monétaire et financier afin de garantir le caractère effectif et dissuasif de la sanction.

Par une déclaration en date du 4 juin 2021, la société BNP Paribas Personal Fiannce a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 13 juillet 2021, l’appelante demande à la cour :

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a limité la condamnation aux seules mensualités impayées au 3 juin 2019 et déchu la banque de son droit aux intérêts,

– de constater qu’elle est bien fondée à se prévaloir de la déchéance du terme du contrat de prêt,

– subsidiairement, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat et de condamner l’emprunteuse à la somme de 15 436,30 euros avec intérêts,

– subsidiairement de la condamner à la somme de 10 744,50 euros au titre des mensualités échues impayées à la date des présentes conclusions,

– en tout état de cause d’ordonner la capitalisation des intérêts et de condamner l’emprunteuse à la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelante soutient au visa de l’article R. 632-1 du code de la consommation qu’il n’appartenait pas au juge de relever d’office la prétendue irrégularité de la déchéance du terme. Elle indique également au visa de l’article 16 du code de procédure civile que le juge a relevé d’office ce moyen sans l’avoir préalablement invitée à présenter ses observations, en violation du principe du contradictoire.

Elle soutient qu’il est constant que l’emprunteuse a été défaillante dans le remboursement du prêt ce qui justifie sa demande subsidiaire de résolution judiciaire du contrat. Enfin, elle indique au visa de l’article R. 312-10 du code de la consommation que l’offre de prêt était parfaitement régulière car ces dispositions ne visent que les assurances obligatoires alors que l’emprunteuse avait souscrit une assurance facultative.

La déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées suivant acte d’huissier remis le 20 juillet 2021 conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile à Mme [N] qui n’a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience le 24 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Au regard de la date de signature du contrat, il est fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, et postérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Il convient de relever que si l’appelante invoque une violation du principe du contradictoire, elle ne formule aucune prétention à l’appui de ce moyen. La cour n’est donc pas tenue d’y répondre.

Vérifiée par le premier juge, la recevabilité de l’action en paiement du prêteur n’est pas contestée.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Les articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de la consommation disposent que le prêteur est déchu du droit aux intérêts, lorsqu’il ne satisfait pas aux conditions d’informations précontractuelles prévues par les articles énumérés et contenues dans le code de la consommation.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations.

En l’espèce, la société BNPPPF verse aux débats le contrat de crédit, la fiche d’informations précontractuelles, la fiche explicative, la fiche de renseignements, le document d’information sur le produit d’assurance, la fiche conseil en assurance, la notice d’assurance, les justificatifs d’identité de domicile et de revenus et le justificatif de la consultation du fichier des incidents de paiement des crédits aux particuliers du 12 octobre 2018 intervenu avant le déblocage des fonds du 17 octobre 2018.

Aux termes de l’article L. 312-28 du code de la consommation, le contrat de crédit est établi par écrit et doit comporter un encadré, inséré au début du contrat, informant l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.

L’article R. 312-10 précise que l’encadré mentionné à l’article L. 312-28 indique en caractères plus apparents que le reste du contrat, dans l’ordre choisi par le prêteur et à l’exclusion de toute autre information :

a) Le type de crédit ;

b) Le montant total du crédit et les conditions de mise à disposition des fonds ;

c) La durée du contrat de crédit ;

d) Le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l’emprunteur doit verser et, le cas échéant, l’ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l’autorisation que l’emprunteur doit rembourser ;

e) Le taux débiteur, les conditions applicables à ce taux, le cas échéant tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux débiteur initial, ainsi que les périodes, conditions et procédures d’adaptation du taux. Si différents taux débiteurs s’appliquent en fonction des circonstances, ces informations portent sur tous les taux applicables ;

[…]

f) Le taux annuel effectif global et le montant total dû par l’emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit. Toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées ;

g) Tous les frais liés à l’exécution du contrat de crédit, dont, le cas échéant, les frais de tenue d’un ou plusieurs comptes destinés à la mise à disposition des fonds ou au paiement des échéances de crédit et les frais liés à l’utilisation d’un instrument de paiement déterminé, ainsi que les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés ;

h) Les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant ; [‘]

Dès lors que l’assurance n’est pas imposée par le prêteur, ces dispositions légales et réglementaires n’imposent pas que le coût mensuel de l’assurance soit indiqué dans cet encadré.

C’est donc en ajoutant aux textes précités que le premier juge a considéré que la banque encourrait la déchéance du droit aux intérêts pour n’avoir pas mentionné le coût de l’assurance dans l’encadré prévu par l’article L. 312-28. Les pièces produites établissent que la banque justifie avoir rempli ses obligations précontractuelles. Il s’ensuit qu’aucune déchéance du droit aux intérêts n’est encourue.

Partant, le jugement est infirmé en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.

Sur la régularité du prononcé de la déchéance du terme

Pour fonder sa demande de paiement, la société BNP Paribas personal finance se prévaut d’une déchéance du terme prononcée le 3 juin 2019, ce que confirme l’historique du compte. Elle produit une lettre de mise en demeure recommandée en date du 3 juin 2019 exigeant le règlement sous huit jours de la somme de 15 436,30 euros.

En application de l’article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice des anciens articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.

L’article L. 311-22-2 devenu L. 312-36 précise que dès le premier manquement de l’emprunteur à son obligation de rembourser, le prêteur est tenu d’informer celui-ci des risques qu’il encourt au titre de l’article L. 311-24.

Néanmoins, en application des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, dans leur version applicable au litige, il est désormais acquis que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf stipulation expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Il convient de rappeler que la déchéance du terme ne peut être prononcée que par le prêteur, sous certaines conditions.

Or la société BNPPPF ne produit qu’une mise en demeure de payer du 3 juin 2019, date de la déchéance du terme, réclamant l’intégralité du solde du prêt. Elle ne justifie par ailleurs d’aucun courrier d’information et d’alerte et n’a accordé aucun délai de régularisation avant le prononcé de la déchéance du terme.

Ce courrier et l’assignation ne peuvent donc valoir mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme. Cette absence d’avertissement constitue un manquement à l’article L. 311-22-2 précité.

Il en résulte que la déchéance du terme n’a pu régulièrement intervenir et que le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande subsidiaire de résiliation judiciaire

La société BNPPPF a réclamé subsidiairement, par conclusions remises le 13 juillet 2021, le prononcé de la résiliation du contrat sur le fondement de l’article 1184 du code civil.

La défaillance avérée et persistante de Mme [N] dans le remboursement de son crédit, depuis la mise en demeure du 3 juin 2019, est suffisamment grave pour justifier que la résiliation du contrat soit prononcée en application de l’article 1184 ancien du code civil applicable au litige, avec effet au 13 juillet 2021.

Au vu du tableau d’amortissement, de l’historique du compte et du décompte de créance versés aux débats, la créance de la société BNPPPF s’établit comme suit :

– mensualités échues impayées : 1 432,60 euros

– capital restant dû : 12 966,39 euros

soit une somme de 14 398,96 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 4,29 % à compter du 13 juillet 2021, date de la première demande de résiliation.

Il est également réclamé une somme de 1 037,31 euros au titre de la clause pénale contractuelle de 8 % qui est conforme aux articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation. Néanmoins, il apparaît en l’espèce que la banque n’est que partiellement mal fondée en sa demande dans la mesure où elle a prononcé irrégulièrement et sans avertissement la déchéance du terme. Il convient d’y faire droit dans la seule limite de 50 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2021.

Il n’y a pas non plus lieu à capitalisation des intérêts laquelle est prohibée concernant les crédits à la consommation, matière dans laquelle les sommes qui peuvent être réclamées sont strictement et limitativement énumérées.

Sur les autres demandes

Le jugement qui a condamné l’intimée aux dépens de première instance doit être confirmé sur ce point. En revanche rien ne justifie que l’intimée soit condamnée aux dépens d’appel, alors que n’ayant jamais été représentée ni en première instance, ni en appel, elle n’a jamais fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l’a fait. La société BNPPPF conservera donc la charge de ses dépens d’appel.

Il apparaît en outre équitable de laisser supporter à la société BNPPPF la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a déclaré recevable la demande en paiement et en ce qu’il a condamné Mme [V] [E] épouse [N] aux dépens ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Dit n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de prêt signé le 9 octobre 2018, à effet du 13 juillet 2021 ;

Condamne Mme [V] [E] épouse [N] à payer à la société BNPPPF la somme de 14 398,96 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 4,29 % à compter du 13 juillet 2021 et la somme de 50 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2021 ;

Rejette le surplus des demandes ;

Laisse les dépens d’appel à la charge de la société BNPPPF ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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