Prêt entre particuliers : 2 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10268

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Prêt entre particuliers : 2 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10268

2 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG
21/10268

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 02 MARS 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10268 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDY3M

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 mars 2021 – Juge des contentieux de la protection de FONTAINEBLEAU – RG n° 11-20-000536

APPELANTE

La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉS

Monsieur [Y] [O]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 8] (PORTUGAL)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Angélique PESCAY, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

Madame [T] [P]

née le [Date naissance 5] 1982 à [Localité 7] (77)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Angélique PESCAY, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé en date du 26 novembre 2013, M. [Y] [O] et Mme [T] [P] ont contracté auprès de la société Sogefinancement un prêt personnel Compact d’un montant de 24 500 euros remboursable en 84 mensualités de 406,44 euros moyennant un taux débiteur annuel fixe de 7,4 % (TEG 7,82 %).

Par avenant du 21 juillet 2014, le crédit a fait l’objet d’un réaménagement prévoyant le remboursement de la somme de 23 964,69 euros en 108 mensualités de 335,75 euros, assurance comprise, à compter du 10 septembre 2014.

Par second avenant du 22 décembre 2014, le crédit a fait l’objet d’un réaménagement prévoyant le remboursement de la somme de 24 727,01 euros en 108 mensualités de 346,42 euros, assurance comprise, à compter du 20 février 2015.

À la suite d’impayés, une mise en demeure a été adressée le 10 avril 2019 et la déchéance du terme a été prononcée le 6 mai 2019.

Saisi le 10 août 2020 par la banque d’une demande tendant principalement à la condamnation solidaire des emprunteurs au paiement d’une somme de 17 352,79, le tribunal judiciaire de Fontainebleau, par un jugement réputé contradictoire rendu le 26 mars 2021 auquel il convient de se reporter, a déclaré irrecevable l’action en paiement en raison de la forclusion.

Le tribunal a principalement retenu que seuls les impayés dans l’exécution du contrat de prêt initial devaient être pris en compte et non les aménagements ultérieurs et que la première échéance impayée non régularisée remontait au 10 juillet 2017 si bien que l’action en paiement était irrecevable.

Par une déclaration en date du 2 juin 2021, la société Sogefinancement a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 2 mars 2022, l’appelante demande à la cour :

– d’infirmer le jugement rendu,

– de fixer le premier incident de paiement non régularisé au 28 février 2019, et subsidiairement au 10 décembre 2018,

– de déclarer l’action de la société recevable et non forclose,

– de constater que la déchéance du terme a été prononcée, subsidiairement prononcer la résiliation judiciaire avec effet au 6 mai 2019,

– de condamner solidairement les emprunteurs à la somme de 13 353,22 euros avec intérêt au taux contractuel de 7,40 % l’an à compter du 17 novembre 2020 et subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts, à la somme de 2 928,31 euros outre les intérêts au taux légal,

– de débouter les intimés de leurs demandes,

– de condamner in solidum les emprunteurs au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L’appelante invoque l’absence de forclusion de sa demande au visa de l’article L. 311-52 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date de l’offre en estimant que l’accord de réaménagement ou rééchelonnement n’est pas soumis au formalisme de l’offre de crédit et qu’il interrompt la forclusion si bien que le délai de forclusion doit être calculé au regard du premier incident de paiement non régularisé postérieur au réaménagement, soit le 28 février 2019.

Elle soutient que la seule sanction applicable serait la déchéance du droit aux intérêts contractuels. Elle fait valoir aux visas des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable à la date de l’offre et de l’article 1134 ancien du code civil que sa demande est bien fondée.

Par des conclusions remises le 29 novembre 2022, les intimés demandent à la cour :

– à titre principal, de confirmer le jugement et de condamner l’appelante à la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– subsidiairement, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts, d’ordonner la compensation des créances, de déduire des sommes dues la somme de 6 800 euros, de débouter la société de sa demande d’indemnité légale, subsidiairement de la réduire à l’euro symbolique, de limiter les intérêts dus au capital restant dû et aux mensualités impayées après déduction de la somme de 6 800 euros, de les autoriser à s’acquitter de leur dette par 23 mensualités de 250 euros outre une 24ème représentant le solde,

– de débouter l’appelante de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Les intimés font valoir au visa de l’article R. 312-35 du code de la consommation que les avenants de réaménagement de crédit signés par les parties ne peuvent être considérés comme un réaménagement des modalités de règlement des échéances impayées dans la mesure où ils modifient l’économie du contrat.

Ils soutiennent également qu’aucune indemnité liée à la déchéance du terme ne peut être réclamée dans la mesure où M. [O] n’a reçu aucune mise en demeure valable et qu’ils ont légitimement considéré que la banque n’avait pas prononcé cette déchéance. Ils soutiennent au visa de l’article L. 311-30 le rejet de la demande de capitalisation des intérêts. Ils font valoir que leur situation économique justifie l’octroi de délais de paiement.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience le 24 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation résultant de la loi n° 2010-737 promulguée le 1er juillet 2010 et antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qui transcrit en droit interne les dispositions de la Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 (désormais articles L. 312-1 et suivants du même code).

Sur la recevabilité de la demande

En application de l’article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d’une demande en paiement de vérifier d’office même en dehors de toute contestation sur ce point et même en cas de non-comparution du défendeur que l’action du prêteur s’inscrit bien dans ce délai.

Aux termes de l’article L. 311-52 devenu R. 312-35 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, les actions en paiement engagées devant le tribunal d’instance à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur, doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Le prêteur dispose donc, à peine d’irrecevabilité, d’un délai de deux ans pour agir contre l’emprunteur en cas de défaillance de celui-ci dans l’exécution de ses obligations.

Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident de paiement non régularisé intervenu après le premier réaménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés.

Constitue un réaménagement et/ou un rééchelonnement au sens de ce texte, le contrat qui a pour seul objet de réaménager les modalités de remboursement d’une somme antérieurement prêtée, pour permettre, par l’allongement de la période de remboursement et l’abaissement du montant de l’échéance mensuelle, d’apurer le passif échu, pour autant qu’il ne se substitue pas au contrat de crédit initial dont la déchéance du terme n’a pas été prononcée, qu’il n’en modifie pas les caractéristiques principales telles le montant initial du prêt et le taux d’intérêt et qu’il porte sur l’intégralité des sommes restant dues à la date de sa conclusion.

En l’espèce, à la suite de l’offre préalable acceptée le 26 novembre 2013, le crédit se trouvant en situation d’impayé, un premier avenant de réaménagement a été signé par les parties le 21 juillet 2014, avec effet à compter du 10 septembre 2014.

Aux termes de cet avenant qui n’emporte pas déchéance du terme, les parties sont convenues de diminuer le TAEG à 7,66 % et la mensualité à 335,75 euros, tout en allongeant la durée du prêt à 108 mois. Les parties ont précisé que l’avenant ne portait pas novation avec le contrat initial avec lequel il formait un tout indivisible.

Il en résulte que cet avenant a réduit le montant des échéances et allongé la durée sans modifier le montant du capital consenti ni le taux appliqué (7,40 %). N’ayant opéré qu’une modification des modalités de remboursement et n’ayant pas bouleversé l’économie générale du contrat, il ne rend pas nécessaire la présentation d’une nouvelle offre préalable au regard des articles L. 311-8 et L. 311-13 du code de la consommation et a pour conséquence d’interrompre le délai de forclusion, étant observé qu’en l’espèce, aucune forclusion n’est intervenue entre le contrat initial et l’avenant.

Il convient de rappeler que seul le premier avenant est susceptible d’interrompre le délai de forclusion.

Il s’ensuit que le point de départ du calcul du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le 10 septembre 2014.

Il ressort de l’analyse de l’historique de compte postérieur au premier avenant, que les règlements effectués par les emprunteurs après le 10 septembre 2014 s’élèvent à la somme de 17 281,32 euros, ce qui permettait de régler 5 échéances d’un montant de 335,75 euros puis 45 échéances d’un montant de 346,07 euros, soit 50 échéances au total entre le 10 septembre 2014 et le 10 octobre 2018 incluses. Le premier incident de paiement non régularisé est donc survenu le 10 novembre 2018. Dès lors, la demande émanant de la société Sogefinancement, introduite par assignation du 10 août 2020, est recevable et non forclose.

Partant le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Les intimés soutiennent que les deux avenants ne respectent pas l’article L. 311-18 devenu L. 312-28 du code de la consommation et qu’il y a lieu de prononcer une déchéance du droit aux intérêts en application de l’article L. 341-4 du même code.

Néanmoins, ils ne rapportent pas la preuve que les deux avenants signés entre les parties devraient être considérés comme des nouveaux contrats de crédit, l’augmentation du coût du crédit étant inhérente à la nature même des réaménagements convenus du fait de l’allongement de la durée de remboursement du crédit. De la même façon, il n’est pas établi que le second avenant a augmenté le montant du capital prêté puisqu’il ne portait que sur les sommes restant dues en capital, intérêts et indemnité au 22 décembre 2014.

L’appelante ayant justifié du respect de ses obligations précontractuelles, aucune déchéance du droit aux intérêts n’est encourue. Les intimés sont par conséquent déboutés de leur demande non fondée.

Sur la demande en paiement

À l’appui de son action la société Sogefinancement produit la copie de l’offre de crédit initiale accompagnée du bordereau de rétractation, l’avenant du 21 juillet 2014, l’avenant du 22 décembre 2014, les trois tableaux d’amortissement, la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, la fiche de dialogue, des justificatifs de revenus, le document justificatif de la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, la synthèse signée des polices d’assurance proposées à l’intéressé et la copie d’une notice d’information sur l’assurance qui porte les mêmes références de contrat que la fiche de synthèse signée par les emprunteurs.

Ces éléments établissent suffisamment que le prêteur a satisfait les obligations précontractuelles.

Pour fonder sa demande de paiement, et contrairement à ce que prétendent les intimés, la société Sogefinancement justifie de l’envoi aux emprunteurs le 10 avril 2019 de deux courriers recommandés de mise en demeure préalable exigeant le règlement sous quinze jours de la somme de 753,33 euros au titre des mensualités impayées sous peine de déchéance du terme. Suivant courriers recommandés du 10 mai 2019, la société Sogefinancement justifie les avoir mis en demeure de lui payer la somme totale de 17 378,83 euros sous quarante-huit heures sous peine de poursuite judiciaire.

C’est donc de manière légitime que la société Sogefinancement se prévaut de l’exigibilité des sommes dues.

Au vu des tableaux d’amortissement, de l’historique de prêt et du décompte produit, la créance de la société Sogefinancement s’établit donc ainsi :

– mensualités échues impayées : 1 038,21 euros

– capital restant dû : 15 048,26 euros,

sous déduction des règlements effectués avant contentieux, arrêtés au 26 juillet 2021 : 6 800 euros,

soit un total 9 286,47 euros qui portera intérêt au taux contractuel de 7,40 % à compter du 10 mai 2019, date de la mise en demeure.

Il est également réclamé une somme de 1 256,17,74 euros au titre de la clause pénale contractuelle de 8 % qui est conforme aux articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation. Cette clause pénale est susceptible d’être modérée par le juge, en application de l’article 1152 du code civil, si elle est manifestement excessive. Il apparaît en l’espèce que la banque est partiellement mal fondée en sa demande dans la mesure où elle a majoré le montant en retenant une assiette erronée, dans la mesure où elle a déjà capitalisé une clause pénale lors du regroupement de crédits et au regard du l’importance du taux contractuel et des versements effectués par les débiteurs après la déchéance du terme. Il convient d’y faire droit dans la seule limite de la somme de 50 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du 13 août 2019.

En conséquence, il convient de condamner solidairement les intimés à payer à la société Sogefinancement la somme de 9 336,47 euros qui portera intérêt au taux contractuel de 7,40 % sur la somme de 9 286,47 euros et au taux légal sur le surplus à compter du 10 mai 2019, date de la mise en demeure.

Sur la demande de délais de paiement

Les intimés ont subsidiairement fait valoir qu’ils connaissaient des difficultés financières et qu’ils avaient, de bonne foi, effectué de nombreux versements après la déchéance du terme. Ils justifient de leur situation financière actuelle difficile.

L’appelante s’y est opposée, estimant que les débiteurs ont bénéficié de délais de fait.

L’article 1244-1 devenu 1343-5 du code civil permet au juge, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins des créanciers, de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues dans la limite de deux années.

En considération des difficultés avérées des intimés et des versements significatifs effectués après la déchéance du terme, il sera fait application des dispositions de l’article 1244-1 (devenu 1343-5) du code civil et un échéancier de 24 mois leur sera accordée conformément au dispositif de l’arrêt.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire, par décision mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau,

Déclare l’action en paiement recevable et non forclose ;

Condamne solidairement M. [Y] [O] et Mme [T] [P] à payer à la société Sogefinancement la somme de 9 336,47 euros qui portera intérêt, à compter du 10 mai 2019, au taux contractuel de 7,40 % sur la somme de 9 286,47 euros et au taux légal sur le surplus ;

Dit que M. [Y] [O] et Mme [T] [P] pourront s’acquitter de leur dette en 23 versements mensuels de 250 euros et en un 24ème versement égal au solde de la dette en capital et intérêts, chaque versement devant intervenir avant le 10ème jour du mois, le premier, avant le 10ème jour du mois suivant la signification du présent arrêt ;

Dit qu’à défaut de paiement d’une mensualité à son échéance, l’ensemble de la dette deviendra de plein droit immédiatement exigible sans mise en demeure préalable ;

Déboute la société Sogefinancement du surplus de ses demandes ;

Condamne in solidum M. [Y] [O] et Mme [T] [P] aux entiers dépens de première instance et d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la Selas Cloix et Mendes Gil ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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