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2 juin 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
21/01592
MINUTE N° 286/2023
Copie exécutoire à
– Me Michel ROHRBACHER
– Me Dominique HARNIST
Le 2 juin 2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 02 JUIN 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01592 –
N° Portalis DBVW-V-B7F-HRG5
Décision déférée à la cour : 14 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG
APPELANTE :
Madame [C] [G]-[L]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Michel ROHRBACHER, Avocat à la cour.
INTIMÉ :
Monsieur [H] [I]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Dominique HARNIST, Avocat à la cour.
Plaidant : Me LANG, Avocat au barreau de Strasbourg
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 20 Janvier 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre
Madame Myriam DENORT, Conseiller
Madame Nathalie HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Dominique DONATH, faisant fonction
ARRÊT contradictoire
– prononcé publiquement, après prorogation le 26 mai 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte signifié le 29 octobre 2020, M. [H] [I] a fait assigner Mme [C] [L], divorcée [G], devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, se prévalant d’une reconnaissance de dette d’un montant de 20 000 euros signée par cette dernière.
Il expliquait qu’elle avait emménagé sans son autorisation dans son appartement situé [Adresse 3] à [Localité 6]. Lorsqu’il avait fait appel aux services de police pour faire cesser cette occupation illicite, elle avait proposé de quitter les lieux ainsi qu’un arrangement amiable. Cependant, en reprenant possession du logement, il avait constaté des dégradations, mais aussi qu’elle avait vendu tous les meubles s’y trouvant.
Par jugement réputé contradictoire du 14 janvier 2021, le tribunal a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, condamné Mme [L], divorcée [G], :
– à payer à M. [I] la somme de 20 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2020,
– à payer à M. [I] la somme de 1 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, à titre de dommages-intérêts,
– aux dépens ainsi qu’à payer à M. [I] la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a relevé qu’un constat d’huissier du 5 décembre 2018 produit par le demandeur corroborait ses explications selon lesquelles son appartement avait été occupé sans son accord, puis vidé de son mobilier.
De plus, il versait aux débats un document intitulé « reconnaissance de dette » daté du 5 novembre 2018, mentionnant que Mme [L], divorcée [G], reconnaissait lui devoir la somme de 20 000 euros. La comparaison entre la signature de cette reconnaissance de dette et celle figurant sur la copie du passeport de Mme [L], divorcée [G], confirmait que c’était bien elle qui avait signé cette reconnaissance de dette.
Le tribunal a ainsi retenu que M. [I] était bien titulaire d’une créance de 20 000 euros à l’égard de la défenderesse, laquelle devait porter intérêts au taux légal à compter de l’assignation. De plus, Mme [L], divorcée [G], n’ayant pas honoré son engagement de remboursement, son comportement pouvait être qualifié de résistance abusive justifiant l’allocation de dommages-intérêts au demandeur.
Mme [L], divorcée [G], a interjeté appel de ce jugement le 14 mars 2021.
Par ordonnance de référé du 2 février 2022, le magistrat délégué par Mme la première présidente a notamment rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de ce jugement présentée par Mme [L], divorcée [G],, ainsi que sa requête aux fins de consignation des montants alloués à M. [I].
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 3 janvier 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 2 septembre 2022, Mme [L], divorcée [G], sollicite d’être reçue en son appel et que celui-ci soit déclaré bien fondé.
Elle sollicite à titre principal que la cour :
– annule le jugement déféré,
– invite M. [I] à mieux se pourvoir,
– condamne M. [I] au remboursement des travaux qu’elle a effectués au [Adresse 3] à [Localité 6],
– lui réserve le droit de chiffrer le montant de ces réparations,
– condamne M. [I] au paiement de la somme de 1 500 euros augmentée des intérêts au taux légal, à titre de dommages-intérêts pour le préjudice qu’il lui a causé,
– déboute M. [I] de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire :
– infirme le jugement entrepris,
– constate l’incompétence territoriale du tribunal judiciaire de Strasbourg au profit de celui de [Localité 6],
– infirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
– condamne M. [I] au remboursement des travaux qu’elle a effectués au [Adresse 3] à [Localité 6],
– lui réserve le droit de chiffrer le montant de ces réparations,
– condamne M. [I] au paiement de la somme de 1 500 euros augmentée des intérêts au taux légal, à titre de dommages-intérêts pour le préjudice qu’il lui a causé,
– déboute M. [I] de l’ensemble de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire, sur le fond :
– constate l’existence d’un vice du consentement et l’absence de cause réelle et sérieuse,
En conséquence :
– prononce la nullité du contrat de reconnaissance de dettes,
– infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,
– condamne M. [I] au remboursement des travaux qu’elle a effectués au [Adresse 3] à [Localité 6],
– lui réserve le droit de chiffrer le montant de ces réparations,
– condamne M. [I] au paiement de la somme de 1 500 euros augmentée des intérêts au taux légal, à titre de dommages-intérêts pour le préjudice qu’il lui a causé,
– déboute M. [I] de l’ensemble de ses demandes,
En tout cas :
– déboute M. [I] de l’ensemble de ses demandes,
– le condamne à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens des procédures de première instance et d’appel.
A l’appui de sa demande tendant à l’annulation du jugement déféré, Mme [L], divorcée [G], invoque la nullité de « l’acte introductif d’instance », au motif que l’huissier de justice n’a pas respecté les dispositions des articles 654 et suivants du code de procédure civile, alors qu’il devait mentionner les circonstances caractérisant l’impossibilité de la signification à personne, ainsi que les vérifications qu’il a opérées pour s’assurer que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, s’agissant d’investigations concrètes.
Or, elle affirme que l’adresse à laquelle elle a été assignée, soit [Adresse 4], était l’adresse de son ancien époux parti aux États-Unis, où il réside, n’ayant donc pas pu relever le courrier dont elle était destinataire, alors que le constat d’huissier produit par M. [I] mentionne qu’elle a son nom sur une boîte aux lettres du [Adresse 3] à [Localité 6].
Elle dénonce une violation des droits de la défense et soutient qu’il s’agit d’une nullité de fond entraînant la nullité du jugement.
Elle indique soulever, à titre subsidiaire, une exception d’incompétence territoriale, au motif qu’elle réside au [Adresse 2] à [Localité 6], ainsi que le relève le constat d’huissier du 30 novembre 2018. M. [I] indique résider au [Adresse 3] à [Localité 6], le constat d’huissier du 5 décembre 2018 mentionnant qu’il réside [Adresse 1] (68). Enfin, le litige concerne le logement situé au [Adresse 3] à [Localité 6]. Elle soutient que le tribunal judiciaire de Strasbourg est donc territorialement incompétent pour statuer sur la demande de M. [I].
Sur le fond, Mme [L], divorcée [G], affirme qu’elle avait conclu un accord avec la propriétaire de l’appartement, « Mme [Y]-[I] », en vue de son acquisition et pour l’occuper en tant que locataire, le temps de conclure la vente. Elle affirme que la propriétaire, dans cet objectif, avait mandaté un serrurier pour ouvrir le logement, ne disposant plus des clés, puis à un agent immobilier pour procéder aux différents diagnostics nécessaires à la vente.
L’appelante indique qu’elle-même, pensant légitimement pouvoir bientôt acquérir ce logement, a effectué quelques travaux de réparation.
Cependant, M. [I] s’est présenté alors qu’elle venait d’emménager, le 1er novembre 2018, vers 8h30 le matin, en compagnie de policiers, se prétendant titulaire d’un contrat de bail du logement et la priant de quitter les lieux dans la semaine.
Elle affirme avoir ensuite reçu une seconde visite de M. [I], seul cette fois, venu lui demander de signer « un contrat de reconnaissance de dette » en échange de sa renonciation à toute poursuite judiciaire.
Elle affirme avoir signé ce document sans en réaliser les conséquences, traumatisée par la première visite, sous le coup de la peur, craignant qu’une plainte, même non fondée, nuise à ses projets professionnels, dans la mesure où elle venait de signer un contrat avec une avocate de Colmar.
Elle soutient que M. [I], imposant physiquement, faisant intervenir la force publique sans prévenir, la menaçant de poursuites judiciaires afin d’obtenir un avantage manifestement excessif, a ainsi fait preuve des violences définies à l’article 1141 du code civil. Elle invoque également une erreur provoquée, des man’uvres dolosives et une violence psychologique exercée sur elle, le tout constituant des vices de consentement. Elle invoque également l’absence de cause de cette reconnaissance de dette.
A titre subsidiaire, Mme [L], divorcée [G], indique solliciter la rescision du contrat pour lésion, contestant le montant du préjudice invoqué par M. [I] et dénonçant un réel déséquilibre des prestations, ainsi qu’une injustice profitant largement à l’intimé.
S’agissant de la privation du logement dont il aurait été locataire, elle soutient qu’elle n’a occupé le logement que pendant une dizaine de jours et que M. [I] ne résidait plus dans ce logement dont il avait emporté les meubles en juillet 2018, résidant [Adresse 9] à [Localité 7] et ayant, avec ses deux fils, constitué une SCI qui a acquis l’appartement du [Adresse 3] à [Localité 6].
S’agissant des dégradations causées au logement, invoquées par M. [I], Mme [L], divorcée [G], qui les conteste, soutient au contraire avoir effectué des travaux de réparation et d’amélioration dans ce logement, notamment par la pose d’une nouvelle moquette dans la chambre principale et des travaux de peinture dans les deux chambres; elle précise avoir laissé en place le réfrigérateur, le micro-ondes, le four hors d’usage et l’évier délabré, et avoir fait réparer la chaudière en panne.
Elle conteste avoir vendu des meubles appartenant à M. [I].
À titre infiniment subsidiaire, Mme [L], divorcée [G], indique n’avoir découvert l’action judiciaire de M. [I] que par la signification du jugement rendu, qui a été effectuée cette fois à son adresse à [Localité 6], n’ayant reçu aucune sommation préalable.
Elle indique qu’étant salariée d’une entreprise, ses revenus actuels ne lui permettent pas de verser un montant de 20 000 euros, devant assumer de multiples dépenses et remboursements. Elle souligne qu’elle n’a rien détérioré mais qu’elle n’a cherché qu’à embellir l’appartement qu’elle pensait acheter.
De plus, en l’absence de sommation, elle conteste toute résistance abusive.
En revanche, elle soutient que les multiples désagréments et le traumatisme subi du fait de M. [I] justifient une indemnisation à hauteur de 1 500 euros et elle ajoute qu’elle est fondée à solliciter le remboursement des travaux effectués dans ce logement à ses frais.
Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 9 décembre 2022, M. [I] sollicite le rejet de l’appel et de l’ensemble des demandes de Mme [L], divorcée [G], ainsi que la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions.
Il demande que la cour, y ajoutant, condamne Mme [L], divorcée [G], à lui payer la somme de 2 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, la somme de 3 000 euros augmentée des intérêts au taux légal dans les mêmes conditions au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers frais et dépens de la procédure.
Sur la nullité de l’assignation invoquée par Mme [L], divorcée [G], M. [I] précise qu’il a fait assigner cette dernière à sa dernière adresse connue, qui était celle mentionnée sur la reconnaissance de dette signée le 5 novembre 2018, soit [Adresse 4]. Il s’agissait d’une adresse communiquée par Mme [L], divorcée [G], elle-même lors de leurs échanges de courriels préalables à la signature de cette reconnaissance de dette.
Sur l’exception d’incompétence territoriale, M. [I] fait valoir qu’il a saisi le tribunal judiciaire de Strasbourg au motif que [Localité 8] est situé dans le ressort de cette juridiction. De plus, le litige ne concerne pas le logement situé au [Adresse 3] à [Localité 6], mais il porte sur l’obligation de paiement souscrite par Mme [L], divorcée [G], aux termes de la reconnaissance de dette signée le 5 novembre 2018.
Sur le fond, il conteste toute violence psychologique, soutenant avoir au contraire été particulièrement arrangeant, dans la mesure où Mme [L], divorcée [G], avait pris possession de manière irrégulière du logement qu’il louait et qu’elle a vendu l’intégralité de ses biens sur Leboncoin, ce qu’elle a reconnu en présence des policiers qui l’accompagnaient. Il affirme qu’il aurait pu la poursuivre pour voies de fait, violation de domicile, vol’ mais qu’il a accepté l’arrangement amiable qu’elle lui proposait
Il conteste la version des faits que Mme [L], divorcée [G], a présentée dans une plainte pour extorsion par violence, selon laquelle il serait revenu chez elle quelques jours après l’intervention de la police, lui aurait dit de quitter les lieux et lui aurait tendu un papier en lui disant de le signer, et selon laquelle elle-même, ayant vu qu’il s’agissait d’une reconnaissance de dette, aurait signé sans comprendre, sous l’effet de la panique.
M. [I], qui admet avoir conditionné l’abandon de poursuites à l’encontre de Mme [L], divorcée [G], à la signature d’un accord transactionnel, conteste toute menace de voie de droit détournée de son but, exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif, au sens de l’article 1141 du code civil. Il fait valoir qu’en réalité, Mme [L], divorcée [G], a négocié l’accord transactionnel en toute connaissance de cause et a eu le temps d’en mesurer l’intérêt, la pertinence et les conséquences. Elle pouvait prendre conseil auprès d’un avocat.
Il souligne qu’après avoir investi son logement sans l’accord de sa bailleresse qui ne l’a jamais autorisée à s’y installer, elle a évacué tout ce qui le meublait, arraché les papiers peints, les revêtements de sol’ Il conteste tous travaux « amélioratifs » de l’appelante, soulignant que l’appartement était en état de chantier lorsqu’il s’est trouvé face à elle, et invoquant le constat d’huissier qu’il produit.
Il lui reproche d’avoir vendu une table monastère, le mobilier de cuisine, un ordinateur, des écrans, une planche de surf, et souligne le caractère infondé de la demande de dommages-intérêts.
Il observe que Mme [L], divorcée [G], n’a pas exécuté le jugement de première instance et ne sollicite pas de délais de paiement.
M. [I] conteste toute collusion avec son ex-épouse, Mme [Y], et affirme être totalement étranger au litige opposant les deux femmes, indiquant ne solliciter aucune indemnisation du fait de l’occupation du bien sans droit ni titre, la reconnaissance de dette représentant le préjudice qu’il a subi du fait de la vente des objets lui appartenant et des dégradations commises dans le logement (arrachage d’éléments sanitaires, de papier peint’.).
Il souligne que, lors de son arrivée dans l’appartement, le 1er novembre 2018, en présence de policiers, Mme [L], divorcée [G], n’a pas prétendu être légitime en son occupation des lieux mais a promis au contraire de partir sans délai et de l’indemniser des dégradations et soustractions commises, ayant elle-même souhaité un arrangement à l’amiable afin qu’il renonce à toute poursuite, et un accord ayant été trouvé sur un montant de 20 000 euros.
Enfin, à l’appui de sa demande de dommages et intérêts, il invoque le caractère abusif de l’appel de Mme [L], divorcée [G],.
*
Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.
MOTIFS
I ‘ Sur la demande en nullité du jugement déféré
Le tribunal de grande instance de Strasbourg a été saisi par une assignation délivrée le 29 octobre 2020 à Mme [C] [L], divorcée [G], selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, à sa dernière adresse connue, [Adresse 4], selon les termes de cet acte.
L’huissier mentionne, au titre de ses vérifications, le nom de [G] ne figurant ni sur une boîte aux lettres, ni sur une sonnette, que la personne rencontrée sur place déclare être le nouveau locataire et ne pas connaître Mme [L], divorcée [G], que la mairie lui indique « qu’à leur connaissance la requise est partie de [Localité 8] sans laisser d’adresse et qu’elle serait actuellement dans le Haut-Rhin sans pouvoir me donner plus de précision ». Il évoque une consultation infructueuse de l’annuaire en ligne et mentionne également que son mandant n’est pas en mesure de lui fournir une autre adresse, mais aussi que les services de la Poste lui opposent le secret professionnel.
S’agissant de l’adresse de Mme [L], divorcée [G], à [Localité 8], mentionnée sur l’assignation, il convient de souligner qu’il s’agit de celle mentionnée sur le document intitulé « Reconnaissance de dette » signé le 5 novembre 2018, sur les indications de Mme [L], divorcée [G], dans son courriel du même jour à 12H05. Il s’agit d’ailleurs également de l’adresse qu’elle avait donnée le 17 octobre 2018 au notaire, Me [Z] [J], dans le cadre de ses négociations avec Mme [Y] pour l’achat de l’appartement sis [Adresse 3] à [Localité 6]. Si son nom apparaissait sur une boîte aux lettres de cet immeuble le 5 décembre 2018, d’après le constat d’huissier de justice effectué à cette date, produit par l’intimé, Mme [L], divorcée [G], ne démontre nullement avoir continué à résider dans cet immeuble après avoir dû quitter l’appartement de Mme [Y], d’autant plus que, comme il vient d’être souligné, c’est elle-même qui avait transmis l’adresse d'[Localité 8] à M. [I] et elle n’en avait jamais évoqué d’autre.
En conséquence, l’appelante ne démontre pas que M. [I] ait disposé d’une autre adresse que celle d'[Localité 8] la concernant et que l’huissier de justice ait pu effectuer, pour la rechercher, d’autres diligences que celles énumérées ci-dessus. Ces diligences apparaissent en effet suffisantes et l’assignation délivrée à Mme [L], divorcée [G], satisfait aux obligations imposées à l’huissier de justice par l’article 659 du code de procédure civile. Dès lors, cette assignation n’encourt aucune nullité et il en est de même, à ce titre, du jugement déféré.
C’est pourquoi il y a lieu de rejeter la demande de l’appelante tendant à la nullité de ce jugement.
II ‘ Sur la demande subsidiaire tendant à ce que la cour constate l’incompétence territoriale du tribunal judiciaire de Strasbourg au profit de celui de Colmar
Dès lors que la demande principale de Mme [L], divorcée [G], tendant à l’annulation du jugement déféré a été rejetée, il convient d’examiner sa demande subsidiaire tendant en premier lieu à ce que la cour constate l’incompétence territoriale du tribunal judiciaire de Strasbourg au profit de celui de Colmar.
Sur ce point, il doit être précisé qu’une demande tendant seulement à voir « constater » l’incompétence d’un tribunal au profit d’un autre, ne constitue pas une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile, aucune conséquence procédurale n’étant tirée de ce constat, et, dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur une telle demande.
Au surplus, un tel constat, à le supposer fondé, serait sans emport dans la mesure où la cour a plénitude de juridiction dans le cadre de l’appel.
III ‘ Sur la demande de Mme [L], divorcée [G], en remboursement du coût de travaux
A l’appui de sa demande tendant à la condamnation de M. [I] au remboursement des travaux qu’elle soutient avoir effectués dans l’appartement sis [Adresse 3], à [Localité 6], Mme [L], divorcée [G], ne produit qu’un devis relatif à divers travaux de réfection de l’appartement, daté du 31 octobre 2018 et d’un montant total de 21 535,80 euros TTC, une facture d’achat de peinture du 9 octobre 2018 pour un montant de 502,67 euros et une facture relative à un dépannage et au remplacement de la pompe de la chaudière de l’appartement, effectué 9 octobre 2018 par le chauffagiste titulaire du contrat d’entretien de celle-ci, d’un montant de 319,58 euros + 129,90 euros, dont il n’est pas établi qu’il ait été payé par Mme [L], divorcée [G], elle-même, en l’absence de mention de paiement et du moindre justificatif à ce titre. S’y ajoute un constat d’huissier de justice du 30 novembre 2018 aux fins d’état des lieux constitué uniquement de photographies de l’appartement qui ne permettent pas davantage de démontrer l’accomplissement de travaux par Mme [L], divorcée [G], dans ce logement.
Ces documents ne permettent donc nullement d’établir que Mme [L], divorcée [G], ait effectivement engagé des fonds pour la réalisation de travaux dans l’appartement sis [Adresse 3], à [Localité 6], comme elle le soutient, étant souligné qu’elle ne rapporte non plus la preuve d’aucune autorisation de la propriétaire du bien à réaliser de tels travaux.
Dès lors, sa demande tendant à la condamnation de M. [I] à lui rembourser le coût de tels travaux ne peut qu’être rejetée.
IV ‘ Sur la demande en paiement de M. [I]
En application de l’article 1376 du code civil, l’acte sous signature privée par lequel une partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.
L’acte intitulé « Reconnaissance de dette », daté du 5 novembre 2018 et portant sur une somme de 20 000 euros due à M. [I], comporte bien les mentions exigées par ces dispositions légales, que Mme [L], divorcée [G], ne conteste pas avoir apposé de sa main, comme elle ne conteste pas avoir signé ce document.
Pour s’opposer à la demande en paiement fondée sur cette reconnaissance de dette, Mme [L], divorcée [G], invoque en premier lieu les dispositions de l’article 1130 du code civil selon lesquelles l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes, soutenant que M. [I] a fait preuve de violences et a accompli des man’uvres dolosives pour obtenir d’elle la signature de la reconnaissance de dettes litigieuse.
Elle se prévaut tout d’abord d’un accord de Mme [K] [Y], propriétaire de l’appartement qu’elle-même souhaitait acquérir, selon lequel elle était autorisée à occuper ce logement en tant que locataire, le temps de conclure la vente.
Cependant, cet accord étant contesté par Mme [Y], ex-épouse de M. [I], dans une attestation du 24 janvier 2022, et l’ayant été dès le 31 octobre 2018, dans un courriel adressé à l’appelante, les échanges de SMS entre les deux femmes ne permettent nullement d’établir l’existence d’un accord sur le prix de vente de l’appartement, bien au contraire. Le courriel adressé par Mme [L], divorcée [G], en vue de la rédaction d’un compromis de vente à Me [Z] [J], notaire, le 17 octobre 2018, n’a aucune valeur probante, émanant d’elle-même. Les attestations d’un diagnostiqueur et du serrurier qui a opéré, en sa présence et sur la requête de Mme [Y] au changement des serrures du logement à une date non précisée, sont insuffisantes à établir que Mme [L], divorcée [G], ait eu la qualité de locataire de l’appartement.
De plus, alors que l’appelante reproche à M. [I] une visite traumatisante, le 1er novembre 2018, où il s’est présenté à l’appartement accompagné des services de police, puis d’être revenu seul quelques jours après et d’avoir alors obtenu la signature de la reconnaissance de dette en la menaçant de poursuites judiciaires et en l’impressionnant physiquement, les pièces qu’elle produit ne confirment pas sa version des circonstances de cette signature.
En effet, Mme [L], divorcée [G], soutient dans ses écritures que l’intimé l’a menacée de poursuites judiciaires si elle ne signait pas « sur le champ », « le papier » qu’il lui présentait et qu’il lui a fait peur pour obtenir sa signature, elle-même ayant cédé sous le coup du traumatisme psychologique subi dès la première visite et la crainte de poursuites judiciaires susceptibles, de plus, de nuire à ses projets professionnels.
Dans la plainte qu’elle a déposée auprès des services de police de [Localité 6] le 27 mai 2021, Mme [L], divorcée [G], affirme que M. [I] s’est présenté seul à l’appartement, qu’il lui a tendu le papier, s’agissant de la reconnaissance de dettes, qu’elle a signée dans la panique, afin que cet homme s’en aille et la laisse tranquille.
Or, il résulte des courriels échangés entre les parties le 5 novembre 2018 qu’à 10H03, faisant référence à leur conversation du matin, M. [I] a proposé à l’appelante un accord transactionnel portant sur le paiement de la somme de 20 000 euros par cette dernière en dédommagement de l’ensemble du préjudice subi (indemnité d’occupation, dégradations de l’appartement, dégradations matérielles, affaires personnelles ayant disparu et ayant été vendues, ainsi que le préjudice subi) et en contrepartie de sa renonciation à toutes poursuites pénales à son encontre. Il a indiqué attendre une réponse dans la journée, sans quoi il serait contraint à agir pour préserver ses intérêts.
Dans sa réponse envoyée dès 10H18, Mme [L], divorcée [G], a tenté de négocier une transaction à hauteur de 10 000 euros, tout en indiquant qu’elle ne disposait pas d’une telle somme actuellement mais qu’elle pourrait la régler courant janvier, concluant son courriel par la formule « très cordialement ». Dans un nouveau courriel adressé à l’appelante à 11H19, M. [I] a refusé une diminution du montant réclamé, ajoutant qu’il était justifié et inférieur au coût de remise en état de l’appartement, sans compter les frais de justice et désagréments d’une procédure qui seraient aussi à la charge de Mme [L], divorcée [G], et lui indiquant avoir pris ses dispositions pour agir le jour même, la remerciant de faire connaître sa réponse définitive.
Mme [L], divorcée [G], a répondu à 11h29 se voir dans l’obligation d’accepter, indiquant avoir besoin de délais de paiement pour une telle somme. Proposant d’en régler une moitié en janvier et la seconde moitié en mars, elle a ajouté « j’attends donc votre protocole ». A la minute suivante, M. [I] a indiqué qu’il faisait rédiger ce protocole afin de le signer le jour-même. A 11H58, il a écrit à nouveau à Mme [L], divorcée [G], pour solliciter la communication de sa date et de son lieu de naissance, ainsi que de son adresse. Cette dernière y a répondu à 12H05 en fournissant les documents sollicités et M. [I] lui a demandé, à 12H52, s’il pouvait passer à 14H30 avec le document.
Ces courriels démontrent donc que c’est à distance et par voie électronique qu’ont eu lieu les échanges préalables à la signature de la reconnaissance de dette litigieuse et que Mme [L], divorcée [G], était donc en mesure de solliciter l’avis d’un tiers, voire d’un avocat pour évaluer la suite à donner à la demande de M. [I]. L’intimidation résultant de la carrure physique de l’intimé vis-à-vis de la sienne, lors d’une visite au logement qu’elle occupait, n’est nullement démontrée, d’autant plus que, lorsque ce dernier s’est présenté au logement de l’appelante, les termes de la reconnaissance de dettes avaient déjà été acceptés par cette dernière.
Aucune violence physique ou morale, aucune man’uvre dolosive destinée à déterminer Mme [L], divorcée [G], à signer la reconnaissance de dette litigieuse n’est donc prouvée, pas plus qu’une erreur provoquée, sur laquelle l’appelante ne s’explique d’ailleurs nullement.
Cette dernière invoque en second lieu les dispositions de l’article 1141 du code civil selon lesquelles, si la menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence, il en va autrement notamment lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif.
La reconnaissance de dette litigieuse a été signée en contrepartie de la renonciation de M. [I] « à toutes poursuites pénales contre Mme [L], divorcée [G], », cette dernière s’étant engagée à lui régler la somme de 20 000 euros « à titre de dédommagement pour l’ensemble du préjudice subi ». M. [I] invoque, au titre de ce poste de préjudice, celui résultant des dégradations commises dans le logement dont il était locataire (arrachage d’éléments sanitaires, du papier peint’) et de la vente de l’intégralité de ses biens sur le site internet Leboncoin.
Or, si l’appelante conteste toute dégradation de l’appartement, il ressort du constat d’huissier de justice du 30 novembre 2018, à l’issue duquel cette dernière a remis les clés de l’appartement à l’huissier qu’elle avait missionné pour ce constat, que, notamment, les meubles de la cuisine avaient été enlevés et que le revêtement de sol était en mauvais état.
De plus, si Mme [L], divorcée [G], estime excessive la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice causé par une occupation du logement de quelques jours seulement, alors même qu’elle a fait procéder à des travaux de réparation, notamment du chauffage, il convient de rappeler que les pièces qu’elle verse aux débats ne démontrent pas la réalité de ses allégations sur la plupart des travaux qu’elle allègue, à l’exception de la réparation du chauffage qu’elle ne prouve pas avoir payée.
De plus, c’est l’absence de poursuites pénales à l’initiative de M. [I] qui a constitué la contrepartie du versement de la somme de 20 000 euros, selon les termes de la reconnaissance de dettes.
Par ailleurs, sur l’absence de cause invoquée, il convient de rappeler que l’article 1131 ancien du code civil selon lequel l’obligation sans cause ou sur une fausse cause ou une cause illicite ne peut avoir aucun effet, a été abrogé à compter du 1er octobre 2016 et que, désormais, l’article 1128 nouveau énonce que sont nécessaires à la validité du contrat, outre le consentement des parties et leur capacité de contracter, un contenu licite et certain.
Or, Mme [L], divorcée [G], ne démontre nullement que le contenu de la reconnaissance de dette litigieuse et les engagements réciproques des parties ne seraient pas licites et certains.
Il résulte donc des développements qui précèdent que la demande en nullité de la reconnaissance de dettes présentée par Mme [L], divorcée [G], devant la cour n’est pas fondée et doit être rejetée.
Enfin, sur la lésion invoquée à titre subsidiaire par l’appelante dans les motifs de ses conclusions récapitulatives, aucune conséquence n’en est tirée dans leur dispositif, aucune demande n’est formulée à ce titre, seule étant sollicitée la nullité du contrat pour vice du consentement et absence de cause réelle et sérieuse. La cour n’est donc saisie d’aucune demande sur ce point.
V – Sur les demandes de dommages et intérêts réciproques des parties
Les demandes de Mme [L], divorcée [G], étant rejetées, cette dernière ne rapporte la preuve d’aucune faute de M. [I] lui ayant causé un quelconque dommage et elle doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Par ailleurs, M. [I] ne rapporte non plus la preuve ni du caractère abusif de l’appel de Mme [L], divorcée [G], lequel ne résulte pas du simple rejet des demandes présentées par cette dernière devant la cour, ni d’un préjudice qu’il aurait subi du fait de cet appel, distinct du retard de paiement, suffisamment réparé par les intérêts légaux.
Il sera donc lui-même débouté de sa propre demande de dommages et intérêts.
VI – Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.
Pour les mêmes motifs, auxquels s’ajoute le rejet des demandes présentées par Mme [L], divorcée [G], à hauteur de cour, cette dernière assumera les dépens de l’appel.
Par ailleurs, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais exclus des dépens qu’elle a engagés en appel et leurs demandes réciproques présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront donc toutes deux rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
REJETTE la demande de Mme [L], divorcée [G], tendant à l’annulation du jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 14 janvier 2021,
CONFIRME ce jugement en toutes ses dispositions,
Ajoutant au dit jugement,
REJETTE la demande de Mme [C] [L], divorcée [G], tendant à la condamnation de M. [H] [I] au remboursement des travaux qu’elle soutient avoir effectués dans l’appartement sis [Adresse 3] à [Localité 6], appartenant à Mme [K] [Y], et sa demande tendant à ce qu’il lui soit réservé le droit de chiffrer le montant de ces réparations,
REJETTE la demande de Mme [C] [L], divorcée [G], tendant au prononcé de la nullité de la reconnaissance de dette du 5 novembre 2018,
REJETTE les demandes de dommages et intérêts réciproques des parties,
CONDAMNE Mme [C] [L], divorcée [G], aux dépens d’appel,
REJETTE les demandes réciproques de Mme [C] [L], divorcée [G], et de M. [H] [I] présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens que chacun d’eux a engagés en appel.
Le greffier, La présidente,