Prêt entre particuliers : 19 juin 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/04922

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Prêt entre particuliers : 19 juin 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/04922
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19 juin 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
21/04922

MINUTE N° 23/315

Copie exécutoire à :

– Me Thierry CAHN

– Me Valérie BISCHOFF – DE OLIVEIRA

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 19 Juin 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 21/04922 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HW6Y

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse

APPELANT :

Monsieur [V] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Thierry CAHN, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉE :

Madame [B] [P]

[Adresse 3]

[Localité 5]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/2454 du 13/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de COLMAR)

Représentée par Me Valérie BISCHOFF – DE OLIVEIRA, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme FABREGUETTES, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme HOUSER

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme [B] [P] a sollicité M. [V] [Y], connu pour son activité de traducteur au sein de la communauté vietnamienne de [Localité 5], pour l’assister dans ses démarches administratives et juridiques.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 7 mars 2018, M. [Y] a mis en demeure Mme [P] de lui payer la somme de 5 359,25 € correspondant à une somme de 2 359,25 € au titre du remboursement de factures réglées pour son compte à l’occasion d’une procédure judiciaire et à une somme de 3 000 euros afférente à une reconnaissance de dette du 16 décembre 2013.

Par courrier en réponse du 6 avril 2018, Mme [P] a indiqué, d’une part, que la somme de 2 359,25 € a déjà été remboursée et, d’autre part, qu’elle n’a jamais rédigé de reconnaissance de dette ce qui l’a conduite à déposer une plainte pour usage de faux en écriture privée.

Par acte introductif d’instance du 25 mai 2018, réceptionné au greffe le 4 juin 2018, M. [Y] a attrait Mme [P] devant le tribunal d’instance de Mulhouse, aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement des sommes de 2 359,25 € au titre du remboursement des factures et 3 000 € au titre de la reconnaissance de dette, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, de la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêt et de la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance.

A l’audience du 6 novembre 2020, M. [Y] a sollicité du tribunal, avant-dire droit, la réalisation d’une expertise en écriture aux fins d’identifier si l’auteur et le signataire de la reconnaissance de dette du 16 décembre 2013 est Mme [P].

Mme [P] s’est opposée à la demande d’expertise, faisant valoir que le demandeur admet que le document ne peut être considéré que comme un commencement de preuve par écrit et que M. [Y] ne produit aucune preuve de la remise de fonds.

Par jugement avant-dire droit du 18 décembre 2020, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse a débouté M. [Y] de sa demande d’expertise.

Pour statuer ainsi, le juge a retenu que l’acte du 16 décembre 2013 n’est pas régulier au sens de l’article 1376 du code civil, qu’il ne peut être considéré que comme un commencement de preuve par écrit et que, dès lors, il appartient à M. [Y] de justifier d’éléments supplémentaires qui, s’ils sont rapportés, rendront inutiles la réalisation de l’expertise sollicitée.

L’affaire a été évoquée sur le fond à l’audience du 10 septembre 2021.

M. [Y] a sollicité, avant-dire droit, qu’il soit fait injonction à la défenderesse de produire l’intégralité de ses relevés bancaires pour l’année 2016 et à défaut qu’un renseignement officiel auprès de sa banque soit pris pour obtenir ses relevés de compte. Sur le fond, il a maintenu les demandes formulées dans son acte introductif d’instance.

M. [Y] a fait valoir qu’il était bien fondé à solliciter le paiement des sommes versées pour le compte de Mme [P] à son avocat, sur le fondement de la subrogation ex parte creditoris régie par l’ancien article 1250 alinéa 1 du code civil. Il a également soutenu qu’il avait agi au titre de la gestion d’affaires prévue aux articles 1372 et suivants du code civil à la demande expresse de Mme [P]. S’agissant de la reconnaissance de dette, M. [Y] a indiqué que la plainte pour faux et usage de faux avait été classée sans suite et qu’il produisait une consultation graphologique qui concluait au fait que la reconnaissance de dette était signée de la main de la défenderesse.

Mme [P] a conclu au rejet des demandes et sollicité la condamnation de M. [Y] au paiement d’une amende civile de 3 000 €, de la somme de 3 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance.

Mme [P] a fait valoir qu’il n’appartenait pas au tribunal de suppléer la carence du demandeur dans l’administration de la preuve en ordonnant la production de ses relevés bancaires. Elle a soutenu que les conditions légales de la subrogation ne sont pas remplies, en l’absence de consentement exprès du créancier, et que

la gestion d’affaires alléguée n’est pas caractérisée, Mme [P]

n’ayant jamais été dans l’impossibilité d’agir. Sur la reconnaissance de dette, elle a indiqué que le montant de la somme n’était pas mentionné en toutes lettres de sorte que les prescriptions de l’article 1376 du code civil n’étaient pas remplies, que les signatures divergeaient, que la reconnaissance de dette avait été traduite par le demandeur lui-même et que M. [Y] ne prouvait pas la remise des fonds ni l’intention de les prêter.

Par jugement contradictoire du 15 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :

– débouté M. [V] [Y] de la totalité de ses demandes,

– condamné M. [V] [Y] à verser à Mme [B] [P] la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [V] [Y] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux règles de l’aide juridictionnelle,

– débouté Mme [B] [P] de ses autres demandes,

– ordonné l’exécution provisoire.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu qu’aucune pièce ne permet d’établir l’existence d’une subrogation expresse et que les conditions d’application de la subrogation légale ne sont pas réunies. Le juge a également considéré que la gestion d’affaires n’était pas établie, M. [Y] n’indiquant pas en quoi la gestion d’affaires alléguée a consisté précisément. Sur la demande de production de pièces, le juge a relevé qu’elle visait à prouver que Mme [P] aurait été remplie de ses droits par la partie ayant succombé dans une instance étrangère à la présente procédure. Enfin, en ce qui concerne la reconnaissance de dette, le juge a retenu que cette pièce est dépourvue de valeur probante pour avoir été traduite par le demandeur lui-même, qu’elle ne comporte pas de mention en toutes lettres de sorte qu’elle ne peut valoir que commencement de preuve par écrit et que M. [Y] ne rapporte par aucun moyen la preuve de l’existence de la dette.

M. [Y] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 1er décembre 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 10 octobre 2022, M. [Y] demande à la cour de :

– recevoir l’appel,

– rejeter l’appel incident,

– réformer le jugement entrepris en toutes dispositions,

Statuant à nouveau,

– condamner Madame [B] [P] à payer à Monsieur [V] [Y] :

‘ la somme de 2 359,25 € au titre du remboursement des factures réglées pour son compte avec intérêts légaux du jour du dépôt de la demande conformément aux articles 1249 et suivants anciens du code civil,

‘ la somme de 3 000 € avec intérêts légaux à compter du jour du dépôt de la demande sur le fondement des articles 1134 et suivants anciens du code civil,

‘ la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts légaux à compter du jour du dépôt de la demande à titre de préjudice moral et résistance abusive,

‘ la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour chacune des deux instances soit 2 000 € en tout,

‘ au entiers frais et dépens de 1ère instance et d’appel,

– rejeter toutes prétentions de Madame [B] [P].

M. [Y] fait valoir qu’il a assuré une mission de traduction pour le compte de Mme [P] à l’occasion d’un contentieux qu’elle a eu avec un garage et qu’il a réglé pour le compte de Mme [P] plusieurs factures d’honoraires et frais d’avocats et d’huissier pour un montant total de 2 359,25 €. Il précise que Mme [P] a bénéficié d’une somme de 4 827,39 € à titre de dommages et intérêts à l’issue de la procédure judiciaire. Il indique par ailleurs qu’il lui a prêté la somme de 3 000 € qu’elle s’était engagée à rembourser selon reconnaissance de dette du 16 décembre 2013.

S’agissant des sommes versées à l’avocat, l’appelant explique avoir prêté de l’argent à l’intimée pour éviter que la procédure ne s’arrête, qu’il a pour habitude de prêter de l’argent à ses compatriotes et qu’il produit les chèques à titre de preuve. Il indique qu’il s’agit d’un paiement pour le compte d’autrui qui implique l’obligation de rembourser la somme versée et que Mme [P], dans ses conclusions de première instance, a reconnu que le paiement impliquait l’obligation de rembourser puisqu’elle a déclaré avoir

remboursé l’intégralité des sommes. M. [Y] invoque le principe de l’estoppel et soutient que l’intimée se contredit en disant que les conditions de la subrogation ne sont pas réunies et que les montants ont été remboursés.

En ce qui concerne la somme de 3 000 €, l’appelant indique qu’il s’agissait pour Mme [P] de pouvoir acheter des terrains pour son fils au Vietnam et qu’une reconnaissance de dette, traduite par un expert à [Localité 4], a été établie. Il précise que si ce document ne vaut que commencement de preuve par écrit, les attestations versées démontrent qu’il s’agissait d’un prêt avec obligation de restitution et non d’une libéralité. M. [Y] affirme que la plainte pénale pour faux déposée par l’intimée a été classée sans suite et qu’un expert graphologue confirme que la reconnaissance de dette a été écrite de la main de Mme [P].

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 21 novembre 2022, Mme [P] demande à la cour de :

Sur l’appel principal,

– déclarer Monsieur [Y] irrecevable en son appel, en tout cas l’y dire mal fondé,

en conséquence, le rejeter,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

‘ débouté Monsieur [Y] de la totalité de ses demandes,

‘ condamné Monsieur [Y] à verser à Madame [P] la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné Monsieur [Y] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux règles de l’aide juridictionnelle,

‘ ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

– débouter Monsieur [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Sur l’appel incident,

– déclarer Madame [P] bien fondée en son appel incident,

en conséquence,

– réformer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté Madame [P] de ses autres demandes,

et statuant à nouveau,

– condamner Monsieur [Y] au paiement d’une amende civile d’un montant de 3 000 €,

– le condamner à verser à Madame [P] la somme de 1 500 € au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

– débouter Monsieur [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout cas,

– condamner Monsieur [Y] à verser une somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [Y] aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

Mme [P] fait valoir qu’elle a sollicité M. [Y], en sa qualité de traducteur, pour l’épauler dans ses différentes démarches et qu’elle a été abusée ce qui l’a conduite à déposer plainte pour faux.

Sur la somme de 2 359,25 €, l’intimée indique que l’appelant fonde sa demande sur l’article 1249 du code civil dans son dispositif mais que ce fondement juridique n’est pas explicité dans les motifs de ses conclusions et que l’on ignore si M. [Y] se réfère à une prétendue subrogation conventionnelle ou légale. Elle expose que les conditions de la subrogation conventionnelle, en l’absence d’accord et de consentement du créancier pour la subrogation ex creditoris et en l’absence d’acte notarié pour la subrogation ex debitoris, ne sont pas réunies. Elle précise également que M. [Y] ne se situe dans aucun des cas de la subrogation légale. S’agissant du principe de l’estoppel, Mme [P] soutient qu’il s’agissait d’un fondement juridique développé à titre subsidiaire, de sorte qu’il n’y a pas de contradiction, et que l’appelant n’en tire aucune conséquence juridique.

Mme [P] conteste avoir signé la moindre reconnaissance de dette et fait valoir que la somme n’est pas indiquée en toutes lettres. Elle indique que la reconnaissance de dette dont se prévaut M. [Y] est rédigée par « [P] [B] » selon la mention manuscrite alors que la traduction affirme que la reconnaissance de dette a été rédigée et signée par « [Z] [B] », de sorte que la traduction doit être écartée. L’intimée précise que les règles relatives à la loyauté de la preuve n’ont pas été respectées par l’appelant qui a conservé de façon déloyale des pièces qu’il a obtenues et conservées alors qu’il l’aidait dans ses démarches. Elle expose que l’expertise graphologique n’est qu’une consultation à la demande de l’appelant qui se base sur des copies

de documents à comparer, de piètre qualité, et qu’en tout état de cause il s’agit d’une expertise privée. Mme [P] soutient également que M. [Y] ne prouve ni la remise des fonds ni son intention de prêter cette somme.

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 10 février 2023.

L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 3 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’appel principal :

L’intimée demande à la cour de déclarer l’appel de M. [Y] irrecevable mais ne développe, dans le corps de ses écritures, aucun moyen au soutien de cette prétention.

Par conséquent, l’appel sera déclaré recevable.

Sur la demande en paiement de la somme de 2 359,25 € correspondant au règlement effectué par M. [Y] au titre des honoraires d’avocat et des frais d’huissier :

Conformément aux articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d’alléguer et de prouver les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

L’article 1353 du code civil fait peser la charge de la preuve d’une obligation sur celui qui s’en prévaut. Réciproquement celui qui se prétend libéré de cette obligation doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de cette obligation.

En l’espèce, M. [Y] justifie, par la production des chèques et de ses relevés bancaires, du règlement de la somme totale de 2 359,25 € aux avocats de Mme [P], Maître Raymonde Bialek puis Maître Bernard Burner, ainsi qu’à son huissier de justice, Maître [U] [K].

L’appelant fonde sa demande de remboursement, dans le dispositif de ses conclusions, sur les articles 1249 et suivants du code civil, dans leur version antérieure au 1er octobre 2016, relatifs à la subrogation conventionnelle ou légale.

Cependant, comme l’a justement relevé le premier juge, la subrogation conventionnelle doit être expresse et faite en même temps que le paiement selon l’article 1250 du code civil et aucun élément du dossier ne permet d’établir l’existence d’une subrogation expresse.

S’agissant de la subrogation légale, M. [Y] ne se situe dans aucune des hypothèses visées par l’article 1251 du code civil.

Les conditions de la subrogation conventionnelle ou légale ne sont donc pas réunies.

Dans le corps de ses écritures, M. [Y] indique également qu’il a effectué un paiement pour le compte d’autrui qui implique l’obligation de rembourser la somme versée.

Il incombe à celui qui a sciemment acquitté la dette d’autrui, sans être subrogé dans les droits du créancier, de démontrer que la cause dont procédait ce paiement impliquait, pour le débiteur, l’obligation de lui rembourser la somme ainsi versée (Cass civ 1ère, 9 février 2012, 10-28.475, publié au bulletin).

En l’espèce, il est établi que M. [Y] a mis en demeure Mme [P], par courrier du 7 mars 2018, de lui rembourser la somme de 2 359,25 €.

L’intimée lui a répondu, par courrier de son conseil Mme [N] [R] du 6 avril 2018 (pièce 35 de l’appelant), dans les termes suivants : « ‘ en premier lieu, suite aux affirmations de madame, je tiens à vous préciser que votre client qui réclame pour les frais divers suite à une procédure au tribunal pour laquelle il l’avait aidé, la somme de 2359,25 euros, a déjà été payé en plusieurs fois par ma cliente en espèce, et également en chèque. Il n’y a donc pas lieu de lui réclamer cette somme… ».

Il résulte clairement de ce courrier que le paiement de 2 359,25 € effectué par M. [Y] impliquait pour Mme [P] l’obligation de lui rembourser cette somme, remboursement qu’elle déclare avoir effectué.

Or, l’intimée ne justifie nullement du remboursement allégué.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [Y] de sa demande en paiement et de condamner Mme [P] à lui payer la somme de 2 359,25 € avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2018, date de la saisine du tribunal.

Sur la demande en paiement de la somme de 3 000 € au titre de la reconnaissance de dette :

L’article 299 du code de procédure civile dispose que, si un écrit sous seing privé produit en cours d’instance est argué de faux, il est procédé à l’examen de l’écrit litigieux comme il est dit aux articles 287 à 295.

Aux termes de l’article 287, alinéa 1er, du code de procédure civile, si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l’écrit contesté n’est relatif qu’à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres.

L’article 288 du même code précise qu’il appartient au juge de procéder à la vérification d’écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s’il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d’écriture. Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l’une des parties, qu’ils aient été émis ou non à l’occasion de l’acte litigieux.

En l’espèce, M. [Y] offre preuve de sa créance par la production d’une reconnaissance de dette rédigée en langue vietnamienne, traduite par Mme [O], traductrice inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel de Grenoble, dans les termes suivants :

« Je, soussignée, [Z] [B], demeurant au [Adresse 1], déclare avoir emprunté à M. [Y] une somme de 3 000 euros sans intérêt. Fait à [Localité 5], le 16 décembre 2013. Signature [Z] [B] ».

Mme [P] conteste avoir rédigé et signé cette reconnaissance et justifie avoir déposé plainte pour usage de faux en écriture privée le 4 avril 2018 au commissariat de [Localité 5].

Cette plainte a fait l’objet d’un classement sans suite ainsi que cela résulte de l’avis de classement du 21 décembre 2020 produit par l’appelant.

En ce qui concerne la signature, la comparaison de la signature figurant sur la reconnaissance de dette avec celles apposées sur divers documents émanant de l’intimée (pièce 42 de l’appelant : déclaration manuscrite relative au mobilier emporté lors du départ du domicile conjugal ; pièces 44 : virements bancaires, feuilles de soins, récapitulatif des revenus et charges) est suffisamment concluante et permet de retenir que Mme [P] a signé la reconnaissance de dette.

Mme [P] n’établit nullement que les éléments de comparaison produits par l’appelant auraient été obtenus de façon déloyale.

Par ailleurs, la divergence entre « [Z] [B] », figurant sur la traduction, et « [P] [B] », figurant sur la reconnaissance de dette, n’est pas de nature à remettre en cause la sincérité de la traduction réalisée par Mme [O], traductrice.

S’agissant de la mention manuscrite, il résulte de la consultation établie par Mme [T] [G] (pièce 36), graphologue inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel de Colmar, que la reconnaissance de dette et la déclaration manuscrite précitée (pièce 42), dont l’intimée ne conteste pas être la rédactrice, sont de la même main.

Ces éléments concordants permettent d’établir que la reconnaissance de dette émane bien de Mme [P].

Cependant, il résulte de l’article 1326 du code civil, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, que l’acte sous seing privé qui constate une promesse unilatérale de payer une somme d’agent doit comporter la mention protectrice particulière de son montant en lettres et que lorsque tel n’est pas le cas, comme en l’espèce, cette reconnaissance de dette ne peut être qualifiée que de commencement de preuve par écrit nécessitant qu’il soit complété par des preuves extrinsèques administrables par tous moyens.

Or, M. [Y] ne produit aucun élément complémentaire établissant la réalité du prêt de 3 000 € qu’il aurait consenti à l’intimée, en vue de l’acquisition de terrains au Vietnam comme il le soutient.

Aucune preuve de la remise des fonds n’est rapportée.

En outre, les attestations (pièces 48, 50, 51, 52) dont il se prévaut permettent seulement d’établir qu’il a consenti à plusieurs reprises des prêts sans intérêt à des membres de la communauté vietnamienne de [Localité 5].

Cependant, ces prêts ne concernent pas Mme [P].

Aucun élément de preuve extrinsèque ne vient donc compléter le commencement de preuve par écrit constitué par la reconnaissance de dette.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [Y] de sa demande en paiement au titre de la reconnaissance de dette.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. [Y] pour résistance abusive :

M. [Y] ne démontre pas que les prétentions de l’intimée, bien que partiellement mal fondées, soient constitutives de mauvaise foi ou de résistance abusive, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [P] pour procédure abusive :

L’exercice d’une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que si le titulaire du droit a agi avec intention de nuire, légèreté blâmable ou a commis une erreur équivalente au dol.

En l’espèce, au regard de la solution apportée au litige, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [P].

Sur l’amende civile :

L’article 32-1 du code de procédure civile prévoit que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Comme rappelé ci-dessus, il n’est justifié d’aucune circonstance caractérisant une faute susceptible d’avoir fait dégénérer en abus le droit d’agir en justice de M. [Y].

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté l’intimée de ce chef de demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement déféré s’agissant des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées et Mme [P] sera condamnée aux dépens de première instance, sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à M. [Y] la somme de 800 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a dû exposer en première instance.

Partie perdante à hauteur d’appel, Mme [P] sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche, il sera fait droit à la demande de l’appelant au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a dû exposer en appel, à hauteur de la somme de 1 000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

DECLARE l’appel recevable,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a :

– débouté M. [V] [Y] de sa demande en paiement de la somme de 3 000 € au titre de la reconnaissance de dette et de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– débouté Mme [B] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande au titre de l’amende civile,

statuant à nouveau des chefs de demande infirmés,

CONDAMNE Mme [B] [P] à payer à M. [V] [Y] la somme de 2 359,25 € avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2018,

DEBOUTE Mme [B] [P] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [B] [P] à payer à M. [V] [Y] la somme de 800 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a dû exposer en première instance,

CONDAMNE  Mme [B] [P] aux dépens de première instance,

y ajoutant,

DEBOUTE Mme [B] [P] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [B] [P] à payer à M. [V] [Y] la somme de 1 000 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a dû exposer en appel,

CONDAMNE Mme [B] [P] aux dépens d’appel.

La Greffière La Présidente

 


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