19 janvier 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/03171
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 19 JANVIER 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03171 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDEHZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 décembre 2020 – Juge des contentieux de la protection de MEAUX – RG n° 20/01997
APPELANTE
La société CREATIS, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentnat légal domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 419 446 034 00128
[Adresse 7]
[Adresse 11]
[Localité 5]
représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HAUSSMANN-KAINIC-HASCOET-HELAI, avocat au barreau de l’ESSONNE
INTIMÉS
Monsieur [X] [F]
né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 12] (42)
[Adresse 6]
Etage 1
[Localité 8]
DÉFAILLANT
Madame [O] [B] divorcée [F]
née le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 10] (77)
[Adresse 2]
[Localité 9]
représentée et assistée de Me Marie-Pierre MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0295
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/023135 du 16/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– DÉFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon offre préalable de crédit acceptée le 5 septembre 2016, M. [X] [F] et Mme [O] [F] née [B] ont contracté auprès de la société Creatis, un prêt personnel en regroupement de crédits d’un montant de 32 300 euros, remboursable en 144 mensualités de 309,71 euros chacune hors assurance, moyennant un taux d’intérêts annuel de 5,67 %.
A la suite de plusieurs échéances revenues impayées, la société Creatis a mis en demeure les emprunteurs de régulariser leur situation.
Suivant plan conventionnel de redressement entré en application le 31 octobre 2019, Mme [B] a bénéficié d’un rééchelonnement du paiement de ses créances sur une durée de 84 mois, incluant la créance de la société Creatis pour 28 235,47 euros.
La société Creatis s’est prévalue de la déchéance du terme du contrat le 11 février 2020.
Saisi le 9 juillet 2020 par la société Creatis d’une demande tendant principalement à la condamnation solidaire des emprunteurs au paiement du solde restant dû au titre du contrat et au constat de l’acquisition de la clause résolutoire, et à défaut, à la résolution judiciaire du contrat, le tribunal judiciaire de Meaux, par un jugement contradictoire rendu le 9 décembre 2020 auquel il convient de se reporter, a :
– déclaré la société Creatis recevable en son action,
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Creatis,
– condamné solidairement M. et Mme [F] à payer à la société Creatis la somme de 21 450,94 euros sans intérêt même au taux légal,
– écarté l’application des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier,
– autorisé M. [F] à s’acquitter de la dette en 23 versements de 150 euros chacun et un dernier règlement devant solder la dette,
– rejeté toute autre demande,
– condamné M. et Mme [F] in solidum aux dépens.
Après avoir vérifié la recevabilité de l’action au regard du délai biennal de forclusion et pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur, le premier juge a relevé que la banque ne justifiait pas de la remise d’un exemplaire du contrat doté d’un bordereau de rétractation conforme tel que prévu à l’article L. 312-21 du code de la consommation.
Il a constaté que le contrat prévoyait une solidarité entre emprunteurs justifiant leur condamnation solidaire au paiement. S’agissant du montant de la créance, il a déduit du capital emprunté le montant des versements opérés pour 10 849,06 euros. Il a débouté la société Creatis de sa demande de capitalisation des intérêts.
Afin de rendre effective et dissuasive la sanction de déchéance du droit aux intérêts, il a écarté l’application du taux d’intérêt et de la majoration de cinq points du taux d’intérêts légal prévue à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.
Par une déclaration remise par voie électronique le 15 février 2021, la société Creatis a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 20 septembre 2022, l’appelante demande à la cour :
– de déclarer Mme [B] mal fondée en ses demandes, fins et conclusions, et de l’en débouter,
– de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d’appel, en conséquence, d’infirmer le jugement entrepris en ses dispositions critiquées dans la déclaration d’appel,
– statuant à nouveau, de dire n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts,
– de condamner solidairement M. [F] et Mme [B] à lui payer la somme de 28 912,68 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,67 % l’an à compter des mises en demeure du 7 février 2020, et subsidiairement, si la cour confirmait la déchéance du droit aux intérêts contractuels, de les condamner solidairement au paiement de la somme de 21 450,94 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 février 2020, sans suppression de la majoration de 5 points,
– en tout état de cause, d’ordonner la capitalisation annuelle des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil,
– de les condamner solidairement à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
L’appelante fait valoir que les emprunteurs, en signant l’offre de prêt, ont reconnu par une clause du contrat être entrés en possession d’un exemplaire de cette offre doté d’un formulaire détachable de rétractation et qu’il appartient aux emprunteurs de communiquer l’exemplaire qu’ils ont reçu, sur lequel figure nécessairement le bordereau détachable de rétractation.
Elle indique communiquer la liasse contractuelle complète telle que remise aux emprunteurs avant qu’ils la retournent signée au prêteur, ce qui constitue selon elle le complément de preuve exigé par la jurisprudence. Elle fait remarquer que l’exemplaire prêteur est constitué par les pages 25 à 28 et est identique à l’exemplaire retourné signé alors que les exemplaires emprunteur et co-emprunteur se trouvent aux pages 29 à 32 puis 33 à 36 chacun pourvu d’un bordereau détachable de rétractation conforme aux dispositions du code de la consommation. Elle conteste donc toute déchéance de son droit à percevoir les intérêts contractuels.
Elle conteste avoir été informée du divorce des époux [F] et précise avoir bien envoyé à M. [F] une mise en demeure préalable le 7 août 2019, l’informant qu’il était mis en demeure de régler les sommes dues dans un délai de 30 jours sous peine de voir prononcer la déchéance du terme du contrat. Elle ajoute que M. [F] a signé l’accusé de réception de sorte qu’il était parfaitement informé de la situation, tout en faisant observer que rien n’a été soulevé devant le premier juge qui n’a d’ailleurs pas relevé de manquement relatif au prononcé de la déchéance du terme.
Elle indique être parfaitement informée de la procédure de surendettement qui concerne Mme [B] seule mais qu’elle est bien fondée à solliciter la condamnation solidaire des emprunteurs en raison des impayés débutés en février 2019, au risque de voir son action forclose. Elle fait état d’une déchéance du terme du contrat régulière par courrier du 7 février 2020. Elle rappelle qu’elle sollicite un titre pour fixer sa créance mais qu’elle n’entend pas tenter de faire exécuter la décision à l’encontre de Mme [B].
Elle estime que c’est à bon droit qu’elle sollicite la somme de 2 203,80 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de résiliation ainsi que la capitalisation des intérêts.
Aux termes de conclusions remises le 15 septembre 2021, Mme [B] demande à la cour :
– de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance des intérêts, écarté l’application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier, dit que la somme ne produira pas d’intérêt, même au taux légal, octroyé des délais de paiement à M. [F],
– y ajoutant, vu l’absence de déchéance du terme, de dire n’y avoir lieu à application de l’indemnité de résiliation et déduire du décompte de la banque la somme de 2 203 euros et très subsidiairement la ramener à la somme de 1 euro,
– de dire qu’elle n’est tenue que des échéances échues et non payées,
– de dire n’y avoir lieu à application de l’anatocisme,
– vu le plan conventionnel adopté par la commission de surendettement, de dire que la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixées dans la procédure de surendettement à savoir, en ce qui la concerne, le versement de 84 mensualités à compter du mois de novembre 2019 durant 84 mois,
– de déduire du décompte les sommes effectivement versées par elle depuis le mois de novembre 2019, soit 4 155,18 euros mois de septembre 2021 inclus,
– de dire que la créance de la société Creatis s’élève tout au plus à la somme de 21 188,53 euros au mois de septembre 2021,
– de condamner la société Creatis à lui payer la somme de 8 000 euros pour non-respect de son devoir de mise en garde outre la somme de 4 000 euros pour son manquement au devoir d’information en ce qui concerne l’assurance adaptée à la situation des emprunteurs,
– d’ordonner la compensation entre les sommes restant dues par elle et les sommes dues par la société Creatis,
– de condamner la société Creatis à lui payer la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Mme [B] précise être divorcée de M. [F] depuis août 2018 et que dans le cadre de la procédure, il a été décidé que les parties paieraient le prêt chacun par moitié. Elle soutient que la déchéance du terme du contrat n’a pas été régulièrement prononcée en ce que le courrier adressé à M. [F] en août 2019 n’a pas été porté à sa connaissance, qu’aucune mise en demeure de payer ne lui a été adressée et qu’en conséquence la déchéance du terme dont se prévaut la banque ne lui est pas opposable.
Elle soutient que la banque n’a pas respecté son devoir de mise en garde car le taux d’endettement des emprunteurs était largement supérieur à 33 %, atteignant plus de 40 %, de sorte que le montant maximal des mensualités aurait dû être inférieur à 178 euros. Elle sollicite une somme de 8 000 euros à ce titre en réparation de son préjudice. Elle soutient également que la banque ne les a pas suffisamment informés concernant l’assurance souscrite en ce que M. [F], au regard des conditions particulières du contrat, pouvait penser qu’il serait garanti pour la perte d’emploi pour toute la durée du contrat, et que s’ils avaient été mieux informés sur les risques couverts, ils n’auraient ni contracté, ni souscrit à l’assurance inadaptée. Mme [B] sollicite une indemnisation à ce titre de 4 000 euros.
Elle fait valoir que la société Creatis ne peut écarter la décision de la commission de surendettement dont elle n’a pas discuté les termes, que dans son décompte arrêté au 16 mars 2020, elle fait état d’un solde restant dû de 27 547,51 euros au 7 février 2020 et comptabilise 162,55 euros d’intérêts du 7 février 2020 au 16 mars 2020, pour réclamer la somme totale 29 431,28 euros alors que le plan a été adopté et est en cours d’exécution depuis le mois de novembre 2019. Elle indique qu’il conviendra d’enjoindre à la banque de présenter un nouveau décompte expurgé des intérêts conventionnels à compter de la date de la recevabilité du dossier et tenant compte des paiements effectués depuis le mois de novembre 2019.
Elle rappelle qu’il n’y a pas lieu à anatocisme et soutient que l’indemnité de résiliation réclamée est manifestement excessive.
Régulièrement assigné par acte délivré le 22 avril 2021 à domicile conformément aux dispositions de l’article 658 du code de procédure civile, M. [F] n’a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience le 22 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Au regard de sa date de conclusion, c’est à juste titre que le premier juge a appliqué les dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et postérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.
Il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l’entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
La recevabilité de l’action en paiement au regard des dispositions de l’article R. 312-35 du code de la consommation, examinée par le premier juge, ne fait pas l’objet de discussion à hauteur d’appel de sorte que le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur la déchéance du terme du contrat
Mme [B] fait état de son divorce d’avec M. [F] pour soutenir que les courriers adressés à M. [F] ne lui sont pas opposables et que la société Creatis ne peut solliciter à son encontre que sa condamnation au paiement des échéances échues non régularisées, arrêtées au 20 juillet 2020, à la date de l’assignation, faute de déchéance du terme valablement prononcée et faute de résiliation du plan.
Aux termes de l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Par ailleurs, selon l’article 1134 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1184 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l’existence d’une clause résolutoire soit en cas d’inexécution suffisamment grave. L’article 1184 précise qu’en présence d’une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.
En matière de crédit à la consommation en particulier, il résulte des dispositions de l’article L. 312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.
En l’espèce, le contrat de crédit souscrit par les parties prévoit expressément que les emprunteurs sont engagés solidairement et de manière indivisible, que tout courrier comme tout acte pourra être valablement délivré à un seul des signataires, et qu’en cas de défaillance dans les remboursements, la société Creatis pourra résilier le contrat après mise en demeure restée infructueuse et exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés.
Il résulte de l’historique de compte communiqué aux débats que le premier incident de paiement non régularisé remonte au 28 février 2019. Mme [B] justifie avoir déposé un dossier de surendettement le 5 février 2019 déclaré recevable le 21 mars 2019 et incluant la créance de la société Creatis. Les mesures ont ensuite été approuvées par la commission de surendettement le 27 juin 2019 pour une mise en application le 31 octobre 2019 et prévoyant pour ce qui concerne la créance de la société Creatis, son règlement par 84 mensualités de 160,86 euros chacune (palier 1), avec un effacement de 14 723,23 euros à l’issue de cette période.
Il est admis qu’un créancier peut toujours, pendant le cours d’une procédure de surendettement, saisir le juge du fond afin d’obtenir un titre exécutoire dont l’exécution sera différée pendant la durée du plan. La société Creatis justifie avoir adressé à M. [F] une mise en demeure préalable par pli recommandé réceptionné par lui le 10 août 2019, l’informant qu’il était mis en demeure de régler les sommes dues dans un délai de 30 jours et qu’à défaut la déchéance du terme du contrat serait prononcée. Elle justifie également avoir adressé à la fois à M. [F] et à Mme [B] le 7 février 2020, un courrier recommandé réceptionné le 11 février 2020 prenant acte, à défaut de régularisation, de la déchéance du terme du contrat avant introduction d’une action en justice le 9 juillet 2020.
En raison de la solidarité des emprunteurs prévue au contrat, le courrier adressé à l’adresse déclarée par M. [F] valant mise en demeure préalable de régulariser les échéances impayées est opposable à Mme [B], cette dernière ne démontrant au demeurant pas avoir informé le prêteur d’un changement dans sa situation matrimoniale ou d’un changement d’adresse à cette date, et alors qu’elle a bien réceptionné le courrier du 7 février 2020 actant la déchéance du terme du contrat. La banque mentionne expressément dans ce courrier qu’elle a connaissance d’une procédure de surendettement en cours ce qui ne l’empêche pas d’obtenir un titre pour garantir sa créance.
La société Creatis a donc régulièrement prononcé la déchéance du terme du crédit litigieux le 7 février 2020, ce qui a eu pour effet de rendre l’ensemble du crédit exigible.
Sur la déchéance du droit aux intérêts
Le premier juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts motif pris de ce que la banque ne justifiait pas de la remise d’un exemplaire du contrat doté d’un bordereau de rétractation conforme tel que prévu à l’article L. 312-21 du code de la consommation.
Il résulte des articles L. 312-28 et L. 341-4 du code de la consommation en leur version applicable au litige, que pour permettre à l’emprunteur d’exercer son droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit et que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat comprenant un tel formulaire est déchu du droit aux intérêts.
Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et la signature par l’emprunteur de l’offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires
En l’espèce, il ressort d’une mention pré-imprimée de l’offre préalable acceptée le 5 septembre 2016, que les emprunteurs ont reconnu rester en possession d’un exemplaire du contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation.
A hauteur d’appel, la société Creatis produit en sa pièce n° 25, la liasse contractuelle nominative complète adressée aux emprunteurs le 31 août 2016 afin qu’ils la retournent signée au prêteur. Ce document est constitué de 54 pages et les deux exemplaires à signer par les emprunteurs se trouvent aux pages 29 à 32 et 33 à 36 et sont pourvus tous les deux d’un bordereau détachable de rétractation. Ce bordereau est indiqué comme étant à découper et à renvoyer à la société Creatis, [Localité 4].
Par cet élément, la société Creatis rapporte la preuve de la remise d’un bordereau de rétractation en tous points conforme à la réglementation.
C’est donc à tort que le premier juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts sur ce fondement. Le jugement doit être infirmé sur ce point.
Sur le montant de la créance
À l’appui de sa créance, la société Creatis verse aux débats le contrat de crédit, la fiche dialogue (revenus et charges), ainsi que les pièces justificatives d’identité et de solvabilité des emprunteurs, la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, le document d’information propre au regroupement de crédits, les résultats de consultation du FICP, la notice d’information sur l’assurance, le tableau d’amortissement, un historique de compte et un décompte de créance.
Par application de l’article L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.
La société Creatis sollicite dans ses écritures une somme de 28 912,68 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,67 % l’an à compter des mises en demeure du 7 février 2020. Cette somme correspond au décompte produit daté du 15 décembre 2021 mentionnant le capital restant dû au 7 février 2020 de 27 429,77 euros, les échéances impayées de 117,74 euros, les versements effectués à la date de déchéance du terme de 321,72 euros et l’indemnité de résiliation de 2 203,80 euros.
L’historique de compte et le tableau d’amortissement permettent de fixer la créance de la société Creatis de la manière suivante :
– échéances impayées : 117,74 euros
– capital restant dû au 7/2/2020 : 25 401,14 euros
– versements effectués à la date de déchéance du terme du contrat : 482,58 euros
soit une somme de 25 036,30 euros.
Si Mme [B] sollicite de voir déduites les sommes réglées dans le cadre du plan de surendettement à hauteur de 4 155,18 euros, mois de septembre 2021 inclus, les relevés de compte bancaire produits ne permettent pas d’attester de versements en faveur de la société Creatis relativement au contrat de crédit litigieux puisque la seule mention figurant sur ces relevés concerne « un virement en faveur d’un tiers, virement permanent » sans aucune autre pièce justificative.
Il convient donc de condamner solidairement M. [F] et Mme [B] à payer à la société Creatis la somme de 25 036,30 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 5,67 % l’an à compter du 7 février 2020.
L’appelante sollicite en outre la somme de 2 203,80 euros au titre de l’indemnité de résiliation.
Selon l’article D. 312-16 du code de la consommation, lorsque que le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 311-24, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.
Il s’infère de cette disposition que la notion de capital restant dû fait référence au capital rendu exigible par l’effet de la déchéance du terme. La somme réclamée excède 8 % de 25 401,14 euros et vient s’ajouter aux sommes de même nature d’ores et déjà réglées par les emprunteurs s’agissant d’un regroupement de crédits antérieurs. La somme réclamée apparaît donc comme excessive et doit être réduite à 1 euro.
Il convient donc de condamner solidairement M. [F] et Mme [B] à payer à la société Creatis la somme de 1 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2020.
La capitalisation des intérêts, dit encore anatocisme, est prohibée concernant les crédits à la consommation, matière dans laquelle les sommes qui peuvent être réclamées sont strictement et limitativement énumérées. En effet, l’article L. 312-38 du code de la consommation prévoit qu’aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 312-39 et L. 312-40 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles. C’est donc à bon droit que le premier juge a rejeté cette demande.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté la société Creatis de sa demande de capitalisation des intérêts.
Il n’y a pas lieu à statuer spécifiquement sur l’application des dispositions des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts contractuels n’ayant pas été prononcée.
Sur la demande reconventionnelle de dommages intérêts
Mme [B] soutient que la banque n’a pas respecté son devoir de mise en garde et réclame une somme de 8 000 euros à titre de dommages intérêts. La société Creatis conteste l’existence d’un risque d’endettement excessif au vu des pièces justificatives remises par les emprunteurs lors de l’octroi du crédit.
Il est admis que le banquier est tenu à l’égard de ses clients profanes d’un devoir de mise en garde, en cas de risque d’endettement excessif de l’emprunteur. Ce devoir oblige le banquier, avant d’apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client et à l’alerter des risques encourus.
Le devoir de mise en garde n’existe donc qu’à l’égard de l’emprunteur profane et n’existe qu’en cas de risque d’endettement excessif.
Il appartient aux emprunteurs de rapporter la preuve qu’ils doivent être considérés comme profanes et qu’à l’époque de la souscription du crédit litigieux, leur situation financière imposait l’accomplissement par la banque de son devoir de mise en garde.
Il n’est pas contesté que M. [F] et Mme [B] ont rempli, paraphé et signé une fiche de dialogue dans laquelle ils ont eux-mêmes indiqué avoir comme ressources la somme de 2 147,45 euros au titre du salaire de monsieur en contrat à durée indéterminé depuis le 26 octobre 2015, et n’avoir aucun autre crédit en cours mis à part ceux dont le regroupement était envisagé, la somme de 2 431,49 euros étant retenue au titre des revenus. Cette fiche de dialogue est complétée par les bulletins de paie de M. [F] allant d’avril à juin 2016 pour un salaire global net de 2 149,36 euros, une attestation de Pôle emploi du 30 juillet 2016 pour madame mentionnant la perception d’une allocation mensuelle de retour à l’emploi de 758,10 euros outre l’avis d’imposition 2015 sur les revenus 2014 des époux [F]. Les emprunteurs ont indiqué au titre des charges un loyer mensuel de 625 euros et une mensualité de 75,17 euros au titre des impôts.
Ces éléments ne relèvent aucun risque excessif à leur octroyer un crédit avec une mensualité d’un montant de 323,09 euros, le quotient prudentiel de 33 % d’endettement étant loin d’être dépassé comme le soutient Mme [B], étant observé que le prêteur a même fait preuve de prudence en minorant le montant mensuel des ressources du couple à retenir au regard des allocations chômage dont était bénéficiaire Mme [B] à cette époque.
La banque n’était donc pas tenue d’un devoir de mise en garde à l’encontre des emprunteurs, de sorte que le moyen n’est pas fondé et Mme [B] doit être déboutée de sa demande.
Mme [B] reproche également à la société Creatis sur le fondement de l’article 1147 du code civil, de ne pas avoir suffisamment informé les emprunteurs quant à l’adéquation des risques couverts à leur situation personnelle et au prêt souscrit, la notice d’information ne pouvant suffire à démontrer qu’une information adéquate a été apportée. Elle déplore l’absence de souscription d’une assurance perte d’emploi alors que M. [F] a perdu son emploi. Elle sollicite une somme de 4 000 euros à ce titre.
Cependant, Mme [B] a reconnu avoir reçu, pris connaissance et conservé préalablement à la conclusion du contrat d’assurance l’information précontractuelle prévue à l’article L. 112-2-1.III du code des assurances ainsi qu’un exemplaire de la notice d’information n° 41.33.84-06/2014. Elle a également validé une clause par laquelle elle reconnaît qu’en fonction de sa situation et selon les explications figurant dans la notice, elle bénéficie des garanties décès/perte totale et irréversible d’autonomie/incapacité temporaire totale de travail/invalidité permanente totale. Il est indiqué expressément la possibilité de choisir une option supplémentaire à savoir l’option perte d’emploi, et que dans ce cas, il suffit de cocher la case correspondante.
Les conditions générales du contrat expliquent par ailleurs les différentes garanties proposées au titre de l’assurance facultative.
Dans ces conditions, les emprunteurs ont été parfaitement informés sur le choix de l’assurance adaptée et quant au caractère optionnel de l’assurance perte d’emploi.
Mme [B] ne démontre ainsi aucun manquement de la société Creatis et doit être déboutée de sa demande d’indemnisation à ce titre et de compensation avec les sommes dues au titre du contrat.
Les délais de paiement octroyés par le premier juge sont devenus sans objet puisque le quantum de la condamnation est largement supérieur et que la cour ne dispose d’aucun élément quant à la situation personnelle de M. [F].
M. [F] et Mme [B] qui succombent supporteront les dépens d’appel. L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut, en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a reçu la société Creatis en son action, en ce qu’il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts, rejeté la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamné M. [F] et Mme [B] aux dépens ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate que la déchéance du terme du contrat a été prononcée régulièrement ;
Dit n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts de la société Creatis ;
Condamne M. [X] [F] et Mme [O] [B] solidairement à payer à la société Creatis la somme de 25 036,30 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 5,67 % l’an à compter du 7 février 2020 outre la somme de 1 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2020 ;
Déboute Mme [O] [B] de ses demandes ;
Dit n’y avoir lieu à délais de paiement ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [X] [F] et Mme [O] [B] in solidum aux dépens d’appel.
La greffière La présidente