Prêt entre particuliers : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02292

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Prêt entre particuliers : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02292

19 janvier 2023
Cour d’appel de Paris
RG
21/02292

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 19 JANVIER 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02292 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDBY6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 septembre 2020 – Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 11-20-001763

APPELANTE

La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

substitué à l’audience par Me Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉ

Monsieur [F] [B]

né le [Date naissance 1] 1984 en GUINÉE

[Adresse 3]

[Localité 4]

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 4 juillet 2017, la société Sogefinancement a consenti à M. [F] [B] un prêt personnel d’un montant de 8 951 euros remboursable en 60 mensualités de 173,92 euros chacune, au taux nominal conventionnel de 6,21 % l’an.

Des échéances étant demeurées impayées, la société Sogefinancement s’est prévalue de la déchéance du terme du contrat.

Par acte du 10 janvier 2020, la société Sogefinancement a fait assigner M. [B] devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins à titre principal, de voir constater la déchéance du terme du contrat et à défaut de voir prononcer la résiliation du contrat de crédit et de voir condamner l’emprunteur au paiement des sommes restant dues au titre du contrat avec capitalisation des intérêts.

Par jugement contradictoire du 15 septembre 2020 auquel il convient de se référer, le tribunal judiciaire de Paris a :

– déclaré la société Sogefinancement recevable en son action,

– prononcé la résiliation du contrat,

– condamné M. [B] à payer à la société Sogefinancement la somme de 1 525,86 euros outre la somme de 1 euro à titre de clause pénale majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2019,

– ordonné la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil,

– accordé des délais de paiement en 10 mensualité de 150 euros chacune et une dernière devant solder la dette,

– condamné M. [B] à payer à la société Sogefinancement la somme 150 euros au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens,

– rejeté le surplus des demandes.

Après avoir examiné la recevabilité de l’action du prêteur, le tribunal a principalement retenu que la déchéance du terme du contrat n’avait pas été mise en ‘uvre de manière régulière, en raison d’un courrier de mise en demeure préalable non distribué à son destinataire. Il a prononcé la résiliation du contrat en raison des impayés. Le tribunal a considéré qu’il n’était pas en mesure de déterminer la montant du capital restant dû et a réduit le montant de la clause pénale réclamée en raison de son caractère excessif.

La société Sogefinancement a relevé appel de ce jugement par déclaration enregistrée électroniquement le 3 février 2021.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 26 mai 2021, la société Sogefinancement demande à la cour :

– d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

– de constater que la déchéance du terme du contrat a été régulièrement prononcée et subsidiairement, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit au vu des manquements de l’emprunteur dans son obligation de rembourser les échéances du crédit et de fixer la date des effets de la résiliation au 16 janvier 2019,

– de constater qu’elle rapporte la preuve de sa créance,

– de condamner M. [B] à lui payer la somme de 8 020,28 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,21 % l’an à compter du 26 juin 2020, en deniers ou quittance valables pour les règlements postérieurs au 25 juin 2020,

– de constater que M. [B] a d’ores et déjà bénéficié du délai légal de 24 mois et qu’il n’y a pas lieu d’en accorder davantage,

– de le condamner à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’appelante soutient à titre principal qu’à aucun moment la Cour de cassation n’a conditionné le prononcé régulier de la déchéance du terme du contrat à la réception effective par le débiteur d’une mise en demeure préalable, l’établissement de crédit n’étant tenu que de respecter le formalisme lié à l’envoi d’un courrier préalable. Elle précise avoir bien adressé une lettre de mise en demeure préalable le 24 décembre 2018 portant sur les échéances échues impayées s’élevant à la somme de 425,01 euros et impartissant à l’emprunteur un délai de 15 jours pour effectuer le règlement à défaut de quoi la banque pourrait exiger le règlement immédiat du montant total restant dû au titre du prêt, et donc prononcer la déchéance du terme. Elle ajoute produire le justificatif d’envoi et de suivi attestant de ce que le pli est revenu non réclamé.

A titre subsidiaire, elle sollicite la résiliation du contrat au regard des impayés.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La déclaration d’appel de la société Sogefinancement a été régulièrement signifiée à M. [B] par acte délivré à personne le 22 mars 2021. M. [B] n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 22 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Au regard de la date de conclusion du contrat, c’est à juste titre que le premier juge a fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.

Sur la forclusion

L’article R. 312-35 du code de la consommation en sa version applicable au contrat dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

La recevabilité de l’action de la société Sogefinancement au regard de la forclusion a été vérifiée par le premier juge. Le premier incident de paiement non régularisé remonte au 10 février 2018 de sorte que l’action introduite le 10 janvier 2020 est recevable.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a déclaré cette société recevable en son action en paiement.

Sur la déchéance du terme du contrat

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, selon l’article 1104 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1217 du même code, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut provoquer la résolution du contrat ou demander réparation des conséquences de l’inexécution. Les articles 1224 et 1225 du même code précisent que la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice et que la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

En matière de crédit à la consommation en particulier, il résulte des dispositions de l’article L. 312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l’espèce, le contrat de prêt contient une clause d’exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement ne prévoyant pas l’envoi d’une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme du contrat.

La société Sogefinancement justifie toutefois avoir adressé à M. [B], le 24 décembre 2018, un courrier recommandé avec avis de réception portant mise en demeure d’avoir à régulariser sous 15 jours les échéances impayées de 425,01 euros sous peine de voir le dossier transmis au service contentieux et de rendre exigible l’intégralité des sommes restant dues. Le service postal justifie que ce courrier a bien été présenté à l’adresse de M. [B] le 27 décembre 2018 sans succès, avant d’être remis le lendemain au guichet de la poste en attente de retrait.

La société Sogefinancement produit également la mise en demeure par pli recommandé en date du 21 janvier 2019 portant sur la totalité de la somme due après prononcé de la déchéance du terme du contrat, courrier que M. [B] n’a pas réceptionné.

L’appelante démontre ainsi avoir respecté le formalisme lié à l’envoi d’une mise en demeure préalable à la déchéance du terme du contrat sans qu’il ne puisse lui être fait grief de l’absence de réception du courrier par son destinataire. Elle justifie donc d’une déchéance du terme du contrat régulière et le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation du contrat de crédit doit être infirmé.

Sur le bien-fondé de la demande en paiement

L’appelante produit à l’appui de sa demande :

– l’offre de crédit validée,

– la fiche de dialogue (ressources et charges) et les justificatifs d’identité et de solvabilité,

– la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées,

– le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement,

-la notice d’information relative à l’assurance,

– le tableau d’amortissement,

– l’historique de prêt,

– un décompte de créance.

En application de l’article L. 312-39 du code de la consommation dans sa version applicable au litige eu égard à la date de conclusion du contrat, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

Au vu des pièces justificatives produites, la créance de la société Sogefinancement peut être fixée ainsi :

– échéances impayées : 617,09 euros

– capital restant dû à la déchéance du terme du contrat selon tableau d’amortissement : 6 689,60 euros, soit une somme totale de 7 306,69 euros.

Il convient de déduire de cette somme les encaissements effectifs au 25 juin 2020 à hauteur de 1 600 euros soit un solde à devoir de 5 706,69 euros.

Les sommes réclamées au titre des intérêts de retard portent sur une somme globale erronée de sorte que la demande formée à ce titre doit être rejetée.

Il convient donc de condamner M. [B] à payer à la société Sogefinancement la somme de 5 706,69 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,21 % l’an sur la somme à compter du 21 janvier 2019.

L’appelante sollicite en outre la somme de 695,04 euros au titre de l’indemnité de résiliation.

Selon l’article D. 312-16 du code de la consommation, lorsque que le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 312-39, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Il s’infère de cette disposition que la notion de capital restant dû fait référence au capital rendu exigible par l’effet de la déchéance du terme. La somme réclamée excède 8 % de 6 689,60 euros et peut être fixée à 535,16 euros.

Il convient donc de condamner M. [B] au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2019.

La capitalisation des intérêts, dit encore anatocisme, est prohibée concernant les crédits à la consommation, matière dans laquelle les sommes qui peuvent être réclamées sont strictement et limitativement énumérées. En effet, l’article L. 312-38 du code de la consommation rappelle qu’aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 312-39 et L. 312-40, ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.

C’est donc à tort que le premier juge a fait droit à cette demande. Le jugement doit être infirmé.

En l’absence de tout élément justificatif, il n’y a pas lieu à délais de paiement étant observé que les délais de paiement accordés en première instance sont devenus sans objet dès lors qu’ils portaient sur une somme moindre qui ne comprenait que les échéances impayées.

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées. M. [B] qui succombe supportera les dépens d’appel. L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire, par décision mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement dont appel sauf en ce qu’il a déclaré l’action recevable, condamné M. [B] aux dépens et condamné M. [B] à payer à la société Sogefinancement la somme de 150 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate que la déchéance du terme du contrat de crédit a été régulièrement prononcée par la société Sogefinancement ;

Condamne M. [F] [B] à payer à la société Sogefinancement la somme de 5 706,69 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,21 % l’an à compter du 21 janvier 2019 outre la somme de 535,16 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2019 ;

Dit n’y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;

Dit n’y avoir lieu à délais de paiement ;

Rejette le surplus des demandes ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [F] [B] aux dépens d’appel avec distraction au profit de la Selas Cloix &Mendes-Gil en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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