19 janvier 2023
Cour d’appel de Nancy
RG n°
22/00066
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /23 DU 19 JANVIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/00066 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E4ZG
Décision déférée à la Cour :
Jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’EPINAL, R.G. n° 11-21-0172, en date du 16 décembre 2021,
APPELANTE :
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE REMIREMONT
Société Coopérative de Crédit à Capital Variable immatriculée au RCS D’EPINAL sous le n° 306 750 241 dont le siège social est [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Francis KIHL de la SELARL LORRAINE DEFENSE & CONSEIL, avocat au barreau d’EPINAL
INTIMÉE :
Madame [M] [N]
née le [Date naissance 1] 1994 à [Localité 4] (République du CONGO), domiciliée chez M. et Mme [X] – [Adresse 2]
Représentée par Me Sabine TOUSSAINT de la SELARL VIBIA, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Francis MARTIN Président de chambre,
Madame Nathalie ABEL, Conseillère,
Madame Fabienne GIRARDOT, Conseillère, chargée du rapport,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;
A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 19 Janvier 2023, par Mme Christelle Clabaux- Duwiquet , greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par M. Francis MARTIN, président de chambre et par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 8 octobre 2015, la Caisse de Crédit Mutuel de Remiremont (ci-après la CCM de Remiremont) a consenti à Mme [M] [N] un prêt d’un montant de 18 400 euros remboursable sur une durée de 105 mois à compter du 10 novembre 2015 (comportant 33 mois de franchise jusqu’au 10 août 2018 inclus) au taux fixe de 1,88% l’an.
Par courriers recommandés avec demande d’avis de réception des 26 avril 2019 et 14 mai 2019, la CCM de Remiremont a mis Mme [M] [N] en demeure de s’acquitter des échéances respectivement impayées à hauteur de 1 499,82 euros et 1 778,24 euros sous huitaine, sous peine de déchéance du terme.
Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception en date du 17 juin 2019, la CCM de Remiremont a notifié à Mme [M] [N] la déchéance du terme du contrat de prêt et a mis Mme [M] [N] en demeure de payer la somme exigible de 19 385,72 euros.
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Par acte d’huissier en date du 3 mars 2021, la CCM de Remiremont a fait assigner Mme [M] [N] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Epinal afin de la voir condamnée à lui payer la somme de 19 944,34 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel à compter du 18 février 2021 sur la somme de 16 014,51 euros.
A l’audience du 16 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection a notamment soulevé d’office l’absence de vérification de la solvabilité de l’emprunteur préalablement à la conclusion du contrat de crédit et l’absence de consultation du FICP.
Mme [M] [N] n’a pas comparu et n’a pas été représentée en première instance.
Par jugement en date du 16 décembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Epinal a :
– déclaré irrecevable l’action de la CCM de Remiremont,
– condamné la CCM de Remiremont aux dépens.
Le premier juge a constaté qu’aucune échéance de prêt n’avait été payée par Mme [M] [N] depuis le mois d’octobre 2016, de sorte que l’assignation avait été délivrée plus de deux ans après le premier incident de paiement.
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Le 11 janvier 2022, la CCM de Remiremont a formé appel du jugement tendant à son infirmation en tous ses chefs critiqués.
Dans ses dernières conclusions transmises le 1er juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la CCM de Remiremont, appelante, demande à la cour :
– d’annuler la décision entreprise rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Epinal du 16 décembre 2021,
Subsidiairement,
– de réformer ladite décision,
– de condamner Mme [M] [N] à lui payer la somme de 19 944,34 euros, avec intérêts au taux conventionnel à compter du 18 février 2021, sur le capital restant dû de 16 014,51 euros,
Plus subsidiairement,
– de constater la prescription des échéances impayées courues entre le 10 décembre 2018 et le 3 mars 2019, soit les échéances du 10 décembre 2018, 10 janvier 2019 et 10 février 2019, et de déduire de la créance de la banque une somme totale de 829,95 euros,
– de condamner Mme [M] [N] à lui payer une somme de 750 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner Mme [M] [N] aux entiers dépens de l’instance.
Au soutien de ses demandes, la CCM de Remiremont fait valoir en substance :
– que le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Epinal, sans l’avoir invitée à faire valoir ses observations, a soulevé d’office la forclusion de l’article R. 312-35 du code de la consommation et l’a déclarée irrecevable en sa demande ; que la décision entreprise qui a relevé d’office des moyens de fait et de discussion sans recueillir les observations de la banque a gravement méconnu le principe du contradictoire ;
– que toutes les échéances impayées de 2016 ont été régularisées à compter du 13 octobre 2016, et que l’échéance impayée la plus lointaine est celle du 10 décembre 2018 ; que si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéance successives, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme prononcée le 17 juin 2019, qui emporte son exigibilité, de sorte qu’aucune forclusion du capital restant dû n’est encourue au jour de l’assignation délivrée le 3 mars 2021 et que les échéances en retard pour un montant de 829,95 euros sont susceptibles d’être prescrites.
Dans ses dernières conclusions transmises le 1er juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [M] [N], intimée, demande à la cour sur le fondement des articles R. 312-35 du code de la consommation et 696 du code de procédure civile :
– de confirmer la décision rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Epinal le 16 décembre 2021,
– de déclarer irrecevable l’action de la CCM de Remiremont,
– de condamner la CCM de Remiremont aux dépens.
Au soutien de ses demandes, Mme [M] [N] fait valoir en substance :
– qu’un délai de deux ans s’est écoulé depuis l’échéance impayée la plus lointaine du 10 décembre 2018 ;
– que le délai biennal de forclusion n’est susceptible ni d’interruption, ni de suspension.
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La clôture de l’instruction a été prononcée le 12 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’annulation du jugement
La CCM de Remiremont soutient que le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Epinal ne l’a pas invitée à faire valoir ses observations sur la forclusion de l’article R. 312-35 du code de la consommation.
Or, il ressort du procès-verbal d’audience du 16 septembre 2021, que le juge a déclaré qu’il soulevait d’office le moyen tiré de la forclusion de l’action de la CCM de Remiremont.
Pour autant, il n’est pas consigné que la CCM de Remiremont ait sollicité un renvoi afin de pouvoir formuler des observations sur ce point.
Aussi, la CCM de Remiremont ne peut utilement soutenir qu’elle n’a pas été invitée à faire valoir ses observations sur le moyen soulevé d’office tiré de la forclusion de son action.
Dès lors, la CCM de Remiremont sera déboutée de sa demande en annulation du jugement déféré.
Sur la forclusion biennale de l’action
Il y a lieu de constater que le prêt litigieux consenti par la CCM de Remiremont à Mme [M] [N] est un prêt personnel soumis aux dispositions applicables en matière de crédit à la consommation.
Aussi, l’action de la CCM de Remiremont est soumises aux dispositions de l’article R. 312-35 du code de la consommation, tel que relevé à juste titre par le premier juge.
En effet, la CCM de Remiremont ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l’article L. 218-2 du code de la consommation applicables en matière de crédit immobilier.
L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que ‘ le tribunal judiciaire connaît des litiges nés de l’application des dispositions du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par : (…)le premier incident de paiement non régularisé ‘.
En l’espèce, la CCM de Remiremont soutient que le premier incident de paiement non régularisé se situe à l’échéance du 10 décembre 2018.
Aussi, l’action du prêteur initiée par acte introductif signifié à Mme [M] [N] le 3 mars 2021 a été engagée plus de deux ans après le 10 décembre 2018.
Dans ces conditions, il en résulte que l’action en paiement engagée par la CCM de Remiremont à l’encontre de Mme [M] [N] au titre du contrat de prêt consenti le 8 octobre 2015 est irrecevable pour cause de forclusion.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
La CCM de Remiremont qui succombe à hauteur de cour sera condamnée au paiement des dépens d’appel et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
DEBOUTE la CCM de Remiremont de sa demande d’annulation du jugement déféré,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE la CCM de Remiremont de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la CCM de Remiremont aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en six pages.