Prêt entre particuliers : 19 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/02061

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Prêt entre particuliers : 19 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/02061

19 avril 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG
22/02061

19/04/2023

ARRÊT N°269/2023

N° RG 22/02061 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O2D4

EV/CD

Décision déférée du 18 Mai 2022 – Juge de l’exécution de TOULOUSE ( 21/05679)

Mme [B]

S.A.S. EOS FRANCE

C/

[Z] [T]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.S. EOS FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège et venant aux droits de la société COFIDIS,

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Madame [Z] [T] est représentée par sa curatrice, Madame [U] [X].

Foyer [4]

116 boulevard Déodat de Séverac

[Localité 1]

Représentée par Me Julie RATYNSKI, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2022.010784 du 04/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant E.VET, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

E.VET, conseiller

A. MAFFRE, conseiller

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre

Par ordonnance du 17 septembre 2010, il a été fait injonction à Mme [Z] [T] de payer à la SA Cofidis la somme de 1296,75 € en principal outre intérêts au taux contractuel de 19,35 % sur la somme de 995,51 € et les dépens.

Cette ordonnance a été signifiée le 7 mars 2011, selon procès-verbal de recherches infructueuses et revêtue de la formule exécutoire le 9 mai 2011.

Par acte du 16 novembre 2016 ont été signifiées à la personne de Mme [T] la cession de créances intervenue le 5 janvier 2015 entre la SA Cofidis et la SAS Eos France et l’injonction de payer avec formule exécutoire.

Mme [T] a été placée sous sauvegarde de justice selon ordonnance du 25 janvier 2021 puis sous curatelle renforcée par jugement du 9 juin 2021, Mme [U] [X] étant désignée comme curatrice.

Par acte du 23 novembre 2021, une saisie-attribution a été effectuée sur les comptes de Mme [T].

Par acte du 21 décembre 2021, Mme [T] a fait assigner la SAS Eos devant le juge de l’exécution de Toulouse en contestation de la saisie.

Par jugement réputé contradictoire du 18 mai 2022, le juge de l’exécution de Toulouse a :

‘ constaté que la créance de la SAS Eos France à l’encontre de Mme [Z] [T] est prescrite,

‘ ordonné la mainlevée de la saisie-attribution du 15 novembre 2021 sur les comptes bancaires détenus par Mme [Z] [T] auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel de [Localité 1],

‘ condamné la SAS Eos France au paiement de la somme de 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 31 mai 2022, SAS Eos France a formé appel de la décision, visant chacun des termes du dispositif.

Par dernières conclusions du 21 juillet 2022, la SAS Eos France demande à la cour de :

‘ réformer le jugement du juge de l’exécution en date du 18 mai 2022 dans toutes ses dispositions,

En consequence,

‘ juger que la société Eos France qui vient aux droits de la société Cofidis a qualité pour agir,

‘ juger que Ia société Eos France détient un titre exécutoire valide, définitif et non prescrit à l’égard de Mme [Z] [T],

‘ juger que Ia saisie-attribution pratiquée est parfaitement valable,

‘ débouter Mme [T] de sa demande de nullité de la saisie-attribution pratiquée,

‘ juger que la mesure de saisie-attribution pratiquée n’est en aucun cas abusive,

‘ débouter en conséquence Mme [Z] [T] de l’intégralité de ses demandes,

En conséquence,

‘ réformer le jugement du juge de l’exécution en ce qu’il a :

‘ constaté que la créance de la société Eos France à l’encontre de Mme [Z] [T] est prescrite,

-ordonné la mainlevée de la saisie-attribution du 15 novembre 2021 sur les comptes bancaires de Mme [Z] [T],

-condamné la société Eos France au paiement de la somme de 1000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais occasionnés par la saisie-attribution,

-débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire.

En toute hypothése,

‘ condamner Mme [Z] [T] au paiement de Ia somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.

Par dernières conclusions du 26 janvier 2023, Mme [Z] [T], assistée par sa curatrice, Mme [U] [X] demande à la cour de :

À titre principal :

‘ confirmer le jugement rendu par juge de l’exécution près le Tribunal Judiciaire de Toulouse le 18 mai 2022 dont appel dans l’intégralité de ses dispositions et en ce qu’il a :

– constaté que la créance de la société Eos France à l’encontre de Mme [Z] [T] est prescrite,

– ordonné lamainlevée de la saisie-attribution du 15 novembre 2021 sur les comptes bancaires de Mme [Z] [T],

– condamné la société Eos France au paiement de la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais occasionnés par la saisie-attribution,

– débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,

– rappelé que le jugement est exécutoire de plein,

En conséquence,

‘ débouter la société Eos France de toutes ses demandes,

À titre subsidiaire :

‘ juger inopposable la cession de créances du fait des pratiques commerciales déloyales de la société Eos France à l’égard de Mme [Z] [T],

En conséquence,

‘ donner mainlevée de la saisie-attribution du 15 novembre 2021 sur les comptes bancaires de Mme [Z] [T],

‘ dire que la société Eos France conservera les frais de la saisie-attribution à sa charge (pour mémoire).

À titre infiniment subsidiaire :

‘ surseoir à statuer sur la validité de la saisie-attribution, dans l’attente de la procédure pénale pendante devant le jetuge d’instruction,

‘ réserver les dépens,

En conséquence,

‘ donner mainlevée de la saisie-attribution du 15 novembre 2021 sur les comptes bancaires de Mme [Z] [T],

‘ dire que la société Eos France conservera les frais de la saisie-attribution à sa charge (pour mémoire),

Si la Cour venait à rejeter la demande de sursis, il est alors demandé à la Cour de :

‘ juger qu’aucune notification de l’ordonnance portant injonction de payer dans le délai de 6 mois à compter de l’apposition de la formule exécutoire n’est intervenue,

‘ juger caduque l’ordonnance portant injonction de payer,

En conséquence,

‘ donner mainlevée de la saisie-attribution du 15 novembre 2021 sur les comptes bancaires de Mme [Z] [T],

‘ dire que la société Eos France conservera les frais de la saisie-attribution à sa charge (pour mémoire),

À titre ultra-subsidiaire:

‘ accorder à Mme [Z] [T] les plus larges délais de paiement sur 24 mois,

‘ réduire les intérêts majorés au taux légal,

En conséquence,

‘ donner mainlevée de la saisie-attribution du 15 novembre 2021 sur les comptes bancaires de Mme [Z] [T],

‘ dire que la société Eos France conservera les frais de la saisie-attribution à sa charge (pour mémoire).

La clôture de l’instruction est intervenue le 6 mars 2023.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS :

La SAS Eos France fait valoir qu’en application de la loi du 17 juin 2008 portant réforme en matière de prescription le titre exécutoire avait vocation à être exécuté jusqu’au 9 mai 2021. Or, le 16 janvier 2021, Mme [T] a effectué un versement de 100 €, versement devant être considéré comme une reconnaissance de dette ayant interrompu la prescription.

Mme [T] oppose l’absence d’acte interruptif de prescription entre le 7 mars 2011, date de la notification de l’ordonnance d’injonction de payer et le 9 mai 2021, soit plus de 10 ans. Elle conteste la réalité du versement allégué en l’absence de production d’un relevé bancaire alors qu’elle-même produit son relevé de compte pour le mois de janvier 2021 ne faisant apparaître aucun règlement. Elle considère que quand bien même ce versement serait établi, il ne peut être considéré comme un règlement susceptible à lui seul de s’analyser en une reconnaissance de dette.

Selon l’article L.111-3, 1° du code des procédures civiles d’exécution, les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire lorsqu’elles ont force exécutoire constituent des titres exécutoires.

Aux termes de l’article L.111-4 du même code l’exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

Selon l’article 1422 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable en l’espèce, en l’absence d’opposition dans le mois qui suit la signification de l’ordonnance portant injonction de payer, quelles que soient les modalités de la signification, ou en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier peut demander l’apposition sur l’ordonnance de la formule exécutoire.

L’ordonnance produit alors tous les effets d’un jugement contradictoire. Elle n’est pas susceptible d’appel même si elle accorde des délais de paiement.

L’article 1416 du même code, prévoit que l’opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l’ordonnance. Toutefois, si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.

Enfin, l’article 2240 du Code civil dispose : « La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.».

Pour interrompre la prescription, la reconnaissance doit émaner du débiteur ou de son mandataire et manifester, sans équivoque, la reconnaissance de l’existence du droit du créancier.

En l’espèce, l’ordonnance d’injonction de payer a été signifiée selon procès-verbal de recherches infructueuses le 7 mars 2011 et la formule exécutoire a été apposée le 9 mai 2021.

L’appelante produit un justificatif de paiement de 100 € effectué auprès de la société d’huissier en charge du recouvrement de la créance le 15 janvier 2021 au moyen d’une carte de paiement MasterCard. Ce document ne permet pas d’identifier l’auteur du règlement ni même la banque ayant permis ce versement.

Mme [T] conteste avoir effectué ce versement et produit son relevé de compte auprès de la Banque Postale du mois de janvier 2021 duquel il ressort qu’à la date du virement son compte était créditeur à hauteur de 57,82 €, aucun débit de 100 € n’y figurant.

Or, c’est bien sur ce compte qu’étaient virés les salaires de Mme [T] à hauteur de 670,75 € ainsi que les prestations sociales dont elle bénéficie à hauteur de 570,28 € permettant le règlement selon virement permanent des sommes dont elle était redevable auprès du foyer [4] qui l’héberge.

Ainsi, malgré la contestation de Mme [T] et alors que le règlement invoqué est relativement récent, la SAS Eos ne donne aucune explication et surtout ne justifie pas de l’identité de l’auteur de ce règlement alors qu’il appartient au créancier qui se prévaut de l’interruption de la prescription de sa créance de rapporter la preuve d’une reconnaissance claire et non équivoque du débiteur, le fait qu’une somme apparaisse en crédit étant insuffisant à établir cette preuve.

Force est de constater qu’en l’espèce la SAS Eos ne justifie même pas de l’identité de l’auteur du règlement et ne démontre donc pas qu’il est susceptible de constituer une reconnaissance claire et non équivoque de sa dette par Mme [T].

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a considéré que la créance de la SAS Eos France était prescrite.

L’équité commande d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a fait droit à la demande de Mme [T], qui bénéficie de l’aide juridictionnelle totale, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter l’ensemble des demandes en première instance et en cause d’appel.

La SAS Eos France qui succombe gardera la charge des dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine :

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné la SAS Eos France à verser 1 000 € à Mme [Z] [T] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant :

Rejette les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel,

Condamne la SAS Eos France aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

I. ANGER C. BENEIX-BACHER

 


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