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17 novembre 2022
Cour d’appel de Lyon
RG n°
21/05150
N° RG 21/05150 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NWCY
Décision du Juge des contentieux de la protection du TJ de BOURG EN BRESSE
du 27 mai 2021
RG : 11-19-000460
S.A. BANQUE LAYDERNIER
C/
[Z]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 17 Novembre 2022
APPELANTE :
LA SOCIETE BANQUE LAYDERNIER
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Jacques BERNASCONI de la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST, avocat au barreau D’AIN
INTIME :
M. [P] [G] [Z]
né le [Date naissance 1] 1966 à GUJRAT (Pakistan)
[Adresse 4]
[Adresse 2]
Représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
assisté de Me Luc PAROVEL, avocat au barreau de l’AIN
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 4 Janvier 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Octobre 2022
Date de mise à disposition : 17 Novembre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Dominique BOISSELET, président
– Evelyne ALLAIS, conseiller
– Stéphanie ROBIN, conseiller
assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Tiffany JOUBARD, Directrice des services de greffe judiciaires, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
Par acte d’huissier de justice du 13 septembre 2019, la Banque Laydernier a fait assigner devant le tribunal d’instance de Bourg-en-Bresse M. [P] [Z] aux fins de voir condamner celui-ci à lui payer le solde d’un compte courant débiteur outre intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2019 ainsi que le solde d’un prêt impayé outre intérêts au taux conventionnel de 4,56 % l’an à compter du 10 septembre 2019, avec exécution provisoire de la décision à intervenir.
Le tribunal a demandé la production d’un historique complet relatif aux deux contrats, objets du litige, ainsi que les observations de la Banque Laydernier sur la déchéance du droit aux intérêts encourue en l’absence de justificatif de consultation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) et de la fiche d’informations précontractuelles pour le prêt personnel.
La Banque Laydernier a maintenu en dernier lieu ses demandes, arguant notamment de ce que celles-ci étaient recevables, et a conclu au débouté des prétentions de M. [Z]. Elle a sollicité que l’octroi éventuel de délais de paiement soit assorti d’une clause de déchéance du terme en cas de non paiement d’une seule échéance à bonne date.
M. [Z] a conclu à titre principal au débouté de l’ensemble des demandes de la Banque Laydernier, en raison de la forclusion de l’action et de la déchéance du droit aux intérêts encourue. Il a demandé à titre subsidiaire de voir dire que compte tenu de la turpitude de la Banque Laydernier, celle-ci n’était pas fondée à percevoir quelque intérêt complémentaire en plus du principal des sommes à rembourser, et a sollicité de se voir accorder des délais de paiement sur 24 mois sans intérêt.
Par jugement du 27 mai 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :
– déclaré l’action de la Banque Laydernier recevable au titre du prêt personnel Etoile Express n°124945 0146 01 souscrit Ie 25 novembre 2014 par M. [Z],
– débouté la Banque Laydernier de l’ensemble de ses demandes au titre du prêt personnel Etoile Express n°124945 0146 01 et du compte courant n°10228 04622 124945 003 0
– débouté la Banque Laydernier de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,
– condamné la Banque Laydernier aux dépens de l’instance.
Par déclaration du 14 juin 2021, la Banque Laydernier a interjeté appel de la décision, sauf en ce qu’il a déclaré recevable son action au titre du prêt personnel Etoile Express n°124945 0146 01 souscrit Ie 25 novembre 2014 par M. [Z].
Dans ses conclusions notifiées le 14 septembre 2021, la Banque Laydernier demande à la Cour de :
– l’accueillir en son appel régulier en la forme,
et sur le fond, y faisant droit,
– débouter purement et simplement M. [Z] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement, excepté en ce qu’il a jugé les demandes recevables,
– condamner M. [Z] à lui payer, au visa des dispositions des articles L.311-1 et suivants du code de la consommation, les sommes suivantes :
6.033,18 euros (solde débiteur du compte courant 10228 04622 124945 003) outre les intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2019 jusqu’à la date effective de paiement,
14.236,81 euros (prêt Etoile Express 10228 04622 124945 146 01) outre les intérêts au taux conventionnel de 4,56 % l’an à compter du 10 septembre 2019 jusqu’à parfait règlement,
au cas où des délais seraient accordés à M. [Z], les assortir d’une clause de déchéance du terme en cas de non paiement d’une seule échéance à bonne date,
en tout état de cause,
– condamner M. [Z] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [Z] en tous dépens de première instance et d’appel.
Dans ses conclusions notifiées le 14 décembre 2021, M. [Z] demande à la Cour, au visa des articies L.312-1 et suivants du code de la consommation, 1343-5 du code civil, de:
rejetant toutes fins et conclusions contraires,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
en conséquence,
– débouter la Banque Laydernier de l’intégralité de ses demandes, la considérant comme forclose en son action, celle-ci ne justifiant pas être dans les délais d’action et n’apportant pas la preuve d’une absence de déchéance des intérêts contractuels,
– dire et juger que la Banque Laydernier a créé sa propre turpitude ‘en empêchant de procéder à l’acceptation des fonds qu’il était amené à percevoir, au remboursement des différents prêts dont il était titulaire’,
– débouter la Banque Laydernier de tout intérêt complémentaire en plus du principal des sommes à rembourser,
subsidiairement,
– lui accorder la possibilité de s’acquitter du remboursement du principal des sommes dont il resterait redevable sur un délai de 24 mois sans que cet échelonnement soit productif d’intérêts complémentaires,
– condamner la Banque Laydernier à supporter ses frais irrépétibles exposés dans la présente affaire,
– condamner la Banque Laydernier à supporter l’intégralite des dépens d’instance,
– condamner la Banque Laydernier à payer et porter la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 4 janvier 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
sur le compte courant :
Suivant acte sous seing privé du 23 février 2012, la Banque Laydernier a conclu avec M. [Z] une convention de compte courant n°10228 04622124945 003 00
Par lettre recommandée avec avis de réception signé le 23 mars 2017, la Banque Laydernier a mis en demeure M. [Z] de régulariser le solde débiteur de son compte. Puis par lettre recommandée du 1er février 2018 avec avis de réception signé le 5 février 2018, elle a informé M. [Z] de ce qu’elle procédait à la clôture du compte à l’expiration d’un délai de préavis de 60 jours.
Le premier juge a débouté la Banque Laydernier de sa demande en paiement au motif qu’un historique incomplet du compte courant portant sur la période de janvier à juin 2018 était versé aux débats et que seul un historique complet du compte depuis la date d’ouverture de celui-ci permettait d’apprécier la recevabilité de l’action et le bien fondé de la créance.
La Banque Laydernier produit en cause d’appel l’ensemble des relevés du compte courant de M. [Z] depuis le 23 février 2012. Ces relevés font apparaître que le compte considéré a été créditeur pour la dernière fois le 31 mars 2017 et est devenu débiteur à compter du 30 avril 2017. Le compte étant ensuite resté débiteur pendant plus de trois mois à compter du 30 juillet 2017, il incombait à la Banque Laydernier en vertu de l’article L.312-93 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable (soit au 30 juillet 2017), de proposer sans délai à l’emprunteur un autre type d’opération de crédit dans les conditions régies par les dispositions du code de la consommation afférentes au crédit à la consommation, ce qu’elle n’a pas fait.
Or, aux termes de l’article R.312-35 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable, les actions en paiement engagées devant le tribunal d’instance à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ; cet événement est caractérisé par le dépassement, au sens du 13° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 312-93.
Aussi, contrairement à ce que soutient la Banque Laydernier, le point de départ du délai de forclusion de son action en paiement n’est pas la date à laquelle elle a dénoncé la convention de compte courant, soit le 1er février 2018, mais le 30 juillet 2017, date à laquelle il lui incombait de régulariser le découvert tacitement accepté.
L’action en paiement du solde débiteur du compte ayant été diligentée le 13 septembre 2019, soit plus de deux ans après l’événement qui lui a donné naissance, il convient de la déclarer irrecevable comme étant forclose.
sur le prêt personnel :
Suivant offre préalable acceptée le 25 novembre 2014, la Banque Laydernier a consenti à M. [Z] un prêt personnel dénommé Etoile Express d’un montant de 25.000 euros en capital, remboursable en 60 mensualités de 473,62 euros (assurance comprise), comprenant des intérêts au taux débiteur de 4,56 % l’an.
Par lettre recommandée dont M. [Z] a accusé réception le 11 septembre 2018, la Banque Laydernier s’est prévalue de la déchéance du terme à compter du 15 août 2018 et a enjoint à l’emprunteur de régler le solde du prêt impayé.
Compte tenu des limites de l’appel de la Banque Laydernier et de l’absence d’appel incident de M. [Z], la Cour n’est pas saisie de la question de la recevabilité de l’action en paiement de la Banque Laydernier au titre du prêt personnel Etoile Express. Aussi, la recevabilité de cette action s’impose à la Cour.
Le premier juge a débouté la Banque Laydernier de sa demande en paiement au titre du prêt considéré, au motif qu’elle ne justifiait pas ni de l’exigibilité ni du montant de sa créance.
Les pièces produites par la Banque Laydernier, notamment le décompte de sa créance actualisé au 9 septembre 2019, le détail de la somme réclamée au titre des échéances échues impayées, le tableau d’amortissement du prêt référencé 124945 0146 01 font apparaître que M. [Z] est débiteur des sommes suivantes :
échéances échues impayées du 15/09/2017 au 15/08/2018 :
5.683,44 €
capital restant dû au 15/08/2018 :
7.307,67 €
Total :
12.991,11 €
outre intérêts au taux contractuel de 4,56 % l’an à compter du 16 août 2018.
Il n’y a pas lieu de déchoir la Banque Laydernier du droit aux intérêts contractuels, M. [Z] ne précisant pas pour quel motif elle devrait l’être.
En revanche, la Banque Laydernier ne justifie pas de l’exigibilité des pénalités et intérêts de retard réclamés sur les échéances échues impayées à hauteur de 535,57 euros ni des modalités de calcul des intérêts de retard du 16 août 2018 au 9 septembre 2019 à hauteur de la somme totale de 125,52 euros (57,71 €+67,81€). Aussi, ces sommes ne lui seront pas allouées.
La Banque Laydernier sollicite enfin l’indemnité conventionnelle de 8 % à hauteur de 584,61 euros. Toutefois, cette indemnité apparaît manifestement excessive au regard du taux d’intérêt conventionnel fixé entre les parties et du taux actuel de l’intérêt légal. Il convient donc de réduire la clause pénale considérée à 100 euros en application de l’article 1152 du code civil dans sa rédaction applicable.
Si M. [Z] fait valoir que la Banque Laydernier lui a retiré la facilité de caisse dont il bénéficiait dans le cadre de son exercice professionnel, de telle sorte qu’il n’a plus pu régler les échéances du prêt, il ne produit aucune pièce de nature à établir l’existence d’une faute à l’encontre du prêteur. Il sera dès lors débouté de sa demande afin d’être dispensé de payer des intérêts de retard sur le principal en raison de la turpitude du prêteur.
M. [Z] sera condamné à payer à la Banque Laydernier la somme totale de 13.091,11 euros outre intérêts au taux contractuel de 4,56 % sur le montant de 12.991,11 à compter du 16 août 2018 et intérêts au taux légal sur celui de 100 euros à compter du présent arrêt.
sur la demande de délais de paiement :
En l’absence de justification par M. [Z] de sa situation, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande de délais de paiement sur 24 mois ainsi qu’à sa demande connexe afin d’être exempté d’intérêts de retard pendant les délais accordés.
Compte tenu de la solution apportée au litige, le jugement sera infirmé quant aux dépens. M. [Z] sera condamné aux dépens de première instance. En revanche, l’appel résultant principalement de la carence du prêteur dans l’administration de la preuve en première instance, la Banque Laydernier sera condamnée aux dépens d’appel. L’équité ne commande pas en l’espèce d’allouer à l’une ou l’autre des parties une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant dans les limites de l’appel,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
STATUANT A NOUVEAU,
Déclare l’action en paiement de la Banque Laydernier au titre du solde débiteur du compte courant irrecevable comme étant forclose ;
Condamne M. [Z] à payer à la Banque Laydernier la somme totale de 13.091,11 euros outre intérêts au taux contractuel de 4,56 % sur le montant de 12.991,11 à compter du 16 août 2018 et intérêts au taux légal sur celui de 100 euros à compter du présent arrêt ;
Déboute M. [Z] de sa demande de délais de paiement ;
Condamne M. [Z] aux dépens de première instance et la Banque Laydernier aux dépens d’appel ;
Déboute chacune des parties de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes.
LE GREFFIER LE PRESIDENT