Prêt entre particuliers : 17 janvier 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/02722

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Prêt entre particuliers : 17 janvier 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/02722

17 janvier 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG
21/02722

ARRET

[F]

C/

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

FLR

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 17 JANVIER 2023

N° RG 21/02722 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IDPF

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS EN DATE DU 01 FÉVRIER 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [H] [O] [Z] [F]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Marion COINTE, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 33

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/006479 du 17/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AMIENS)

ET :

INTIMEE

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Margot ROBIT substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d’AMIENS, vestiaire : 65

DEBATS :

A l’audience publique du 22 Novembre 2022 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2023.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Françoise LEROY-RICHARD, en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 17 Janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Suivant offre du 20 février 2019 acceptée le 25 février 2019 la Sa Bnp paribas personal finance a consenti à M. [H] [F] un prêt personnel d’un montant de 10 000 € au taux fixe de 4,40% remboursable en 48 mensualités de 227,58 €.

Se prévalant d’impayés, la Sa Bnp paribas personal finance a mis en demeure de payer M. [F] le 12 août 2019 et déposé une requête en injonction de payer le 12 décembre 2019.

Par ordonnance en date du 15 janvier 2020 le juge du contentieux de la protection de Beauvais a enjoint à M. [H] [F] de payer à la Sa Bnp paribas personal finance la somme de 9 761,55 € en principal sans intérêt (même au taux légal) et 4,38 € au titre des frais.

Statuant sur opposition à cette ordonnance le juge du contentieux de la protection de Beauvais par jugement du 1er février 2021 a reçu M. [H] [F] en son opposition, mis à néant l’ordonnance, prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et condamné M. [F] dans les mêmes termes que l’ordonnance frappée d’opposition.

Par déclaration en date du 24 mai 2021 M. [H] [F] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions remises le 10 février 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, M. [F] demande à la cour de confirmer le jugement hormis en ce qu’il a été condamné à payer la somme de 9 761,55 € et à supporter les dépens.

Statuant à nouveau il demande à la cour de condamner la Sa Bnp paribas personal finance à lui verser la somme de 9 761,55 € de dommages et intérêts et subsidiairement de reporter le paiement des sommes dues pendant 24 mois à compter de l’arrêt à venir.

En tout état de cause il demande de condamner la Sa Bnp paribas personal finance à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par conclusions remises le 14 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés la Sa Bnp paribas personal finance demande à la cour de confirmer le jugement hormis en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et par conséquent de condamner M. [F] à lui payer la somme de 10 749,73 € majorée des intérêts de retard au taux de 4,40 % à compter du 9 septembre 2019 date de notification de la déchéance du terme et jusqu’à parfait paiement.

Subsidiairement elle demande la confirmation du jugement, de débouter M. [F] de sa demande de report de la dette et en tout état de cause de le condamner à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de supporter les dépens dont recouvrement direct au profit de la Selarl Delahousse et associés.

SUR CE :

Sur la demande de dommages et intérêts tirés des manquements contractuels du prêteur

M. [F] soutient que la Sa Bnp paribas personal finance a manqué à son obligation de conseil en ne lui fournissant pas les explications imposées par la loi en application de l’article L.312-14 du code de la consommation de sorte qu’il n’a pas mesuré l’étendue de son engagement. Il explique qu’en souscrivant ce prêt il s’est trouvé dans une situation de surendettement et que très rapidement il n’a pas pu faire face au paiement des échéances.

Il ajoute qu’en ne vérifiant pas réellement sa solvabilité, la banque a manqué à son devoir de mise en garde et lui a fait perdre une chance de ne pas contracter.

Il en conclut que les manquements de la banque lui causent un préjudice à hauteur de 9 761,55 € auquel la Sa Bnp paribas personal finance doit être condamnée.

La Sa Bnp paribas personal finance soutient qu’elle n’a commis aucune faute ni au titre de son obligation de conseil dans la mesure où elle a remis avant la souscription la fiche d’information permettant à M [F] de prendre connaissance des caractéristiques du contrat proposé, ni au titre de l’obligation de mise en garde dans la mesure où M. [F] en souscrivant ce prêt ne s’exposait pas à un risque d’endettement excessif.

Il est admis que le banquier est tenu à l’égard de ses clients non avertis d’un devoir de mise en garde en cas de risque d’ endettement excessif de l’emprunteur. Ce devoir oblige le banquier, avant d’apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client et à l’alerter des risques encourus.

Le devoir de mise en garde n’existe donc qu’à l’égard de l’emprunteur non averti et qu’en cas de risque d’endettement excessif.

Ce manquement permet à l’emprunteur d’engager la responsabilité contractuelle du prêteur sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil.

M. [F] a déclaré exercer le métier de contremaître de sorte qu’il a le statut d’emprunteur non averti.

Si la Sa Bnp paribas personal finance justifie avoir remis à M. [F] une fiche explicative contenant la définition du prêt amortissable qu’il sollicite, une fiche contenant les informations précontractuelles renseignant sur toutes les caractéristiques du prêt et une fiche distincte portant sur la possibilité de souscrire une assurance et les différents produits proposés, il ressort de la chronologie contractuelle que tous ces éléments ont été remis le 20 février 2019, que l’offre a été acceptée le 25 février 2019 et que le prêt a été accordé alors que M. [F] avait renseigné la fiche de dialogue en mentionnant percevoir un salaire mensuel de 1 638 € et devoir faire face au remboursement d’un prêt immobilier à hauteur de 700 € par mois et à un autre prêt auprès de la Sa Bnp paribas personal finance à hauteur de 101 €, de sorte que lors de l’émission de l’offre M. [F] était déjà endetté à hauteur de 50 % soit au-delà des 33 % classiquement acceptables.

Par ailleurs dans l’encadré « budget mensuel » M. [F] a indiqué rester devoir à la société Cetelem (devenue Bnp paribas personal finance) la somme de 4 781,94 € et que ce prêt devait être repris dans le cadre du nouveau prêt demandé.

En conséquence, compte tenu du taux d’endettement, M. [F] était lors de l’émission de l’offre exposé à un risque d’endettement excessif de sorte que la Sa Bnp paribas personal finance était débitrice d’une obligation de mise en garde.

En accordant un prêt de 10 000 € destiné à reprendre le prêt sur lequel M. [F] restait devoir une somme de 4 781,94 €, la Sa Bnp paribas personal finance a proposé à M. [F] d’accroître son endettement de 5 000 € et de majorer ses remboursements mensuels en les faisant passer de 101,40 € à 227,58 € (hors assurance) de sorte qu’elle a exposé l’emprunteur à un risque d’endettement excessif et manqué à son obligation de mise en garde.

Ce manquement a eu pour conséquence l’enregistrement d’impayés dès le mois de mai 2019.

M. [F] a donc subi un préjudice tiré de la perte de chance de ne pas contracter ce nouveau prêt et ce préjudice est équivalent au surcroît d’endettement soit 5 000 €.

En conséquence la Sa Bnp paribas personal finance est condamnée à payer à M. [H] [F] une somme de 5 000 € de dommages et intérêts.

Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel du prêteur

M. [H] [F] demande que le jugement soit confirmé en ce qu’il a déchu la Sa Bnp paribas personal finance de son droit aux intérêts au taux contractuel et au taux légal.

Se prévalant des articles R.312-10 et L.341-2 du code de la consommation il soutient que l’offre aurait dû contenir le montant de la mensualité avec et sans assurance afin d’être informé du montant de son endettement mensuel.

La Sa Bnp paribas personal finance soutient que le jugement doit être infirmé en ce qu’il l’a déchue de son droit aux intérêts au taux contractuel au motif que les mentions obligatoires devant se trouver dans l’offre figurent à l’article R.312-10 du code de la consommation, que cette liste est limitative et ne contient pas le coût de l’assurance facultative.

Aux termes de l’article L.312-28 du même code (‘) un encadré, inséré au début du contrat, informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit, sous peine de déchéance du droit aux intérêts.

L’article R.312-10 du code de la consommation fixe la liste des informations figurant dans l’encadré, à l’exclusion de toute autre, doivent être mentionnés :

« d) le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l’emprunteur doit verser et, le cas échéant, l’ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l’autorisation que l’emprunteur doit rembourser ;

h) les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant  »

Il est admis que le montant qui figure dans l’encadré au titre des informations sur les caractéristiques essentielles du contrat de crédit n’inclut pas le coût mensuel de l’assurance souscrite par l’emprunteur accessoirement à ce contrat.

En l’espèce, l’adhésion à l’assurance n’étant pas exigée pour l’octroi du crédit, souscrite par l’emprunteur accessoirement au contrat de crédit, et partant facultative, le montant de la cotisation mensuelle n’a pas à figurer parmi les mentions figurant dans l’encadré limitativement énoncées par l’article R.312-10 du code de la consommation ci-dessus rappelé, de sorte qu’il importe peu que la Sa Bnp paribas personal finance n’ait pas fait figurer cette mention dans l’encadré.

Par ailleurs, en acceptant le 25 février 2019 l’offre émise le 20 février 2019, M. [F] a souscrit l’assurance facultative et les mensualités à rembourser se trouvant au tableau d’amortissement comprennent le coût de cette garantie

M. [F] a dans ces circonstances mesuré l’étendue de son engagement.

Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu’il a déchu la Sa Bnp paribas personal finance de son droit aux intérêts conventionnels.

De ce qui précède il résulte que la créance de la banque se présente comme suit :

Mensualités échues impayées (dont déduction des sommes reçues avant contentieux) : 1 198,30 €

Capital restant dû : 8 843,92 €

Indemnité 8 % : 707.51 €

Soit au total : 10 749,73 €

En conséquence M. [F] est condamné à payer à la Sa Bnp paribas personal finance la somme de 10 749,73 € outre intérêts au taux de 4,40 % date de la mise en demeure valant déchéance du terme en date du 9 septembre 2019.

Sur la compensation

Chaque partie détenant une créance sur l’autre, la compensation sera ordonnée entre elles à due concurrence.

Sur la demande de report de paiement et d’échelonnement

Du relevé édité par pôle emploi le 30 mars 2021 il est établi que M. [F] perçoit l’allocation d’aide au retour à l’emploi à hauteur de 1 097,09 € par mois. Après déduction du remboursement du prêt immobilier il dispose d’un reste à vivre de 397,09 €.

M. [F] ne démontre pas que dans deux ans sa situation financière se sera améliorée et sa situation telle que décrite à ce jour exclut toute possibilité de régler une somme mensuelle de 240 € pendant 24 mois pour apurer sa dette.

En conséquence, cette situation financière prive la cour de la possibilité de faire application de l’article 1343-5 du code civil.

Sur les demandes accessoires

La Sa Bnp paribas personal finance qui succombe en majorité supporte les dépens de première instance et d’appel. En revanche il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles exposés par chacune.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe ;

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la Sa Bnp paribas personal finance de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la Sa Bnp paribas personal finance à payer à M. [H] [F] la somme de 5 000 € de dommages et intérêts ;

Condamne M. [H] [F] à payer à la Sa Bnp paribas personal finance la somme de 10 749,73 € outre intérêts au taux de 4,40 % date de la mise en demeure valant déchéance du terme en date du 9 septembre 2019 ;

Prononce la compensation des créances réciproques ;

Déboute M. [H] [F] de sa demande sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil ;

Déboute les parties de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour ;

Condamne la Sa Bnp paribas personal finance à supporter les dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, La Présidente,

 


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