Prêt entre particuliers : 16 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01370

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Prêt entre particuliers : 16 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01370
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16 novembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/01370

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01370 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC62Q

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Décembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’evry RG n° 18/02955

APPELANTS

Monsieur [X] [M]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 7] (Puy-de-Dôme), de nationalité française,

[Adresse 3]

[Localité 6]

Madame [T] [R]

née le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 8] (Allier), de nationalité française,

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentés par Me Guillaume PIERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0259

INTIMEE

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE, société anonyme inscrite au RCS de PARIS sous le numéro B 542 097 902, prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Béatrice LEOPOLD COUTURIER de la SELARL PUGET LEOPOLD COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R029

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre

M. Vincent BRAUD, Président

Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Pascale SAPPEY-GUESDON dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société SYGMA BANQUE, aux droits de laquelle vient la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, a consenti à monsieur [X] [M] et madame [T] [R] son épouse, selon la forme authentique, l’acte étant dressé le 18 juillet 2008, un prêt personnel destiné à financer le regroupement de divers crédits, dont un prêt immobilier. Ce prêt, d’un montant de 305 625 euros et d’une durée de 300 mois dont deux mois de franchise, a été stipulé remboursable au taux d’intérêt nominal fixe de 7,10 % par an. Le taux effectif global mentionné dans l’offre est de 7,79 % l’an.

Soutenant que ce contrat de prêt ne respecterait pas diverses dispositions du code de la consommation, les emprunteurs ont fait assigner la banque à comparaître devant le tribunal de grande instance d’Evry, par acte d’huissier daté du 19 avril 2018.

Par jugement rendu le 7 décembre 2020 le tribunal judiciaire d’Evry :

‘DECLARE Monsieur [X] [M] et Madame [T] [R] irrecevables en leur demande de nullité de la stipulation d’intérêts ;

DECLARE irrecevable comme prescrite la demande de Monsieur [X] [M] et Madame [T] [R] tendant à la déchéance de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de son droit à intérêts et leurs demandes subséquentes en remboursement des intérêts réglés et établissement d’un tableau d’amortissement rectificatif ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [X] [M] et Madame [T] [R] à verser à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 1 000 euros (mille) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [X] [M] et Madame [T] [R] aux dépens dont distraction au profit de Maître Béatrice LEOPOLD COUTURIER conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire.’

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 19 janvier 2021 monsieur [M] et madame [R] ont interjeté appel de ce jugement. À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 6 septembre 2022, les moyens et prétentions des parties s’exposent de la manière suivante.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 2 septembre 2022 les appelants, monsieur [M] et madame [R],

prient la Cour,

‘Vu la jurisprudence’;

Vu le jugement du 20 mai 2021 – confirmé par la Cour d’Appel de Riom le 26 janvier 2022,

Vu l’article 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation et plus particulièrement les articles L. 312-4, L 312-8,

Vu les articles L. 313-1, L. 313-2 et L. 313-4 du code de la consommation,

Vu les articles L. 312-2 et R. 313-1 du code de la consommation,

Vu l’article L. 312-33 du code de la consommation,

Vu les articles 1147, 1304 anciens et 1907 du code civil,

Vu le rapport d’analyse,’

de bien vouloir :

‘Déclarer l’appel recevable en la forme et justifié au fond, et y faisant droit :

Vu l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 20 mai 2021 – confirmé par la Cour d’appel de Riom le 26 janvier 2022,

Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Evry en date du 7 décembre 2020 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

Déclarer les demandes de madame [R] et monsieur [M] recevables et bien fondées’;

Dire et juger que le TEG mentionné dans l’offre de prêt du 18 juillet 2018 est erroné et supérieur à la décimale prescrite,

En conséquence,

Prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt du 18 juillet 2018 ;

Condamner la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au remboursement de l’excédent d’intérêts indus à parfaire au jour de la décision à intervenir, avec intérêt légal à compter du 19 avril 2018, date de l’assignation ;

Fixer le taux applicable au contrat de prêt à hauteur du taux d’intérêt légal pour la période restant à courir à compter de la décision à intervenir’;

Condamner la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à établir un nouveau tableau d’amortissement du capital restant dû après qu’ait été substitué au taux conventionnel, le taux légal en vigueur, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans les quinze jours de la signification de la décision à intervenir ;

Dire et juger que monsieur [M] et madame [R] ne seront tenus au remboursement des intérêts à échoir afférents au prêt litigieux que sur la base du tableau d’amortissement rectifié après substitution du taux d’intérêt légal au taux d’intérêt conventionnel ;

À titre subsidiaire,

Dire et juger que le taux du prêt du 18 juillet 2018 est usurier ;

Ordonner la substitution du taux d’intérêt conventionnel de 10,003 % du prêt contracté par le taux du seuil de l’usure de 9,68 %’;

En conséquence,

Condamner la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à verser à monsieur [M] et madame [R] une somme égale au (10,003 – 9,68 % = ) 0,323 % appliqué au capital restant dû à chaque mensualité du contrat jusqu’à la date de la décision à intervenir ;

Dire et juger que, s’agissant des mensualités à échoir, leur montant sera diminué d’une somme égale au taux de 0,323 % appliqué au capital restant dû à la date de leur exigibilité;

Dire et juger que monsieur [M] et madame [R] ne seront tenus au remboursement des intérêts à échoir afférents au prêt litigieux que sur la base du tableau d’amortissement rectifié conforme à la décision à intervenir dans un délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans les quinze jours de sa signification ;

En tout état de cause,

Condamner la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à monsieur [M] et madame [R] une somme de 3 800 euros sauf à parfaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.’

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 5 septembre 2022 l’intimé

demande à la cour de bien vouloir,

‘Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

Confirmer le jugement du 7 décembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire d’Evry ;

Déclarer irrecevables car prescrits ou, à défaut, mal fondés les consorts [M]-[R] en

l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions et les en débouter intégralement ;

Les condamner à payer la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Les condamner aux entiers dépens ;

Et dire que, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, Maître Béatrice LEOPOLD COUTURIER pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision.’

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’autorité de la chose jugée

Les appelants se réfèrent à l’arrêt de la Cour d’appel de Riom, devenu définitif, qui a confirmé le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand statuant en matière de surendettement, concernant monsieur [M], pour faire valoir que le juge a déjà statué sur les demandes présentement soumises à la Cour ‘ jugement du 20 mai 2021, arrêt du 26 janvier 2022 (pièces 6 et 7).

Ainsi, le juge des contentieux de la protection a jugé que l’emprunt, souscrit par les consorts [R] [M] en la forme authentique le 18 juillet 2008, mentionne ‘un TEG de 7,79 % l’an pour un taux contractuel de 7,10 % l’an. Ce taux est censé être obtenu en ajoutant au taux de l’intérêt contractuel, les frais et accessoires obligatoires, soit en l’espèce a minima le coût de l’assurance, les frais d’hypothèque et les frais de dossier. Or, l’analyse des données financières du prêt – telle que détaillée notamment par l’expertise amiable réalisée par M. [O], lequel ne fait que développer des calculs mathématiques applicables en la matière – fait apparaître que le TEG a été calculé en omettant d’inclure ces différents coûts. En effet, leur réintégration conduit à un TEG 9,733 % et non de 7,10 %’.

Ainsi, les manquements retenus dans la détermination du TEG emportent une différence substantielle dépassant largement la décimale exonératrice en la matière et même en l’occurrence le taux de l’usure (9,68 % à la date du prêt). L’erreur substantielle du TEG équivaut à une absence de TEG et emporte déchéance du droit du prêteur aux intérêts contractuels (pièces 6 et 7).

En présence d’une identité de demande et de cause entre les mêmes parties, l’autorité de la chose jugée de ces décisions est opposable à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, si bien que le jugement du 7 décembre 2020 doit être infirmé en toutes ses dispositions.

L’intimé soutient que ces décisions, toutes deux rendues dans le cadre de la procédure de surendettement de monsieur [M], et plus particulièrement dans le cadre de la procédure de vérification des créances telle que prévue par les articles L. 723-3 et suivants du code de la consommation, ne sont nullement revêtues de l’autorité de chose jugée, et c’est d’ailleurs au contraire la décision qui sera rendue par la Cour dans le cadre de la présente instance, qui sera susceptible de revêtir une autorité de chose jugée vis-à-vis de ces décisions rendues dans le seul cadre de la procédure de surendettement de monsieur [M].

En effet, il résulte des dispositions de l’article R. 723-7 du code de la consommation (ancien R. 332-4 du même code) que ‘La vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et de leur montant est opérée pour les besoins de la procédure’. Ainsi, il en résulte que la vérification de la validité et du montant des créances opérée par le juge en matière de surendettement n’a pas autorité de la chose jugée au principal (voir Cass.1ère. civ., 9 octobre 2001, n° 00-04.095 ; Cass. 1ère. civ. 2 juin 2004, n° 02-11.012).

Aussi, la décision rendue en la matière ne s’impose ni au juge du fond qui peut être saisi par le créancier pour qu’il reconnaisse la réalité de sa créance (Cass. 2e civ. 21 octobre 2004, n° 00-20.515) ni d’ailleurs même au juge saisi d’une contestation des mesures recommandées qui n’est pas lié par sa propre décision (Cass. 2e. civ. 24 mars 2005, n° 04-04.042 ; Cass. 2e civ. 13 juillet 2005, n° 04-04.094 ; Cass. 2e civ. 7 avril 2016, n° 15-12.842).

Ou, plus récemment et s’il en était besoin : ‘La vérification de la validité et du montant des

créances prévue à l’article L. 331-4 du code de la consommation n’est opérée que pour les

besoins de la procédure devant la commission afin de permettre à celle-ci de poursuivre sa mission et la décision rendue par le juge est dépourvue d’autorité de la chose jugée au

principal’ (Cass. 2e civ. 5 septembre 2019, n° 18-14.456).

C’est d’ailleurs pour cette raison que la concluante avait sollicité le sursis à statuer devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand puis devant la Cour d’appel de Riom, demande à laquelle il n’a pas été fait droit même si la Cour de Riom a justement rappelé que la créance de la concluante était vérifiée ‘pour les stricts besoins de la présente procédure’.

Aussi, il est parfaitement vain et erroné que de faire valoir une prétendue autorité de chose jugée attachée à ces décisions rendues dans le cadre de la procédure de surendettement de monsieur [M].

Sur ce,

En droit, comme souligné par l’intimé, la vérification de la validité et du montant des créances prévue à l’article L. 331-4 du code de la consommation et opérée par le juge en matière de surendettement, n’a pas autorité de la chose jugée au principal, n’étant réalisée que pour les besoins de la procédure devant la commission afin de permettre à celle-ci de poursuivre sa mission.

Il ressort des énonciations du jugement et de l’arrêt auxquels se réfèrent les appelants, que le juge a bien statué dans ce cadre, pour avoir été saisi de la contestation formée par madame [R], créancière de monsieur [M] au titre de la prestation compensatoire, à l’encontre des mesures imposées le 17 décembre 2020 par la Commission de surendettement des particuliers du Puy-de-Dôme en faveur de monsieur [M], débiteur. Ce dernier s’est alors joint à la contestation de madame [R] portant sur la créance de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.

Par conséquent, aucune autorité de la chose jugée ne s’attache au jugement du 20 mai 2021 et à l’arrêt confirmatif du 26 janvier 2022.

Sur la prescription

En vertu de l’article L. 312-33 ancien du code de la consommation, l’action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels ‘ la seule exercée par les appelants quand bien même ils dissertent dans leurs écritures sur le point de départ de la prescription d’une action en nullité ‘ est soumise à la prescription quinquennale prévue à l’article L. 110-4 du code de commerce notamment relative aux obligations contractées entre une banque prêteuse et le souscripteur d’un crédit immobilier, le point de départ de la prescription se situant alors au moment où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur qu’il invoque relative au taux effectif global.

En l’espèce, les appelants indiquent qu’ils ‘ne pouvaient pas connaître les complexités qui s’attachent au contenu obligatoire du taux effectif global au regard du droit de la consommation, et de la jurisprudence’, qu’ils étaient profanes en matière de mathématiques financières, et que les indications figurant dans l’acte de prêt ne pouvaient leur permettre de s’interroger sur l’exactitude du calcul du taux effectif global mentionné et du futur calcul des intérêts selon l’année lombarde, pour en conclure :’Les erreurs affectant le TEG n’ont pu être découvertes qu’au vu d’une analyse de mathématiques financières de mars 2018 démontrant que la banque avait omis de prendre en compte dans son calcul les échéances de l’assurance déléguée souscrite – pourtant mentionnée dans l’offre de prêt’.

On attend d’une offre de prêt, qu’elle comporte des mentions suffisamment précises et claires, sous une présentation accessible permettant à un lecteur même profane de comprendre ce qu’est un taux effectif global, et surtout, concrètement, de connaître quels frais et charges ont été effectivement pris en compte pour le calculer et donc a contrario quels sont ceux qui n’ont pas été inclus. Or, en l’espèce les mentions relatives aux ‘caractéristiques du prêt’ de l’offre émise par SYGMA BANQUE annexée à l’acte authentique sont si imprécises et nébuleuses que les emprunteurs, même par une lecture attentive et exhaustive, n’étaient pas en situation de saisir quels frais exactement étaient inclus dans l’assiette de calcul du taux effectif global tel qu’affiché par la banque, et partant, si une erreur pouvait l’affecter. En particulier, les indications contenues dans l’offre de SYGMA BANQUE ne permettent pas de définir que le taux effectif global de 7,79 % n’inclut pas le coût des assurances.

Il s’ensuit qu’aucun délai de prescription n’a pu courir à partir de l’acceptation de l’offre, ou de l’acte authentique.

Le point de départ de la prescription quinquennale doit être fixé à la date du rapport sur la foi duquel monsieur [M] et madame [R] fondent leurs demandes soit au plus tôt au mois de mars 2018. La prescription n’était donc pas acquise lorsque l’assignation a été délivrée à la banque, le 19 avril 2018.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande de monsieur [M] et madame [R] tendant à la déchéance de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de son droit à intérêt conventionnel.

Sur les erreurs affectant le calcul du taux effectif global

Il revient à l’emprunteur qui se prévaut d’une erreur dans le calcul du coût total du crédit ou du taux effectif global de rapporter la preuve que les frais dont il invoque l’omission par la banque constituaient une condition d’octroi du prêt et qu’il les a effectivement supportés, et également, de démontrer que l’erreur alléguée entraîne un écart d’au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans le contrat.

Une fois cette preuve rapportée, s’agissant d’un contrat soumis à une réglementation d’ordre public il revient au professionnel d’apporter la preuve de la conformité du contrat à la réglementation en question.

L’analyse effectuée par la société ACOGE (monsieur [O]) bien que réalisée unilatéralement à la seule demande de monsieur [M] et madame [R], a été valablement produite aux débats et soumise à la contradiction, de sorte qu’elle ne peut être considérée comme étant non probante au seul motif de son caractère unilatéral, ainsi que le soutient principalement la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.

Monsieur [M] et madame [R], sur lesquels reposent la charge de la preuve, à l’appui de leurs allégations prennent soin de produire un rapport qui ne fait pas erreur sur les données du prêt, et applique la formule dûment utilisée pour le calcul du taux effectif global de sorte que la critique de pur principe opposée par la banque, qui dénie toute valeur probante à l’analyse produite en ce qu’elle n’est pas contradictoire, est impropre à priver de leur force probante, les calculs proposés.

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, laquelle ne produit pas de note d’actuaire expliquant quels calculs ont été opérés pour parvenir au résultat affiché, n’exprime d’ailleurs aucune critique mathématique des résultats de monsieur [O], qui a procédé à ses calculs en appliquant la formule idoine, et qui réintégrant les montants correspondant à l’assurance des personnes, les frais d’hypothèque, les frais du mandataire, les frais de dossier, listés par la banque, aboutit à un taux effectif global de 10,0003090 %.

Monsieur [O] conlut que la banque n’a pas inclus dans le TAEG les frais qu’elle a elle-même listés, ce que la banque intimée conteste, en défendant que l’assurance décès-invalidité n’était pas obligatoire, que les frais de mandataire ont été pris en compte, que les frais de dossier n’ont pas été inclus mais que les emprunteurs ne justifient pas les avoir supportés, et enfin, que les appelants ne démontrent pas que le montant des frais d’hypothèque qu’ils auraient supportés serait supérieur à celui qui a fait l’objet d’une estimation leur montant n’étant pas connu au moment de l’émission de l’offre.

En premier lieu, la banque intimée ne saurait contester qu’elle était tenue d’intégrer dans le calcul du taux effectif global les frais d’assurance décès-invalidité dont le caractère obligatoire ressort clairement des termes de l’offre ‘ devant être souligné que le fait que les emprunteurs ont libre choix de leur assureur n’implique pas automatiquement que la souscription de l’assurance décès-invalidité n’était pas une condition d’octroi du prêt, contrairement à ce que soutient BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (laquelle analyse cette stipulation comme une obligation du contrat dont l’inexécution était susceptible d’entrainer le prononcé de la déchéance du terme, ce qui diffère d’une condition d’octroi du prêt). Dès lors le coût de l’assurance décès-invalidité devait être pris en compte pour le calcul du taux effectif global, ce que la banque s’est de tout évidence abstenue de faire.

Ensuite, en l’absence de note d’actuaire produite par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE il est impossible de vérifier que les frais de mandataire ont effectivement été pris en compte. Il en est de même en ce qui concerne les frais d’hypothèque, dont on ignore même s’il a été tenu compte de l’estimation proposée et dont il est douteux qu’ils seraient restés indéterminés au moment de la rédaction de l’acte authentique.

Enfin, la banque reconnaît l’omission des frais de dossier, dont elle peut difficilement soutenir qu’ils n’étaient pas déterminables et qu’elle n’en a pas obtenu le règlement alors qu’elle les a elle-même facturés.

Ainsi au final au vu de l’ensemble de ces éléments il doit être retenu que monsieur [M] et madame [R] rapportent la preuve suffisante d’une erreur affectant l’exactitude du taux effectif global affiché dans leur prêt, au delà de la décimale prévue à l’article R. 313-1 annexe d) du code de la consommation.

La cour dispose d’éléments suffisants pour prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels et dire que, compte tenu du préjudice subi par les emprunteurs, le taux légal trouvera à s’appliquer, et ce dès le 18 juillet 2008, la somme correspondant aux intérets indus étant au jour de la présente décision, de 160 946, 89 euros comme indiqué au tableau d’amortissement de monsieur [O], annexé au rapport.

Pour l’avenir la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE communiquera à monsieur [M] d’une part, et madame [R] d’autre part, dans le délai de 30jours à compter de la signification du présent arrêt, un nouveau tableau d’amortissement du prêt tenant compte de l’application du taux légal en remplacement du taux contractuel de 7,10%.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, qui échoue dans ses prétentions, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche l’équité commande de faire droit à la demande de monsieur [M] et madame [R] formulée sur ce même fondement, et de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à leur verser la somme de 1 900 euros chacun.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

DÉCLARE monsieur [X] [M] et madame [T] [R] recevables en leur action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels du prêt du 18 juillet 2008 ;

PRONONCE la déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels de 7,10 % et dit qu’il sera fait application du taux légal à partir du jour de la signature du prêt ;

DIT que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE est déchue de son droit aux intérêts conventionnels du prêt du 18 juillet 2018, à hauteur de la somme de 160 946,89 euros ;

DIT que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2018, date de l’assignation ;

DIT que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE établira un nouveau tableau d’amortissement du prêt tenant compte de l’application du taux légal en vigueur et le notifiera dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent arrêt ;

CONDAMNE la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens de l’instance et dit qu’il sera fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à verser à monsieur [M] et madame [R], chacun, la somme de 1 900 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de sa propre demande formée sur ce même fondement.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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