Prêt entre particuliers : 16 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/04092

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Prêt entre particuliers : 16 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/04092

16 novembre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/04092

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 16 NOVEMBRE 2022

N° 2022/ 497

N° RG 21/04092

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHEMD

[O] [J] épouse [Y]

[S] [Y]

C/

Société CA CONSUMER FINANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Marjorie ZAQUIN

Me Sylvain DAMAZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge des contentieux de la protection de TOULON en date du 12 Février 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/03273.

APPELANTS

Madame [O] [J] épouse [Y]

née le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 6] (38), demeurant [Adresse 2]

Monsieur [S] [Y]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 4] (13), demeurant [Adresse 2]

représentés par Me Marjorie ZAQUIN, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

CA CONSUMER FINANCE

exerçant sous l’enseigne CREDIT LIFT, prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités au siège sis [Adresse 5]

représentée par Me Sylvain DAMAZ, membre de l’AARPI ADSL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe COULANGE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Selon offre préalable acceptée le 11 avril 2016, la S.A. CA CONSUMER FINANCE a accordé à Monsieur et Madame [Y] un prêt personnel d’un montant de 33 739, 80 €, au taux effectif global de 7, 610 %, remboursable en 144 mensualités de 333, 42 €, hors assurance facultative.

En raison de mensualités impayées, la S.A. CA CONSUMER FINANCE a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure les époux [Y] de régler le solde du prêt, soit la somme de 33 455, 86 €, par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 20 janvier 2020.

Monsieur et Madame [Y] n’ayant pas réagi à la mise en demeure, la S.A. CA CONSUMER FINANCE les a assignés, par exploit d’huissier en date du 10 juillet 2020, devant le tribunal judiciaire de TOULON aux fins d’obtenir leur condamnation solidaire à lui verser la somme de 33 390, 88 € avec intérêts de 500 € au titre des frais irrépétibles, le tout avec exécution provisoire.

Par jugement en date du 12 février 2021, le tribunal judiciaire de TOULON a condamné solidairement Monsieur et Madame [Y] à verser à la S.A. CA CONSUMER FINANCE la somme de 33 390, 88 €, avec intérêts de 5, 869 % l’an à compter du 10 juillet 2020, les a condamnés aux dépens et a rejeté toutes autres demandes.

Par déclaration au greffe en date du 18 mars 2021, les époux [Y] ont interjeté appel de cette décision. Ils demandent à la Cour d’infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de TOULON, en date du 12 février 2021, de prononcer la nullité du contrat de crédit à la consommation souscrit auprès de CREDIT LIFT le 11 avril 2016, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts et de débouter la S.A. CA CONSUMER FINANCE de sa demande de versement immédiat des sommes restant dues pour un montant de 33 390, 88 €. Ils sollicitent également la condamnation de la S.A. CA CONSUMER FINANCE à leur verser la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la violation de son obligation de mise en garde, que leur soit accordé un moratoire de deux ans pour s’acquitter de leur dette et la condamnation de la S.A. CA CONSUMER FINANCE au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel.

A l’appui de leur recours, ils font valoir :

qu’ils n’ont jamais reçu de lettre de mise en demeure alors qu’un organisme de crédit ne peut demander le remboursement intégral d’un prêt à un emprunteur que s’il lui a préalablement envoyé une mise en demeure restée sans effet, précisant le montant des échéances de retard impayées et le délai dont il dispose pour les honorer.

que la S.A. CA CONSUMER FINANCE n’a pas vérifié leurs capacités financières et ne les a pas mis en garde sur les risques encourus avant de leur octroyer le crédit.

que la S.A. CA CONSUMER FINANCE n’a pas exécuté le contrat de prêt de bonne foi en cessant, dès le mois de septembre 2019 et de son propre chef, les prélèvements sur le compte spécialement ouvert à cet effet.

qu’un moratoire de deux ans leur permettrait de rétablir leur trésorerie et de régler les sommes restant dues.

que la date de déblocage des fonds ne peut être vérifiée alors que le non-respect du délai de déblocage de sept jour est de nature à entraîner la nullité du contrat de prêt.

que la S.A. CA CONSUMER FINANCE doit être déchue de son droit aux intérêts car elle ne leur a pas remis les notices relatives aux assurances.

La S.A. CA CONSUMER FINANCE conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions. En outre, elle sollicite la condamnation des époux [Y] au versement de la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens d’appel.

Elle soutient :

qu’elle n’a pas à justifier de l’envoi d’une lettre de mise en demeure préalable dans la mesure où l’offre de prêt contient une clause de résiliation de plein droit du contrat sans aucune autre formalité préalable en cas de défaillance de l’emprunteur dans le remboursement des échéances.

qu’en tout état de cause, elle a adressé aux époux [Y] plusieurs courriers de mise en demeure les invitant à régulariser les échéances impayées avant de prononcer la déchéance du terme.

qu’elle a correctement vérifié les revenus du couple préalablement à l’octroi du prêt litigieux et que le montant du prêt n’était, en tout état de cause, pas excessif au regard des revenus de Monsieur et Madame [Y].

que le document « Position du compte » précise que la date de déblocage des fonds est intervenue régulièrement, neuf jours après la souscription du contrat.

que Monsieur et Madame [Y] sont de mauvaise foi lorsqu’ils prétendent que le document versé aux débats n’est pas un décompte expurgé des intérêts.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que, selon offre préalable acceptée le 11 avril 2016, la S.A. CA CONSUMER FINANCE a accordé à Monsieur et Madame [Y] un prêt personnel d’un montant de 33 739, 80 €, au taux effectif global de 7, 610 %, remboursable en 144 mensualités de 333, 42 €, hors assurance facultative ;

Qu’en raison de mensualités impayées, la S.A. CA CONSUMER FINANCE a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure les époux [Y] de régler le solde du prêt, soit la somme de 33 455, 86 €, par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 20 janvier 2020 ;

Que Monsieur et Madame [Y] n’ont pas réagi à cette mise en demeure ;

Attendu que sur le fondement des dispositions de l’article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ;

Attendu qu’en application des dispositions de l’article L. 312-39 du Code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; que jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ;

Que la déchéance du terme ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ;

Attendu que le contrat de prêt conclu entre la S.A. CA CONSUMER FINANCE et les époux [Y] en date du 11 avril 2016 comporte une clause intitulée « Défaillance de l’emprunteur » précisant qu’en cas de défaillance de la part de l’emprunteur dans les remboursements, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ;

Que cette clause mentionne donc de façon expresse et non équivoque qu’en cas de défaillance du débiteur, la S.A. CA CONSUMER FINANCE peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, sans mise en demeure préalable ;

Que la S.A. CA CONSUMER FINANCE n’était donc pas tenue d’adresser aux époux [Y] une lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure préalable avant d’exiger le remboursement immédiat de la totalité des sommes dues au titre du contrat de prêt ;

Que, par conséquent, les moyens des époux tendant à établir le fait qu’ils n’ont pas été destinataires d’une mise en demeure valable préalablement au prononcé de la déchéance du terme sont inopérants ;

Attendu que sur le fondement de l’article L. 312-14 du Code de la consommation, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière ;

Qu’il est tenu d’attirer l’attention de l’emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement ;

Que l’article L. 312-16 du Code de la consommation dispose qu’avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur ;

Que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 précités est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge ;

Attendu que, sur le fondement des dispositions de l’article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ;

Attendu que les époux [Y] font valoir que la S.A. CA CONSUMER FINANCE n’a pas respecté son devoir de conseil et de mise en garde préalablement à l’octroi du crédit ;

Attendu néanmoins qu’ils ne versent aux débats aucune pièce de nature à établir la véracité de cette allégation ;

Attendu, en outre, qu’ils ont remboursé le prêt pendant une durée de trois ans, soit 31 échéances, sans qu’aucun incident n’intervienne ce qui démontre qu’ils étaient en capacité financière d’honorer le prêt ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de prononcer la déchéance du droit de la S.A. CA CONSUMER FINANCE aux intérêts sur le fondement d’un manquement à son devoir de conseil et de mise en garde ;

Attendu que, sur le fondement de l’article L. 312-25 du Code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur ;

Attendu que les époux [Y] font valoir que les documents produits par la S.A. CA CONSUMER FINANCE ne permettent pas de vérifier la date de déblocage des fonds ;

Attendu, néanmoins, que l’organisme de crédit verse au débat un document intitulé « Position de compte au 18 janvier 2020 » attestant du fait que le déblocage des fonds est intervenu le 19 avril 2016, soit huit jours après la date de conclusion du prêt ;

Que le déblocage des fonds est donc intervenu au-delà du délai de sept jours prévu par le texte et n’est pas de nature à remettre en cause la validité du contrat de prêt conclu entre les parties en date du 11 avril 2016 ;

Attendu que sur le fondement de l’article L. 312-12 du Code de la consommation, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’information, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement ;

Que sur le fondement de l’article L. 312-29 du même code, lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, une notice est fournie à l’emprunteur et doit comporter les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment le nom et l’adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus ;

Attendu que les époux [Y] soutiennent ne pas avoir reçu les notices relatives aux assurances et aux assurances de groupe ;

Attendu, néanmoins, que l’organisme de crédit verse aux débats un exemplaire du contrat de prêt conclu avec Monsieur et Madame [Y] en date du 11 avril 2016, qui comporte, en page trois, les noms et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui en sont exclus ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la S.A. CA CONSUMER FINANCE dans la mesure où la notice d’information relative aux assurances a bien été remise ;

Qu’il n’y a pas conséquent pas lieu d’exiger de la S.A. CA CONSUMER FINANCE qu’elle produise un nouveau décompte des sommes dues expurgé des intérêts ;

Attendu que, sur le fondement de l’article 1104 du Code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ;

Attendu que les époux [Y] invoquent un manquement de la S.A. CA CONSUMER FINANCE à son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi dans la mesure où l’établissement bancaire aurait suspendu de son propre chef les prélèvements sur le compte pourtant spécialement ouvert par les époux pour le règlement des échéances afin de ne plus rencontrer de rejets ;

Attendu néanmoins qu’il ne peut pas être reproché à la S.A. CA CONSUMER FINANCE de ne pas avoir prélevé les échéances du prêt sur un autre compte que celui mentionné au contrat de prêt conclu avec les époux ;

Que, dès lors, aucun manquement à son obligation d’exécuter loyalement le contrat ne peut être reproché à la la S.A. CA CONSUMER FINANCE ;

Attendu que sur le fondement de l’article 1343-5 du Code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ;

Attendu que les époux [Y] font valoir qu’ils ne peuvent s’acquitter de leur dette aujourd’hui alors que leurs revenus s’élèvent à 2 500 € ;

Qu’ils ont encore de lourdes charges à honorer ce qui a conduit Monsieur [Y] à reprendre une activité professionnelle ;

Attendu, néanmoins, qu’ils ne versent aux débats aucune pièce de nature à démontrer la réalité des difficultés financières qu’ils rencontrent et à justifier l’octroi de délais de paiement ;

Que, par conséquent, leur demande d’octroi de délais de paiement doit être rejetée ;

Attendu qu’il sera alloué à la S.A. CA CONSUMER FINANCE, qui a dû engager des frais irrépétibles pour défendre ses intérêts en justice, la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que les époux [Y], qui succombent, supporteront les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de TOULON en date du 12 février 2021 ;

Y ajoutant,

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE Monsieur et Madame [Y] à verser à la S.A. CA CONSUMER FINANCE la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

LES CONDAMNE aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

 


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