Prêt entre particuliers : 16 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/17895

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Prêt entre particuliers : 16 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/17895

16 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
21/17895

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 16 MARS 2023

N° 2023/99

Rôle N° RG 21/17895 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BISCM

[Z] [M]

C/

[W] [P]

S.E.L.A.R.L. MJ [B]

S.C.P. BTSG

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Stéphane DAGHERO

Me Grégory PAOLETTI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 21 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 21/00005.

APPELANT

Monsieur [Z] [M]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 8] (Iran), de nationalité Française, chirurgien, demeurant [Adresse 5] faisant élection de domicilié pour les besoins de la procédure chez son conseil Me Stéphane DAGHERO – [Adresse 2]

représenté par Me Stéphane DAGHERO de l’ASSOCIATION DAGHERO – DUBOIS, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

INTIME

Monsieur [W] [P],

né à [Localité 6] (Algerie), de nationalité française, médecin ORL, demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Grégory PAOLETTI de la SELARL VALENTINI & PAOLETTI, avocat au barreau de GRASSE

assisté de Me Christophe ROSA de la SELARL ANTELMI – BONCOMPAGNI – MILLET & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

S.C.P. BTSG²

Es qualité de Mandataire judiciaire de Monsieur [W] [D] [P], demeurant [Adresse 3]

défaillante

PARTIE INTERVENANTE FORCEE

S.E.L.A.R.L. MJ [B]

es qualié de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Monsieur [W] [D] [P] en vertu d’un jugement du Tribunal judiciaire de Grasse du 21 juin 2021, demeurant [Adresse 4]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 25 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Agnès VADROT, conseillère a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Présidente de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseillere

Madame Agnès VADROT, Conseillere

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023,

Signé par Madame Muriel VASSAIL, conseillère pour la Présidente empêchée et Madame Chantal DESSI, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Entre le 15 mars et le 17 mai 2005, Monsieur [Z] [M], médecin, a prêté à Monsieur [P], également médecin, ainsi qu’à son épouse une somme totale de 80 000€.

Par jugement en date du 17 novembre 2008, le tribunal de grande instance de Nice a ouvert au bénéfice de Monsieur [P] une procédure de sauvegarde laquelle a été convertie en 2009 en redressement puis en liquidation judiciaire.

Monsieur [M] n’a pas déclaré sa créance au passif de la procédure collective.

Par jugement en date du 17 octobre 2011, le tribunal de grande instance de Nice a ordonné la clôture de la procédure collective ouverte à l’encontre de Monsieur [P] pour insuffisance d’actifs, le liquidateur judiciaire ne disposant d’aucun fonds alors que le passif s’élevait à la somme de 1 053 256,32€ outre les créances déclarées au titre de la poursuite d’activité.

Selon exploit délivré le 3 juillet 2014, Monsieur [M] a initié une action en paiement à l’encontre des époux [P] devant le tribunal de GAP lequel a dit que l’action en paiement du prêteur était irrecevable par effet de la prescription dans un jugement rendu le 29 mars 2016 et confirmé par la cour d’appel de Grenoble le 18 septembre 2018.

Saisie d’un pourvoi par Monsieur [M], la Cour de Cassation a rendu le 26 février 2020 un arrêt cassant et annulant la décision de la cour d’appel de Grenoble. La cour d’appel de Lyon a été saisie sur renvoi de cassation.

Concomitamment, et par acte d’huissier en date du 15 mars 2021, Monsieur [Z] [M] a fait assigner Monsieur [W] [P] devant le tribunal judiciaire de Nice sur le fondement des dispositions de l’article L643-11 IV et V du code de commerce aux fins de voir constater que ce dernier avait fraudé à ses droits de créancier dans le cadre de la procédure collective clôturée pour insuffisance d’actif selon jugement du TGI de Nice en date du 17 octobre 2011 et de l’autoriser à reprendre son action individuelle à l’encontre de Monsieur [P].

Par jugement rendu le 21 juin 2021, le tribunal judiciaire de NICE a débouté Monsieur [M] de ses demandes à défaut pour lui de démontrer l’existence de man’uvres ou manipulations de la part de Monsieur [P] qui auraient eu pour effet de le priver de toute possibilité de faire valoir ses droits de créancier dans le cadre de la procédure collective et alors qu’il résultait des éléments de la procédure qu’il avait été informé de l’existence de la procédure collective bien avant 2015 et qu’il s’est abstenu de toute déclaration de créance et de toute demande de relevé de forclusion.

Il convient de préciser:

-d’une part que par arrêt en date du 12 mai 2021, la cour d’appel de renvoi a, après avoir déclaré l’action de Monsieur [M] recevable, condamné Madame [P] à lui payer une somme de 80 000€ outre intérêts au taux légal et a sursis à statuer sur les demandes à l’encontre de Monsieur [P] jusqu’à ce qu’une décision irrévocable ait été rendue sur la demande d’autorisation de reprise des poursuites individuelles présentée par Monsieur [M];

-d’autre part que le 21 juin 2021, une deuxième procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’encontre de Monsieur [W] [P], exerçant à titre libéral la profession de médecin, dans le cadre de laquelle Monsieur [M] a déclaré entre les mains de la SELARL MJ [B] une créance d’un montant de 80 000€ à titre chirographaire correspondant au prêt consenti en 2005. Une contestation a été émise.

Par déclaration en date du 17 décembre 2021, Monsieur [Z] [M] a interjeté appel de cette décision. Il a intimé Monsieur [P]. La SCP BTSG est intervenue en qualité de mandataire judiciaire de Monsieur [W] [P].

Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées par le RPVA en date du 28 novembre 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Monsieur [Z] [M] demande à la cour de :

REFORMER le jugement du tribunal judiciaire de Nice du 21 juin 2021

Et statuant à nouveau,

CONSTATER que Monsieur [P], débiteur, a fraudé aux droits de son créancier en le privant de toute possibilité de faire valoir ses droits dans le cadre de la procédure collective clôturée pour insuffisance d’actif selon jugement du tribunal de grande instance de Nice du 17 octobre 2011,

En conséquence,

AUTORISER Monsieur [M] à reprendre son action individuelle à l’encontre de Monsieur [P] à la suite du jugement du 17 octobre 2011, sans préjudice de la protection offerte au débiteur par le jugement du tribunal judiciaire de GRASSE du 21 juin 2021 ouvrant à son bénéfice une seconde procédure de redressement judiciaire

DEBOUTER Monsieur [P] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions

DECLARER l’arrêt à intervenir opposable à la SELARL MJ [B], mandataire judiciaire

RESERVER les dépens

Sur la fraude :

L’appelant soutient que Monsieur [P] s’est délibérément abstenu de déclarer à l’administrateur et au liquidateur la dette qu’il avait à son égard.

Il expose que le 8 Août 2008, année de son admission à la procédure de sauvegarde, Monsieur [P] lui a transmis par courrier RAR 2 chèques datés du 25 juillet 2008 de 10 000€ et un chèque daté du 28 juillet 2008 d’un montant de 17 500€ en le priant de différer leur encaissement.

Il en déduit que c’est bien de manière délibérée et donc frauduleuse que Monsieur [P] s’est abstenu quelques mois plus tard de déclarer sa créance ce qui lui permettait de se placer sous le régime protecteur des procédures collectives tout en le maintenant volontairement dans l’ignorance des délais impartis aux créanciers pour déclarer leurs créances.

Monsieur [M] précise que c’est dans le cadre de son action en paiement initiée devant le TGI de GAP qu’il a découvert que son débiteur avait fait l’objet d’une liquidation judiciaire, plus précisément en l’état des conclusions signifiées par Monsieur [P] au mois de février 2015. Il fait ainsi valoir que par application des dispositions de l’article 2224 du code civil qu’il disposait à compter de cette date d’un délai de 5 ans pour agir.

Il rappelle que par application de l’article 2241 du même code la demande en justice, même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 7 juin 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Monsieur [W] [P] demande à la cour de:

DIRE que l’appel de Monsieur [M] est irrecevable faute d’avoir attrait en la cause le mandataire judiciaire, Maître [H] [B], du redressement judiciaire actuellement en cours

DIRE que l’intérêt à agir de Monsieur [M] a disparu en raison de l’ouverture du redressement judiciaire à l’encontre de Monsieur [W] [P]

DIRE que Monsieur [M] était informé de l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de Monsieur [P]

DIRE que de ce fait Monsieur [P] n’a commis aucune fraude à l’encontre de Monsieur [Z] [M]

DIRE en outre que la demande en reprise des poursuites, initiée plus de 9 ans après la clôture de la liquidation judiciaire est tardive

DIRE que la créance dont le demandeur poursuivrait le recouvrement, s’il était fait droit à sa demande, est discutée en son existence

EN CONSEQUENCE,

DEBOUTER Monsieur [Z] [M] de toutes ses demandes, fins et conclusions

CONFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Nice du 21 juin 2021

CONDAMNER Monsieur [Z] [M] au paiement de la somme de 2500€ au titre des dispositions contenues à l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christophe ROSA

A titre principal, sur l’irrecevabilité de l’appel

L’intimé expose qu’à la suite d’une déclaration de cessation des paiements, le tribunal judiciaire de GRASSE a, par jugement du 21 juin 2021, ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard et a désigné la SELARL MJ et Associés prise en la personne de Maître [H] [B], laquelle a eu pour effet:

-l’arrêt des poursuites individuelles

-l’interdiction pour le débiteur de payer des créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire

-l’arrêt du cours des intérêts

-l’interdiction d’inscription de sûreté postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective

Il constate que Monsieur [M] a attrait en cause d’appel Maître [L], qui n’a aucune qualité pour émettre la moindre prétention comme relevé en première instance, alors qu’il n’a pas attrait le mandataire judiciaire de l’actuelle procédure de redressement judiciaire à savoir Maître [B].

Il soutient au visa de l’article L622-23 du code de commerce qu’en attrayant en cause d’appel une partie qui n’a aucune qualité pour y être et en omettant d’y attraire une partie qui devrait y être du fait de son mandat de justice qui lui a été confié, Monsieur [M] a entaché d’une irrégularité l’appel qu’il a interjeté à l’encontre du jugement du tribunal judiciaire de Nice du 21 juin 2021.

A titre subsidiaire, l’absence d’intérêt pour agir

Il expose que dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 21 juin 2021, Monsieur [M] invité à le faire par Maître [B] comme tous les créanciers figurant sur la liste remise par ses soins, a déclaré sa créance au passif de la procédure collective.

Il fait valoir que l’intérêt à agir doit être né et actuel, personnel et légitime; qu’en l’espèce ces trois conditions ne sont pas réunies ; qu’en effet en soumettant la globalité des créanciers à une discipline collective le législateur ne permet pas à ceux-ci de pouvoir envisager le recouvrement de leur créance comme bon leur semble, et ce encore moins dans le cadre d’une reprise des poursuites à la suite d’une clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif datant de plus de 10 ans ; que dès lors que les poursuites individuelles sont interdites en vertu de l’article L622-21 du code de commerce, il ne peut être envisagé leurs reprise dans le cadre d’un redressement judiciaire.

A titre infiniment subsidiaire, l’impossible reprise des poursuites

Sur la créance

Il expose que le remboursement de la créance est contesté celle-ci étant considérée comme éteinte sur un plan civil et non déclarée dans la procédure collective alors que le débiteur a été informé de son existence.

Sur la fraude

Monsieur [P] expose qu’il a remis aux organes de la procédure, conformément aux dispositions de l’article L622-6 du code de commerce, la liste de ses créanciers.

Il s’étonne que Monsieur [M] n’ait pas été informé de l’ouverture d’une procédure collective alors qu’un autre créancier bénéficiaire d’une reconnaissance de dette a été en mesure de déclarer sa créance.

Il fait valoir que les effets de la procédure collective lui étaient favorables puisqu’ils interdisaient à Monsieur [M] toutes poursuites et notamment des actions en paiement pour recouvrer sa créance ; qu’il n’avait donc aucun intérêt à dissimuler cette créance.

Il relève par ailleurs que Monsieur [M] ne peut prétendre avoir été victime de son silence coupable puisque l’une des pièces qu’il a communiquée dans le cadre de l’appel devant la cour d’appel de Grenoble démontre le contraire (attestation de Madame [K]).

Il soutient que c’est par sa négligence que Monsieur [M] s’est privé de la faculté de pouvoir être reconnu comme créancier.

Par avis en date du 12 décembre 2022, le ministère public requiert en l’état de l’ouverture d’une nouvelle procédure collective ayant pour effet la suspension du droit de poursuite individuel des créanciers, que soit rejeté la demande de Monsieur [Z] [M].

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’irrégularité résultant du défaut d’assignation de la SELARL MJ [B]

Il est constant que la SELARL MJ [B], es qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Monsieur [W] [D] [P], a été assignée en intervention forcée par devant la cour d’appel d’Aix en Provence à la requête de Monsieur [M] le 22 novembre 2022.

Il en résulte que la procédure a été régularisée.

Sur l’intérêt à agir

Il sera relevé à titre liminaire que Monsieur [M] n’a pas répondu dans ses dernières conclusions au moyen d’irrecevabilité soulevé par l’intimé résultant de l’absence d’intérêt à agir de l’appelant.

Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Il est constant que le 21 juin 2021, concomitamment au jugement dont appel, une seconde procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’encontre de Monsieur [W] [P], exerçant à titre libéral la profession de médecin.

Il résulte des dispositions de l’article L622-21 du code de commerce que le jugement d’ouverture interrompt ou interdit tout action en justice de la part de tous les créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.

Le droit de poursuite individuel des créanciers étant suspendu, il appert que Monsieur [M] est dépourvu d’intérêt à agir.

Il en résulte que son appel est irrecevable.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Monsieur [M] qui succombe sera condamné aux dépens.

Aucune considération d’équité n’imposant de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, Monsieur [P] sera débouté de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe

DECLARE l’appel formé par Monsieur [M] irrecevable

DEBOUTE Monsieur [P] de ses prétentions au titre de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE Monsieur [M] aux dépens.

La greffière La conseillère pour la présidente empêchée

 


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