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16 mai 2023
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
20/02188
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 16/05/2023
la SCP LAVAL – FIRKOWSKI
Me Estelle GARNIER
la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES
Me Nelly GALLIER
la SELARL RENARD – PIERNE
la SELARL SELARL AACG
la SCP CRUANES-DUNEIGRE, THIRY ET MORENO
ARRÊT du : 16 MAI 2023
N° : – N° RG : 20/02188 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GHKQ
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 10 Septembre 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265253111411995
La MMA IARD inscrite au RCS du MANS sous le n° 390 203 152, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, venant aux droits de la SA COVEA RISKS qu’elle a absorbée et en sa qualité de co-assureur suite à la décision n° 2015C-83 de l’ACP du 22/10/2015
[Adresse 3]
[Localité 16]
représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat postulant au barreau d’ORLEANS et par Me Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
D’UNE PART
INTIMÉES : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265265122721884
Madame [S] [D]
née le 27 Avril 1981 à [Localité 15] (68)
[Adresse 10]
[Localité 15]
représentée par Me Estelle GARNIER, avocat postulant au barreau d’ORLEANS et par Me Anne-Florence MERCILLON, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°:1265263789220980
Madame [Y] [X] venant aux droits de Me [C] [X] notaire retiré de charge, décédé le 26 janvier 2016
née le 21 Mars 1991 à [Localité 26] (92)
[Adresse 6]
[Localité 18]
représentée par Me Sofia VIGNEUX de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Michel RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de VAL D’OISE
Madame [F] [X] venant aux drotis de Me [C] [X] notaire retiré de charge, décédé le 26 janvier 2016
née le 18 Mai 1994 à [Localité 26] (92)
[Adresse 7]
[Localité 17]
représentée par Me Sofia VIGNEUX de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Michel RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de VAL D’OISE
Madame [Z] [X] venant aux droits de Me [C] [X] notaire retiré de charge, décédé le 26 janvier 2016 et agissant ès-qualité de liquidateur de la SCP [C] [X], domiciliée [Adresse 9] [Localité 18] suivant Procès-Verbal en date du 28 juin 2016 en lieu et place de Maître [C] [X], décédé le 26 janvier 2016.
née le 24 Novembre 1988 à [Localité 26] (92)
[Adresse 9]
[Localité 18]
représentée par Me Sofia VIGNEUX de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Michel RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de VAL D’OISE
– Timbre fiscal dématérialisé N°:1265253165099749
Madame [O] [R] épouse [A]
née le 15 Mai 1963 à [Localité 23]
[Adresse 5]
[Localité 20]
représentée par Me Estelle GARNIER, avocat postulant au barreau d’ORLEANS et par Me Anne-Florence MERCILLON, avocat au barreau de VERSAILLES
– Timbre fiscal dématérialisé N°:1265264461112626
S.A.R.L. ATELIER L’ECHELLE anciennement dénommé SARL D’ARCHITECTURE FRANCOIS BLEVIN ET [E] PRYEN immatriculée sous le n° B 388 244 329, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 8]
[Localité 11]
représentée par Me Nelly GALLIER, avocat postulant au barreau de BLOIS et par Me Martine MEUNIER de la SELARL CM&B ‘COTTEREAU-MEUNIER-BARDON-SONNET- ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de TOURS,
– Timbre fiscal dématérialisé N°:1265263103873688
Compagnie d’assurance MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS – inscrit au RCS de PARIS numéro 784647349 ,prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 18]
représentée par Me Jacqueline PIERNE de la SELARL RENARD – PIERNE, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Marc FLINIAUX, avocat plaidant au barreau de PARIS
– Timbre fiscal dématérialisé N°:1265264449034865
S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE
immatriculée au RCS de STRASBOURG sous le N°775 618 622, immatriculée à l’ORIAS sous le n° 07 004 738, venant aux droits de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE D’ALSACE immatriculée sous le numéro RCS STRASBOURG 383 984 879 sous la forme de SA coopérative, dont le siège social est sis [Adresse 2], [Localité 14] , agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège à la suite de la fusion à compter du 23 juin 2018 de la Caisse d’Epargne Alsace et de la Caisse d’Epargne Lorraine Champagne Ardenne
[Adresse 1]
[Localité 13]
représentée par Me Jean-Baptiste CHICHERY de la SELARL SELARL AACG, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Bernard LEVY, avocat plaidant au barreau de STRASBOURG
PARTIE INTERVENANTE : – Timbre fiscal dématérialisé N°:1265261927721043
Maître [H] [U], mandataire judiciaire agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de la SCI [Adresse 25] en lieu et place de la SELARL SMJ précédemment désignée à cette fonction par arrêt de la cour d’appel de PARIS du 287 mai 2015, suivant ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Créteil du 04 novembre 2020
[Adresse 12]
[Localité 21]
représenté par Me Maxime MORENO de la SCP CRUANES-DUNEIGRE, THIRY ET MORENO, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 29 Octobre 2020.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 03 janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du 14 Mars 2023, à 14 heures, devant Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, Magistrat Rapporteur, par application de l’article 786 et 910 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.
Lors du délibéré :
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier :
Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.
Prononcé le 16 MAI 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
En 2009, Mme [D] a été démarché par la société EPI Capital en vue d’acquérir, sous le statut de loueur de meublé non professionnel, un bien immobilier situé au sein d’une résidence de tourisme à construire intitulée « [Adresse 24] » à [Localité 22] (37) et de le donner en location commerciale à une société gestionnaire.
Mme [D] a conclu, le 13 mai 2009, avec la SCI [Adresse 25] représentée par la société EPI Capital, un contrat de réservation portant sur le bien à construire, prévoyant un prix de 97 912 €, la livraison du bien étant fixée pour le 4e trimestre 2009.
Afin de financer cette acquisition, elle a contracté un prêt de 164 500 CHF auprès de la Caisse d’épargne et de prévoyance d’Alsace.
L’acte de vente a été dressé par Maître [C] [X], notaire, le 15 octobre 2009, et une somme de 83 225 euros correspondant à 85 % du prix était débloquée le jour de la signature. Le solde du prix devait être libéré à hauteur de 10 % à l’achèvement de l’immeuble et 5 % à la remise des clés.
Après avoir annoncé à l’acquéreur du retard dans la livraison de son bien, la SCI [Adresse 25] a fait l’objet d’un jugement de redressement judiciaire le 2 juillet 2012, converti en liquidation judiciaire le 26 novembre 2012.
Le bien n’ayant jamais été livré, Mme [D] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Tours, par actes d’huissier des 2 et 23 octobre, et 27 novembre 2012, la SCI [Adresse 25] prise en la personne de son mandataire judiciaire Me [P] [G], Me [P] [I] désigné administrateur judiciaire de la SCI [Adresse 25], et Me [C] [X] placé sous l’administration de la SCP Oury-Narbey-Fontaine-Martin. Puis, il a fait assigner Me [P] [G] en qualité de mandataire liquidateur de la SCI [Adresse 25], la Caisse d’épargne d’Alsace, la société MMA Iard, assureur de Me [C] [X], et la SELARL SMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI [Adresse 25].
Maître [C] [X] a mis en cause le cabinet d’architecture François Blevin et Eric Pryen devenu la société Atelier L’Échelle, et son assureur la Mutuelle des architectes français (MAF).
Par décision du 2 juillet 2015, le juge de la mise en état a suspendu l’exécution du contrat de prêt souscrit par le demandeur auprès de la Caisse d’épargne d’Alsace jusqu’à l’issue du litige pendant devant le tribunal de grande instance.
Maître [C] [X] est décédé le 26 janvier 2016 et l’instance a été reprise à la suite de l’intervention volontaire de ses héritières, Mme [Z] [X], Mme [Y] [X] et Mme [F] [X], Mme [Z] [X] reprenant aussi l’instance ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X].
Par jugement en date du 10 septembre 2020 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Tours a notamment :
1- constaté l’intervention de Mmes [Z], [Y] et [F] [X], en qualité d’ayants droits de Me [C] [X], notaire décédé le 26 janvier 2016, et l’intervention de Mme [Z] [X], ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X],
2- mis hors de cause Me [P] [G], ès qualités de mandataire judiciaire et de liquidateur judiciaire de la SCI [Adresse 25], et constaté que la SELARL SMJ a été désignée à cette fin par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 mai 2015,
3- mis hors de cause Me [I], ès qualité d’administrateur judiciaire de la SCI [Adresse 25],
4- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 15 octobre 2009 entre la SCI [Adresse 25] et Mme [D] et portant sur un appartement lot numéro 183 au rez-de-chaussée du bâtiment D comprenant chambre, coin cuisinette, salle d’eau, WC, terrasse et les 28/10000e des parties communes générales, et ce, pour non-respect des dispositions de l’article R261’18’b du code de la construction et de l’habitation,
5- dit que la SCI [Adresse 25] devrait restituer à Mme [D] la contre-valeur de la somme de 134 818 CHF, avec intérêts à compter de la date de l’assignation du 27 novembre 2012,
6- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil,
7- constaté l’impossibilité pour l’investisseur de restituer le bien,
8- déclaré irrecevable la demande visant à l’inscription au passif de la liquidation judiciaire de la SCI [Adresse 25] ladite somme,
9- prononcé la nullité du contrat de prêt conclu entre Mme [D] et la Caisse d’épargne d’Alsace selon offre du 1er septembre 2009,
10- condamné Mme [D] à restituer à la Caisse d’épargne Grand Est Europe le capital emprunté et débloqué, soit la contre-valeur de 134 818 CHF, outre les intérêts à compter des conclusions du 10 mars 2020,
11- condamné la Caisse d’épargne Grand Est Europe à restituer à Mme [D] les échéances versées, les intérêts arrêtés au 2 juillet 2015 et les frais, soit la contre-valeur de 33 402 CHF, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
12- ordonné la compensation entre ces créances respectives,
13- condamné en conséquence Mme [D] à restituer à la Caisse d’épargne Grand Est Europe la contre-valeur de la somme de 101 416,15 CHF au jour du paiement,
14- dit que la SCI [Adresse 25] et Me [X] engagent leur responsabilité à l’égard de Mme [D] sur le fondement des dispositions de l’article 1147 et 1382 anciens du code civil,
15- dit que Mmes [Z], [Y] et [F] [X], en qualité d’ayants droits de Me [C] [X], et Mme [Z] [X], ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X] doivent garantir la restitution du prix à hauteur de la contre-valeur de 134 818 CHF au jour du paiement, compte tenu de l’insolvabilité de la SCI des Gaudinelles,
16- dit que la société MMA doit garantir son assuré, Me [X], et condamné in solidum les consorts [X] et les MMA à garantir la restitution du prix à hauteur de la contre-valeur de 134 818 CHF au jour du paiement,
17- condamné in solidum Mmes [Z], [Y] et [F] [X], en qualité d’ayants droits de Me [C] [X], et Mme [Z] [X], ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X], et la société MMA à verser à Mme [D] une somme de 10 000 € en réparation de son préjudice moral,
18- débouté Mmes [Z], [Y] et [F] [X], en qualité d’ayants droits de Me [C] [X], et Mme [Z] [X], ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X] et la société MMA de leurs recours en garantie à l’encontre de la SARL L’Échelle et de son assureur la MAF, et à l’égard de la Caisse d’épargne Grand Est Europe,
19- condamné in solidum Mmes [Z], [Y] et [F] [X], en qualité d’ayants droits de Me [C] [X], et Mme [Z] [X], ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X], et la société MMA aux dépens de l’instance, qui comprendront les frais hypothécaires, dont distraction au profit de Me Vincent David, de la SCP Renard-Pierné, de la SELARL CM&B et Associés, avocats au barreau de Tours,
20- condamné in solidum Mmes [Z], [Y] et [F] [X], en qualité d’ayants droits de Me [C] [X], et Mme [Z] [X], ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X], et la société MMA à verser à Mme [D] une somme de 4 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
21- débouté les autres parties de leurs demandes d’indemnité procédure,
22- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au jugement,
23- ordonné la publication du jugement ayant prononcé la nullité de l’acte de vente du 15 octobre 2009 conclu entre la SCI [Adresse 25] et Mme [D] portant sur le lot numéro 183 de l’ensemble immobilier nouvellement cadastré BE numéro [Cadastre 19] au lieu-dit [Adresse 25] situé à [Localité 22], acte publié le 4 décembre 2009 à la conservation des hypothèques de Tours 2 bureau volume 2009 P numéro 5051.
Par déclaration d’appel du 29 octobre 2020, la société MMA Iard a interjeté appel de cette décision quant aux chefs de jugement précités n° 4 à 23. L’appel était dirigé à l’encontre de toutes les parties de première instance à l’exception de Me [G] et de Me [I], mis hors de cause.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 25 juin 2021, la société MMA Iard demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a annulé le contrat de vente,
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu la responsabilité de Maître [X],
– déclarer irrecevable comme prescrite la demande d’indemnisation formulée par la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe venant aux droits de la Caisse d’épargne et de prévoyance Alsace,
En conséquence,
– dire et juger qu’aucune faute ne peut être reprochée à Maître [X] ou à la SCP [C] [X],
– dire et juger que la preuve d’un lien de causalité entre les manquements reprochés et le préjudice allégué n’a pas été rapportée,
– dire et juger que Mme [D] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice né, actuel et certain,
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu un préjudice subi par Mme [D] à hauteur de 134 818 CHF,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [D], au titre des loyers commerciaux, de la TVA,
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a admis le principe d’un préjudice moral subi par Mme [D],
– dire et juger qu’il n’existe aucune dette de responsabilité civile et qu’aucune condamnation ne peut être, dans ces conditions retenue, à son encontre,
– rejeter toutes demandes formées à son encontre,
– débouter Mme [D], la SCP Blevin et Pryen aux droits de laquelle vient la société Atelier de L’échelle, la société MAF, la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est de leurs appels incidents et de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner in solidum la SARL Blevin Pryen aux droits de laquelle vient la SARL Atelier L’Échelle, la société MAF, la Caisse d’épargne Grand Est Europe à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,
– condamner Mme [D], ou toute autre partie succombant, à lui payer la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [D] ou tout autre succombant au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés par la SCP Laval Firkowski, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 29 avril 2021, Mme [Z] [X], tant à titre personnel qu’en qualité de liquidateur amiable de la SCP [X], et Mmes [Y] et [F] [X] demandent à la cour de :
– confirmer le jugement déféré uniquement en ce qu’il a débouté Mme [D] de ses demandes d’indemnisation au titre de la TVA,
– et pour le surplus, infirmer le jugement déféré quant aux chefs n° 4 à 23,
Et statuant à nouveau,
– dire et juger que Maître [C] [X] n’a commis aucune faute,
– constater, en tout état de cause, l’absence de lien de causalité entre une hypothétique faute de l’étude et le préjudice invoqué,
– dire et juger que le préjudice invoqué n’est ni actuel, ni certain,
– déclarer Mme [D] irrecevable, en tout cas mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
– l’en débouter purement et simplement,
– débouter la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe et toutes autres parties, de toutes leurs demandes dirigées à l’encontre du notaire et de ses ayants droits,
Et à titre subsidiaire, si par impossible la cour venait à confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le notaire avait commis une faute, et l’a condamné à garantir la restitution du prix à hauteur de 134 818 CHF,
– dire et juger que le cabinet d’architecture a commis une faute de nature à engager sa responsabilité professionnelle,
– dire et juger que la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe est également responsable du préjudice subi par Mme [D],
En conséquence,
– condamner in solidum la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe, le cabinet d’architecture L’Atelier L’Échelle, et son assureur, la MAF, et toutes autres parties succombantes à les garantir de toute condamnation qui, par impossible, pourrait être prononcée à leur encontre,
Et dans l’éventualité où des demandes d’appel en garantie seraient formulées à leur encontre :
– déclarer la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe, le cabinet d’architecture L’Atelier L’Échelle, et son assureur, la MAF et toutes autres parties demanderesses à la garantie du notaire, irrecevables et en tout cas mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à leur encontre,
– les en débouter,
Et en tout état de cause,
– condamner in solidum Mme [D] et toutes autres parties succombantes à leur payer la somme de 6 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum Mme [D] et toutes autres parties succombantes aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Sofia Vigneux, membre du Cabinet Thaumas, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 juillet 2021, Mme [D] demande à la cour de :
– débouter l’appelante de son appel ainsi que de l’ensemble de ses demandes,
– débouter Mmes [Z], [Y] et [F] [X], ainsi que toutes parties, de toutes leurs demandes, fins et prétentions, et notamment de leur appel incident,
En conséquence,
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– arrêter l’étendue de la garantie due par l’assureur du notaire au montant des condamnations prononcées à l’encontre de la SCI [Adresse 25], soit en principal et intérêts,
À défaut,
– constater le défaut de livraison,
– prononcer la résolution de la vente,
– constater la résolution du contrat de prêt,
En conséquence,
– condamner in solidum les ayants droits du notaire et le liquidateur de la SCP [X] à titre de dommages-intérêts au remboursement des sommes versées par les acquéreurs pour le prix de vente perdu avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
– ordonner la compensation entre la créance de la banque et la créance de l’investisseur,
– ordonner que les ayants droits de Maître [X] et le liquidateur de la SCP [C] [X] devront garantir l’investisseur de toutes condamnations à son égard, et les y condamner in solidum,
– condamner la société MMA Iard à une amende civile de 2 000 €,
– condamner in solidum Mme [Z] [X] venant aux droits de [C] [X] et ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X], Mmes [F] et [Y] [X] venant aux droits de [C] [X] et leur assureur les MMA Iard ou toute partie succombante à lui verser la somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Estelle Garnier, avocat aux offres de droit.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 22 juillet 2021, la SARL Atelier L’Échelle demande à la cour de :
À titre principal,
– confirmer le jugement entrepris, en particulier en ce qu’il a rejeté toutes demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre et dit que tous les appels en garantie formés à son encontre étaient sans objet ou mal fondés,
En conséquence,
– dire et juger mal fondées toutes les demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,
– débouter la SA MMA Iard, Mme [Z] [X] venant aux droits de [C] [X] et ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X], Mme [F] et [Y] [X] venant aux droits de [C] [X] ou toute autre partie, de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,
À titre subsidiaire,
– condamner in solidum Mme [Z] [X] venant aux droits de [C] [X] et ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X], Mmes [F] et [Y] [X] venant aux droits de [C] [X] et leur assureur SA MMA Iard, ainsi que la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
En tout état de cause,
– rejeter toutes demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,
– condamner in solidum Mme [Z] [X] venant aux droits de [C] [X] et ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X], Mmes [F] et [Y] [X] venant aux droits de [C] [X] et leur assureur les MMA Iard ou toute partie succombant à lui verser la somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Nelly Gallier, avocat aux offres de droit.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 30 juillet 2021, la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe venant aux droits de la Caisse d’épargne et de prévoyance d’Alsace demande à la cour de :
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 10 septembre 2020,
Statuant à nouveau,
Sur la demande dirigée contre elle par Mme [D],
– débouter Mme [D] de l’ensemble de ses fins et conclusions ;
– le condamner aux frais et dépens ;
– le condamner à lui payer la somme de 10 000 € sur l’article 700 du code de procédure civile,
Sur la demande reconventionnelle à l’encontre de Mme [D],
Dans l’hypothèse où « le tribunal » viendrait à annuler le prêt,
– condamner Mme [D] à lui payer la contre-valeur en euros au jour du paiement de la somme de 134 818 CHF plus intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds subsidiairement à compter de la date de dépôt des présentes conclusions qui constituent en tant que de besoin mise en demeure ;
– ordonner l’exécution par provision du « jugement à intervenir » sur la demande reconventionnelle,
Sur l’appel en garantie subsidiaire,
– condamner solidairement Mmes [Z] [X], [Y] [X], [F] [X] et Mme [Z] [X] ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X] et la compagnie Mutuelle du Mans Iard à lui payer solidairement avec Mme [D] la contre-valeur en euros au jour du paiement de la somme de 101 416,15 CHF augmentée du taux conventionnel et des pénalités telles que prévues dans le contrat de prêt consenti à celle-ci ;
– condamner solidairement Mmes [Z] [X], [Y] [X], [F] [X] et Mme [Z] [X] ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X] et la compagnie Mutuelle du Mans Iard à la garantir de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre en principal, intérêts, dommages-intérêts et article 700 du code de procédure civile et frais ;
– les condamner à lui payer solidairement avec Mme [D] la somme de 10 000 € sur l’article 700 du code de procédure civile ;
– les condamner aux entiers frais et dépens de l’instance,
Sur les appels en garantie formée à son encontre,
– débouter l’ensemble des appelants en garantie à son encontre de l’ensemble de leurs fins et conclusions,
– les condamner à lui payer la somme de 10 000 € sur l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 29 juillet 2021, la MAF demande à la cour de :
– dire l’appel de la société MMA mal fondé ;
– la débouter par voie de conséquence de l’intégralité de ses prétentions dirigées à son encontre ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a écarté toute condamnation à son encontre ;
– débouter Mme [D] et les consorts [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
– constater que la faute de la SARL Atelier L’Échelle anciennement SARL Cabinet d’architecture François Blevin et Eric Pryen n’est nullement établie et qu’il n’existe pas davantage de lien de causalité entre une hypothétique faute de l’architecte et le préjudice invoqué ;
Subsidiairement,
– dire et juger qu’elle est fondée à opposer une non garantie à la SARL Cabinet d’architecture François Blevin et Eric Pryen dès lors que le sinistre a perdu tout caractère aléatoire en violation des dispositions de l’article 1964 du code civil et en application de la clause d’exclusion 2.111 de la police ;
À titre infiniment subsidiaire,
– dire et juger qu’elle ne pourra garantir la SARL Cabinet d’architecture François Blevin et Eric Pryen que dans les limites et conditions de la police qui contient une franchise opposable aux tiers lésés ainsi qu’un plafond de garantie au titre des dommages immatériels non consécutifs à des dommages matériels garantis de 500 000 € hors actualisation, ledit plafond étant unique pour l’ensemble des réclamations dirigées à son encontre dont la présente procédure et pour les autres procédures en cours, dès lors que ces réclamations ont une seule et même cause technique dans le cadre de la même opération de construction ;
– désigner le cas échéant tel séquestre qu’il plaira à la cour avec pour mission de conserver les fonds dans l’attente de décision définitive tranchant les différentes réclamations formées à son encontre concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés ;
– condamner Mmes [Z] [X], [Y] [X], [F] [X] et [Z] [X] ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X], et la SA MMA à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre en application de l’article 1382 ancien ‘ 1240 du code civil ;
– condamner solidairement Mmes [Z] [X], [Y] [X], [F] [X] et [Z] [X] ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X] et la SA MMA Iard à la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– les condamner aux entiers dépens que la SCP Renard-Pierné pourra recouvrer directement conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 21 avril 2021, Maître [H] [K] [U], mandataire judiciaire, agissant suivant ordonnance du Juge commissaire du tribunal de commerce de Créteil du 4 novembre 2020, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SCI [Adresse 25] en lieu et place de la SELARL SMJ, demande à la cour de :
– le recevoir, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SCI [Adresse 25], en son intervention volontaire aux lieu et place de la SMJ ;
Y faisant droit,
– mettre la SMJ hors de cause ;
– confirmer le jugement des chefs déclarant irrecevable la demande de fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de la SCI [Adresse 25] formulée par Mme [D] ;
Y ajoutant,
– dire que pour les créances qui seraient nées postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, il n’est nullement justifié par les demandeurs du caractère méritant de la créance qui autoriserait un paiement à l’échéance ;
– débouter les MMA Iard, Mme [D], les demandeurs en garantie ainsi que toute autre partie de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre notamment à sa condamnation au paiement d’une somme d’argent, à le rendre garant de toute condamnation prononcée à l’encontre d’une autre partie ou à une fixation au passif de la liquidation judiciaire,
– statuer ce que de droit sur les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
SUR QUOI, LA COUR,
La Selarl SMJ ayant été remplacée par Maître [U] suivant ordonnance du 4 novembre 2020 du juge commissaire du tribunal de commerce de Créteil, il convient de mettre hors de cause la SELARL SMJ et de recevoir l’intervention de Maître [U] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI [Adresse 25].
I- Sur la nullité du contrat de vente par acte authentique
Le tribunal a prononcé la nullité du contrat de vente conformément à l’article L.261-10 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version en vigueur à l’époque du contrat, qui sanctionne le non-respect des règles impératives de la vente d’immeubles à construire et en a tiré les conséquences concernant la restitution du prix de vente et a condamné le notaire et son assureur à garantir cette restitution.
La société MMA Iard appelante poursuit l’infirmation du jugement tant en ses dispositions relatives à cette annulation qu’en celles condamnant les ayants droit et le liquidateur de M. [C] [X], son assuré.
Elle fait valoir que la responsabilité civile de M. [X] ne peut être mise en jeu, dès lors qu’il est étranger au contrat de réservation et que la fiche technique annexée à ce contrat et qui mentionnait une garantie extrinsèque, n’a pas de valeur contractuelle ; qu’en outre, son assuré a adressé à l’acquéreur un projet d’acte de vente mentionnant clairement une garantie intrinsèque quelques semaines avant la vente et qu’il appartenait à ce dernier, qui a fait choix de donner procuration pour régulariser l’acte authentique, de le lire et de s’informer ; que le notaire n’a pas à proposer une autre garantie puisque la garantie intrinsèque est licite ; que celle-ci était effective compte tenu de la commercialisation déjà très avancée du programme au moment de la signature de l’acte authentique. Il ajoute qu’il faut en prendre en compte le prix global des ventes pour évaluer le pourcentage de garantie et non les acomptes versés ; Elle estime qu’il n’existe pas de lien de causalité entre l’intervention du notaire et les faits générateurs des préjudices invoqués par l’acquéreur ; elle insiste sur le fait que le notaire n’était pas concerné par l’engagement préalable de l’acquéreur et les rapports avec la société EPI Capital représentant la SCI [Adresse 25] ; que le notaire est également sans lien avec le déblocage des fonds ; qu’aucune solidarité ne lie le notaire à un vendeur dès lors que le notaire n’a pas personnellement perçu le prix de vente ; elle précise qu’il a été procédé au déblocage des fonds par l’établissement bancaire, sur la foi de différentes attestations des architectes qui n’en ignoraient pas la finalité ; que le notaire n’est pas à l’origine de l’arrêt du chantier, au début de l’année 2009, chantier marqué par des interruptions successives en raison des défauts ou retard de paiement des entreprises imputables à la seule SCI [Adresse 25] ; il ajoute que la SCI était in bonis au moment de la régularisation de l’acte authentique ; elle précise que la SCI est aussi à l’origine de la résiliation du bail à construction conclu le 13 mars 2006 avec la commune.
Les consorts [X] font valoir que la preuve des trois éléments permettant de retenir la responsabilité délictuelle du notaire, n’est pas rapportée ; qu’il n’y avait pas lieu, selon elles, à information sur la suppression d’une garantie extrinsèque qui n’a jamais existé ; que la lettre de notification qui a été adressée à l’acquéreur, conformément à l’article R.261-30 du code de la construction et de l’habitation, était particulièrement claire et celui-ci était parfaitement informé tant sur son droit de rétractation que sur le contenu de l’acte lui-même, signant l’acte en toute connaissance de cause et en possession de tous les documents contractuels ; que l’acte rappelle de manière très précise et dans le détail, les conditions de la garantie d’achèvement dite intrinsèque, à l’instar de la procuration qu’il a signée en toute connaissance de cause ; qu’il n’appartenait pas au notaire de le mettre en garde sur le risque du défaut d’achèvement du chantier en l’absence de garantie extrinsèque ou de proposer d’autres garanties ; que l’acquéreur ne peut davantage se prévaloir d’un défaut d’information sur la nature des droits acquis et sur la quote-part résultant d’un bail à construction précisément décrit dans l’acte authentique ; qu’en outre, le notaire n’est pas tenu de procéder à des recherches particulières sur l’opportunité économique de l’opération envisagée ; que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, les conditions de la garantie intrinsèque étaient satisfaites lors de la signature de l’acte, les opérations de commercialisation étant bien avancées, l’avance de trésorerie consentie par M. [V], selon acte de prêt du 15 septembre 2006 au montant de 3 500 000 euros annexé à l’acte notarié, devant être regardée comme ayant bénéficié à la SCI à titre de fonds propres du vendeur et le prix du terrain d’assiette estimé par expert à la somme de 8 216 000 euros devant être pris en compte d’autant qu’il conférait au preneur un droit réel immobilier ; qu’il n’existe pas de lien de causalité entre la faute du notaire et les préjudices invoqués, la source de ceux-ci se trouvant exclusivement dans la déconfiture du promoteur vendeur alors que les appartements étaient à 93 % en voie d’achèvement et les équipements collectifs à 45 %, selon le rapport de l’expert judiciaire [T] ; que les préjudices allégués ne sont ni actuels ni certains.
Mme [D] sollicite la confirmation du jugement qui a prononcé la nullité de la vente, au motif que les conditions posées par l’ancien article R. 261-18 b ancien du code de la construction et de l’habitation étaient loin d’être réalisées. Elle indique que le notaire avait l’obligation de veiller au respect de la réglementation d’ordre public relative à cette garantie et d’effectuer des diligences particulières s’il s’apercevait ou décelait que les éléments apportés en garantie étaient insuffisants ou douteux ; que la valeur du terrain ne pouvait pas être prise en compte dans les fonds propres de la SCI [Adresse 25] puisque la garantie d’achèvement doit intervenir précisément lorsque les constructions ne sont pas achevées ; que SCI [Adresse 25] n’était pas propriétaire de ce terrain, puisqu’elle en disposait dans le cadre d’un bail à construction ; que le notaire aurait dû l’informer qu’en cas de non réalisation des travaux dans un délai de 4 ans à compter du 13 mars 2006, date de signature du bail à construction, celui-ci pouvait être résilié, et les constructions devenir la propriété de la commune ; que le notaire a méconnu la réglementation d’ordre public concernant la garantie d’achèvement en acceptant d’y faire figurer un prêt consenti ni par une banque ni par un établissement habilité et dont surtout il ne s’était pas assuré qu’il serait maintenu jusqu’à l’achèvement de l’opération.
Afin de solliciter la confirmation du jugement en ce qu’il a jugé mal fondées les demandes dirigées à son encontre, la société Atelier L’Échelle suivie en son argumentation par son assureur, la MAF, retrace l’historique de ce chantier qui s’est totalement arrêté au début de l’année 2009 ; elle évoque une procédure à l’encontre de la SCI [Adresse 25] pour obtenir paiement de ses propres honoraires ainsi que la résiliation de son contrat de maîtrise d”uvre à effet au 24 février 2010, acceptée par cette SCI, soutient que l’ensemble de ses adversaires est mal fondé à rechercher sa responsabilité ; que l’acquéreur, qui ne produit aucun document technique concernant son propre lot, ne démontre pas qu’il a fourni des attestations fallacieuses, alors qu’elle a tout mis en ‘uvre pour favoriser, malgré les multiples difficultés rencontrées, l’avancement des travaux. Elle ajoute qu’il appartenait à l’acquéreur de refuser les appels de fonds intermédiaires.
La société MAF fait valoir que le fait que l’acquéreur ait signé des appels de fonds contraires au planning contractuel n’engage que ce dernier. Tant la MAF que la société L’Atelier L’échelle ajoutent qu’il ne peut être tiré argument du rapport de M. [T] du 14 avril 2014 qui ne concerne pas le lot de l’acquéreur ; elles font toutefois remarquer qu’il ne retient ni insuffisances ni négligences de la part de l’équipe de maîtrise d”uvre ni, non plus, d’écart significatif entre l’avancement du chantier et les attestations établies ; qu’on ne saurait reprocher aux architectes l’établissement d’attestations de pure complaisance et procéder par analogie alors qu’il conviendrait de se placer au jour précis de leur établissement pour en apprécier la pertinence et qu’au surplus l’expert judiciaire n’a pu retenir qu’un léger écart entre l’avancement réel et les 93 % qui figurent dans les attestations de trois logements étrangers au présent litige.
A- Sur le respect des règles impératives de la vente d’immeubles à construire
L’article L.261-10 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable à la cause, dispose : « Tout contrat ayant pour objet le transfert de propriété d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation et comportant l’obligation pour l’acheteur d’effectuer des versements ou des dépôts de fonds avant l’achèvement de la construction doit, à peine de nullité, revêtir la forme de l’un des contrats prévus aux articles 1601-2 et 1601-3 du code civil, reproduits aux articles L. 261-2 et L. 261-3 du présent code. Il doit, en outre, être conforme aux dispositions des articles L. 261-11 à L. 261-14 ».
L’article L.261-11 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable à la cause, prévoit que le contrat doit être conclu par acte authentique et préciser « lorsqu’il revêt la forme prévue à l’article 1601-3 du code civil, reproduit à l’article L. 261-3 du présent code, la garantie de l’achèvement de l’immeuble ou du remboursement des versements effectués en cas de résolution du contrat à défaut d’achèvement ».
L’article R.261-17 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable à la cause, prévoyait deux types de garanties d’achèvement de l’immeuble dans le cadre des ventes d’immeubles à construire : une garantie dite intrinsèque résultant « de l’existence de conditions propres à l’opération », et une garantie dite extrinsèque résultant « de l’intervention, […], d’une banque, d’un établissement financier habilité à faire des opérations de crédit immobilier, d’une entreprise d’assurance agréée à cet effet ou d’une société de caution mutuelle constituée conformément aux dispositions de la loi modifiée du 13 mars 1917, ayant pour objet l’organisation du crédit au petit et moyen commerce, à la petite et moyenne industrie ».
L’article R.261-18 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable à la cause, relatif à la garantie intrinsèque, dispose :
« La garantie d’achèvement résulte de l’existence de conditions propres à l’opération lorsque cette dernière répond à l’une ou à l’autre des conditions suivantes :
a) Si l’immeuble est mis hors d’eau et n’est grevé d’aucun privilège ou hypothèque ;
b) Si les fondations sont achevées et si le financement de l’immeuble ou des immeubles compris dans un même programme est assuré à concurrence de 75 % du prix de vente prévu :
– par les fonds propres au vendeur ;
– par le montant du prix des ventes déjà conclues ;
– par les crédits confirmés des banques ou établissements financiers habilités à faire des opérations de crédit immobilier, déduction faite des prêts transférables aux acquéreurs des logements déjà vendus.
Toutefois, le taux de 75 % est réduit à 60 % lorsque le financement est assuré à concurrence de 30 % du prix de vente par les fonds propres du vendeur.
Pour l’appréciation du montant du financement ainsi exigé, il est tenu compte du montant du prix des ventes conclues sous la condition suspensive de la justification de ce financement dans les six mois suivant l’achèvement des fondations.
En l’espèce, l’acte de vente notarié dont la nullité est soulevée comporte, en page 21 et dans les termes précisément repris par le tribunal, un chapitre intitulé « garantie d’achèvement », comportant le rappel des dispositions de l’article R.261-18 b du code de la construction et de l’habitation, s’analysant en une garantie intrinsèque d’achèvement supposant la réunion de conditions financières précises qui devaient être remplies au moment de la vente.
La société venderesse précisait notamment que « le prix de vente prévu pour tout l’ensemble immobilier dont dépendent les biens vendus s’élève à la somme de 20 292 656 euros », que « le financement dont la société demanderesse doit justifier aux termes de l’article R. 261-18 b) précité est de 60 % du prix de vente, soit 12 175 593 euros ». Elle justifiait « avoir ce financement à sa disposition ainsi qu’il suit : par le terrain sur lequel sont édifiés des constructions, lequel a été estimé par monsieur [L] [M], expert en estimation immobilière, (…) à la somme de 8 216 000 euros » et « par la trésorerie de la SCI composée :
* des fonds versés par monsieur [N], ainsi qu’il résulte d’une reconnaissance de dette régularisée en l’étude du notaire soussigné le 1er mars 2006, d’un montant de 160 000 €,
* du prêt consenti à la SCI suivant acte reçu par le notaire soussigné le 15 septembre 2006 pour un montant de 3 700 000 €,
* par le montant total du prix des ventes réalisées, sous conditions suspensives avant ce jour, ce qui est attesté par le notaire soussigné, soit la somme de 1 192 280 €, soit une somme de 13 268 280 euros représentant un total supérieur au financement dont la SCI doit justifier ».
Si pour assurer la viabilité financière de l’opération de construction jusqu’à son achèvement, un taux de 60 % de financement suffit lorsque les fonds propres représentent 30 % du prix de vente prévu, ainsi qu’il résulte des dispositions de l’article R.261-18 b) précité, force est de considérer qu’en l’espèce la SCI [Adresse 25] ne satisfaisait pas à ces exigences.
En effet, au rang des fonds propres qui devait s’élever à 30 % du prix de vente total de l’ensemble immobilier, soit, 6 087 796,80 euros, contrairement à ce que soutiennent les consorts [X] et leur assureur, il ne pouvait être tenu compte du terrain d’assiette, lequel conférait, certes, à la SCI preneuse un droit réel immobilier mais non un droit de propriété payé par des fonds appartenant au vendeur, d’autant que le bien était grevé d’hypothèques et que le bail à construction consenti pour une durée de 99 ans était assorti d’une faculté de résiliation anticipée en cas d’inachèvement du chantier dans un délai de quatre ans, ce qui a été effectivement le cas, ainsi qu’il résulte de l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Orléans le 19 octobre 2015 qui a prononcé la résolution judiciaire de ce contrat en raison des manquements de la SCI [Adresse 25].
En outre l’estimation ainsi avancée était dénuée de pertinence puisqu’elle constituait, selon le rapport de M. [M], « une estimation en valeur de terrain à bâtir », et non d’après la valeur du droit réel immobilier constitué par le bail à construction consenti le 13 mars 2006 à la SCI.
S’agissant de la trésorerie invoquée dans l’acte authentique, le prêt au montant de 3 500 000 euros consenti le 15 septembre 2006 par un simple particulier pour une durée de huit mois et moyennant le paiement d’intérêts, ne peut être regardé comme entrant dans les fonds propres de la SCI dans la mesure où il se devait d’être disponible jusqu’au terme de l’opération. Par ailleurs, la reconnaissance de dette de M. [N] dont il est fait état, sans plus d’éléments d’explication, ne constitue qu’une autre créance à recouvrer au moyen d’un document contenant, certes, un engagement de payer mais soumis aux aléas de son exécution et, en toute hypothèse, au montant fort modeste en regard du prix de vente de l’ensemble immobilier.
Enfin, s’agissant du produit des ventes déjà conclues (qui s’ajoute aux fonds propres et dont il lui aurait fallu justifier à hauteur de 30 % également), il est patent que le montant de 1 192 280 euros porté à l’acte de vente, pour autant que les acquéreurs concernés aient été solvables, est inférieur au montant requis, l’acquéreur ajoutant à juste titre que même s’il était tenu compte du produit réel des ventes réalisées à la date de l’acte authentique qui a pu être invoqué par les consorts [X] et leur assureur, sans justificatifs comptables, le taux de 75 % requis (soit, en l’espèce 15 219 492 euros) en l’absence de la justification de fonds propres à hauteur de 30 %, n’aurait pas été atteint.
Il résulte de ces éléments que le tribunal a, à juste titre, fait droit à la demande d’annulation de cette vente consentie en méconnaissance des prescriptions d’ordre public en matière de vente en état futur d’achèvement.
B- Sur les conséquences de l’anéantissement du contrat de vente
La nullité d’un contrat, emporte son effacement rétroactif, et a pour effet de remettre les parties dans leur situation initiale.
Le prix de vente débloqué doit être restitué par la société venderesse à l’acquéreur. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la SCI [Adresse 25] doit restituer à Mme [D] la contre-valeur en euros de la somme de 134 818 CHF, avec intérêts à compter de la date de l’assignation, soit le 27 novembre 2012, et capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil.
S’agissant du contrat de prêt souscrit par l’acquéreur, il y lieu de rappeler qu’un contrat de prêt se trouve résolu par l’annulation rétroactive de la vente en vue de laquelle il avait été accordé, vente qui est censée n’avoir jamais été conclue, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 16 décembre 1992, n° 90-18.151).
Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de prêt précité conclu avec la Caisse d’épargne et de prévoyance d’Alsace désormais dénommée la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe.
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a condamné Mme [D] à restituer à la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe la contre-valeur en euros de la somme de 134 818 CHF, outre les intérêts à compter des conclusions du 10 mars 2020. L’emprunteur étant de bonne foi, il n’y a en effet pas lieu de fixer le point de départ des intérêts légaux à compter de la mise à disposition des fonds.
L’annulation rétroactive du contrat de prêt justifie également que la banque soit tenue de restituer l’ensemble des sommes réglées par l’emprunteur à quelque titre que ce soit. Il convient donc de confirmer le jugement ayant condamné la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe à restituer à l’acquéreur les échéances versées, les intérêts et les frais réglés soit la contre-valeur en euros de la somme de 33 402 CHF, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et ordonné la compensation entre les créances respectives de l’acquéreur et du prêteur.
La cour n’étant pas saisie d’une prétention figurant au dispositif des conclusions des parties tendant à voir modifier la somme à laquelle Mme [D] a été condamnée au paiement au profit de la banque, après compensation de leurs créances respectives, soit la contre-valeur en euros de la somme de 101 416,15 CHF, il convient de confirmer également le jugement de ce chef.
II ‘ Sur les appels en garantie
A- Sur la garantie du notaire et de son assureur
Sur la demande de l’acquéreur
Me [X] a notifié, dix jours avant de dresser l’acte authentique, un projet d’acte de vente à l’acquéreur contenant une faculté de rétractation qu’ils n’ont pas exercé et mentionnant la garantie intrinsèque d’achèvement.
Même si le notaire n’est pas intervenu à la signature du contrat préliminaire, il n’en demeure pas moins qu’il était supposé avoir une parfaite connaissance du projet, en sa qualité de « notaire de l’opération » et qu’il devait en avoir pris connaissance pour dresser le contrat de vente, de sorte que, même si la fiche technique annexée au contrat préliminaire et mentionnant l’existence d’une garantie extrinsèque ne peut être regardée comme ayant une valeur contractuelle, il reste qu’il incombait au notaire d’attirer l’attention de l’acquéreur sur les risques que comportait la substitution d’une garantie intrinsèque à la garantie extrinsèque, contrairement à ce qu’affirment les consorts [X].
Si les consorts [X] soulignent le caractère licite de la garantie intrinsèque à cette date et le défaut de pouvoir du notaire dans le choix de la garantie, ce professionnel de la vente immobilière ne pouvait ignorer, à la date de la vente, que la garantie intrinsèque se révélait, dans la pratique, moins sécurisante dans les opérations de ventes en état futur d’achèvement et suscitait une perte de confiance des consommateurs, à telle enseigne que le législateur l’a supprimée en 2013.
Me [X] devait d’autant plus mettre en garde l’acquéreur sur la fragilité de la protection assurée par la garantie intrinsèque telle que détaillée dans l’acte authentique, qu’il avait nécessairement connaissance du caractère insuffisant et inadapté, voire artificiel, de cette garantie dans la mesure où il avait participé à la rédaction du bail à construction et au financement de la SCI au moyen du prêt consenti par M. [V] qu’il avait présenté aux dirigeants de la SCI et qu’il ne pouvait ignorer, en 2008, les difficultés d’avancement du chantier compte tenu des retards de paiement de la SCI.
Au surplus, si les consorts [X] se prévalent d’une information donnée par le notaire sur l’existence d’un bail à construction, elles ne démontrent pas qu’il a attiré leur attention sur la clause de résiliation en cas d’inachèvement du chantier dans le délai de quatre années suivant le démarrage du chantier, ce qui conduisait à la perte de l’assiette foncière de la construction.
Par ailleurs, le crédit de 3 700 000 euros qui, selon l’acte du 15 septembre 2006, avait pour objet « une avance de trésorerie nécessaire au démarrage du programme notamment par le paiement de différentes factures » ne pouvait être considéré comme constitutive de « fonds appartenant au vendeur » au sens de l’article R.261-18 du code de la construction et de l’habitation, de sorte que le taux réduit de 60 % n’avait pas vocation à trouver application pas plus, d’ailleurs, qu’un financement assuré à 75 % du prix de vente qui suppose, « des crédits certains, irrévocables et maintenus jusqu’à l’achèvement des travaux ».
Le notaire qui, compte tenu de son importante implication dans ce programme immobilier dès le bail à construction, ne pouvait méconnaître ces exigences. Il a, ainsi, par l’absence d’information et de conseil sur cette garantie intrinsèque d’achèvement, manqué à l’obligation d’assurer l’efficacité de l’acte auquel il a prêté son ministère, de sorte que les consorts [X] ne sont pas fondées à invoquer une absence de lien de causalité entre ces manquements et le dommage subi par l’acquéreur.
En effet, si la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l’annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, tel n’est pas le cas lorsque cette restitution est devenue impossible du fait de l’insolvabilité démontrée du vendeur, de sorte que l’acquéreur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d’une perte subie équivalant au prix de la vente annulée, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 18 juin 2002, n° 99-17.122 ; Civ. 1re, 5 avril 2018, n° 17-14.114).
La situation juridique et financière de la SCI [Adresse 25] conduit à considérer que, en dépit de la simple affirmation, non démontrée des consorts [X] sur l’absence de préjudice né et actuel et en l’absence de production d’éléments permettant à la cour de la tenir pour solvable, l’acquéreur peut se prévaloir de son insolvabilité.
En conséquence, l’acquéreur est tant recevable que fondé à rechercher la garantie du notaire, aux droits desquels viennent les consorts [X] et celle de la société MMA Iard assurant la responsabilité civile de Me [C] [X], du fait de l’engagement de la responsabilité du notaire à leur égard.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que Me [X] a engagé sa responsabilité à l’égard de l’acquéreur sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil et dit que Mmes [Z], [Y] et [F] [X], en qualité d’ayants droits de Me [C] [X], et Mme [Z] [X], ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X] doivent garantir la restitution du prix à hauteur de la contre-valeur en euros de la somme de 134 818 CHF au jour du paiement, compte tenu de l’insolvabilité de la SCI [Adresse 25]. Il sera également confirmé en ce qu’il a dit que la société MMA doit garantir son assuré, Me [X], et condamné in solidum les consorts [X] et les MMA à garantir la restitution du prix à hauteur de la contre-valeur en euros de la somme de 134 818 CHF au jour du paiement.
Sur la demande de la banque
L’appelante soutient que la banque a eu connaissance de la demande relative à l’annulation du contrat de prêt et à la perte des intérêts en découlant aux termes de l’assignation qui lui a été délivrée par le demandeur le 15 mai 2014 ; qu’à compter de cette date, la banque avait nécessairement connaissance de son préjudice, de sorte que le délai de prescription prévu à l’article 2224 du code civil avait commencé à courir ; que la demande de la banque, formulée qu’à compter de ses conclusions signifiées le 10 mars 2020, elle se trouve irrecevable comme prescrite depuis le 15 mai 2019.
La Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe réplique qu’elle avait formé cette demande en garantie par conclusions du mois d’avril 2015, de sorte que son action n’est pas prescrite ; que les dispositions de l’article 2233 s’opposent à la thèse adverse ; que la prescription ne court pas à l’égard d’une créance qui dépend d’une condition jusqu’à ce que cette condition arrive ; qu’en l’espèce, la prescription ne pouvait courir qu’à compter de l’intervention du jugement prononçant l’annulation du prêt.
L’article 2224 du code civil dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
En l’espèce, la banque a été assignée à la demande de l’acquéreur par acte délivré le 15 mai 2014 et justifie avoir signifié à la société MMA Iard des conclusions en première instance le 16 avril 2015 comportant une demande d’appel en garantie de celle-ci dans les mêmes termes que celle présentée devant la cour. En conséquence, la demande en garantie formée par la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe n’est pas prescrite et sera déclarée recevable. Le jugement qui a omis de statuer sur cette fin de non-recevoir sera donc complété en ce sens.
La Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe demande garantie du notaire et de son assureur quant à la restitution du capital prêté après compensation avec les sommes devant être restituées à l’acquéreur. Cependant, les restitutions dues à la suite de l’anéantissement d’un contrat de prêt ne constituant pas, en elles-mêmes, un préjudice réparable, le notaire ne peut être tenu à garantir la restitution des échéances impayées qu’en cas d’insolvabilité des emprunteurs, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 2 juillet 2014, n° 12-28.615 ; Civ. 3e, 19 mai 2016, n° 15-11.441).
La Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe qui n’allègue ni ne justifie de l’insolvabilité de l’emprunteur doit être déboutée de sa demande de garantie au titre de la restitution du capital prêté. Le jugement qui n’a pas expressément statué sur cette demande en garantie sera donc complété en ce sens.
B- Sur les appels en garantie à l’égard de la société d’architecture
Les consorts [X] et la société MMA Iard poursuivent l’infirmation du jugement sur ce point qui a débouté ces derniers de leurs réclamations dirigées à l’encontre de cette société d’architecture en demandant à la cour de retenir une faute commise par celle-ci et de la condamner à garantie.
Il est, en substance, reproché à la société Blevin & Pryen devenue la SARL Atelier L’Échelle, d’avoir délivré six attestations d’avancement des travaux ayant conduit au déblocage de fonds au profit de la SCI [Adresse 25] suivant l’échéancier convenu en contradiction avec l’état d’avancement réel du chantier incluant, selon eux, la réalisation des équipements collectifs faisant partie intégrante du projet, ceci en toute connaissance de cause, les consorts [X] et leur assureur estimant que ces fautes sont à l’origine directe et exclusive du paiement du prix de vente. Il est, pour ce faire, tiré argument du rapport d’expertise judiciaire dressé par M. [T] dans une procédure concernant le même programme, qui se prononce sur l’avancement de travaux relatifs à des lots d’autres acquéreurs. La société MMA Iard fait en outre valoir que cette société d’architecture, qui écrivait elle-même à la SCI, le 3 juillet 2008, qu’elle n’était pas payée de ses honoraires depuis plus d’un an et demi, ne pouvait ignorer les difficultés financières de la SCI et les impayés subis par les entrepreneurs à l’origine de suspensions successives des travaux.
Il convient de relever que les attestations incriminées ont été émises les 19 mars 2007 (achèvement des planchers hauts, à l’exclusion de divers lots parmi lesquels ne figure pas le lot en cause), 29 novembre 2007 (mise hors d’eau pour les logements 60 à 65), 23 juin 2008 (ensemble des cloisons terminé dans les logements 60 à 65), 08 décembre 2008 (« certifions pour les logements suivants l’avancement ci-dessous : Travaux d’achèvement : avancement 93 % pour les logements 1 à 151 ») et qu’il échet de les distinguer de l’état d’avancement des travaux portant sur les travaux relatifs aux infrastructures collectives prévues dans le projet de cette résidence (piscine, restaurant, salle polyvalente…), la société d’architecture et son assureur se prévalant au surplus du fait qu’il s’agissait d’une résidence de tourisme de la catégorie deux étoiles qui ne requiert, selon le référentiel de classement applicable, qu’une surface du hall de réception d’environ 50 m².
Il est certain que cette société d’architecture ne peut raisonnablement nier qu’elle savait que les attestations qu’elle délivrait servaient au déblocage progressif des fonds au profit de la venderesse et elle ne peut se retrancher derrière l’intervention de la société Coteba dès lors qu’elle prenait seule la responsabilité de les approuver en apposant sa signature.
Force est néanmoins de considérer que les parties recherchant sa responsabilité ne prouvent, comme il leur appartient de le faire, que le contenu des attestations ne correspondait pas à l’état d’avancement effectif du lot précisément concerné au jour de leur établissement, quand bien même le chantier dans sa globalité accusait des retards ou que le promoteur connaissait des difficultés de trésorerie, et qu’il s’agirait donc, selon les termes employés, d’attestations « de complaisance ».
À cet égard, ces parties ne sauraient tirer argument seulement du rapport d’expertise de M. [T] portant sur l’avancement des travaux afférents à des lots acquis par d’autres acquéreurs et réalisée dans le cadre d’une autre instance ‘ et reprocher, incidemment, au tribunal de ne pas en avoir tenu compte – pour affirmer que la société d’architecture a, par la délivrance de ces attestations, contribué à la réalisation du dommage causé par un défaut d’achèvement que rien ne permettait sérieusement de garantir et sur lequel l’acquéreur a été tenu dans l’ignorance.
En outre, elles ne contredisent pas la société Atelier l’Échelle lorsqu’elle ajoute, en individualisant précisément onze lots de cette autre procédure, que l’expert judiciaire n’a pas trouvé d’écart significatif entre l’avancement du chantier et les attestations établies.
Il ne peut davantage lui être reproché la méconnaissance de l’échéancier prévu à l’acte de vente dans la mesure où l’initiative du déblocage des fonds tel que pratiqué, ceci avec l’accord de l’acquéreur, est imputable à la seule SCI [Adresse 25].
Il s’ensuit que les consorts [X] et MMA, faute d’en justifier, ne sont pas fondées en leurs demandes de garantie à l’encontre de la société d’architecture et de son assureur.
Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formées à leur encontre.
C- Sur l’appel en garantie du prêteur
La société MMA Iard sollicite la garantie intégrale de la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe au motif qu’il s’agit d’une banque sélectionnée au préalable par le promoteur.
Les consorts [X] recherchent la garantie totale du prêteur qui, selon elles, faisaient partie intégrante de l’opération projetée et elles concluent au rejet de la demande de garantie qu’ils formulent à leur encontre.
Elles soutiennent que le prêteur ne pouvait ignorer les caractéristiques de l’opération projetée dans la mesure où il les avait étudiées et avalisées avec la société chargée de sa commercialisation ; elles lui reprochent de n’avoir pas attiré l’attention de l’emprunteur sur ses caractéristiques, en particulier sur l’absence de garantie extrinsèque et sur le risque que l’endettement né de l’octroi du crédit soit supérieur à celui qu’avait envisagé l’emprunteur. Selon elles, il n’appartenait pas au notaire de procéder à des recherches particulières sur l’opportunité économique de l’opération envisagée par l’acquéreur ; elles estiment que la responsabilité de la banque, intervenant en amont de l’opération et bien avant l’intervention du notaire, préexistait nécessairement à celle du notaire qui n’est intervenu qu’au stade de la régularisation de l’acte authentique.
La Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe indique qu’elle n’avait pas à mettre en garde l’emprunteur dès lors qu’il n’existait pas de risque d’endettement et que le financement était adapté à ses ressources ; que la banque n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son client pour apprécier l’opportunité des opérations auxquelles il procède et qu’elle n’est ainsi pas tenue, en cette seule qualité, à une obligation de conseil, sauf si elle a pris un engagement en ce sens.
Il est constant que le prêteur n’est tenu à l’égard de l’emprunteur qui au demeurant, ne se prévaut pas d’un manquement qui lui serait imputable, qu’à une obligation de mise en garde sur les éventuels risques liés à un endettement excessif. En revanche, il appartient au notaire d’informer l’acquéreur sur les risques résultant de l’absence de garantie extrinsèque ou sur les conséquences d’une garantie intrinsèque dont les conditions posées par les articles 261-11 et R 261-18 b) du code de la construction et de l’habitation ne sont pas réunies.
L’argument tiré de la préexistence de sa responsabilité ne saurait donc prospérer, dès lors que leurs obligations respectives ne sont pas identiques et que l’obligation d’information et de conseil sur ce dernier point pesait exclusivement sur le notaire qui devait, en particulier, assurer l’efficacité de l’acte qu’il instrumentait et qui a manqué à cette obligation en soumettant le contrat de vente litigieux à la signature d’un acquéreur profane.
La garantie du prêteur ne saurait, par conséquent, être recherchée par les consorts [X] et la société MMA Iard.
Ces demandes seront donc rejetées, et le jugement sera confirmé de ce chef.
III- Sur la réparation des préjudices
Au regard de ce qui précède, l’échec du programme immobilier est imputable à la SCI [Adresse 25].
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a jugé que la SCI [Adresse 25] a engagé sa responsabilité à l’égard de l’acquéreur sur le fondement des dispositions de l’article 1147 ancien du code civil.
Le notaire – aux droits duquel viennent les consorts [X] – qui, par ses fautes en lien direct avec l’annulation du contrat de vente, en exposant les parties à un risque d’annulation de vente qui s’est finalement réalisé, a engagé sa responsabilité délictuelle et la société MMA Iard garantit la responsabilité professionnelle du notaire.
Ces parties sont donc tenues de garantir intégralement l’acquéreur.
A- Sur le préjudice de l’acquéreur
L’acquéreur demande la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi, au motif qu’il a été contraint d’engager différentes procédures pour faire valoir ses droits sans contrepartie avec le versement des loyers ; qu’il a perdu l’espoir de compléter sa retraite par les loyers perçus et par la possibilité de revente du bien. La société MMA Iard et les consorts [X] s’opposent à cette demande au motif notamment que ce préjudice serait inexistant.
Cependant, il est établi que l’acquéreur a subi divers tracas et contraintes financières durant de longues années de procédure, outre le fait que son projet de financer leur retraite a échoué. Ces éléments constituent un préjudice distinct de celui réparé par l’annulation du contrat de vente et en application du principe de la réparation intégrale du préjudice, ce dommage justifie une indemnisation spécifique, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 15 juin 2016, n° 15-14.192, 15-17.370, 15-18.113).
Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué à l’acquéreur la somme de 10 000 euros chacun en réparation du préjudice moral et condamné les consorts [X], le liquidateur de la SCP [C] [X], et la société MMA Iard in solidum à leur verser cette somme.
B- Sur le préjudice du prêteur
Si la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe évoque le préjudice qu’elle a subi du fait de l’annulation du contrat de prêt, elle ne forme aucune demande indemnitaire chiffrée à l’encontre des responsables de cette annulation, dans le dispositif des conclusions qui seul saisit la cour en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile. En conséquence, la cour n’est pas saisie d’une demande indemnitaire.
IV- Sur les autres demandes
L’article 32-1 ne saurait être mis en ‘uvre que de la propre initiative de la juridiction saisie, une partie ne pouvant avoir intérêt au prononcé d’une amende civile à l’encontre d’une autre. Il n’y a donc pas lieu de prononcer une amende civile à l’encontre de l’appelante dont il n’est pas établi qu’elle ait commis une faute dans son droit d’exercer un recours à l’encontre du jugement.
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles. Les consorts [X] et la société MMA Iard qui succombent seront déboutés de leurs prétentions au titre des dépens et frais irrépétibles et condamnés, in solidum, à supporter les entiers dépens d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Au regard de la solution donnée au litige, il convient de condamner in solidum les consorts [X], le liquidateur de la SCP [C] [X] ès qualités ainsi que la société MMA Iard à payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à l’acquéreur et à chacune des parties intimées constituées, à l’exclusion du liquidateur judiciaire de la SCI [Adresse 25].
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DÉCLARE la SELARL SMJ hors de cause ;
REÇOIT l’intervention volontaire de Me [U] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI [Adresse 25] en lieu et place de la SELARL SMJ ;
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT :
DÉCLARE RECEVABLE la demande en garantie formée par la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe à l’encontre de la société MMA Iard ;
DÉBOUTE la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe de sa demande en garantie formée à l’encontre de Mmes [Z], [Y] et [F] [X], ayants droit de [C] [X], et Mme [Z] [X], ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X], ainsi que la société MMA Iard ;
CONDAMNE in solidum Mmes [Z], [Y] et [F] [X], ayants droit de [C] [X], et Mme [Z] [X], ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X], ainsi que la société MMA Iard à verser, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à Mme [D] la somme complémentaire de 3 000 euros au titre de l’instance d’appel et cette même somme de 3 000 euros respectivement à chacune des parties intimées suivantes : la société Atelier l’Échelle (anciennement société Blevin & Pryen SARL), la Mutuelle des architectes français, la Caisse d’épargne et de prévoyance Grand Est Europe ;
CONDAMNE in solidum Mmes [Z], [Y] et [F] [X], ayants droit de [C] [X], et Mme [Z] [X], ès qualités de liquidateur de la SCP [C] [X] ainsi que la société MMA Iard à supporter les dépens d’appel ;
DIT que Maître Estelle Garnier, Maître Nelly Gallier, la SCP Renard-Pierné pourront recouvrer directement contre les parties condamnées ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans en avoir reçu provision.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président à la Cour d’Appel d’ORLEANS et Madame Fatima HAJBI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT