Prêt entre particuliers : 16 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/01452

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Prêt entre particuliers : 16 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/01452
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16 mai 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/01452

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 34G

DU 16 MAI 2023

N° RG 22/01452

N° Portalis DBV3-V-B7G-VBV4

AFFAIRE :

Association CYCLAMED

C/

Association des UTILISATEURS DU RESTAURANT INTER-E NTREPRISES POINT DU JOUR C2 A [Localité 3],

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 17 Janvier 2022 par le Juge de la mise en état de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 21/00355

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Mélodie CHENAILLER,

-Me Christophe DEBRAY,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Association CYCLAMED

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 393 163 019

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Mélodie CHENAILLER, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 125

Me Valentin DURGET substituant Me Etienne GOUESSE de l’AARPI VIGUIE SCHMIDT & ASSOCIES, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : R145

APPELANTE

****************

ASSOCIATION DES UTILISATEURS DU RESTAURANT INTER-ENTREPRISES POINT DU JOUR C2 A [Localité 3],

prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Christophe DEBRAY, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 22122

Me Christophe MOUNET de l’AARPI AARPI MOUNET, HUSSON – FORTIN, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : E0668

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

L’association du restaurant inter-entreprises point du jour C2 à [Localité 3] (ci-après, autrement nommée, ‘l’association RIE Le Mail’), régie par la loi du 1er juillet 1901, a été créée par statuts du 13 avril 1989. Elle a pour objet la gestion directe ou la sous-traitance d’un restaurant inter-entreprises situé [Adresse 1] à [Localité 3] (Hauts-de-Seine). Ce lieu est mis à disposition par son propriétaire, une association foncière urbaine libre (AFUL) dénommée l’AFUL du restaurant inter-entreprises point du jour C2 à [Localité 3].

Les statuts de l’association RIE Le Mail ont été modifiés par l’assemblée générale du 28 avril 2005. Ses membres sont répartis en trois collèges :

– le collège A comprend les entreprises membres de l’AFUL,

– le collège B comprend les entreprises occupantes (propriétaires ou locataires) de l’immeuble situé [Adresse 1],

– le collège C comprend les entreprises extérieures à l’immeuble, après agrément de leur candidature.

La société BNP Paribas Real Estate Property Management France a été désignée en qualité de mandataire de l’association RIE Le Mail par mandat de gestion régulièrement renouvelé.

L’association est financée par ses membres.

Par acte d’huissier de justice du 22 décembre 2020, l’association RIE Le Mail a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Nanterre l’association Cyclamed, une de ses adhérentes, dans les conditions définies par ses statuts pour les entreprises extérieures à l’immeuble (membre du collège C) en paiement de diverses factures impayées, pour certaines correspondant à des charges impayées appelées avant le 22 décembre 2015 (période comprise entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2019) ainsi que l’apurement ou la reddition de charges pour les années 2010 à 2017.

L’association Cyclamed a saisi le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Nanterre d’un incident tiré de la prescription d’une partie de la créance invoquée par l’association RIE Le Mail.

Par une ordonnance rendue le 17 janvier 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a :

– Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement de l’association

des utilisateurs du restaurant inter-entreprises Point du Jour C2 à [Localité 3] « RIE Le Mail » diligentée à l’encontre de l’association Cyclamed,

– Déclaré l’association des utilisateurs du restaurant inter-entreprises Point du Jour C2 à

[Localité 3] « RIE Le Mail » recevable en sa demande en paiement à l’encontre de l’association Cyclamed,

– Débouté l’association Cyclamed de toutes ses demandes de production forcée de pièces, à l’exception de celle relative à la communication des convocations adressées à l’association Cyclamed en vue des assemblées générales de l’association des utilisateurs du restaurant interentreprises Point du Jour C2 à [Localité 3] « RIE Le Mail » qui se sont tenues au cours des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019,

– Dit que la production de ces pièces devra intervenir dans un délai maximum de trois semaines compter du prononcé de la présente ordonnance,

– Réservé les demandes des parties au titre des frais irrépétibles et des dépens à l’examen au fond de l’affaire,

– Renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 24 mars 2022 à 10 heures, en vue de

laquelle :

*les parties sont invitées à préciser au juge de la mise en état si elles sont favorables à une mesure de médiation,

*il appartiendra à l’association Cyclamed de conclure au fond, après communication des pièces susvisées en exécution de la présente ordonnance par l’association des utilisateurs du restaurant inter-entreprises Point du Jour C2 à [Localité 3] «RIE Le Mail ».

L’association Cyclamed a interjeté appel de cette décision le 14 mars 2022 à l’encontre

de l’association des utilisateurs du restaurant inter-entreprises point du jour C2 à [Localité 3].

Par ses dernières conclusions notifiées le 31 janvier 2023 (23 pages), l’association Cyclamed demande à la cour, au fondement des articles 2224 et 2240 du code civil, 122, 789 et 795 du code de procédure civile, des statuts et le règlement intérieur de l’association RIE Le Mail, de :

– La recevoir en son appel, et la déclarant bien fondée,

– Réformer l’ordonnance du 17 janvier 2022 n° RG 21/00355 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’elle a :

*Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement de l’association des utilisateurs du restaurant inter-entreprises Point du Jour C2 à [Localité 3] « RIE Le Mail » diligentée à l’encontre de l’association Cyclamed,

*Déclaré l’association des utilisateurs du restaurant inter-entreprises Point du Jour C2 à [Localité 3] « RIE Le Mail » recevable en sa demande en paiement à l’encontre de l’association Cyclamed,

Statuant à nouveau,

– Juger que l’action de l’association RIE Le Mail en paiement des prestations exécutées avant le 22 décembre 2015 est prescrite,

Dès lors,

– Juger que les demandes de l’Association RIE Le Mail en paiement des prestations exécutées avant le 22 décembre 2015 pour un montant de 10 582,13 euros (sinon 10 549,63 euros sauf à parfaire) sont irrecevables,

– Confirmer l’ordonnance du 17 janvier 2022 n° RG 21/00355 du juge de la mise en état

du tribunal judiciaire de Nanterre pour le surplus,

– Renvoyer au tribunal judiciaire de Nanterre l’appréciation du bien-fondé du solde des

demandes du RIE Le Mail qui ne sont pas prescrites,

– Condamner l’association RIE Le Mail à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner l’association RIE Le Mail aux entiers dépens.

Par d’uniques conclusions notifiées le 3 mai 2022 (18 pages), l’association des utilisateurs du restaurant inter-entreprises point du jour C2 à [Localité 3] demande à la cour de :

– Déclarer mal fondé l’appel interjeté par l’association Cyclamed à l’encontre de l’ordonnance du juge de la mise en état prononcée le 17 janvier 2022,

– Débouter l’association Cyclamed de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– Confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du 17 janvier 2022 en ce qu’il a rejeté

la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement de l’association du

restaurant inter-entreprises point du jour C2 à [Localité 3] diligentée à l’encontre de l’association Cyclamed,

– Déclarer l’association du restaurant inter-entreprises point du jour C2 à [Localité 3] recevable en sa demande en paiement à l’encontre de l’association Cyclamed,

– Débouter l’association Cyclamed de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– La condamner au paiement d’une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– La condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l’appel,

L’ordonnance est critiquée, mais seulement en ce qu’elle :

– rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement de l’association des utilisateurs du restaurant inter-entreprises Point du Jour C2 à [Localité 3] ‘RIE Le Mail’ diligentée à l’encontre de l’association Cyclamed,

– déclare l’association des utilisateurs du restaurant inter-entreprises Point du Jour C2 à

[Localité 3] ‘RIE Le Mail’ recevable en sa demande en paiement à l’encontre de l’association Cyclamed.

Les autres dispositions de cette ordonnance, en particulier relatives aux dépens, à l’article 700 du code de procédure civile et aux productions de pièces réclamées par l’association Cyclamed, sont dès lors devenues irrévocables.

Sur la prescription de l’action en paiement de l’association RIE Le Mail

Pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par l’association Cyclamed tirée de la prescription de l’action de l’association RIE Le Mail, le juge de la mise en état s’est fondé, en particulier, sur la jurisprudence de la Cour de cassation aux termes de laquelle la reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrit, entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif qui ne peut se fractionner (1re Civ., 11 février 1997, pourvoi n° 95-13.134, Bulletin 1997, I, n° 53 ; 3e Civ., 14 mai 2020, pourvoi n° 19-16.210).

Il a ensuite constaté que les termes d’un courriel adressé par l’association Cyclamed au mandataire de l’association RIE Le Mail le 27 février 2017 étaient clairs en ce qu’ils comportaient une reconnaissance partielle à concurrence de 2 138,51 euros de la créance de 11 246,53 euros, objet de la sommation d’avoir à payer signifiée par acte d’huissier de justice à la demande de l’association RIE Le Mail.

Il a donc retenu que ce courriel devait s’analyser en une reconnaissance de sa dette, interruptive de prescription, ayant fait courir un nouveau délai de cinq ans, à compter du 27 février 2017 pour s’achever le 27 février 2022, de sorte que les demandes en paiement des factures se rapportant aux charges appelées après le 22 décembre 2015, introduite par l’assignation délivrée le 22 décembre 2020 étaient recevables, car non prescrites.

L’appelante critique l’analyse et les conclusions retenues par le juge de la mise en état. Son adversaire poursuit au contraire la confirmation de l’ordonnance de ce chef.

Il reviendra à la cour d’apprécier les termes de ce courriel et dire s’ils expriment une reconnaissance, non équivoque du bien-fondé, même partielle, de la demande adverse.

Ce courriel du 27 février 2017, émanant d’une représentante de l’association Cyclamed et adressé au mandataire de l’association RIE Le Mail, est rédigé ainsi (souligné par cette cour) :

‘(…)

Toutes les factures correspondantes aux prestations définies par notre contrat ont été honorées de 2010 à 2015 par prélèvement automatique par le restaurant lui-même.

Néanmoins, comme il y a une erreur de configuration de notre compte par le restaurant, erreur rectifiée dès la 1ère sommation, nous sommes prêts à payer immédiatement à hauteur de ce que nous devons réellement, à savoir 2 138,51 euros.

(…)

Merci donc par avance de nous refaire une facture conforme au nombre de repas qui ont été réellement pris.’

‘ Moyens des parties

L’association Cyclamed poursuit l’infirmation de l’ordonnance de ce chef et fait valoir que les termes de ce courriel étaient équivoques en ce que l’offre contenue était conditionnelle. Selon elle, par ce courriel, elle proposait une transaction, conditionnée par des actes positifs du RIE. Cette proposition était, selon elle, destinée à mettre fin au litige initié par l’envoi de la sommation de payer adressée par son adversaire, celle-ci intervenant après un échange entre les parties sur les erreurs d’imputation et de calcul du RIE.

L’appelante prétend ainsi que les conditions de la transaction étaient explicites et consistaient en la production par l’association RIE Le Mail d’une facture de régularisation et incidemment par la production des éléments étayant le calcul du nouveau quantum. C’est donc, selon elle, au prix d’une dénaturation des termes du courriel que le juge de la mise en état l’a analysé comme une reconnaissance de dette de sa part.

L’association Cyclamed critique encore le jugement en ce qu’il considère que les demandes en paiement au titre des factures d’apurement des charges des années 2010 et 2011 émises les 22 et 23 mars 2016, n’étaient pas prescrites et bénéficiaient de l’effet interruptif de la ‘reconnaissance de dette’ du 27 février 2017 alors que, ce faisant, le juge de la mise en état a considéré que la période de référence auxquelles se rapportent les factures importe peu et que l’association RIE Le Mail pouvait en réalité émettre des factures de régularisation plus de cinq années après cette période, sans aucune conséquence sur le jeu de la prescription. Or, selon elle, le juge de la mise en état a violé les dispositions de l’article 2224 du code civil et la jurisprudence selon laquelle le point du délai de prescription de l’action en paiement se situe au moment de l’exigibilité de l’obligation (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036).

Elle soutient que la Cour de cassation a voulu ainsi rappeler que le créancier ne peut pas retarder l’émission de sa facture pour allonger artificiellement le délai de prescription et qu’il lui appartient d’émettre celle-ci lorsque l’obligation est exigible. Selon elle, les factures de régularisation de charges ne doivent pas intervenir au-delà d’un délai raisonnable qui suit la période concernée. Ainsi, selon l’appelante, le point de départ de la prescription d’une demande en paiement de prestations de service correspond à la date d’exécution de la prestation commandée, peu important la date à laquelle le créancier a décidé d’établir cette facture. Elle soutient que l’application de ce principe de diligence attendu du créancier lui impose de réclamer le paiement au débiteur dès lors qu’il dispose des éléments permettant d’en déterminer le montant, l’empêchant ainsi de retarder volontairement et unilatéralement le cours de la prescription en émettant une facture de manière tardive (1re Civ., 19 mai 2021, pourvoi n° 20-12.520). Elle ajoute que seule la circonstance que le montant de la créance dépende du débiteur est de nature à retarder le point de départ de la prescription, le créancier n’étant, dans ces conditions, pas à même de connaître les conditions de la créance qu’il détient (soc., 1 février 2011, pourvoi n° 10-30.160, Bull. 2011, V, n° 44).

En l’espèce, elle fait valoir que, par application de l’article 3.3.2 du règlement intérieur de l’association RIE Le Mail (pièce adverse 3), les contributions, ou charges communes, font l’objet d’un paiement en deux temps, par avance, chaque trimestre, puis par régularisation, à la fin de l’exercice de sorte que l’association RIE Le Mail dispose des éléments lui permettant de déterminer la répartition des apurements à réaliser pour chaque membre dès le 1er janvier qui suit chaque fin d’année. Il s’ensuit, selon elle, de ce qui précède que le point de départ de la prescription doit être raisonnablement fixé au 15 ou au 31 janvier de l’année suivante sauf à retarder de manière artificielle celui-ci. Elle soutient donc que l’association RIE Le Mail se devait d’adresser les factures le 1er janvier de l’année suivant l’exercice litigieux ou, au plus tard, au 30 juin de cette année, sans que le manque de diligence de l’association ne puisse y faire obstacle.

Elle rétorque au moyen de son adversaire tiré des règles en matière de copropriété et de baux commerciaux que l’approbation des comptes ne serait pas intervenue préalablement, en faisant valoir que cette analyse est en contradiction frontale avec la jurisprudence précitée (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036) relative au point de départ de la prescription et ajoute que ni l’association RIE Le Mail ni son mandataire ne peut artificiellement retarder l’émission d’une facture relative à un exercice en se dispensant de faire valider les comptes.

L’association RIE Le Mail poursuit la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Elle fait siennes les motifs du jugement qui retient que le courriel du 27 février 2017 vaut reconnaissance, par l’association Cyclamed, partielle à concurrence de 2 138,51 euros de la créance de 11 246,53 euros, objet de la sommation d’avoir à payer signifiée par acte d’huissier de justice à la demande de l’association RIE Le Mail de sorte que ce courriel a interrompu la prescription quinquennale.

S’agissant du point de départ de cette prescription, se fondant sur les dispositions de l’article 2224 du code civil, elle soutient qu’il ne peut être fixé qu’au jour de l’existence et de l’exigibilité des droits susceptibles de se prescrire et, en matière de dette, de la connaissance du caractère liquide et exigible de celle-ci ; qu’en d’autres termes, le point de départ du délai de prescription ne peut être que la connaissance par le créancier des faits lui permettant d’exercer ses droits.

S’agissant plus précisément de la créance d’une association, gérant un restaurant interentreprises, sur l’un de ses membres, l’association RIE Le Mail prétend que les faits permettant d’exercer son action en recouvrement des charges d’un exercice écoulé correspondent à l’exigibilité de la répartition entre chacun des membres de l’association des comptes de cet exercice (par exemple pour les salaires Soc., 24 avril 2013, pourvoi n° 12-10.196, 12-10.219, Bull. 2013, V, n° 114). Elle souligne que cette exigibilité n’est pas concomitante à l’assemblée approuvant les comptes puisque la répartition entre les différents membres n’intervient nécessairement que postérieurement à cette assemblée générale, plus précisément la régularisation individuelle ne peut être appelée que lors du terme suivant l’assemblée et donc celui suivant la répartition individuelle. Ainsi, selon elle, le point de départ de l’action en recouvrement sur un membre du RIE court à compter du terme suivant le jour où les comptes d’un exercice ont été approuvés et ce conformément aux dispositions de l’article 2224 du code civil.

En l’espèce, elle relève que s’agissant des apurements des charges 2010 à 2014, l’approbation des comptes des exercices 2010 à 2014 est intervenue lors de l’assemblée générale du 1er octobre 2015 (pièce 5) et les redditions ont été établies sur cette base le 31 décembre 2015 ; qu’ils apparaissent à cette date sur le décompte de l’association Cyclamed (pièce 10) et ont ensuite fait l’objet d’une facturation les 22 et 23 mars 2016, année par année (pièces 18 à 22) ; qu’ainsi, même si les comptes de fonctionnement de l’association RIE Le Mail pour les années 2010 à 2014 ont été approuvés par l’assemblée générale du 1er octobre 2015, l’établissement des comptes récapitulatifs annuels de chaque membre ne pouvait pas être effectué immédiatement et l’a été régulièrement le 31 décembre 2015. Elle ajoute que l’article 10.3 des statuts, relatif au financement de l’association par ses membres qui renvoie à l’article 3.3.2 du règlement intérieur, précise que les appels se font trimestriellement, ce qui est le cas des appels trimestriels produits aux débats. C’est donc régulièrement, selon elle, que le premier terme suivant le jour où les comptes des exercices 2010 à 2014 ont été approuvés est le 1er janvier 2016 et, de ce fait, la prescription de l’action en paiement des sommes correspondant à la reddition des charges des années 2010 à 2014 commence à courir le 1er janvier 2016, l’assignation ayant été délivrée le 20 décembre 2020, l’association RIE Le Mail est bien recevable à réclamer le paiement de ces apurements, qui ne sont pas prescrits.

Au titre des appels de fonds trimestriels du 2ème trimestre 2014 au 4ème trimestre 2015, pour un montant total de 2 657,60 euros, l’intimée fait encore valoir qu’ils ne sont pas prescrits puisque, dans le cadre de sa gestion du restaurant, elle a appelé trimestriellement les charges de cette association, régularisée année par année, le point de départ de la prescription ne pouvant courir qu’après l’arrêté définitif des charges et non à la date à laquelle les provisions sur charges ont été appelées ou payées. Or, elle soutient avoir démontré que les régularisations de charges des années 2014 et 2015 ont été mentionnées par elle sur le compte de l’association Cyclamed respectivement les 31 décembre 2015 et 15 mars 2019 alors que l’action en paiement a été engagée le 22 décembre 2020 de sorte que la prescription n’est pas encourue.

‘ Appréciation de la cour

C’est par d’exacts motifs que cette cour adopte que le juge de la mise en état a retenu que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement d’un arriéré d’appels trimestriels provisionnels de cotisations pour les trois derniers trimestres de l’année 2014, les quatre trimestres de l’année 2015, des deux premiers trimestres de l’année 2016 et des régularisations de charges après apurement pour les années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, n’était pas fondée.

Il a d’abord exactement retenu que l’assignation ayant été signifiée le 22 décembre 2020, les demandes de l’association RIE Le Mail se rapportant aux charges appelées après le 22 décembre 2015 n’étaient pas prescrites.

C’est également avec raison, par d’exacts motifs, circonstanciés et pertinents (pages 5 et 6 du jugement), adoptés par cette cour, que le juge de la mise en état a considéré que le courriel du 27 février 2017 comporte une reconnaissance partielle à concurrence de la somme de 2 138,51 euros de la créance de 11 246,53 euros objet de la sommation d’avoir à payer qui a été signifiée à l’association Cyclamed par un huissier de justice à la demande de l’association RIE Le Mail. Cette reconnaissance de dette avait un effet interruptif de prescription et marquait le point de départ d’une nouvelle prescription de cinq années.

Il s’ensuit que c’est exactement que le juge de la mise en état a retenu que les demandes de l’association RIE Le Mail en paiement de l’arriéré de cotisations pour les appels provisionnels et les régularisations de charges émis postérieurement au 27 février 2012 étaient recevables.

S’agissant des demandes en paiement de l’association RIE Le Mail au titre de la régularisation (ou apurement) des charges dues pour les exercices 2010 et 2011, là encore le juge de la mise en état a, par des motifs pertinents et circonstanciés, adoptés par cette cour, exactement indiqué qu’il résultait, en particulier, des articles 10.1, 16.3, 15 des statuts et 3.2, 3.3.2, 3.4.2 du règlement intérieur de l’association RIE Le Mail, que le fait générateur de l’obligation au paiement des membres de celle-ci réside dans les appels de charges et quote-part de contribution aux frais généraux tels que définis à l’article 3.3.2 du règlement intérieur, émis trimestriellement sur la base des budgets prévisionnels arrêtés en assemblée générale, qui entraîne l’exigibilité des sommes correspondantes. Car certainement, l’approbation ultérieure des comptes a pour objet de valider définitivement la perception des montants ainsi appelés et d’opérer, en tant que de besoin, les corrections qui s’imposent.

Il s’ensuit que c’est bien la date à laquelle l’appel de charges a été émis qui marque le point de départ de la prescription de l’action en paiement, pas la période au cours de laquelle les charges ont été exposées.

En l’espèce, la régularisation des charges dues pour les années 2010 et 2011 a été appelée le 31 décembre 2015 et les factures correspondantes émises en mars 2016 de sorte que c’est très exactement que le juge de la mise en état a retenu que l’effet interruptif attaché à la reconnaissance partielle de sa dette par l’association Cyclamed, qui s’étend à la totalité de sa créance, bénéficiait pareillement aux charges dues après apurement pour les années 2010 et 2011. Au reste, les appels étant intervenus le 31 décembre 2015, à supposer qu’ils marquent le point de départ de la prescription de l’action en paiement (et que celui-ci ne soit pas fixé à la date d’envoi des factures), l’association RIE Le Mail disposait d’un délai expirant le 31 décembre 2020 pour introduire son action en paiement. L’ayant introduite le 22 décembre 2020, l’action est dès lors recevable.

En outre, il sera ajouté que les statuts de l’association RIE Le Mail prévoient, en leur article 8, que l’assemblée générale est réunie, en principe, chaque année, mais aménagent aussi la possibilité pour ses membres de provoquer sa convocation. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient l’appelante, il est inexact de prétendre que l’association RIE Le Mail ou/et son mandataire peuvent artificiellement, selon leur bon vouloir en quelque sorte, retarder l’émission d’une facture relative à un exercice en se dispensant de faire valider les comptes annuellement puisque les statuts organisent la faculté pour les membres de cette association de provoquer une assemblée générale extraordinaire en cas de défaillance des instances régulièrement habilitées à cet effet.

Il découle de ce qui précède que l’ordonnance en ce qu’elle déclare recevables les demandes en paiement de l’association RIE Le Mail au titre de la régularisation (ou apurement) des charges dues pour les exercices 2010 et 2011 diligentées contre l’association Cyclamed sera confirmée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

L’association Cyclamed, partie perdante, supportera les dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Par voie de conséquence, ses demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Il apparaît équitable d’allouer la somme de 3500 euros à l’association RIE Le Mail au titre des frais qu’elle a exposés en appel pour assurer sa défense. L’association Cyclamed sera dès lors condamnée au paiement de cette somme.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Dans les limites de l’appel,

CONFIRME l’ordonnance rendue le 17 janvier 2022 par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Nanterre en ce que :

* elle rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement de l’association des utilisateurs du restaurant inter-entreprises Point du Jour C2 à [Localité 3] « RIE Le Mail » (l’association RIE Le Mail) diligentée à l’encontre de l’association Cyclamed ;

* elle déclare recevables les demandes de l’association RIE Le Mail se rapportant aux charges appelées après le 22 décembre 2015 diligentées à l’encontre de l’association Cyclamed ;

* elle déclare recevables les demandes de l’association RIE Le Mail en paiement de l’arriéré de cotisations pour les appels provisionnels et les régularisations de charges émis postérieurement au 27 février 2012 diligentées à l’encontre de l’association Cyclamed ;

* elle déclare recevables les demandes en paiement de l’association RIE Le Mail au titre de la régularisation (ou apurement) des charges dues pour les exercices 2010 et 2011 diligentées contre l’association Cyclamed ;

Y ajoutant,

CONDAMNE l’association Cyclamed aux dépens d’appel ;

DIT qu’ils seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l’association Cyclamed à verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à l’association RIE Le Mail ;

REJETTE la demande de l’association Cyclamed fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


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