16 mai 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
21/02393
N° RG 21/02393 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NP4M
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOURG EN BRESSE
Au fond
du 05 novembre 2020
RG : 18/2085
[O]
C/
[X]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 16 Mai 2023
APPELANT :
M. [J] [O]
né le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 8] (38)
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représenté par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON, toque : 1983
ayant pour avocat plaidant Me Pierre-olivier SIMOND de l’EURL P.O. SIMOND AVOCATS, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS, toque : 41
INTIME :
M. [T] [X]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Michel VICARI de la SELARL SOCIETE D’AVOCATS VICARI LE GOFF GUINET, avocat au barreau d’AIN
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 02 Juin 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Mars 2023
Date de mise à disposition : 16 Mai 2023
Audience présidée par Bénédicte LECHARNY, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Tiffany JOUBARD, directrice de greffe.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Olivier GOURSAUD, président
– Stéphanie LEMOINE, conseiller
– Bénédicte LECHARNY, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DE L’AFFAIRE
Soutenant être créancier en vertu d’un prêt de 10’000 euros consenti le 15 juin 2011, sans fixation de terme, compte tenu de la relation amicale et de confiance existant entre les parties, M. [J] [O] a, par acte d’huissier de justice du 16 mai 2018, assigné M. [T] [X] en paiement de la dette devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, devenu le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse.
Par jugement du 5 novembre 2020, le tribunal a :
– débouté M. [O] de toutes ses demandes en paiement,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– condamné M. [O] à payer à M. [X] la somme de 1 200 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration du 1er avril 2021, M. [O] a relevé appel du jugement.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 6 avril 2022, il demande à la cour de réformer la décision entreprise et de :
– dire et juger comme interruptives de prescription les lettres recommandées avec avis de réception de M. [X] en date des 23 février et 10 avril 2018 (pièces 14 et 16) valant reconnaissance de dette du débiteur,
– déclarer recevable son action en paiement,
– dire et juger que la lettre de M. [X] en date du 10 juillet 2011, la transmission à M. [O] de son RIB personnel, les lettres recommandées avec accusé de réception de M. [X] en date des 23 février et 10 avril 2018 ont valeur de commencement de preuve par écrit de l’existence d’un prêt, au sens de l’article 1347 ancien du code civil, cause du paiement de la somme de 10 000 euros,
– dire et juger que la relation amicale entre M. [X] et lui-même rendait impossible moralement l’existence d’un écrit, au titre du prêt consenti,
– dire et juger que M. [X] ne démontre pas lui avoir remboursé la somme, au principal, de 10 000 euros,
Vu les conclusions n° 2 de première instance de M. [X], à valoir d’aveu judiciaire :
– dire et juger qu’il ne peut se prévaloir de l’extinction de son obligation à paiement par compensation,
– condamner M. [X] à lui verser la somme de 10 000 euros, au titre du prêt consenti, outre intérêts légaux à compter de l’assignation introductive d’instance du 16 mai 2018,
– le condamner en outre, à titre de dommages et intérêts, au titre du préjudice tant financier que moral causé par la défaillance de son débiteur, à la somme de 4 000 euros,
– le condamner également à une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 15 février 2022, M. [X] demande à la cour de :
A titre principal,
– réformer le jugement,
– déclarer irrecevables les demandes de M. [O] comme étant prescrites,
A titre subsidiaire,
– confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,
– débouter M. [O] de l’intégralité de ses demandes,
– le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, distrait au profit de la selarl Vicari Le Goff Guinet, avocat sur son affirmation de droit.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 juin 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Au visa de l’article 2224 du code civil, M. [X] fait valoir que l’action de M. [O] est nécessairement prescrite puisqu’alors qu’il soutient qu’un contrat de prêt aurait été conclu le 15 juin 2011, date à laquelle il lui aurait viré la somme de 10 000 euros sur son compte personnel, il l’a assigné en paiement le 16 mai 2018. Il ajoute :
– que le premier juge ne s’est pas prononcé sur la prescription ;
– que dans ses conclusions récapitulatives et en réplique pour l’audience de mise en état du 16 mai 2019, M. [O] soutenait que M. [X] l’avait assuré qu’il procéderait au remboursement du prêt octroyé dans un bref délai, que l’absence de remboursement l’avait placé dans une situation financière délicate, le contraignant à souscrire un prêt du même montant le 14 novembre 2011, et qu’il s’était rendu à plusieurs reprises, entre 2011 et 2015, au domicile de M. [X] pour réclamer le remboursement des sommes lui étant dues ; qu’il s’agit d’aveux judiciaires concernant la reconnaissance par le créancier supposé des faits lui permettant d’exercer son droit ; qu’il ressort de cet aveu que le prêt contesté devait, selon M. [O], être remboursé avant le 14 novembre 2011, date à laquelle il aurait été contraint de souscrire un prêt.
M. [O] réplique que les lettres recommandées avec avis de réception de M. [X] en date des 23 février et 10 avril 2018 valent reconnaissance de dette du débiteur, interruptives de prescription.
Réponse de la cour
Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Lorsqu’un prêt a été consenti sans qu’ait été fixé un terme, le point de départ du délai de prescription quinquennal de l’action en remboursement se situe à la date d’exigibilité de l’obligation qui lui a donné naissance, laquelle doit être recherchée, en l’absence de terme exprès, suivant la commune intention des parties et les circonstances de l’engagement.
En l’espèce, M. [O] soutenait dans son acte introductif d’instance :
en page 4 :
– que « M. [X] [l’]avait assuré […] qu’il procéderait dans un bref délai au remboursement du prêt octroyé »,
– que « le comportement de M. [X], dilatoire et exclusif de toute bonne foi, [l’]a placé […] dans une situation financière délicate »,
– qu’il « s’est ainsi vu contraint de souscrire un prêt du même montant auprès de sa banque […] en date du 14 novembre 2011, afin de réapprovisionner son compte bancaire »,
en page 6 :
– que « M. [X] s’était engagé à [lui] rembourser […] le montant du prêt (10 000 €) sous quelques mois. Force est cependant de constater que M. [X] a été défaillant et n’a, à ce jour, pas encore remboursé quelque somme que ce soit au titre du prêt contracté. Ce faisant, il a causé un préjudice certain à M. [O] qui s’est vu contraint de contracter à son tour un prêt auprès de sa banque […] pour rétablir ses finances ».
Il résulte de ces affirmations que le prêt allégué par M. [O] devait être remboursé « sous quelques mois » et en tout cas avant le 14 novembre 2011, l’appelant soutenant avoir été contraint de souscrire un prêt à cette date pour compenser l’absence sur son compte bancaire de la somme versée à M. [X], ce dont il se déduit nécessairement que le remboursement de la totalité de cette somme devait intervenir, selon l’appelant, avant le 14 novembre 2011.
Le point de départ du délai de prescription quinquennale de l’action en remboursement se situe à cette date, de sorte que l’action devait être engagée au plus tard le 14 novembre 2016. Or, elle l’a été par acte huissier de justice du 16 mai 2018, soit après l’expiration du délai de prescription.
Les courriers recommandés de M. [X] des 23 février et 10 avril 2018 n’ont pu interrompre le délai de prescription qui était déjà expiré, étant observé, au surplus, qu’ils ne contiennent, contrairement à ce que soutient l’appelant, aucune reconnaissance de dette.
Au vu de ce qui précède, il convient, par infirmation du jugement déféré qui a statué sur le fond de la demande, de déclarer irrecevable, comme prescrite, l’action en remboursement engagée par M. [O].
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.
En cause d’appel, M. [O], partie perdante, est condamné aux dépens et à payer à M. [X] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La selarl Vicari Le Goff Guinet, avocats, qui en a fait la demande, est autorisée à recouvrer directement à l’encontre de M. [O] les dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a statué au fond,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Déclare irrecevable l’action engagée par M. [J] [O],
Condamne M. [J] [O] à payer à M. [T] [X] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux dépens d’appel,
Autorise la selarl Vicari Le Goff Guinet à recouvrer directement à l’encontre de M. [J] [O] les dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.
La greffière, Le Président,