16 janvier 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/01128
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 16 JANVIER 2023
N° RG 20/01128 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPNZ
[J] [X]
c/
SA HSBC CONTINENTAL EUROPE, anciennement dénommée SA HSBC FRANCE
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 31 décembre 2019 par le Tribunal d’Instance de COGNAC (RG : 11-19-94) suivant déclaration d’appel du 25 février 2020
APPELANT :
[J] [X]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 4] ([Localité 4])
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
représenté par Maître Camille SELVA substituant Maître Marianne BOUSSIRON, avocat au barreau de la CHARENTE
INTIMÉE :
SA HSBC CONTINENTAL EUROPE, anciennement dénommée SA HSBC FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
représentée par Maître Hubert BIARD de la SELARL CVS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Bertrand LARONZE de la SELARL CVS, avocat plaidant au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 novembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Emmanuel BREARD, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Suivant offre préalable acceptée le 6 novembre 2014, la société Hsbc France, devenue la société Hsbc Continental Europe, ci-après la société Hsbc, a consenti à M. [J] [X] un prêt personnel n°102998I571 d’un montant de 40 000 euros remboursable en 108 échéances de 463,89 euros assurance comprise, au taux débiteur de 3,8 % l’an.
Suivant offre préalable acceptée le 23 février 2015, le même établissement lui a consenti un prêt personnel n°1029981572 d’un montant de 25 001 euros remboursable en 108 échéances de 288,77 euros assurance comprise, au taux débiteur de 3,7 % l’an.
La société Hsbc a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 mai 2018, mis en demeure M. [X] de régler les échéances impayées des deux prêts dans un délai de 8 jours, faute de quoi la déchéance du terme serait appliquée.
Par acte d’huissier de justice en date du 25 mars 2019, la société Hsbc a fait assigner M. [X] devant le tribunal d’instance de Cognac afin de le voir condamner au paiement de diverses sommes.
Par jugement contradictoire du 31 décembre 2019, cette juridiction a:
– Rejeté la contestation de signature du prêt n°l02998l572 opposée par M. [X] ;
– Rejeté la demande d’expertise judiciaire relative au mode de calcul du taux d’intérêt et du taux effectif global ;
– Déclaré recevable l’action en paiement de la société Hsbc concernant les prêts personnels n°102998l571 et n°102998l572 souscrits le 4 novembre 2014 et le 23 février 2015 ;
– Prononcé la déchéance du droit aux intérêts afférents aux prêts personnels n°l02998I571 et u°102998l572 ;
– Condamné M. [X] à payer à la société Hsbc :
* 26 450,50 euros au titre du prêt personnel n°l02998157l ;
* 17 455,65 euros au titre du prêt personnel n°l02.998I572 ;
– Dit que ces sommes ne produiront pas intérêts au taux légal ;
– Débouté la société Hsbc de sa demande formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
– Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;
– Condamné M. [X] aux dépens.
M. [X] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 25 février 2020.
Par conclusions déposées le 31 octobre 2022, M. [X] demande à la cour de :
– Le recevoir en son appel et l’y dire bien fondé ;
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné à verser la somme de 17 455,65 euros au titre du prêt personnel n° 1029981572 ;
Et, statuant à nouveau
– Débouter la société Hsbc de l’ensemble de ses demandes concernant le prêt n°1029981572.
A titre subsidiaire
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déchu la société Hsbc de son droit aux intérêts.
Par conclusions déposées le 22 juin 2022, la société Hsbc Continental Europe demande à la cour de :
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance de Cognac le 31 décembre 2019 en ce qu’il a :
* rejeté la contestation de signature du prêt n°1029981572 opposée par M. [X] ;
* Rejeté la demande d’expertise judiciaire relative au mode de calcul du taux d’intérêt et du taux effectif global ;
* déclaré recevable l’action en paiement de la société Hsbc concernant les prêts personnels n°1029981571 et n°1029981572 souscrits le 4 novembre 2014 et le 23 février 2015 ;
* condamné M. [X] aux entiers dépens de première instance ;
– Réformer le jugement rendu par le tribunal d’instance de Cognac le 31 décembre 2019 en ce qu’il a :
* prononcé la déchéance du droit aux intérêts afférents aux prêts personnels n°1029981571 et n°1029981572 ;
* condamné M. [X] à lui payer :
¿ 26.450,50 euros au titre du prêt personnel n°1029981571 ;
¿ 17.455,65 euros au titre du prêt n°1029981572 ;
– dit que ces sommes ne produiront pas intérêts au taux légal ;
– l’a déboutée de sa demande formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant de nouveau,
– Condamner M. [X] à lui payer :
* la somme de 35.157,34 Euros, suivant décompte arrêté au 7 mars 2019 (pièce n° 5), outre les intérêts au taux contractuel de 3,80 % à compter du 8 mars 2019, au titre du prêt personnel de 40 000 euros ;
– la somme de 22 647,41 euros, suivant décompte arrêté au 7 mars 2019 (pièce n° 6), outre les intérêts au taux contractuel de 3,70 % à compter du 8 mars 2019, au titre du prêt personnel de 25.001,00 euros ;
– Débouter M. [X] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner M. [X] au paiement d’une somme de 4 500,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner le même aux entiers dépens d’appel.
L’affaire a été fixée à l’audience du 21 novembre 2022.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 7 novembre re 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I Sur la conclusion du prêt en date du 23 février 2015.
L’article 1324 du code civil prévoit que ‘Dans le cas où la partie désavoue son écriture ou sa signature et dans le cas où ses héritiers ou ayants cause déclarent ne point les connaître, la vérification en est ordonnée en justice’.
Il est constant qu’il appartient au juge, en présence d’une contestation de signature, de procéder à la vérification de celle-ci au vu des éléments dont il dispose, après avoir, s’il y a lieu, enjoint les parties de produire tous documents de comparaison et fait composer des échantillons d’écriture.
M. [X] conteste avoir consenti au prêt du 23 février 2015, disant avoir contracté le 6 novembre 2014 un prêt travaux afin de régler la facture d’un entrepreneur, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge. Il soutient que ce crédit affecté a été transformé par le prêteur en prêt personnel et augmenté d’un montant de 5.001 €. Il réfute être à l’origine du prêt, ne l’avoir remboursé qu’en pensant régler les échéances du crédit affecté. Il dit en outre qu’il se trouvait jusqu’au 20 février 2015 en Asie et ne pouvoir avoir signé ce document, que s’agissant d’un lundi, l’établissement bancaire était fermé et qu’il n’a pas reçu par lettre recommandée avec accusé de réception quinze jours avant.
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La cour constate que l’appelant ne saurait contester qu’il se trouvait selon ses propres dires sur le territoire national à la date de signature du contrat objet du litige, puisque les dates avancées par ses soins ne correspondent pas à celle de la signature.
Mieux, c’est par une argumentation que la présente juridiction fera sienne que le tribunal d’instance de Cognac a relevé des similitudes suffisamment importantes entre les signatures habituelles de M. [X] et celle portée sur le contrat de prêt, ce qui lui a permis de retenir qu’elles émanaient du même auteur. Il sera souligné qu’il n’est pas davantage communiqué de nouveau échantillons de signature. Aucune pièce n’établit que l’agence bancaire n’ait pas été ouverte le lundi en cause, alors que le document est signé par le prêteur, ni que les documents précontractuels n’aient pas été transmis à l’appelant comme le prévoient les textes applicables, ceux-ci étant au surplus joints au contrat.
Dès lors, non seulement l’argument tiré de la contestation d’écriture sera rejeté, mais également celui tiré par l’appelant du fait qu’il n’a pas consenti au contrat en date du 23 février 2015.
II Sur le déblocage des fonds au titre du prêt en date du 23 février 2015.
En vertu de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
M. [X] avance ne jamais avoir reçu la moindre somme au titre du crédit du 23 février 2015 et être fondé à opposer à l’intimée une exception d’inexécution, faute d’élément de preuve en ce sens, n’ayant reçu des fonds que dans le cadre du crédit du 6 novembre 2014.
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Il convient de relever que la société Hsbc Continental Europe communique les relevés de comptes de son client (pièce 13 de cette partie) justifiant qu’aucun montant n’a été crédité au titre du contrat du 6 novembre 2014, mais qu’en revanche celui de 25.001 € l’a été le 3 mars 2015.
Le moyen soulevé ne pourra donc qu’être rejeté, faute d’être matériellement fondé.
III Sur la déchéance du droit aux intérêts.
L’article L.311-48 du code de la consommation applicable énonce que ‘Lorsque le prêteur n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L.311-8 et L.311-9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. La même peine est applicable au prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées à l’article L.311-21 et au deuxième aliéna de l’article L.311-44 ou lorsque les modalités d’utilisation du crédit fixées au premier alinéa de l’article L.311-17 et au premier alinéa de l’article L.311-17-1 n’ont pas été respectées’.
La société prêteuse reproche au premier juge de ne pas l’avoir sanctionnée à hauteur de la gravité du manquement constaté, car si elle n’est pas en mesure de justifier de la consultation du FICP réclamée, elle soutient s’être assurée de la solvabilité de son client.
Elle relève en ce sens qu’il lui a été déclaré des ressources, une épargne et un patrimoine conséquents permettant de faire face aux engagements pris par l’intéressé, qu’il n’existait pas d’autre prêt en cours. Elle remarque que les revenus ont été confirmés par un justificatif d’impôt sur le revenu.
Elle considère donc la sanction comme sévère.
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Il apparaît que l’argumentation de la société intimée omet l’importance de la consultation du FICP qui est seule à même, en l’absence de communication de justificatif du passif de l’emprunteur prévue par la loi, de s’assurer qu’il n’existe pas de difficulté financière.
Il s’agit en outre non seulement d’une formalité simple à accomplir, mais surtout d’un élément fondamental pour établir la solvabilité de l’emprunteur et donc que l’établissement de crédit puisse allouer son concours.
Aussi, tout manquement en la matière ne doit être considéré que comme essentiel, ce qui ne peut que justifier une déchéance totale des intérêts.
La décision du premier juge sera donc confirmée de ce chef.
IV Sur les demandes annexes.
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement, M. [X] succombant au principal à la présente instance, il supportera la charge des dépens de celle-ci.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Lors du présent litige, l’équité exige que M. [X] soit condamné à régler la somme de 1.000 euros à la société Hsbc Continental Europe.
PAR CES MOTIFS.
La cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal d’instance de Cognac le 31 décembre 2019 ;
y ajoutant,
CONDAMNE M. [X] à verser à la société Hsbc Continental Europe la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [X] aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,