15 décembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/13718
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2022
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/13718 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCMY7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 septembre 2020 – Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 11-20-000497
APPELANT
Monsieur [G] [V]
né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 10] (61)
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par Me Mounia BELKACEM, avocat au barreau de PARIS, toque : K0129
substituée à l’audience par Me Najet MEHENNI-AZIZI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1293
INTIMÉES
La société VIVADOMO, société à responsabilité à associé unique en liquidation judiciaire
N° SIRET : 821 378 254 00048
[Adresse 3]
[Localité 9]
DÉFAILLANTE
Caducité partielle par ordonnance en date du 16 mars 2021
La SELARL BALLY MJ, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société VIVADOMO
N° SIRET : 821 325 941 00010
[Adresse 6]
[Localité 8]
DÉFAILLANTE
Caducité partielle par ordonnance en date du 16 mars 2021
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme à conseil d’administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
N° SIRET : 542 097 902 04317
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 13 mars 2018, dans le cadre d’un démarchage à domicile, M. [G] [V] a validé un bon de commande n° 2789 portant sur une réfection de toiture, un ballon thermodynamique de 300 litres avec la société Vivadomo au prix de 26 500 euros.
Pour financer ces travaux, M. [V] a conclu le même jour avec la société Sofinco un contrat de crédit portant sur 26 500 euros, remboursable sur une durée de 125 mois, par 120 mensualités de 284 euros chacune hors assurance au taux d’intérêts contractuel de 4,799 % l’an et 310,50 euros assurance incluse soit un TAEG de 4,90 %.
Le 22 mars 2018, dans le cadre d’un démarchage à domicile, M. [V] a validé un bon de commande n° 2967 portant sur une installation de panneaux photovoltaïques, un ballon thermodynamique de 270 litres et 6 fenêtres avec la société Vivadomo au prix de 28 000 euros. Le contrat mentionne dans la rubrique observations une « reprise garantie et entretien de la pompe et volets roulants 3 600 euros de maison partenaire à déduire (12 visites sur 2 ans voire à faire dans l’année) » et un paiement au comptant de 24 400 euros à l’installation.
M. [V] a conclu le même jour avec la société BNP Paribas personal finance sous l’enseigne Cetelem un contrat de crédit portant sur 28 000 euros, remboursable par 120 mensualités de 294,25 euros hors assurance au taux de 4,80 % par an, le TAEG s’élevant à 4,91 %.
Par jugement du 11 avril 2019, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société Vivadomo et désigné la Selarl Bally M.J. en qualité de mandataire liquidateur.
Saisi le 9 janvier 2020 par M. [V] d’une demande tendant principalement à l’annulation des contrats de vente et de crédit du 22 mars 2018 uniquement et en remboursement des sommes versées au titre du crédit, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, par un jugement réputé contradictoire rendu le 10 septembre 2020 auquel il convient de se reporter, a :
– déclaré recevables les demandes de M. [V],
– constaté que les écritures déposées par la société BNP Paribas personal finance et oralement soutenues à l’audience ont valablement saisi le juge des contentieux de la protection,
– débouté M. [V] de sa demande de nullité du contrat de vente du 22 mars 2018 et dit en conséquence n’y avoir lieu à remise en état,
– requalifié le contrat de crédit signé le 22 mars 2018 avec la société Cetelem en contrat de crédit affecté,
– débouté M. [V] de sa demande de nullité du contrat de crédit affecté signé le 22 mars 2018,
– débouté M. [V] de ses demandes de dommages et intérêts,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– rappelé que la décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit,
– condamné M. [V] aux dépens,
– condamné M. [V] à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Après avoir retenu que la liquidation ne faisait pas obstacle à l’action de M. [V], laquelle était recevable, le premier juge a considéré que M. [V] ne saurait faire peser sur la partie défenderesse sa propre carence dans la conservation de preuves qu’il juge essentielles à son action et a rejeté la demande de production du contrat de vente et d’un état des sommes remboursées au titre du crédit. Il a en outre estimé qu’aucune convention d’agrément n’était nécessaire et qu’elle ne pouvait donc être produite.
Il a ensuite relevé que le bon de commande méconnaissait les dispositions de l’article L. 111-1 du code de la consommation, à défaut de précision suffisante quant à la nature et aux caractéristiques des biens offerts soulignant l’absence de mention de la marque des produits et de précision concernant le ballon mais a considéré que M. [V] avait renoncé à son action en nullité en laissant le contrat s’exécuter.
Il a retenu que le contrat de crédit ne désignait pas l’objet du financement mais que le montant correspondait à celui de l’installation et avait été souscrit le même jour après un premier refus de la société Sofinco sur le contrat signé le 13 mars 2018 et que nonobstant les termes du contrat de crédit du 22 mars 2018, il s’agissait bien d’un contrat affecté et que la banque avait commis une faute en ne vérifiant pas la régularité du bon de commande et en débloquant les fonds avant sans s’assurer de la complète exécution du contrat principal mais que cette faute n’avait entraîné aucun préjudice.
Suivant déclaration enregistrée le 29 septembre 2020, M. [V] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions responsives n° 2 remises le 4 juillet 2022, il demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de nullité du contrat de vente conclu le 22 mars 2018, dit en conséquence n’y avoir lieu à remise en état, l’a débouté de sa demande de nullité du contrat de crédit affecté signé le 22 mars 2018, l’a débouté de ses demandes de dommages-intérêts, a débouté les parties de leurs demande plus amples et contraires et l’a condamné aux dépens et au paiement à la société BNP Paribas personal finance de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– de sommer la société Cetelem de communiquer un état des sommes qu’il a remboursées au titre du crédit,
– de dire ses demandes recevables et bien fondées et de rejeter toutes les demandes de la société Cetelem,
– en conséquence de prononcer l’annulation du contrat principal conclu avec la société Vivadomo, de juger qu’il n’a jamais confirmé l’acte nul et qu’aucune condition n’a été démontrée en ce sens,
– de juger que la société Cetelem a commis des fautes personnelles engageant sa responsabilité à son égard, et qu’elle ne pourra se prévaloir des effets de l’annulation et en conséquence qu’elle sera privée de la restitution des sommes prêtées,
– d’ordonner le remboursement par la société Cetelem des sommes qu’il lui a versées au titre du contrat de crédit, au jour du jugement à intervenir,
– de condamner la société Cetelem à lui payer les sommes de’20 000 euros au titre de son préjudice financier et 5 000 euros au titre de son préjudice moral,
– de juger qu’il laisse à la disposition du liquidateur judiciaire de la société Vivadomo les matériels installés au titre du bon de commande et qu’à défaut d’avoir été récupérés dans le délai de 2 mois à compter de la signification du présent arrêt, il pourra en disposer comme bon lui semblera,
– subsidiairement, de juger que la société Cetelem est déchue de son droit aux intérêts pour défaut de mise en garde,
– en tout état de cause, de condamner la société Cetelem à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
– de prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Il fait principalement valoir que toutes les demandes tendant à voir dire et juger ne sont pas des prétentions juridiques et que la société BNP Paribas personal finance ne formule que ce type de demandes.
Il soutient que la production de pièces et plus précisément la convention d’agrément conclue entre le vendeur et l’établissement de crédit est indispensable en ce qu’elle est susceptible d’apporter des informations nécessaires à la procédure en ce qu’elle va permettre d’éclairer le juge sur les conditions dans lesquelles les consommateurs sont démarchés, les modalités de crédit, leur taux d’intérêt, les limites et la responsabilité de chacune des parties dans l’opération d’installation des panneaux solaires jusqu’à la délivrance des fonds.
Il fait valoir que la liquidation judiciaire de la société Vivadomo ne rend pas ses demandes irrecevables nonobstant l’absence de déclaration de créance.
Il soutient qu’il n’y a aucune novation et que l’action portant sur la responsabilité de la banque, celle-ci est recevable nonobstant le fait qu’il aurait remboursé de manière anticipée son contrat de crédit. Il ajoute que la caducité partielle de l’appel n’empêche aucune action contre la banque.
Il indique que le contrat de prêt conclu avec la société Cetelem le jour de la signature du bon de commande et pour le même montant est bien un crédit affecté à l’acquisition des panneaux solaires en vertu du bon de commande en date du 22 mars 2018, que le contrat de crédit est nul comme ne faisant pas référence au fait que le contrat ait été conclu à l’issue d’un démarchage à domicile, aucune adresse de conclusion du contrat n’est indiquée, non plus qu’aucun numéro de téléphone ni adresse électronique du prestataire et de l’intermédiaire.
Il soutient que le contrat de vente est aussi nul comme ne respectant pas les dispositions de l’article L. 111-1 du code de la consommation en ce qui concerne les caractéristiques essentielles des biens vendus, ni la marque ni le modèle, ni les caractéristiques essentielles telles que leur prix unitaire, la dimension, le poids, l’aspect des panneaux photovoltaïques ne sont indiqués, que ni la marque, ni le modèle de l’onduleur ne figurent, qu’il n’y a aucune information sur ses caractéristiques ni sur celles du disjoncteur, du parafoudre, du boîtier AC/DC et autres composants essentiels au fonctionnement de l’installation, que ni la marque, ni le modèle du ballon thermodynamique, ni ses caractéristiques essentielles, sa dimension, son poids, son aspect ne sont mentionnés et qu’il en va de même pour les fenêtres. Il ajoute que le contrat est illisible comme rédigé dans une police de caractère inférieure au corps 8 et dans une encre pâle et donc illisible et que le bordereau de rétractation ne peut être facilement détaché, que son utilisation amputerait le contrat de la signature de l’acquéreur et qu’il ne respecte pas le formalisme exigé.
Il ajoute qu’il est également nul dès lors que son consentement a été obtenu par dol, la société Vivadomo l’ayant trompé sur la rentabilité attendue de l’opération en lui remettant une simulation faisant état de revenus de production de 3 600 euros par an. Il argue également d’un dol par réticence, faisant valoir que lui ont été cachés la durée de vie des matériels comme le fait qu’il allait devoir acquitter des frais supplémentaires de location de compteur, que les intérêts courraient dès le déblocage des fonds et que l’installation ne serait raccordée qu’un an plus tard.
Il conteste avoir entendu confirmer le contrat, faute d’avoir eu connaissance des vices de forme l’affectant, la seule lecture des articles du code de la consommation reproduits dans l’acte de vente ne lui permettant pas, en sa qualité de profane, d’avoir cette connaissance.
Il rappelle que dès lors que le contrat principal est nul, le crédit affecté est nul de plein droit et ajoute que sans les propos mensongers du commercial, étayés par une simulation volontairement erronée gonflant de manière disproportionnée les profits envisagés, il n’aurait contracté ni la vente ni le crédit et que la banque a été complice du dol en laissant l’activité prospérer et en la finançant grâce aux crédits accordés de manière non proportionnée à la rentabilité de l’opération et fait observer que sans l’aide de la banque, le contrat de vente n’aurait pas pu être conclu faute de pouvoir être financé.
Il ajoute que la banque n’a pas procédé aux vérifications élémentaires de la validité du bon de commande ni de l’exécution des prestations qui incluaient les démarches administratives avant de débloquer les fonds alors même qu’il n’a jamais signé aucune attestation de fin de travaux.
Il fait en outre valoir que la banque n’a pas respecté son devoir de mise en garde et qu’il avait déjà un taux d’endettement de 32,52 % avant de signer le contrat de crédit et qu’il était ensuite à un taux de 51,99 %.
Il considère que dès lors la banque doit être privée de son droit de restitution et l’indemniser de son préjudice financier qu’il fixe à 20 000 euros sans pouvoir lui opposer un enrichissement sans cause et de son préjudice moral qu’il fixe à 5 000 euros.
Subsidiairement, il soutient que faute pour la banque d’avoir vérifié sa solvabilité, la déchéance du droit aux intérêts est encourue.
Par des conclusions notifiées par voie électronique le 27 juin 2022, la BNP Paribas Personal Finance sous l’enseigne Cetelem demande à la cour :
– de confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris le 10 septembre 2022 dans toutes ses dispositions sauf à déclarer irrecevables les demandes de M. [V], et sauf le cas échéant à procéder par voie de substitution de motifs ; infirmer en tant que de besoin le jugement pour déclarer irrecevables les demandes de M. [V] ;
– de déclarer irrecevable l’ensemble des demandes formées par M. [V] à son encontre au vu de l’opération de regroupement ; à défaut, de l’en débouter en l’absence de caractère affecté du crédit ;
– à tout le moins, de déclarer irrecevable la demande de M. [V] en nullité du contrat conclu avec la société Vivadomo ; de déclarer irrecevable la demande de M. [V] en nullité du contrat de crédit ; dire et juger subsidiairement que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées ; de débouter M. [V] de sa demande en nullité du contrat conclu avec la société Vivadomo, ainsi que de sa demande en nullité du contrat de crédit et de sa demande de restitution des sommes réglées au titre du crédit ;
– de déclarer irrecevable la demande visant au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts contractuels ; à tout le moins, de la rejeter ;
– en tout état de cause, de déclarer irrecevable la demande de M. [V] visant à la privation de sa créance et visant à la condamnation à des dommages et intérêts ; à tout le moins, de l’en débouter ;
– subsidiairement, en cas de nullité des contrats, de déclarer irrecevable la demande de M. [V] visant à être déchargé de l’obligation de restitution du capital prêté, à tout le moins, de l’en débouter, en conséquence, et en tout état de cause, de le condamner M. [V] à lui payer la somme de 28 000 euros en restitution du capital prêté ;
– très subsidiairement, de limiter la réparation qui serait due par elle eu égard au préjudice effectivement subi par l’emprunteur à charge pour lui de l’établir et eu égard à la faute de l’emprunteur ayant concouru à son propre préjudice ; de limiter en conséquence la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. [V] d’en justifier et en cas de réparation par voie de dommages et intérêts, de limiter la réparation à hauteur du préjudice subi, et dire et juger que M. [V] reste tenu de restituer l’entier capital à hauteur de 28 000 euros ;
– à titre infiniment subsidiaire, en cas de décharge de l’obligation de l’emprunteur, de condamner M. [V] à lui payer la somme de 28 000 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de sa légèreté blâmable et de lui enjoindre de restituer, à ses frais, le matériel installé chez lui à la Selarl Bally MJ, en qualité de liquidateur judiciaire de société Vivadomo, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d’électricité, et dire et juger qu’à défaut de restitution, il restera tenu de la restitution du capital prêté, subsidiairement, de le priver de sa créance en restitution des sommes réglées du fait de sa légèreté blâmable ;
– de débouter M. [V] de toutes autres demandes, fins et conclusions ;
– d’ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
– en tout état de cause, de condamner M. [V] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes Gil.
Elle fait valoir que M. [V] a procédé à un remboursement anticipé du crédit par le biais d’une opération de regroupement de crédits incluant le crédit en cause, de sorte qu’il est définitivement soldé et éteint depuis le 24 avril 2019 et qu’il ne peut plus initier le moindre recours. Elle ajoute que le montant du contrat de crédit est différent de celui du bon de commande et qu’il ne s’agit pas d’un crédit affecté, que les fonds ont été versés sur le propre compte de M. [V] qui a lui-même utilisé les fonds comme il voulait, qu’il ne démontre pas les avoir utilisés pour payer la société Vivadomo, que c’est à lui qu’il appartient de démontrer qu’il s’agit d’un contrat affecté en dehors des présomptions posées par l’article L. 311-1, 11° du code de la consommation lorsque le prêteur recourt aux services du prestataire pour la conclusion ou préparation du contrat de crédit et lorsque le contrat de crédit mentionne la prestation principale financée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Elle indique que les appelants n’ayant pas signifié leurs conclusions d’appel au liquidateur judiciaire dans les délais ont été déclarés caduc en leur appel à son égard si bien que la demande en nullité du contrat de vente a été définitivement rejetée par un jugement devenu définitif sur ce point et que la demande de nullité subséquente du contrat de crédit à le supposer affecté ne peut être examinée sur le fondement de l’article L. 312-55 du code de la consommation.
Elle soutient encore que la demande de communication de pièce n’a pas d’objet, puisque le contrat de crédit n’a pas été souscrit par l’intermédiaire de l’entreprise venderesse.
Subsidiairement, elle souligne le caractère exceptionnel de l’annulation d’un contrat, rappelle le caractère strict de l’interprétation de l’article L. 111-1 du code de la consommation et soutient que le bon de commande qui est parfaitement lisible ne présente aucune omission de nature à en entraîner l’annulation, que les imprécisions dénoncées ne sont pas de nature à en entraîner la nullité et que les éléments qui y figurent répondent aux exigences des textes qui doivent être interprétés restrictivement. Elle ajoute qu’en tout état de cause, il n’est pas justifié d’un préjudice en lien avec les imprécisions dénoncées. Elle fait enfin valoir que M. [V] n’établit ni les man’uvres dolosives qu’il invoque ni l’erreur qu’il aurait commise et que le contrat ne mentionne aucune garantie d’autofinancement ou de revenus. Elle ajoute que M. [V] ne produit pas les conditions générales ni le verso du bon de commande comportant le formulaire de rétractation et que ce qui est produit est conforme.
Elle souligne que les éventuelles nullités formelles ont de surcroît été couvertes par une exécution volontaire et une volonté de conserver le matériel et de l’utiliser.
Elle note que les allégations de dol ne sont aucunement étayées, qu’aucune man’uvre n’est démontrée et que le contrat qui n’emporte aucun engagement de rentabilité, est intitulé bon de commande ce qui est dénué de toute ambiguïté.
La banque conteste toute nullité du contrat de crédit et soutient que le formalisme applicable en matière de démarchage ne lui est pas applicable.
Elle conteste toute obligation de contrôler la validité du bon de commande, toute faute dans la vérification du bon de commande, de l’exécution de la prestation qui ne lui incombe pas ou dans la délivrance des fonds dont elle rappelle qu’ils ont été versés sur le compte de M. [V] et non sur celui de l’entreprise venderesse, ce qui exclut toute faute possible dans le déblocage des fonds. Elle souligne que toutes les demandes de l’emprunteur à son encontre sont vaines dès lors qu’il ne justifie pas du moindre préjudice ni d’un lien causal entre celui-ci et un fait imputable à la banque.
Elle note que l’évaluation d’un éventuel préjudice doit prendre en compte la valeur du bien que l’acquéreur conservera.
Elle conteste tout manquement au devoir de mise en garde au regard des renseignements fournis par M. [V] ou d’informations précontractuelles lui incombant en sa qualité de prêteur et fait valoir qu’il n’y a pas de lien causal entre les prétendues fautes qu’elle aurait commises et les demandes de M. [V] qui réclame de multiples dédommagements.
Elle soutient que la demande de M. [V] tendant à la déchéance du droit aux intérêts est irrecevable en application des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile comme formée pour la première fois en cause d’appel et pas dans les premières conclusions et n’est au surplus pas fondée.
Assignée par acte d’huissier du 27 novembre 2020 délivré à personne morale, la Selarl Bally M.J. en qualité de mandataire liquidateur de la société Vivadomo n’a pas constitué avocat.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 mars 2022, la déclaration d’appel de M. [V] a été déclarée partiellement caduque à l’égard de la société Vivadomo et du liquidateur judiciaire de la société Vivadomo, intimés non constitués, auxquels ses conclusions n’ont pas été signifiées dans le délai de quatre mois suivant la date de la déclaration d’appel en application des articles 908 et 911 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience le 19 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour constate :
– que seuls les contrats du 22 mars 2018 sont concernés,
– que même si M. [V] sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté toutes leurs demandes de production de pièces, la seule demande de production d’une pièce précise reformulée dans le dispositif de ses écritures concerne uniquement un état des sommes qu’il a remboursées au titre du crédit.
Il résulte du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Sur la recevabilité des demandes dirigées contre la société Vivadomo
Il n’est pas soutenu à hauteur d’appel que la liquidation judiciaire de la société Vivadomo rendrait les demandes irrecevables nonobstant l’absence de déclaration de créance.
En revanche, la banque fait valoir à juste titre que l’appel de M. [V] a été déclaré caduc en ce qu’il est dirigé contre la société Vivadomo. Le jugement est donc devenu définitif en ce qui concerne cette partie et aucune demande n’est plus recevable à son encontre
Sur la recevabilité des demandes contre la banque
1- La recevabilité de la demande en annulation du contrat de crédit par application de l’article L. 312-55 du code de la consommation
En application de cet article, le contrat de crédit affecté n’est anéanti que si le contrat principal est résolu ou annulé. Dès lors que l’appel est caduc en ce qui concerne le vendeur et que le contrat principal a été reconnu valide, M. [V] est irrecevable à se prévaloir de ces dispositions qui supposent en outre que le crédit soit un crédit affecté.
2- La recevabilité des demandes contre la banque du fait du remboursement du crédit
M. [V] a remboursé le crédit litigieux. Si le paiement opéré emporte extinction des obligations afférentes au contrat de crédit, il n’exclut pas que l’emprunteur poursuive une action en responsabilité contre le prêteur qui tend, non pas à remettre en question la créance acquittée mais à obtenir l’indemnisation d’un préjudice. Les demandes de M. [V] sont donc recevables dans cette seule limite et irrecevables pour le surplus y compris en ce qui concerne la production d’un relevé des sommes versées au titre du crédit et la demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts, laquelle est en outre irrecevable en application des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile comme formée pour la première fois en cause d’appel et seulement dans les secondes conclusions.
Sur la responsabilité de la banque
Aux termes de l’article L. 311-1, 11° du code de la consommation est un contrat de crédit affecté ou lié celui qui sert exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers, ces deux contrats constituant une opération commerciale unique. Il précise qu’une opération commerciale unique est réputée exister lorsque le vendeur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit ou, en cas de financement par un tiers, lorsque le prêteur recourt aux services du vendeur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit ou encore lorsque le contrat de crédit mentionne spécifiquement les biens ou les services concernés.
En l’espèce, le contrat de crédit a été souscrit par M. [V] auprès de la société BNP Paribas Personal Finance sous l’enseigne Cetelem par l’intermédiaire de Fidem rétention pour un montant de 28 000 euros sous la forme d’un prêt personnel remboursable en 120 mensualités de 294,25 euros hors assurance au taux de 4,80 % par an, le TAEG s’élevant à 4,91 %. Il prévoit que le montant sera versé à M. [V] et ne vise aucunement la destination du financement ainsi octroyé.
La commande a été passée le même jour auprès de Vivadomo pour une installation de panneaux photovoltaïques, d’un ballon thermodynamique de 270 litres et de 6 fenêtres d’une valeur de 28 000 euros mais pour un coût total de 24 400 euros seulement compte tenu de la déduction de 3 600 euros au titre de la « reprise garantie et entretien de la pompe et volets roulants » et mentionne un paiement au comptant de 24 400 euros à l’installation.
Mis à part le fait que les deux contrats ont été conclus le même jour, rien ne permet donc de les lier et de considérer qu’il s’agit d’une opération commerciale unique, le montant total du crédit étant supérieur à celui devant être payé par M. [V] à la société Vivadomo.
Il ne s’agit donc pas d’un contrat de crédit affecté et le jugement doit être infirmé sur ce point.
La banque qui n’a pas consenti de crédit affecté ne peut donc s’être rendue complice de la société Vivadomo en aucune manière. Elle n’avait pas à vérifier le bon de commande et le déblocage des fonds au profit de M. [V] qui résulte du contrat lui-même ne peut avoir été fautif.
S’agissant du devoir de mise en garde par rapport au risque d’endettement généré par le crédit contracté au regard des capacités financières de l’emprunteur, il est admis qu’en l’absence de risque d’endettement, le banquier n’a pas de devoir de mise en garde.
En l’espèce, M. [V] a déclaré des revenus de 2 550,33 euros par mois, des crédits en cours de 580 euros ce qui avec le crédit consenti de 294,25 euros par mois portant ses crédits à un total de 874,25 euros par mois ce qui correspond à 34,27 %. Il y avait donc un risque d’endettement.
Il incombe à la banque de rapporter la preuve qu’elle a satisfait à son devoir de mise en garde.
À cet égard, l’établissement de la fiche d’informations précontractuelles, la fiche dialogue et la fiche concrétisant le devoir d’explication ne comportent que des dispositions générales et ne suffisent pas à rapporter la preuve de l’effectivité de son obligation de mise en garde au vu des circonstances particulières de l’endettement souscrit.
La banque ne justifie donc pas avoir respecté cette obligation.
Le préjudice né du manquement par une banque à son obligation de mise en garde s’analyse en la perte de chance pour les emprunteurs de ne pas contracter. Il convient toutefois d’observer que M. [V] s’était déjà vu refuser très peu de temps avant un crédit d’un montant de 26 500 euros qu’il avait cherché à souscrire auprès de la société Sofinco. Il a donc passé outre ce refus pour chercher à se faire financer ailleurs. Compte tenu de cette circonstance particulière, la cour considère que malgré l’absence de justification de la mise en garde, M. [V] n’a pas subi de perte de chance de ne pas contracter.
M. [V] doit donc être débouté de toutes ses demandes en paiement des sommes de 20 000 euros en réparation du préjudice financier et de 5 000 euros en réparation du préjudice moral comme en arrêt des prélèvements bancaires. Le jugement doit être confirmé sur ces points.
Sur les autres demandes
M. [V] qui succombe doit supporter les dépens d’appel. Il apparaît en outre équitable de le condamner à payer à la société BNP Paribas Personal Finance sous l’enseigne Cetelem la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Vu l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 mars 2022 ayant déclaré l’appel caduc à l’égard de la société Vivadomo et du liquidateur judiciaire de la société Vivadomo,
Statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a déclaré recevables toutes les demandes de M. [G] [V] et requalifié le contrat de crédit signé le 22 mars 2018 avec la société BNP Paribas Personal Finance sous l’enseigne Cetelem’en contrat de crédit affecté ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare M. [G] [V] irrecevable en sa demande d’annulation du contrat de crédit en application de l’article L. 312-55 du code de la consommation ;
Déclare M. [G] [V] irrecevable en toutes ses demandes contre la société BNP Paribas Personal Finance sous l’enseigne Cetelem hormis celles tendant à l’octroi de dommages et intérêts ;
Dit que le contrat souscrit de crédit signé le 22 mars 2018 par M. [G] [V] avec la société BNP Paribas Personal Finance sous l’enseigne Cetelem n’est pas un contrat de crédit affecté soumis aux dispositions de l’article L. 311-1, 11° du code de la consommation ;
Déboute M. [G] [V] de ses demandes de dommages et intérêts ;
Condamne M. [G] [V] aux dépens d’appel et dit que, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, cette condamnation est assortie au profit de la Selas Cloix & Mendes Gil du droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision ;
Condamne M. [G] [V] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance sous l’enseigne Cetelem une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente