15 décembre 2022
Cour d’appel de Caen
RG n°
21/01451
AFFAIRE : N° RG 21/01451 –
N° Portalis DBVC-V-B7F-GYGN
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du Juge des contentieux de la protection de CHERBOURG-EN-COTENTIN
en date du 25 Mars 2021 – RG n° 11-19-0840
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
APPELANTE :
S.A.S. SOGEFINANCEMENT
N° SIRET : 394 352 272
[Adresse 7]
[Localité 5]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Virginie HANTRAIS, avocat au barreau de COUTANCES
INTIMES :
Monsieur [I] [S]
né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Madame [R] [P]
née le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentés et assistés de Me Jean DELOM DE MEZERAC, substitué par Me FIHMI, avocats au barreau de CAEN
DEBATS : A l’audience publique du 03 octobre 2022, sans opposition du ou des avocats, Mme COURTADE, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme COLLET, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
Mme VELMANS, Conseillère,
ARRÊT prononcé publiquement le 15 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
Par acte sous seing privé en date du 27 février 2015, la SAS SOGEFINANCEMENT a consenti à M. [I] [S] et Mme [R] [P] un prêt personnel d’un montant de 27 500€, remboursable en 84 mensualités de 456,21€ (assurance comprise), au taux d’intérêt fixe annuel de 7,40%.
Un avenant de réaménagement a été conclu entre les parties le 22 juillet 2015
M. [S] et Mme [P] ont ensuite bénéficié d’un plan de surendettement, notifié le 16 novembre 2017 et entré en application à compter du 31 décembre 2017.
Des échéances sont demeurées impayées conduisant la SAS SOGEFINANCEMENT à prononcer la déchéance du terme quinze jours après la mise en demeure du 18 juillet 2019 restée infructueuse.
La commission de surendettement des particuliers de la Manche a, par décision du 15 octobre 2019, déclaré recevable la demande de réaménagement déposée par les débiteurs le 5 août 2019, puis par décision du 13 mars 2020, imposé de nouvelles mesures qui sont entrées en application le 30 avril suivant.
Par acte d’huissier du 10 décembre 2019, la SAS SOGEFINANCEMENT a fait assigner M. [S] et Mme [P] en paiement devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cherbourg-en-Cotentin.
Par jugement du 25 mars 2021, le juge des contentieux de la protection a :
– Déclaré la SAS SOGEFINANCEMENT irrecevable en son action ;
– Débouté en conséquence la SAS SOGEFINANCEMENT de sa demande de con-
damnation solidaire de Madame [P] et de Monsieur [S] à lui payer la
somme de 20 330,38 € avec intérêts au taux contractuel de 7,66 % à compter du 14 octobre 2019 ;
– Débouté la SAS SOGEFINANCEMENT de sa demande de condamnation de Mon-
sieur [S] et de Madame [P] sur le fondement de l’article 700 du code de
procédure civile ;
– Condamné la SAS SOGEFINANCEMENT aux entiers dépens de l’instance ;
– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration du 23 mai 2021, la SAS SOGEFINANCEMENT a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 6 septembre 2022, la SAS SOGEFINANCEMENT demande de :
‘ Réformer le jugement en date du 25 mars 2021 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
‘ Dire et juger que la SAS SOGEFINANCEMENT n’est pas forclose en son action
‘ Déclarer la SAS SOGEFINANCEMENT recevable et bien fondée en son action en paiement à l’encontre Madame [P] et de Monsieur [S]
‘ Dire et juger n’y avoir lieu à prononcer la déchéance du droit aux intérêts.
En conséquence, Vu le contrat de crédit en date du 27 février 2015,
‘ Condamner solidairement Madame [R] [P] et Monsieur [I] [S]
à payer à la SAS SOGEFINANCEMENT les sommes suivantes :
– Capital restant dû : 17 551,63 €
– Echéances de crédit impayées : 1 244,67 €
– Indemnité légale : 1 503,70 €
– Intérêts de retard arrêtés au 21.7.2021: 308,48 €
– Intérêts au taux contractuel de 7,66 % à compter du 21 juillet 2021 : mémoire
Soit un total, sauf mémoire arrêté au 21 juillet 2021: 20 608,48 €
‘ Condamner solidairement Madame [R] [P] et Monsieur [I] [S]
à payer à la SAS SOGEFINANCEMENT la somme de 2 000 € sur le fondement de
l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d’appel avec
droit de recouvrement au profit de la SCP BERLEMONT COCHARD HANTRAIS.
‘ Débouter Madame [R] [P] et Monsieur [I] [S] de toutes de-
mandes, fins ou prétentions contraires.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 15 avril 2022, M. [S] et Mme [P] demandent de :
– Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.
– Déclarer la SAS SOGEFINANCEMENT tant forclose en son action qu’irrecevable en ses demandes, et l’en débouter.
– Subsidiairement, prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la SAS SOGEFINANCEMENT et lui ordonner de produire un décompte expurgé des intérêts ;
– Condamner la SAS SOGEFINANCEMENT au paiement d’une indemnité de 1600 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– La condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 septembre 2022.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
I. Sur la recevabilité de l’action de la banque au regard des procédures de surendettement
Si les articles L 722-2 et L 733-16 du code de la consommation interdisent les procédures d’exécution à l’encontre des biens du débiteur pendant la procédure de surendettement et la durée d’exécution des mesures imposées ou recommandées par la commission, ils n’excluent pas pour autant le droit pour un créancier de faire reconnaître par une juridiction le bien-fondé de sa créance et le droit en conséquence de se faire établir un titre.
L’action en paiement de la SAS SOGEFINANCEMENT à l’encontre de M. [S] et Mme [P] est donc à ce titre recevable.
II. Sur la forclusion
L’article L 311-52 ancien du code de la consommation (devenu R 312-35), dans sa version applicable au litige, dispose que ‘les actions en paiement engagées devant le tribunal d’instance (aujourd’hui le tribunal judiciaire) à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :
– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;
– ou le premier incident de paiement non régularisé ;
– ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ;
– ou le dépassement, au sens du 11° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 311-47.
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 331-6 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L. 331-7 ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L. 331-7-1.’
L’adoption d’un plan conventionnel de redressement emporte le report du point de départ du délai de forclusion au premier incident de paiement non régularisé survenu après l’adoption de ce plan. En outre, lorsque deux plans de redressement se succèdent, il y a lieu de tenir compte du moratoire accordé par le second plan.
En l’espèce, les intimés ont bénéficié d’un premier réaménagement suivant avenant conclu avec la banque le 22 juillet 2015, à effet du 10 août 2015, puis d’un plan de remboursement entré en application le 31 décembre 2017 dans le cadre des mesures imposées par la commission de surendettement des particuliers de la Manche.
C’est donc à compter du premier incident de paiement non régularisé postérieur à ce second plan que le délai de forclusion a commencé à courir.
Le plan de surendettement prévoyait le remboursement de la créance de la SAS SOGEFINANCEMENT à hauteur de 24 335,08€ en 60 mensualités de 414,89€ à compter du 31 mars 2018.
L’action en paiement de la banque ayant été introduite par assignation du 10 décembre 2019, soit moins de deux ans après la mise en oeuvre des mesures imposées par la commission, n’est donc pas forclose et doit être déclarée recevable.
Le jugement est donc infirmé.
III. Sur la déchéance du terme
En l’espèce, la SAS SOGEFINANCEMENT justifie avoir adressé à M. [S] et Mme [P] une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 juillet 2019, les mettant en demeure de régler le montant impayé de 830,22€ dans le délai de 15 jours sous peine de déchéance du terme.
Il a été ainsi satisfait à l’exigence de mise en demeure préalable.
En outre, contrairement à ce qu’invoquent les intimés, la banque n’était pas tenue de leur notifier la déchéance du terme préalablement à sa demande en paiement présentée à ce titre par voie d’huissier de justice le 21 août 2019.
Par suite, la déchéance du terme dont se prévaut l’appelante est parfaitement régulière.
Ce moyen est rejeté.
IV. Sur la déchéance du droit aux intérêts
L’article L 311-8 ancien du code de la consommation (devenu L 312-14), dans sa version applicable au litige, dispose que le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l’article L. 311-6. Il attire l’attention de l’emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Ces informations sont données, le cas échéant, sur la base des préférences exprimées par l’emprunteur.
Les intimés reprochent à la SAS SOGEFINANCEMENT de ne pas les avoir informés de manière claire des conséquences du contrat souscrit permettant de considérer le prêt comme adapté à leur situation. Ils sollicitent l’application de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts.
Cependant, il résulte de la fiche d’informations précontractuelle (pièce n°3), de la fiche de dialogue (pièce n°20) et de la fiche de regroupement de crédits (pièce n°18), produites par la banque, que lors de la souscription du contrat, celle-ci a donné aux emprunteurs des explications sur :
– les caractéristiques essentielle du prêt proposé, en mentionnant notamment son montant, sa durée, son coût, le montant de la mensualité de remboursement, le taux d’intérêt et en précisant qu’il s’agissait d’un regroupement de crédits,
– l’adéquation du prêt à leurs besoins et leur situation financière, en détaillant leur budget mensuel (revenus et charges) et en indiquant le total mensuel des charges avant et après le regroupement de crédits,
– les conséquences de leur engagement, notamment en cas de défaillance, en rappelant en caractères gras la mention ‘un crédit vous engage et doit être remboursé’ ainsi que les sanctions applicables en cas d’impayés (intérêts de retard, clause pénale…).
La SAS SOGEFINANCEMENT a ainsi fourni les explications personnalisées permettant à M. [S] et Mme [P] de déterminer si l’opération était adaptée à leurs besoins et leur situation financière.
En conséquence, aucune déchéance du droit aux intérêts n’est encourue.
V. Sur le montant des sommes dues
Au vu des pièces justificatives versées aux débats (mise en demeure, tableau d’amortissement, décompte de créance du 21 juillet 2021), la créance de l’appelante s’établit comme suit :
– échéances échues impayées : 1244,67€
– capital restant dû au 22 août 2019 : 17 551,63€
– clause pénale (8% du capital restant dû) : 1503,70€
– intérêts de retard arrêtés au 21/07/2021 : 308,48€
– à déduire versements : – 1214,92€
– total : 19 393,56€
Il convient donc de condamner solidairement M. [S] et Mme [P] au paiement de cette somme avec intérêts de retard au taux contractuel de 7,66% sur la somme de 17 581,38€ (1244,67€ +17 551,63€ – 1214,92€) et au taux légal sur celle de 1503,7€ à compter du 22 juillet 2021.
VI. Sur les demandes accessoires
M. [S] et Mme [P] succombant, sont condamnés solidairement aux dépens de première instance et d’appel, à payer à la SAS SOGEFINANCEMENT la somme de 2000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et sont déboutés de leur demande formée à ce titre.
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont infirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,
INFIRME le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DECLARE la SAS SOGEFINANCEMENT non forclose en son action ;
DECLARE la SAS SOGEFINANCEMENT recevable en son action ;
DEBOUTE M. [S] et Mme [P] de leur demande de déchéance du droit aux intérêts ;
CONDAMNE solidairement M. [S] et Mme [P] à payer à la SAS SOGEFINANCEMENT la somme de 19 393,56€ avec intérêts de retard au taux contractuel de 7,66% sur la somme de 17 581,38€ et au taux légal sur celle de 1503,7€ à compter du 22 juillet 2021, au titre du prêt du 27 février 2015 ;
CONDAMNE solidairement M. [S] et Mme [P] à payer à la SAS SOGEFINANCEMENT la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE M. [S] et Mme [P] de leur demande formée à ce titre ;
CONDAMNE solidairement M. [S] et Mme [P] aux dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués en la cause qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY