15 décembre 2022
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/00299
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 15 DECEMBRE 2022
F N° RG 20/00299 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LNHN
[I] [H]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 33063/02/20/338 du 06/02/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
c/
[U] [M] [X]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 octobre 2019 par Juge aux affaires familiales de Bordeaux (cabinet , RG n° 18/04405) suivant déclaration d’appel du 16 janvier 2020
APPELANT :
[I] [H]
né le 06 Août 1980 à [Localité 4]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Jeanne VALENSI, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
[U] [M] [X]
née le 02 Janvier 1979 à [Localité 4] (Cameroun)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Laurianne BAL DIT SOLLIER, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du cpc, l’affaire a été débattue le 10 novembre 2022 hors la présence du public, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Danièle PUYDEBAT, Conseiller chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Président : Hélène MORNET
Conseiller : Isabelle DELAQUYS
Conseiller : Danielle PUYDEBAT
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Florence CHANVRIT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 al. 2 du code de procédure civile.
De l’union de M. [H] et de Mme [M] [X] est née [Y], le 22 décembre 2014 à [Localité 3].
Par jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d’Agen du 8 avril 2016, il a été constaté que les parents exerçaient conjointement l’autorité parentale sur l’enfant dont la résidence a été fixée au domicile de la mère. Un droit d’accueil a été organisé au profit du père selon des modalités dites classiques et sa part contributive à l’entretien et l’éducation de [Y] a été fixée à la somme de 550 euros par mois.
Par arrêt de la cour d’appel d’Agen du 1er mars 2018, la pension alimentaire a été réduite à la somme de 500 euros par mois et la charge des trajets pour l’exercice du droit d’accueil du père partagée entre les parents.
Par requête du 23 mai 2018, M. [H] a sollicité la réduction de la pension alimentaire à la somme de 150 euros par mois puis à l’audience, la suspension de son versement.
Par jugement en date du 23 octobre 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux a :
– déclaré recevable la requête,
– rejeté l’intégralité des demandes de M. [H],
– autorisé Mme [M] [X] à sortir du territoire national français avec l’enfant [Y] pour se rendre au Cameroun,
– rejeté la demande de dommages et intérêts,
– condamné M. [H] à payer à Mme [M] [X] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Procédure d’appel :
Par déclaration d’appel en date du 16 janvier 2020, M. [H] a formé appel du jugement de première instance en ce qu’il a rejeté ses demandes et l’a condamné sur le fondement de l’article 700 CPC.
Selon dernières conclusions en date du 21 octobre 2022, M. [H] demande à la cour de :
– le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes,
partant,
– réformer le jugement déféré,
en conséquence,
– débouter Mme [M] [X] de ses entières prétentions,
– fixer le montant de la pension due au titre de l’entretien et l’éducation de l’enfant à la somme de 100 euros par mois,
– condamner Mme [M] [X] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Selon dernières conclusions en date du 19 octobre 2022, Mme [M] [X] demande à la cour de :
A titre principal,
– déclarer irrecevable la requête de M. [H],
– condamner M. [H] à lui verser 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
A titre subsidiaire,
– débouter M. [H] de l’intégralité de ses demandes,
en tout état de cause,
– condamner M. [H] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [H] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2022.
SUR QUOI, LA COUR :
Sur la recevabilité de l’appel
L’intimée oppose l’autorité de la chose jugée liée à l’arrêt de la cour d’appel d’Agen du 1er mars 2018 et l’absence d’élément nouveau depuis cette date et notamment l’absence de modification de la situation professionnelle de l’appelant, qui n’était déjà plus joueur de rugby professionnel le 1er mars 2018, son contrat ayant été rompu en juin 2017 et sa baisse de revenus ayant ainsi nécessairement été prise en compte par cette cour.
Il résulte des pièces versées aux débats et des écritures des parties que le jugement rendu le 8 avril 2016 faisait état de la situation suivante pour M. [H] : joueur professionnel de rugby , perçoit à ce titre un revenu de 9 026 €/mois, rembourse un crédit mensuel de 1 407 € et règle une contribution alimentaire de 500 €/mois.
L’arrêt du 1er mars 2018 notait l’existence d’un contrat de travail du 3 juin 2016 faisant état d’un salaire mensuel brut de 6 000 € et d’un bulletin de paie de septembre 2016 faisant état d’une moyenne de 7 937, 80 € sur 9 mois.
M. [H] a déposé sa requête devant le juge aux affaires familiales de Bordeaux le 23 mai 2018. Mais il convient de rappeler que la cour d’appel d’Agen s’est placée à la date du jugement déféré pour statuer, soit en 2016.
Or M. [H] faisait valoir essentiellement que l’arrêt de sa carrière de sportif professionnel en juin 2017 avait indéniablement eu un impact sur ses revenus qui avaient diminué de manière significative, qu’ensuite, il avait été mis fin à son contrat dans un club de rugby amateur le 30 juin 2019 et qu’ il était, depuis, inscrit à Pôle Emploi avec des revenus dégressifs.
Compte tenu de l’évolution de la situation de l’appelant après 2016 et encore après 2018, la demande de M. [H] devant le juge aux affaires familiales était recevable et la décision doit ainsi être confirmée y compris en ce qu’elle a rejeté la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive de Mme [M] [X].
Sur le fond
Selon l’article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l’entretien de l’enfant à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur.
L’article 373-2-2 du code civil dispose qu’en cas de séparation des parents, cette contribution prend la forme d’une pension alimentaire versée par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié. Cette pension peut, en tout ou partie, prendre la forme d’une prise en charge directe des frais exposés au profit de l’enfant. Elle peut être en tout ou partie servie sous forme d’un droit d’usage et d’habitation.
Selon l’article 373-2-5 du code civil, le parent qui assume à titre principal la charge d’un enfant majeur qui ne peut lui-même subvenir à ses besoins peut demander à l’autre parent de lui verser une contribution à son entretien et à son éducation. Le juge peut décider ou les parents convenir que cette contribution sera versée en tout ou partie entre les mains de l’enfant.
Son montant mensuel est déterminé par référence, d’une part aux besoins de l’enfant, d’autre part à la situation financière de vie de chacun des parents.
Cette contribution peut être ajustée pour tenir compte de la prise en charge des frais de déplacement de l’enfant à l’occasion de l’exercice du droit de visite et d’hébergement.
Le montant de cette contribution peut être révisé en cas de modification dans la situation des parties ou des besoins de l’enfant. Il doit s’agir d’un changement notable et ne procédant pas d’un acte délibéré ou d’un comportement fautif.
La participation financière de chaque parent à l’éducation de ses enfants est une dépense prioritaire. Les parents ne peuvent échapper à leur obligation d’entretien qu’en démontrant qu’ils sont dans l’impossibilité matérielle de le faire.
Pour rejeter la demande de M. [H] visant à obtenir la suspension du versement de sa part contributive à l’entretien et l’éducation de son enfant, la décision déférée a essentiellement retenu le caractère insuffisamment probant de ses pièces alors qu’il ressortait des pièces adverses qu’il figurait sur plusieurs feuilles de match entre septembre 2017 et juin 2019, qu’il avait vraisemblablement entraîné des équipes (article de presse du 24 avril 2019) et qu’il avait été recruté en septembre 2019 par l’US Néracaise, jouant son premier match le 13 octobre de la même année.
La décision avait, quant à la situation de Mme [M] [X], retenu qu’elle percevait de Pôle emploi une allocation mensuelle de 1 316 € et qu’elle supportait un loyer mensuel de 638, 51 € ainsi que le remboursement d’un prêt personnel et d’un crédit à la consommation.
En l’espèce, la situation respective des parties au jour du jugement (23 octobre 2019) était la suivante :
L’Union sportive Marmandaise a mis fin au contrat de M. [H] le 30 juin 2019 (motif : fin de contrat à durée déterminée). Ce contrat a duré du 1er avril 2018 au 30 juin 2019 et il s’agissait d’un temps partiel avec un salaire mensuel cumulé de 10 755, 52 € (pièce 6).
A compter du 11 octobre 2019, M. [H] a été pris en charge par Pôle emploi à hauteur de 23, 82 €/jour avant prélévement à la source soit au maximum 714, 60 €/mois (pièce 7).
Il est entré en formation à l’ AFPA le 24 juin 2019 (technicien froid et climatisation) (pièce 8).
En 2019, il a déclaré un revenu de 34 667 € soit 2 889 €/mois (pièce 18) (88 072 € en 2016 (pièce 3), 41 748 € en 2018 (pièces 13 et 23)).
Il avait deux enfants jumeaux à charge nés le 23 avril 2016 de [B] [V].
Ses charges étaient les suivantes : crédit auprès du crédit agricole de 985, 59 €/mois jusqu’en janvier 2024 (pièce 11).
De son côté, Mme [M] [X] était prise en charge par Pôle emploi avec des allocations mensuelles de 1 316, 26 € (pièce 10).
Elle percevait en outre de la CAF une somme de 375, 15 € pour le logement, celle de 300, 11 € au titre des allocations familiales, 256, 85 € au titre du complément familial et 21, 46 euros de prime d’activité pour trois enfants pris en charge et une vie de couple avec M. [P] [R] (pièce 9).
Elle ne justifiait pas des revenus de son conjoint et ne communique pas son avis d’imposition sur les revenus 2019.
Pour charges, elle ne justifie pas de son loyer (attestation 2018 pièce 12, rien pour 2019, son montant de 638, 51 € n’apparaissant pas sur ses relevés de comptes pièces 13). Elle remboursait en revanche un crédit de 289, 27 €/mois.
Compte tenu de ces éléments et des besoins de l’enfant, il convient d’infirmer le jugement et de fixer la part contributive que le père devra verser à la mère pour l’entretien et l’éducation de leur enfant commun à la somme mensuelle de 270 euros à compter du 23 octobre 2019.
Depuis le jugement, la situation des parties a évolué comme suit :
M. [H] a signé un contrat de travail à durée déterminée pour surcroît d’activité le 6 juillet 2020, renouvelé le 30 octobre 2020 (pièce 16)
Il a déclaré en 2020 un revenu de 13 972 euros outre 6 720 euros de revenus fonciers nets (pièce 24).
Il a signé un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein le 1er juin 2021 (pièce 25).
Il a déclaré en 2021 un revenu de 19 401 € (pièce 34).
Enfin le 11 février 2022, il a signé un nouveau contrat de travail avec AXIMA Réfrigération dont il a retiré du 14 mars jusqu’en septembre un revenu de 12 891 euros soit 1 841 €/mois (pièces 32 et 33).
Il démontre qu’il joue en amateur dans le club de l’ US Nérac depuis le 1er novembre 2019 sans salaire (pièce 9).
Le 14 août 2020, M. [H] a été condamné au paiement d’une pension alimentaire mensuelle de 190 € pour l’entretien et l’éducation d’une autre enfant [F] née le 12 mars 2007 (pièces 27 et 28)
Il déclare qu’il ne vit plus avec la mère de ses jumeaux, tous trois repartis vivre en Amérique, et il ne fait état d’aucune participation à l’entretien de ces deux enfants.
De son côté, Mme [M] [X] a déclaré en 2020 un revenu de 15 566 € (pièce 20).
Elle continuait à percevoir de la CAF mensuellement des allocations logement à hauteur de 249 €, familiales à hauteur de 301 € et complément familial à hauteur de 257 € (pièce 14).
Elle ne communique aucune pièce relative à ses charges en 2020 et ne justifie pas de la situation de son compagnon.
Pour 2021, aucune pièce n’est versée aux débats.
Pour 2022, elle est toujours inscrite à Pôle Emploi (685 € en février) et ne justifie d’aucune recherche d’emploi alors qu’elle ne conteste pas disposer d’un diplôme d’aide soignante (pièce 19 A).
La CAF lui verse mensuellement une aide au logement de 421 €, des allocations familiales à hauteur de 367 euros et un complément familial de 257, 88 euros. Elle est désormais déclarée mère isolée de 3 enfants (pièce 19 B).
Elle justifie d’un loyer mensuel résiduel de 197, 84 € (pièce 19 C).
Elle a la charge de deux prêts (126 et 290 €/mois) (pièces 19 D) et ne justifie d’aucune charge spécifique pour l’enfant commun.
D’autre part, Mme [M] [X] ne démontre pas que l’appelant jouerait désormais en ‘championnat de pré-fédérale avec l’équipe de Villeneneuve sur Lot qui l’aurait recruté en 2021″, sa pièce 8 ne consistant pas, contrairement à ce qu’elle écrit en page 6 de ses conclusions, en un article de presse de 15 septembre 2021 mais à un jugement du 23 janvier 2015 et aucun article de presse à cette date n’est versé aux débats.
Compte tenu de ces éléments nouveaux, il convient de fixer la part contributive que le père devra verser à la mère pour l’entretien et l’éducation de leur enfant commun à la somme mensuelle de 190 euros à compter du présent arrêt.
L’équité commande que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles et supporte par moitié les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après rapport fait à l’audience, dans les limites de l’appel,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable la demande de M. [H] et rejeté la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive de Mme [M] [X] ;
INFIRME pour le surplus ;
Statuant de nouveau,
FIXE à compter du 23 octobre 2019 et jusqu’au présent arrêt la part contributive de M. [H] à l’entretien et l’éducation de [Y] à la somme mensuelle de 270 euros ;
Y ajoutant,
FIXE à compter du présent arrêt cette pension à la somme mensuelle de 190 euros ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
FAIT masse des dépens d’appel et condamne par moitié les parties à les supporter.
Signé par Hélène MORNET, Présidente de la chambre et par Florence CHANVRIT, Ajointe Administrative Principale faisant fonction de Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente