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14 juin 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
22/05839
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
————————–
ARRÊT DU : 14 JUIN 2023
PRUD’HOMMES
N° RG 22/05839 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-NBIN
Monsieur [X] [Z]
c/
S.A.R.L. EKSTREMSIDE
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 08 décembre 2022 (R.G. n°F22/03065) par le Conseil de Prud’hommes – Formation Référé de BORDEAUX, suivant déclaration d’appel du 21 décembre 2022,
APPELANT :
Monsieur [X] [Z]
né le 17 Avril 1984 à [Localité 3] de nationalité Française demeurant [Adresse 2]/ FRANCE
représenté et assisté de Me Anne-Clothilde VERBREUGH, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A.R.L. EKSTREMSIDE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1] / FRANCE
N° SIRET : 484 146 121
représentée et assistée de Me Juliette GAILLARD substituant Me Marie-Valérie FERRO, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 avril 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, présidente chargée d’instruire l’affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [X] [Z], né en 1984, a été engagé en qualité de chauffeur/coursier par la SARL Ekstremside, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 janvier 2011.
Le 28 mars 2017, M. [Z] a été victime d’un accident du travail.
Du 28 mars 2017 au 13 mai 2019, le salarié a été placé en arrêt de travail.
Suite à la médicale en date du 13 mai 2019, M. [Z] a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail.
Par lettres datées des 11 juin et 5 juillet 2019, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 12 juillet 2019.
Le 18 juin 2019, M. [Z] a été informé de l’impossibilité pour son employeur de procéder à son reclassement.
M. [Z] a ensuite été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre datée du 18 juillet 2019.
Le 2 août 2019, M. [Z] a été convoqué par son employeur pour la remise des documents de fin de contrat.
Soutenant que son employeur ne lui a pas versé les sommes correspondant à son reçu pour solde de tout compte, M. [Z] a fait appel à un défenseur syndical afin de rédiger une mise en demeure à la société de régler les sommes qu’il estimait dues.
Demandant le versement de rappels de salaires, d’ indemnités et du solde de tout compte, ainsi que la délivrance de bulletins de paye, M. [Z] a saisi le 18 juillet 2022 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par ordonnance de référé rendue le 8 décembre 2022 :
– s’est déclaré compétent,
– a ordonné à la société Ekstremside de payer à M. [Z] les sommes suivantes :
* 878,42 euros bruts au titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 18 juillet 2019,
* 87,42 euros bruts au titre des congés payés afférent,
* 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– a ordonné à la société Ekstremside de remettre à M. [Z] un bulletin de paie reprenant les sommes de la présente décision,
– a débouté M. [Z] du surplus de ses demandes,
– a rappelé que l’ordonnance de référé est de droit exécutoire à titre provisoire,
– a condamné la société Ekstremside aux dépens de l’instance et frais éventuels d’exécution.
Par déclaration du 21 décembre 2022, M. [Z] a relevé appel de cette décision, notifiée le 8 décembre 2022.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 mars 2023, M. [Z] demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance du conseil de prud’hommes de Bordeaux du 8 décembre 2022 en ce qu’elle a :
* limité la condamnation de la société Ekstremside au titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 18 juillet 2019 à la somme de 878,42 euros bruts,
* limité la condamnation de la société Ekstremside au titre des congés payés afférents à la somme de 87,42 euros bruts,
* débouté M. [Z] du surplus de ses demandes, à savoir les demandes
suivantes :
.condamner la société Ekstremside à payer à M. [Z] les sommes suivantes :
-2.236,98 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la non versé,
.ordonner la remise des bulletins de paie de M. [Z] de septembre 2017 à juin 2019, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,
.ordonner la remise du bulletin de paie rectifié de M. [Z] de juillet 2019, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,
.assortir les sommes de condamnation des intérêts de retard à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
– capitaliser les intérêts,
Et statuant à nouveau,
– dire bien fondées les demandes formulées par M. [Z],
En conséquence,
– condamner la société Ekstremside à lui payer les sommes suivantes :
* 2.236,98 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 13 juin 2019 au 18 juillet 2019,
* 223,69 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 12.809,61 euros nets au titre du reçu pour solde de tout compte non versé,
– ordonner la remise des bulletins de paie de M. [Z] de septembre 2017 à juin 2019, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,
– ordonner la remise du bulletin de paie rectifié de M. [Z] de juillet 2019, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,
– dire que la cour se réserve la compétence pour prononcer la liquidation de l’astreinte susdite,
– condamner la société Ekstremside à payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,
– la débouter de sa demande de condamnation de M. [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
– la condamner aux dépens, en ce compris les éventuels frais d’exécution,
– assortir les sommes de condamnation des intérêts de retard à compter de la saisine du conseil de prud hommes,
– capitaliser les intérêts.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 février 2023, la société Ekstremside demande à la cour de’:
– déclarer mal fondé l’appel de M. [Z] à l’encontre de la décision rendue par le conseil de prud’hommes le 8 décembre 2023,
Par conséquent,
– confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,
– débouter M. [Z] de toutes ses demandes,
– le condamner à verser 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Le 9 janvier 2023, le président de chambre a rendu une ordonnance et avis de fixation de l’affaire à bref délai avec clôture, fixant l’affaire à l’audience du 25 avril 2023, et ordonnant la clôture de la procédure à la date du 11 avril 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.
MOTIFS
M. [Z] ajoute que l’employeur aurait dû reprendre le paiement de son salaire à l’issue du délai d’un mois à compter de la date de l’avis d’inaptitude et lui verser tant l’ indemnité spéciale de licenciement que l’ indemnité de préavis prévues par l’ article L.1226-14 du code du travail.
Il estime que ses demandes en paiement des salaires du 14 juin au 18 juillet 2019 ne sont pas prescrites parce qu’ayant été formulées dans le délai de trois ans suivant le licenciement et qu’en tout état de cause, une reconnaissance de dette a interrompu la prescription.
La société intimée répond que la demande de paiement des salaires du mois de juin 2019 et du 1er juillet au 18 juillet 2019 est prescrite, M. [Z] n’ayant saisi le conseil des prud’hommes que le 18 juillet 2022.
Elle ajoute que les demandes de paiement de l’ indemnité de licenciement et de l’ indemnité de préavis, qui sont de nature indemnitaire, sont aussi prescrites comme n’ayant pas été formulées dans le délai de douze mois s’appliquant aux actions en contestation de la rupture du contrat de travail soit à compter de la date de celle-ci, peu important que la lettre de la société du 13 août 2019.
S’agissant de la délivrance des bulletins de paye, la société oppose que ceux -ci ont été délivrés et qu’en tout état de cause, cette demande est prescrite dès lors qu’elle a été formulée après l’issue du délai de deux ans applicable aux actions relatives à l’exécution du contrat de travail.
la demande en paiement des salaires
La durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance, ici salariale.
Aux termes de l’ article L.3245-1 du code du travail, l’action en paiement du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Si l’action est recevable, la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour, où, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat de travail.
Il est constant M. [Z] a saisi le conseil des prud’hommes le 18 juillet 2022. Le bulletin de paye du mois de juillet 2019 suite à la rupture du contrat de travail pour inaptitude du salarié, a été établi le 18 juillet 2019, date du solde de tout compte et du certificat de travail. À cette date, M. [Z] connaissait ou aurait dû connaître ses droits.
La computation des délais de prescription ne relève pas des règles posées par les articles 641 et 642 du code civil mais des articles 2228 et 2229 du dit code. En application de ceux- ci, le délai de prescription était acquis le 17 juillet 2022 à 24 heures.
M. [Z] fait état d’une reconnaissance de dette de l’employeur. Pour être interruptive de prescription, cette reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, ne doit pas être équivoque.
Par lettre datée du 13 août 2019, dont, ni la date ni la signature de l’employeur ne sont contestées, ce dernier a indiqué :
– avoir reçu le 8 août précédent, une mise en demeure du conseiller du salarié d’avoir à payer la somme de 15 769, 77 euros,
– faire un virement de 2 960, 61 euros.
Il n’y pas de sa part, reconnaissance explicite du droit du salarié dès lors que le rédacteur précise que le calcul des sommes dues n’est pas de son domaine et qu’il attend le retour de son cabinet comptable.
Cette lettre n’a pas interrompu le délai de prescription de l’action en paiement des salaires. Cette demande est prescrite.
la demande de paiement des indemnités
Aux termes de l’article L.1226-14 du code du travail, le salarié licencié pour inaptitude professionnelle consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle perçoit une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’ article L.1234-9 du code du travail.
Cette rupture du contrat de travail ouvre aussi droit au paiement d’une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’ article L.1234-5.
Aux termes de l’article L.1471-1 § 2, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la rupture.
Tant l’indemnité spéciale de licenciement que l’indemnité compensatrice prévues par l’ article L.1226-14 du code du travail ont une nature indemnitaire et non salariale. La demande de paiement de ces deux indemnités est prescrite
pour avoir été initiée plus de douze mois après la rupture, peu important la lettre de l’ employeur du 13 août 2019.
le solde de tout compte
M. [Z] demande paiement d’une somme de 12 809,61 euros au titre du solde de tout compte.
Le solde de tout compte et le bulletin de paye délivré pour la période du 1er au 18 juillet 2019 mentionnent le salaire pour cette période, l’ indemnité de préavis, l’indemnité compensatrice de congés payés et l’ indemnité de licenciement pour un montant total de 15 769,77 euros.
Ces documents ont été délivrés à la date du 18 juillet 2019 et M. [Z] a saisi le conseil des prud’hommes le 18 juillet 2022. Il a été retenu supra que les demandes relatives aux salaires et aux indemnités de rupture étaient prescrites
La demande portant sur l’indemnité de congés payés est aussi prescrite pour avoir été formulée après l’issue du délai de prescription, peu important l’écrit de l’employeur du 13 août 2019.
la délivrance des bulletins de paye
M. [Z] fait valoir qu’aucun bulletin de paye ne lui a été délivré à l’exception de celui du mois de juillet 2019.
La société oppose un délai de prescription de deux ans après la rupture du contrat de travail.
La délivrance des bulletins de paye est une obligation de l’ employeur en cours d’exécution du contrat de travail.
Aux termes de l’article L.1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce ou a connu les faits lui permettant d’exercer ses droits.
M. [Z] a formulé cette demande le 18 juillet 2022 soit plus de deux ans après leur date d’exigibilité connue de lui.
Cette demande est aussi prescrite.
Vu l’équité, aucune somme ne sera due au titre des frais irrépétibles.
Partie perdante, M. [Z] supportera les entiers dépens des procédures de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
la cour,
Infirme l’ordonnance du conseil des prud’hommes de Bordeaux du 8 décembre 2022 en ce qu’il a condamné la société Ekstremside au paiement des sommes de :
– 878,42 euros et 87,42 euros à titre de salaires pour la période du 1er au 18 juillet 2019,
– 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit prescrites toutes les demandes,
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [Z] aux dépens de première instance et d’appel.
Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard